Les autres fanatiques

C’est compliqué la haine. Elle s’exprime en violence ou en dérision. Elle n’est pas l’inverse de l’amour, elle est l’inverse du respect et à la fin elle se retourne toujours contre soi. Brasillach et Charlie Hebdo n’ont jamais tué personne mais ils ne respectaient pas ceux qu’ils voyaient en adversaires. Leurs exécutions sont indéfendables mais elles sont pourtant toujours défendues par ceux que leurs plumes ont traumatisés. Ne serait-ce pas manquer de hauteur de vue que de condamner d’un côté et d’approuver de l’autre ? Tous les fanatismes sont dangereux.

Fanum en latin c’est le temple et fanaticus est le serviteur du temple quand le profane reste à l’extérieur. Aujourd’hui le fanatique se barricade dans son idéologie, refuse d’en discuter, refuse même d’envisager de se tromper. Ce fut longtemps le cas des communistes qui ne pouvaient supporter de s’être trompés pendant toute leur vie. Dans l’Histoire récente ce fut évidemment le cas des nazis et de Brasillach, et un très bel exemple de fanatisme est la phrase de Churchill aux Communes, « La démocratie est le pire des systèmes à l’exclusion de tous les autres ». Il y a dans cette phrase l’affirmation d’un dogme que l’on sait ne pas être capable de défendre mais dont on refuse la remise en question. Ce sont les idéologies qui créent les fanatiques et défendre une idéologie en condamnant le fanatisme rend pour le moins perplexe. Le fanatisme à la kalachnikov génère beaucoup d’émotion. Il n’est évidemment pas défendable mais il est vite écrasé dans l’œuf en donnant à d’autres fanatismes, d’autres idéologies l’occasion de crier victoire, même en silence. Je suis personnellement plus inquiet d’un autre fanatisme tout aussi méprisant et qui ne tue pas les individus mais les peuples. Pas physiquement bien sûr mais culturellement. Ces fanatiques s’appellent actuellement Hollande, Sarkozy, Bayrou, Juppé, Cohn-Bendit, Attali ou Valls. Ils ont comme journaux Le Figaro, Le Monde, Les Echos et Libération. Ils se regroupent pour mieux résister aux assauts du bon sens.

Le 4 janvier Libération reprenait une étude que Le Point faisait sur Alain Juppé :

Juppé «réfléchit» déjà «évidemment» à ce qu’il ferait. Par exemple, énonce-t-il, «il faudra peut-être songer un jour à couper les deux bouts de l’omelette pour que les gens raisonnables gouvernent ensemble et laissent de côté les deux extrêmes, de droite comme de gauche, qui n’ont rien compris au monde». Le président du Modem, François Bayrou, fan de Juppé, ou Manuel Valls disent la même chose.

Il ne faut en effet pas oublier que les fanatiques ont toujours tout compris au monde. Ils sont les seuls raisonnables et ceux qui n’ont pas la même compréhension qu’eux sont des populistes et des extrémistes qui n’ont accès à la liberté d’expression que lorsque l’on peut retourner contre eux ce qu’ils disent.

Il serait raisonnable d’après eux de croire que le PIB est une richesse annuelle créée pour se la partager ? Il serait raisonnable de dire que la seule façon de lutter contre le chômage c’est que la croissance dépasse 1,5% ou 2% suivant la puérile «loi d’Okun»? Si c’était raisonnable il serait inutile de vouloir aller chercher la croissance avec les dents. Il suffirait d’embaucher des fonctionnaires pour faire du « PIB non marchand » et d’envoyer des pétroliers mazouter nos côtes pour faire du « PIB marchand » avec le nettoyage des plages. D’après ces fanatiques il serait raisonnable de croire s’enrichir chaque fois que nous dépensons de l’argent, quelle qu’en soit la raison et que cet argent ait été gagné ou emprunté. Pour eux dépenser de l’argent c’est créer de la richesse. Ils sont unanimes à ne pas oser dire au peuple qu’il faudrait envisager de se remettre au travail. Dans leur aveuglement ils ont raison. C’est en s’unissant tous qu’ils résisteront le moins mal à la réalité des faits.

Il serait raisonnable d’après eux de garder nos enfants presque le tiers de leur vie entre quatre murs pour marier leur désirs enfantins de liberté et de « vie étudiante » au désir cynique de les formater en complices du système s’ils n’ont pas la force de se rebeller. Il serait raisonnable de voir sortir du moule à 25 ans des garçons et des filles convaincus que le PIB est une richesse créée annuellement qui permet la réalisation de tous leurs rêves. Il serait raisonnable de voir sans en être dérangé la douleur de leur réveil quand ils s’aperçoivent qu’avoir accumulé des connaissances ne les a absolument pas préparés à la vie. Il serait raisonnable de tout mettre sur le dos de la crise. On dirait vraiment qu’ils n’ont pas compris que l’expérience est au moins aussi importante que la connaissance et que le discernement est bancal sans elle. Dans leur aveuglement ils ont raison. C’est en s’unissant tous qu’ils résisteront le moins mal à la réalité des faits.

Il serait raisonnable d’après eux d’appeler démocratie l’avis majoritaire de la foule en refusant de s’intéresser à la liberté et à la compétence des votants de même qu’à l’intérêt réel qu’ils portent au sujet traité. Il serait raisonnable de se voter des lois de financement des partis politiques pour ne plus subtiliser l’argent indispensable à l’achat de l’affect du peuple afin qu’il choisisse le bon bulletin le jour J. Là ils ont vraiment compris qu’il fallait être riche pour être élu et dans leur clairvoyance ils ont raison. C’est en s’unissant tous qu’ils résisteront le mieux à la réalité des faits et qu’ils pourront acheter avec l’argent du peuple, leur propre tranquillité pendant quelques années en mariant parole et illusion.

Alain Juppé a raison. Il y a une omelette dont les bouts sont différents et il n’est pas le premier à prendre cette image. Ils ont raison de vouloir se regrouper dans leur combat perdu d’avance comme les Jedi dans L’attaque des clones. Ils ne ressentent même plus le ridicule de leur appel désespéré à la croissance divine qui n’arrivera malheureusement pas aussi facilement que Yoda et son armée de clones dans Starwars.

Nous sommes tous complices de cet abandon de notre pays aux fanatiques. Séparons en effet dans l’omelette les fanatiques et les profanes, le gros ventre mou crépusculaire et les extrémités balbutiantes.

Un bout de l’omelette veut faire payer les riches, ceux qui se sont scandaleusement enrichis au détriment des entreprises et des Etats qu’ils étaient supposés servir. Ils ont évidemment raison mais si c’est nécessaire, ce n’est clairement pas suffisant.

L’autre bout de l’omelette veut limiter le problème à son rayon d’action, à la nation, à sa capacité à agir et c’est évidemment le bon sens. Mais ce n’est pas seulement en fermant la fenêtre que l’on soigne un malade.

Il y a beaucoup à dire sur les deux bouts de l’omelette mais c’est là où le vrai raisonnable cherche à naitre, en rejetant le fanatisme incroyablement dangereux de tous ceux qui s’autoproclament raisonnables en entrainant leur peuple au désastre et en le formatant par simple intérêt personnel.

Demain, dimanche 11 janvier 2015, manifestons notre rejet de la haine et de tous les fanatismes. Et ayons de l’empathie pour tous les fanatiques en espérant leur résilience.

Vœux 2015

2015 sera l’année de deux votes et si nous nous souvenons que vote vient de votum le vœu et non de vox la voix, il est temps de faire un vrai vœu, une promesse faite aux dieux selon son étymologie. Laissons aux souhaits, la gentillesse de voir chacun riche, bien portant et heureux, et envisageons d’y travailler un peu.

Je promets donc aux dieux de tout faire pour réveiller mes contemporains et les aider à se sortir du tissage de l’illusion et de la parole, étoffe qui nous sert de chrysalide et nous fait croire que nous ne sommes pas chenilles puisque nous nous rêvons papillons. C’est évidemment complexe puisque tout est fait pour fausser nos analyses et pour que nous nous croyions riches, bien portants et heureux. Décortiquer l’esbroufe est la première difficulté à surmonter pour ne pas sombrer dans les fausses solutions qui abondent et nous dispersent.

Toute étoffe a une chaîne et une trame qui se tissent pour durer. Notre folie n’y échappe pas.

Quatre illusions constituent la chaîne de ce tissu maléfique :

La première est de croire que nous avons trouvé, après l’échec de toutes les civilisations et de tous les siècles antérieurs, comment créer de la richesse : il suffit d’attendre la croissance qui augmentera le PIB qui n’est plus la somme de toutes les dépenses, sottes ou intelligentes, mais la création annuelle de richesses à nous partager équitablement. Nous avons enfin trouvé l’accès à la propriété en niant à juste titre qu’elle est le vol mais en oubliant qu’elle n’est qu’un prêt du groupe qui peut tout récupérer par ses lois de confiscation. Cette première illusion fait passer l’individu avant le groupe, ce qui est l’inverse de toute civilisation.

La deuxième illusion est de croire que la monnaie est une marchandise ou un signe en oubliant qu’elle est stockage d’énergie humaine et qu’elle ne peut croitre en quantité que par l’augmentation d’énergie humaine efficace, procréation fructueuse ou travail reconnu utile par le groupe. Créée sans cela, elle s’autodétruit par la hausse des prix et la dévaluation. Cette deuxième illusion accompagne la première comme le chat accompagne le renard pour emmener les Pinocchios que nous sommes vers l’île des plaisirs.

La troisième illusion est de croire que des années passées dans l’instruction publique à répéter à des professeurs, ce qu’ils ont envie d’entendre, donnent par diplômes interposés, des raisons d’être et une reconnaissance par le groupe. Cette troisième illusion déstabilise complètement l’individu et l’oblige, pour survivre, à devenir complice ou rebelle.

La quatrième illusion est de croire que la majorité de la foule a toujours raison et qu’il est inutile de vérifier la compétence, la liberté et l’engagement de ceux qui s’expriment pour les prendre au sérieux. Les foules ne font pas que des lynchages et des pogroms. Elles font aussi des démocraties représentatives qui ont dépensé ce qu’il fallait pour s’acheter une image de sérieux et qui fabriquent des protecteurs du système. Le rôle de ces derniers est important car, au lieu de privilégier le bon sens, et pour des raisons à étudier de près, ils s’en éloignent en multipliant les normes et les lois, tristes étais d’un système sans avenir. Cette quatrième illusion nous fait croire que nous sommes sur le bon chemin.

Mais la chaîne de l’illusion ne ferait pas un tissu solide si elle n’était tramée par la parole qui arrive à tout faire croire par une logorrhée généralisée et une technique très aboutie.

La parole dans l’action est confiée aux Politiques. Comme rien de ce qu’ils proposent ne fonctionne et qu’ils n’envisagent pas de s’être trompés, ils rivalisent de mots qui ne sont que fuite en avant vers l’européanisme et le mondialisme avec les notions de gouvernances européenne et mondiale et un syncrétisme absurde qui prend çà et là sur la Terre, des bouts d’expériences toujours isolés de leur contexte. De tous temps les pensées médiocres ont cru pouvoir s’imposer par l’universalisme et la suppression des autres pensées. De tous temps cela a abouti à des totalitarismes désastreux car les peuples filtrent tout à l’aune du bon sens.

La parole dans l’échange est confiée aux médias qui surfent sur le superficiel en ne faisant plus d’analyses de fond. Ils éloignent les profanes du temple de leurs certitudes en veillant à la purification des messages diffusés. Ils doivent être inodores, incolores et sans saveur sauf s’ils sont porteurs d’émotions. Les médias séduisent et diffusent un bonheur artificiel et des émotions dirigées. Ils réinventent l’hypnose sous une forme nouvelle assez efficace.

La parole dans la réflexion est confiée, ou plus exactement donnée, à des experts cooptés entre eux. Les Politiques et les médias les ont érigés en penseurs. On ne voit qu’eux à la télévision. Ils se disent à la fois économistes, politologues, essayistes et professeurs. Ils annoncent péremptoirement le futur en n’expliquant jamais pourquoi ils se sont toujours trompés. Inutile de les citer tellement leurs noms tombent naturellement comme des fruits mûrs. Ils ont compris que pour exister, il fallait être proche des Politiques et des médias, ce qui était beaucoup plus important que d’avoir quelque chose à dire.

Ce tissu bien construit par le hasard et la nécessité, est en nous et autour de nous. Tous les grands illusionnistes savent que tout passe lorsque la parole habille l’illusion. Les auditoires sont subjugués et on leur fait tout avaler. C’est la société de l’apparence. C’est la société que nous envisageons, toute honte bue, de laisser à nos enfants.

Puissent les dieux nous aider à sortir par nous-mêmes de cette société de l’apparence que l’on nous a appris à tant aimer ! Le premier acte est d’affiner l’analyse en ouvrant un vrai débat.

Bonne année 2015

La vraie création de richesse

Il n’y a de richesse que d’hommes disait Jean Bodin au XVIème siècle. La richesse n’étant que le mariage du beau et du bien, vus par le groupe, la richesse n’est vraie que pour le groupe et ne pourrait être vraie pour la Terre entière que si notre culture, notre notion du beau, du bien et du vrai, était imposée à l’ensemble de la Terre, ce qui serait certes un manque d’humilité mais surtout un manque d’intelligence. Toutes les idéologies se sont fracassées et disloquées à se croire universelles et le capitalisme est en train de vivre son crépuscule après tant d’autres pour cette même raison. Chacun devrait travailler le mythe biblique de la construction de la tour de Babel qui voulait transpercer le ciel et qui a amené Dieu à lui donner un coup d’arrêt et à créer des cultures différentes.

Pour définir la richesse il faut d’abord avoir un groupe qui la définit et sans groupe cohérent, il n’y a pas de définition cohérente de la richesse. Or le drame du XXIème siècle est l’absence de groupe cohérent venant après le drame du XXème siècle qui était l’absence de spiritualité. C’est pourquoi il faut à la base en revenir à un groupe suffisamment grand pour avoir une monnaie et suffisamment petit pour que le bon sens puisse rester un filtre efficace.

Il faut bien voir pourquoi ce groupe est une absolue nécessité. Il est nécessaire parce que c’est son regard qui va définir la richesse et c’est son gouvernement qui va instiller de la monnaie au fur et à mesure que le groupe croira voir sa richesse augmenter.

Cette augmentation de richesse est double. Elle se fait par la procréation et par le travail.

La procréation est une création de richesse et une société quelle qu’elle soit s’enrichit en faisant des enfants. Mais la richesse n’étant qu’un regard, il peut y avoir des exceptions comme cela a été le cas en Chine de 1979 à 2014. Même aujourd’hui en Chine, si 2 enfants sont tolérés, ce qui est la définition des encombrants, le 3ème enfant est toujours un déchet et un délit pour les parents. Ils ne sont en aucun cas considérés comme des richesses. Mais en règle générale, hors la Chine, les enfants sont une richesse, plus de 2 enfants par couple, un enrichissement du groupe, moins de deux enfants par couple, un appauvrissement du groupe. Si nous sommes dans le cas général où l’arrivée d’enfants est une richesse reconnue par le groupe, le gouvernement introduit dans la masse monétaire l’argent nécessaire à son éducation sans pour autant l’exagérer. Cette introduction est de la bonne inflation si nous redonnons à l’inflation son vrai sens de quantité de monnaie qui enfle, qui croit.

L’augmentation de richesse par le travail est plus délicate car elle se fait par une adéquation fine entre le groupe, son gouvernement et sa monnaie, justement ce qui manque tant aujourd’hui.

Le groupe donne son regard sur un objet fabriqué ou sur un service rendu, et ce regard définit s’il s’agit pour ce groupe d’une richesse, d’un encombrement ou d’un déchet.

Si le groupe et son gouvernement pensent que le bien ou le service créé est un déchet ou un encombrement, le gouvernement s‘interroge sur les raisons du désir de celui qui s’est appauvri pour posséder ce bien ou ce service. Si seule la publicité a fait croire à une richesse et si l’on est dans l’apparence et non dans la réalité, le gouvernement laisse généralement l’acheteur vivre les conséquences de sa liberté de choix mais il peut aussi le protéger de la tromperie en usant d’un de ses pouvoirs régaliens (police, justice ou finance).

Les entreprises distribuent aux salariés, aux actionnaires et à la collectivité, la richesse en monnaie que leurs clients sont venus abandonner pour satisfaire leur désir et pour s’enrichir en nature du bien ou du service que l’entreprise vend après l’avoir imaginé et/ou fabriqué. Mais la richesse en nature créée par l’entreprise est immédiatement consommée par le client s’il s’agit d’un service et dans ce cas elle n’existe plus. En revanche s’il s’agit d’un bien matériel et que le groupe et son gouvernement pensent que ce bien est une richesse, le gouvernement introduit dans la masse monétaire la valeur de la richesse créée car il y a enrichissement du groupe.

Le gouvernement devrait constater l’enrichissement du groupe par l’enrichissement de l’entrepreneur en lui versant individuellement mais sans exagérer ce qui a enrichi collectivement le groupe. Cet enrichissement de l’entrepreneur producteur de biens devrait être similaire quelle que soit la taille de son entreprise, du petit artisan aux entreprises du CAC 40. Cette introduction de monnaie est encore de la bonne inflation si nous reprenons toujours son vrai sens de quantité de monnaie qui enfle.

On voit clairement que la vraie création de richesse est à la fois très subjective car dépendant du regard du groupe et particulièrement lente et aléatoire car dépendant du travail et des salles de travail. Il faut aussi réaliser que la mort appauvrit le groupe comme la naissance l’enrichit et qu’une richesse à sa création peut rapidement devenir un encombrement ou un déchet et qu’une richesse n’est éternelle que si elle ne s’abime ni ne s’oxyde. L’évaluation de la création de richesse amputée de la destruction de richesse est très délicate et elle est confiée au gouvernement qui bat monnaie.

S’il insère trop de monnaie, la monnaie se dépréciera automatiquement par la dévaluation pour ceux qui épargnent et par la hausse des prix pour ceux qui consomment. Si l’évaluation que fait le gouvernement de l’augmentation de richesse est trop faible et s’il n’insère pas assez de monnaie, la fluidité des échanges deviendra visqueuse et l’activité du groupe se ralentira.

Un bon gouvernement, maître de sa monnaie, doit ne faire que de la bonne inflation. Il introduit toujours ce qu’il faut de monnaie pour que les échanges restent fluides tout en veillant à ce qu’une mauvaise inflation ne se traduise pas par de la dévaluation et de la hausse des prix. Inutile d’énumérer les raisons qui font que nous en sommes si loin !

La difficulté aujourd’hui est que le groupe est un agrégat de groupes contradictoires qui n’ont pas le même regard.

La grande majorité des Politiques, les médias, les banques, les publicistes et les multinationales forment un groupe européaniste et mondialiste. Ce groupe se moque de l’origine de la monnaie et de son sens profond. Il est composé de gens sans vision qui se payent très bien pour ne tenir que par une fuite en avant de plus en plus vertigineuse. Ils laissent se développer grâce à l’emprunt une croissance irresponsable de la richesse de l’électeur qui ne correspond absolument pas à la croissance de la richesse du groupe et qui est compensée par les appauvrissements cachés des entreprises et des Etats. Ces derniers cherchent à se refiler la patate chaude et à se renflouer désespérément, qui sur le contribuable, qui sur le client.

Ils ont tous besoin de justifier l’automatisation de tout, inventée par le XXème siècle et qui confond les richesses créées au départ avec les encombrants et les déchets que la production obligatoire génère ensuite. Ce groupe appauvrit tout le monde en dépensant des sommes folles en publicité pour tout transformer en impressions de richesses et pour trouver chaque jour de nouvelles victimes et pour surtout ne pas les protéger. Ce groupe prépare, totalement inconsciemment pour la plupart de ses membres, la mondialisation de notre regard européen, une nouvelle tour de Babel, la désertification de la Terre, et la guerre entre les humains de plus en plus nombreux qui auront les mêmes désirs sur une planète incapable de les satisfaire tous.

Les peuples qui sont au contact de la réalité, ont gardé eux, du bon sens et forment des groupes bien différents. Ils changent leurs dirigeants à chaque élection, voient que cela ne change rien, se replient sur leurs familles, sur leurs amis et souvent sur la corruption. Ils sont écartelés entre leur côté électeur qui se réjouit de vivre mieux que leurs grands-parents et leurs côtés contribuables et consommateurs qui n’arrêtent pas de voir tout grimper. Chacun voit bien qu’à part leur avenir personnel, les puissants n’ont aucune vision d’avenir et qu’il faut s’attendre au pire.

Le divorce entre les peuples et leurs dirigeants donne malheureusement un pouvoir médiatique important aux gourous des dirigeants, les Attali, BHL, Minc ou autres Reynié qui ont investi tous les espaces politiques pour ne plus être dérangés par des changements apparents qui ne changent plus rien sur l’autoroute commun vers le désastre.

C’est aux peuples à s’intéresser sérieusement à l’avenir de leurs enfants en commençant par comprendre ce qui se passe.

Liberté Egalité Fraternité

Ce titre était celui de l’émission de Frédéric Taddeï sur France 3 le vendredi 10 octobre. L’émission a montré une fois de plus la superbe de Jacques Attali qui ressuscite à chacune de ses apparitions l’annotation du professeur de philosophie « suffisant et insuffisant » tellement il réduit tout à la liberté individuelle d’entreprendre et à la satisfaction de lui-même. Mais l’émission a aussi montré le bon sens d’Eric Zemmour qui en dérange plus d’un par ses affirmations de vérités simples. Pourtant le sujet n’a pas été traité et Frédéric Taddeï a même osé dire, sans se faire contredire, que la solidarité était la nouvelle formulation de la fraternité. C’est dommage car notre devise nationale est un sujet passionnant qui méritait mieux.

La troisième république a repris à la révolution française la devise « Liberté, Egalité, Fraternité ou la mort » en tentant de la désacraliser par la suppression de la mort. Notre devise reste pourtant stupéfiante d’intelligence mais aussi de fragilité.

Elle est intelligente parce que la vraie liberté se gagne en atteignant l’état de n’être l’esclave que de ses propres choix. C’est un long travail que d’apprendre à choisir en assumant ses choix avec toutes leurs conséquences.

Elle est intelligente parce que la vraie égalité passe par la reconnaissance que nous avons besoin des autres comme les autres ont besoin de nous. L’égalité nous force à prendre le risque de l’autre. Elle est interdépendance, échange des êtres, reconnaissance de l’autre et acceptation de soi.

Elle est intelligente parce que la fraternité nécessite un père commun, une verticale commune, un sacré qui soit à la fois commun et reconnu par le groupe comme par les individus. Ce sacré est le symbole mystérieux de ce qui est plus puissant que nous, dans son bon et dans son mauvais côté.

Mais la devise de la France est fragile car l’égalité peut facilement se décomposer en identité, la fraternité en solidarité et la liberté en individualisme.

Aujourd’hui le groupe s’étant, au moins provisoirement, totalement effondré dans les faits, égalité et fraternité qui sont des notions de groupe, se sont effectivement désagrégées en identité et en solidarité par manque d’admiration, voire même de respect de l’autre et par absence de sacré qui soit mobilisateur.

On peut être solidaire d’un bloc de béton mais on ne peut pas lui être fraternel. Il n’y a de fraternité qu’en soumission commune à un sacré et la solidarité, si à la mode aujourd’hui, n’est qu’un refus vaniteux du sacré et de la fraternité considérée officiellement comme ringarde ou utopique et au fond comme trop exigeante.

L’égalité est sans doute la partie la plus difficile de notre devise car elle suppose de prendre le risque de l’autre en acceptant de dépendre de lui et en assumant qu’il dépende de nous. Dans toutes les civilisations les tâches sont réparties mais l’échec de la vraie égalité a fait apparaitre l’identité, le tout le monde pareil, que l’on a honteusement continué à appeler égalité. Notre société aurait pu remettre intelligemment en cause le fait que l’homme soit l’unique représentant de l’avis de la famille lors des votes ou lors des décisions importantes prises exclusivement par les hommes alors que les femmes pouvaient tout aussi bien exprimer cette décision commune. Mais par peur de l’égalité, par peur de prendre le risque de l’autre, nous avons préféré introduire le divorce, le vote individuel et le déni des races et des sexes. Aujourd’hui la différence de l’autre n’est plus considérée comme une richesse à découvrir, c’est devenu l’affirmation coupable que nous lui sommes supérieurs. Puisque je suis complet, si l’autre est différent de moi, c’est qu’il est incomplet donc inférieur. Etre moderne ou à la mode c’est ne plus voir les différences et même les masquer pour que chacun puisse se croire complet à lui tout seul et se sentir autorisé à gommer les engagements pris vis-à-vis des autres. Le sacré était le garant de ces engagements. La solidarité nous en a malheureusement détachés en détrônant la fraternité.

La liberté qui n’est plus structurée par l’égalité et par la fraternité sombre inexorablement dans l’individualisme et le repli sur soi sans perspectives et sans moteur de vie.

C’est l’abandon du côté sacré de notre devise nationale qui a fait de nous la victime et le bourreau de cette exécution de la pensée. L’individualisme tellement vanté par Attali n’a plus qu’à s’évader dans le plaisir puisqu’on lui a fait renoncer à prendre le chemin difficile du bonheur.

Ne pourrions-nous pas retrouver le sens profond de la France dont la géographie a fait l’histoire ? Terre d’invasions successives échouées sur le même sol, elle a phagocyté ceux qui n’étaient pas repartis en s’en enrichissant dans le creuset de sa culture. La France n’est pas un camaïeu de cultures comme les USA. Elle donne à tous ceux qui ne veulent pas se l’approprier, la chance de s’y intégrer en la nourissant. Elle a mis des siècles à trouver sa formule sacrée de Liberté Egalité Fraternité qui comme tout sacré, peut être merveilleuse ou abominable suivant ce que l’on en entend. Il est bien triste qu’elle soit aujourd’hui entendue par beaucoup comme la devise sans âme d’ « individualisme, conformité et solidarité ». Elle vaut beaucoup mieux que cela.

L’ineptocratie

Les Anglo-Saxons ont créé le mot ineptocracy pour définir le système politique américain tant de Bush que d’Obama :

Ineptocraty is a system of government where the least capable to lead are elected by the least capable of producing, and where the members of society least likely to sustain themselves or succeed, are rewarded with goods and services paid for by the confiscated wealth of a diminishing number of producers.

Le net français l’a attribué à Jean d’Ormesson qui n’en a pourtant été que le traducteur. Le net est excusable tellement cette traduction parle bien de nous :

L’ineptocratie est un système de gouvernement où les moins capables de gouverner sont élus par les moins capables de produire et où les membres de la société les moins aptes à subvenir à eux-mêmes ou à réussir, sont récompensés par des biens et des services payés par la confiscation de la richesse d’un nombre de producteurs en diminution constante.

Sur cet intéressant canevas, la classe politique se déchire entre les tenants de la politique de l’offre et ceux de la politique de la demande, pour obtenir de la croissance et de l’emploi puisqu’ils ne savent créer concrètement de l’emploi que par le retour de la croissance, cette fée abstraite que personne n’a envie de définir. Les professeurs d’économie se reposent sur la définition absconse de François Perroux, « La croissance est une augmentation pendant une ou plusieurs périodes longues d’un indicateur de dimension, pour une nation, le produit global net en termes réels », définition que seuls les imbéciles ne comprennent pas comme Andersen nous l’a si bien expliqué dans son conte « Les habits neufs de l’empereur » où il a fallu qu’un enfant vienne dire que l’empereur était nu. Les Politiques et les médias qui ont, eux, bien sûr compris Perroux, l’expliquent tranquillement et sans vergogne comme étant une augmentation des richesses créées, ce qui serait évidemment une manne électorale permettant de surcroît de rembourser demain les emprunts d’aujourd’hui.

Comme personne n’a envie de voir que « l’indicateur de dimension » n’indique que la dimension de l’agitation économique, nous assistons à la farce d’une querelle entre soi-disant experts. Après s’être évidemment cassé les dents sur la politique de la demande, les Politiques, éclairés, illuminés ou aveuglés (rayez les mentions inutiles) par le génie d’Attali déguisé en Macron, se tournent vers la politique de l’offre sur laquelle ils vont à nouveau bien sûr se casser la figure. Il ne faut pas être devin pour l’annoncer, d’abord parce que leurs prédécesseurs ont montré combien c’était inefficace mais surtout parce que la solution ne répond qu’à l’apparence du problème et en rien au problème de fond.

Reprenons l’exemple du marché. Le marché du quartier est-il un peu anémique, ces derniers temps ?

La politique de l’offre va proposer de multiplier les étalages et les marchandises à vendre, partant du principe que les habitants du quartier sont riches et qu’ils achèteront plus dès qu’on leur proposera de belles choses. Si l’on vient à dire que les poches des acheteurs sont vides la politique de l’offre conseillera d’emprunter puisque les richesses créées rembourseront les emprunts et leur intérêt.

La politique de la demande va de son côté proposer de distribuer de l’argent aux habitants pour qu’ils puissent acheter davantage, partant du principe que seule l’absence de monnaie empêche les acheteurs de faire tourner la machine. Si l’on vient à dire qu’il n’y a rien à vendre la politique de la demande dira d’importer puisque les richesses créées paieront les importations.

Tout est toujours fondé sur le PIB création de richesses martelée dans tous les médias à la fois par les Politiques et par les experts de tous poils adeptes de la politique de l’offre ou de celle de la demande. Parmi ces experts l’INSEE figure en bonne place avec ses trois façons de calculer le PIB.

Pour les tenants de la politique de l’offre l’INSEE va chiffrer, au prix du marché précédent, toutes les marchandises et tous les services vendus. Il va obtenir « en volume » le PIB par la « valeur ajoutée ». Comme c’est en volume on lui rajoutera les importations classées en ressources et on enlèvera les exportations classées en emplois.

Pour les tenants de la politique de la demande l’INSEE va chiffrer tout ce que les habitants du marché ont dépensé. Il va obtenir en monnaie le même PIB mais par la distribution. Comme on parle en monnaie, on va rajouter les exportations qui sont aussi une source de monnaie. L’INSEE écrit alors « le PIB est égal à la somme des emplois finals intérieurs de biens et de services (consommation finale effective, formation brute de capital fixe, variations de stocks), plus les exportations, moins les importations ».

L’INSEE mélange allègrement l’activité du marché et l’origine des marchandises vendues comme l’origine de l’argent dépensé. Si on parle du PIB en volume on rajoute les importations à l’activité du marché et on lui retranche les exportations. Si on parle du PIB en monnaie on fait l’inverse et on rajoute à l’activité du marché les exportations en soustrayant les importations. Comme le résultat est toujours le même PIB qui doit en plus être entendu comme une création de richesses, on arrive évidemment à une montagne d’incohérences que chacun peut aller vérifier sur le site de l’INSEE.

Détail amusant, comptabiliser les variations de stocks pose le même problème que l’import-export. Si l’INSEE parle du PIB en volume, une augmentation de stock augmente pour lui le PIB et une diminution de stock le diminue. Mais si l’INSEE parle du PIB en monnaie c’est une diminution de stock qui augmente pour lui le PIB et une augmentation du stock qui le diminue. Pour les stocks, l’INSEE, plutôt que de faire une deuxième fois les efforts de contorsionniste déployés pour l’import-export, a décidé de parler exclusivement de « variations de stocks » ce qui évite les affirmations contradictoires et laisse le lecteur se débrouiller pour savoir dans quel sens les stocks varient.

La seule façon de calculer sérieusement le PIB est la troisième façon qu’a l’INSEE de le calculer et qui est en même temps la plus simple mais la moins aguichante : faire la somme en monnaie de toutes les transactions du marché. Mais dans ce cas comment faire croire qu’il s’agit de création de richesses ?

En laissant croire par électoralisme ou par inconscience que le PIB est une création de richesses alors que ce n’est qu’un constat d’activité, voire d’agitation, les Politiques, les médias et les experts nous poussent tout naturellement à la double facilité de payer par l’emprunt, des marchandises et des services importés. Cela fait exactement le même PIB que si nous avions travaillé pour fabriquer et si nous avions aussi travaillé pour avoir de quoi acheter. L’emprunt et les importations s’envolent pour faire du PIB et une croissance que nous devrons payer deux fois, une fois à ceux qui fabriquent vraiment et une deuxième fois aux banques pour les rembourser d’un argent qu’elles ont créé ex nihilo.

Ce que les Politiques, les médias et les experts appellent la crise n’est qu’une façon de nous dire que cela ne peut pas durer. Mais qui va gagner ? La crise ou l’ineptocratie ? L’ineptocratie, inepte par définition, attend désespérément tout de la croissance en le répétant sur tous les médias et en s’entredéchirant pour savoir comment la faire revenir. Le combat est rude car c’est l’avenir des Politiques, des médias et des experts qui est en jeu. Sera-t-il aussi douillet que leur présent ? La crise leur susurre que non.

Le sacré

Toute société cherche à faire cohabiter l’individuel et le collectif et doit constater qu’un pan entier de la réalité lui échappe et qu’elle est incapable de lui donner une explication rationnelle. Pourquoi la Terre a-t-elle eu des périodes de glaciation et de fort réchauffement bien avant que l’homme n’apparaisse ? Comment appréhender les données qui nous permettraient de connaitre avec précision le moment et l’endroit de la grêle ou de l’arc-en-ciel ? Que se passe-t-il après la mort ? S’il y a eu bang au cas où le Big Bang aurait existé, quelle est l’origine de l’énergie qui a abouti à ce bang ? La complexité aussi extraordinaire qu’admirable de la vie sur Terre, du microcosme au macrocosme, peut-elle n’être due qu’au hasard et à la nécessité ? Toutes ces questions sans réponses, toutes ces incompréhensions forment le domaine du sacré et il est difficile d’en parler puisque par définition ce domaine est hors nos limites. Pourtant une société, pour être équilibrée, doit impérativement harmoniser la vie des individus et celle du groupe dans l’environnement bénéfique et maléfique qui l’entoure et que nous limitons actuellement à l’écologie par peur de l’immensité du sacré.

Le sacré est merveilleux et abominable et ni le groupe ni l’individu ne savent y différencier le bien du mal car nous sommes dans des espaces et dans des temps qui nous sont par définition étrangers. Les Romains avaient deux verbes pour constater le sacré, le sacer en latin. Sancire et son participe passé sanctus qui ont donné le saint et la consécration, étaient l’apanage du pouvoir, politique ou religieux. Sacer facere qui a donné sacrifier était du pouvoir du peuple. Les criminels comme les temples étaient et sont sacrés. Les deux sortent de notre routine quotidienne. La langue française a discrètement gardé le respect du double sens du mot sacré en le mettant avant ou après le mot qu’il colore. Le temps sacré n’a rien à voir avec le sacré temps comme le lieu sacré ne sera jamais le sacré lieu. L’animal sacré ne se confondra pas plus avec la sacrée bestiole même s’ils sont tous les deux psychopompes. L’un sera sacralisé pour mener à l’éden pendant que l’autre sera exécrée (ex-sacer) pour conduite aux enfers.

Les hommes ont toujours été fascinés par le sacré, par ce qu’ils ne comprennent pas. Pendant que les philosophes se contentent d’essayer d’exprimer les faits, trois armées montent sempiternellement et parallèlement au front de l’inconnu en s’épaulant et en se jalousant alternativement suivant les époques et les civilisations : les Religieux, les Scientifiques et les Politiques. Les trois approches sont très différentes mais toutes travaillent à trouver une cohérence à ce que nous ignorons.

Les Politiques cherchent à simplifier l’harmonisation nécessaire entre l’individuel, le collectif et le sacré en inventant des sacrés de substitution (le roi, la constitution, la démocratie, les droits de l’homme, la république, les valeurs universelles, celles de droite, celles de gauche, l’anti-shoah, la laïcité). Mais ces sacrés sont médiocres et ne durent que tant que les politiques les alimentent à grand frais. Les Politiques sont un maillon faible dans la recherche de l’harmonie. Mais sont-ils actuellement un maillon fort quelque part ?

Les Scientifiques cherchent à réduire le sacré en l’expliquant pan par pan et seuls les meilleurs reconnaissent que c’est très difficile et que l’on s’y casse facilement puis inexorablement les dents car l’homme est limité. L’approche scientifique, souvent contradictoire mais toujours intéressante ne se pose peut-être pas suffisamment la question de la difficulté que nous avons tous à percevoir que toute découverte s’accompagne inexorablement d’un deuil qui apparait beaucoup plus doucement que la splendeur immédiate de la découverte et qui n’est quasiment jamais assumé. L’autre limite de l’approche scientifique est la motivation de son financement. Il ne faudrait pas que ce soit une recherche de la solution de nos problèmes qui ne soit qu’une fuite en avant dans le rêve qui serait très politique. Nos problèmes sont actuels et la recherche ne peut remplacer un aujourd’hui très réel par un demain hypothétique.

Les Religieux expliquent le sacré par le mystère. Ils utilisent notre fascination pour le sacré pour nous rasséréner et pour faire passer la vérité simple, commune à toutes les civilisations, que pour être heureux et après être né de ses parents, il faut mourir à son enfance et renaître de soi-même. « Mourez avant de mourir » dit le hadith de Mahomet. « Il te faut naître de nouveau » dit Jésus à Nicodème. « Un converti est comme un nouveau-né » dit le Talmud.

Les Religieux cherchent à apaiser et pour apaiser, ils simplifient. Les monothéistes classent toujours le sacré dans le bien et ils appellent maudit, le sacré qu’ils jugent mauvais. Ce sont eux qui cherchent le plus profondément l’harmonie entre l’individuel, le collectif et le sacré mais ils se heurtent à deux écueils :
Ils peinent à trouver l’équilibre entre la sous-valorisation du sacré au profit de l’harmonie du collectif comme le fait actuellement le christianisme et la survalorisation du sacré en lui faisant endosser sa volonté très humaine de domination politique comme le fait actuellement l’islam arabe en suivant les traces du christianisme européen ancien. La sous-valorisation chrétienne semble oublier qu’il ne peut y avoir d’harmonie du collectif sans gestion calme, équanime et humble du sacré et la survalorisation islamique semble vouloir convaincre par la mondialisation sans réaliser que l’universalisme (la catholicité en grec) est l’erreur éternelle et toujours perdante de toutes les idéologies.
Le second écueil est que les Religieux évitent de s’affronter à la définition du collectif. Le bas-clergé se limite au concret de ce qui est local, le haut-clergé mondialise son idéologie, aucun ne semble s’intéresser aux économies d’échelle. Ce qui est vrai pour cent l’est-il pour un milliard ? Si oui, la forme doit-elle être unique ? Si non où se situe la limite ?

Sur les sujets difficiles les Scientifiques, les Politiques et les Religieux se refilent assez volontiers la patate chaude. C’est le cas pour les définitions du début et de la fin de la vie. Actuellement en Occident, la fin de vie humaine est décidée par les Scientifiques et le début par les Politiques. Cela ne clôt évidemment pas le débat, ni sur l’avortement ni sur l’euthanasie mais on constate que les Politiques cherchent à prendre la main sur tout par le biais du droit. Ils perdent tellement pied qu’ils multiplient les lois en tous domaines et sur tout, en y additionnant encore celles de l’Europe et celles réputées sacrées de la soi-disant « communauté internationale ».

La mondialisation avec sa fausse solution idéologique unique et sa conséquence, le repli sur le concret local et éventuellement sur le terrorisme, sont les deux mauvais fortifiants que nous utilisons pour ne pas affronter le double problème crucial actuel. A quel groupe appartenons-nous et quel est notre sacré ? Les réponses à ces deux questions conditionnent l’avenir de notre civilisation.

Pour prendre le chemin qui mène à ces réponses, humilité, courage et discernement sont les trois accompagnateurs indispensables.

L’humilité est indispensable pour aborder la recherche de l’harmonie entre l’individuel, le collectif et le sacré. L’Occident semble aujourd’hui en manquer pour réussir sa mue en gardant sa colonne vertébrale. Nous devons apprendre à mourir aux dogmatismes, aux fausses valeurs sécurisantes, à renaître de nous-mêmes comme nous le susurre le sacré, à être comme l’humus, fruit de mort et source de vie.

Le courage est nécessaire car il n’y a rien de plus « cul-de-plomb » que la routine et déranger notre routine nous rend souvent agressifs. « Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté » chantait Béart.

Le discernement n’est pas facile à définir mais son étymologie nous éclaire. C’est faire le tour de la question et ensuite y séparer correctement le bien du mal. Il est intéressant de remarquer que la discrétion et le discernement vont de pair et que discretus n’est que le participe passé de discernere. Le discernement est indispensable car, pour bouger au-delà de l’instinctif, il faut savoir où l’on veut aller et pourquoi l’on y irait, avant d’aborder la difficile question du comment y aller.

Il n’est pas facile d’éviter l’écueil du sectarisme qui néglige l’individu, celui du fanatisme qui néglige le groupe et celui du matérialisme qui néglige le sacré. Après un siècle malade du matérialisme, nous rentrons dans une époque où la première menace vient du fanatisme par absence de groupe cohérent et où la seconde reste le matérialisme par mépris hautain du sacré. Le sectarisme qui survalorise le groupe et son idéal sacré n’est pas un danger actuel en Europe mais on peut voir aujourd’hui ses ravages au Moyen Orient quand le soi-disant « Etat islamique en Iraq et au Levant » se transforme en prétendu « Etat islamique » sans aucune limite géographique sous l’œil bienveillant des médias qui le reconnaissent de fait en abandonnant les guillemets quand ils en parlent. L’« Etat islamique » est malade de rabaisser l’individu pendant que nous souffrons de dédaigner le groupe.

Quel groupe ? Voilà la première question. Pour ma part je propose la piste de réflexion du « assez grand pour avoir une monnaie et assez petit pour que le bon sens reste un filtre efficace » et je visualise assez volontiers la France.

Quant à la seconde question « quel est notre sacré ? », il faut commencer par se demander si cette question peut se mettre au pluriel et si l’on peut parler de « nos sacrés » en un temps et en un lieu donnés. Un sacré unique n’est-il pas essentiel à la solidité du groupe ? Le groupe étant constitué par un but commun, peut-on exclure le sacré de ce qui est commun ? L’Islam arabe est convaincu que non et le montre, là où il tient les rênes. Il sait qu’en arabe islam vient du verbe aslama qui veut dire « se résigner, se soumettre » et que c’est la condition de la paix, salaam, qui a la même racine, de même que muslim, le soumis, et son pluriel muslimun qui a donné le musulman en français. Le Coran précise « Et quiconque désire une religion autre que l’Islam ne sera point agréé et il sera dans l’au-delà parmi les perdants » (Sourate 3 verset 85). Souhaitons que chacun entende bien « dans l’au-delà ».

Il faut ensuite prendre conscience que les individus ont besoin de réponses aux questions qu’ils se posent ou au moins d’axes de réponses. Et il ne suffit pas de regarder ailleurs. Il faut réaliser que toutes les réponses dans le domaine du sacré sont par définition floues et que l’individu a besoin d’être conforté par son groupe pour être satisfait des réponses proposées. L’individuel, le collectif et le sacré sont indissociables et le sacré doit être fort pour rassembler le collectif.

Face à l’Islam arabe conquérant quel sacré avons-nous à proposer qui puisse rendre le groupe assez solide pour que des individus puissent envisager pour le défendre, de lui faire le sacrifice de leur vie ? Nous sommes tellement malades des deux mauvaises réponses totalitaires du XXème siècle, communiste et fasciste, et tellement inquiets inconsciemment de voir poindre la troisième mauvaise réponse capitaliste, que nous avons même renoncé, pour l’instant, à nous poser la question.

Les trois veaux d’or

Chacun sent bien que l’explosion se rapproche et que les efforts déployés par la classe dirigeante pour nous rassurer et nous endormir sont de plus en plus inefficaces.

L’absence totale actuelle de vision d’un futur compréhensible rappelle l’histoire des Hébreux dans le désert lorsque Moïse était parti sur le Sinaï et que le peuple désespérait de le voir revenir.

Le peuple, voyant que Moïse tardait à descendre de la montagne, s’assembla autour d’Aaron, et lui dit : « Allons ! Fais-nous un dieu qui marche devant nous, car ce Moïse, cet homme qui nous a fait sortir du pays d’Egypte, nous ne savons pas ce qu’il est devenu »…. Et tous ôtèrent les anneaux d’or qui étaient à leurs oreilles, et ils les apportèrent à Aaron. Il les reçut de leurs mains, jeta l’or dans un moule, et fabriqua un veau en or. Et ils dirent : « Israël ! Voici ton dieu, qui t’a fait sortir du pays d’Egypte ». (Ex 32,1-4)

Deux remarques jaillissent de ce passage de la Bible.

La première est que lorsqu’un peuple n’a plus de vision, plus de perspective, il s’invente une idole à qui il attribue les pouvoirs des disparus qu’il a aimés. Au début du paragraphe c’est Moïse qui les a fait sortir d’Egypte, quelques lignes plus loin, c’est le veau d’or. Le peuple sans perspective attend tout de son idole puisque c’est son idole qui a déjà tout fait.

La seconde est que l’idole coute très cher et que, pour se rassurer, un peuple sans vision achète à grand prix l’idole à laquelle il se confie. Tout leur or y passe. Le « faire croire » coûte toujours très cher et toutes les idoles appauvrissent.

Aujourd’hui nous sommes comme les Hébreux dans le désert, sans visions, sans perspectives avec une classe dirigeante parfaitement conforme à notre médiocrité perdue. Avec elle nous avons créé trois idoles que nous alimentons de notre or en espérant d’elles un futur radieux qu’elles ne nous donneront évidemment jamais.

La première idole est la croissance que nous nous présentons comme une création de richesses à nous partager alors qu’elle n’est que l’augmentation de notre dépense que les économistes appellent consommation ou investissement selon leur désir de jouissance immédiate ou de jouissance différée. A la question « Comment dépenser plus quand on n’a pas d’argent ? », cette idole répond « Emprunte » car elle ne sait pas que l’argent n’est que de l’énergie humaine stockée qui ne peut se multiplier que par la procréation et le travail utile. Mais comme nous suivons notre idole, cela nous coûte très cher.

La deuxième idole est la démocratie que nous nous présentons comme le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple alors qu’elle n’est que l’achat fort couteux par les Puissants de l’affect du peuple. Les Puissants se sont toujours cooptés entre eux. Ils se sont longtemps servis de Dieu pour se maintenir au pouvoir et ont maintenant fabriqué leur idole en faisant croire que l’avis majoritaire de la foule définit l’intelligence. Mais la réalité est que l’avis majoritaire de la foule donne le pogrom, la ruée et le lynchage et qu’il faut donc beaucoup d’argent pour faire croire à l’idole qu’ils appellent suffrage universel. Ils s’en octroient beaucoup mais n’en ont jamais assez et ont toujours besoin d’un « Urba » ou d’un « Bygmalion » pour toujours mieux acheter l’affect du peuple. A la question « Comment vérifier la liberté, la compétence et l’engagement des votants, bases indispensables de leur responsabilité et donc de l’intérêt de leur avis ? », cette idole répond « Tais-toi et vote, il est très vilain de s’abstenir ou de ne pas s’inscrire » car elle sait que ce système est le seul qui permet aux Puissants de garder un pouvoir dont ils ne savent que faire. En suivant cette idole cela nous coûte très cher.

Mais ces deux premières idoles s’effondreraient d’elles-mêmes si la troisième idole, la formation, n’était pas la plus idolâtrée. Il est d’ailleurs à la mode de la voir « tout au long de la vie ». Il s’agit en fait de formatage pour tenter sans aucun espoir de fabriquer des « agents économiques performants », sujets respectueux de la croissance et de la démocratie, à qui l’on va faire croire que ce qu’on leur raconte va les aider à s’intégrer à un monde incompréhensible et donc évidemment incompris. Tout ce qu’on leur apprend à grand frais n’est quasiment jamais filtré par l’expérience et les malheureux sortent chaque année de nos universités par fournées entières de plus en plus importantes avec la conviction qu’ils sont prêts pour être reconnus alors qu’ils vont enfin découvrir l’expérience que ce qu’ils ont appris ne leur sert à rien et qu’ils vont devoir s’humilier en acceptant d’être livreur de pizzas, vendeurs de fringues ou gardiennes d’oies. Subir le système ou en devenir complice va rapidement devenir leur seul et abominable choix. A la question « Pourquoi l’instruction universelle ne se limite-t-elle pas à lire, écrire et compter ? », cette idole devrait répondre si elle était honnête « Il faut beaucoup de temps pour formater les jeunes à croire à la croissance et à la démocratie et ce temps leur est agréable car il leur en laisse beaucoup pour se distraire et s’évader ». Mais Dieu que cela coûte cher !

Dans la Bible Moïse réagit avec une extrême violence au veau d’or.

Et, comme il approchait du camp, il vit le veau et les danses (aujourd’hui les danses s’appellent le foot, la télé et la française des jeux). La colère de Moïse s’enflamma ; il jeta de ses mains les tables, et les brisa au pied de la montagne. Il prit le veau qu’ils avaient fait, et le brûla au feu ; il le réduisit en poudre, répandit cette poudre à la surface de l’eau, et fit boire les enfants d’Israël. (Ex 32,19-20)

Moïse se plaça à la porte du camp, et dit : A moi ceux qui sont pour l’Éternel ! Et tous les enfants de Lévi s’assemblèrent auprès de lui. Il leur dit : Ainsi parle l’Éternel, le Dieu d’Israël : Que chacun de vous mette son épée au côté ; traversez et parcourez le camp d’une porte à l’autre, et que chacun tue son frère, son parent. Les enfants de Lévi firent ce qu’ordonnait Moïse ; et environ trois mille hommes parmi le peuple périrent en cette journée. (Ex 32,26-28)

Le Coran raconte la même histoire du veau d’or mais Moussa (Moïse en arabe) réagit avec plus de douceur et convainc le peuple de se repentir.

Et nous que devons-nous faire ? Réagir comme Moïse ? Réagir comme Moussa ? Rester idolâtres de nos trois veaux d’or ? La réponse appartient à chacun et elle est loin d’être simple.

La science économique ne rendrait-elle pas aveugle ?

Il est sans doute temps d’expliquer pourquoi la science économique tellement révérée n’est pas seulement un assemblage de truismes présentés en pièce montée pleine de vide. Il ne serait alors qu’amusant de la prendre au sérieux. Mais n’existant que par le chiffrage de tout et confondant des observations incomplètes vaguement chiffrées avec des théorèmes, elle en oublie l’essentiel qui ne se chiffre pas.

Toute la classe politico-économico-médiatique parle du PIB comme d’une création annuelle de richesses à se partager mais néglige la différence entre une richesse, un embarras et un déchet. L’antiquaire, le brocanteur et le ferrailleur constatent pourtant tous que les déchets des uns sont des richesses pour d’autres et inversement. La richesse n’est en effet qu’un regard, un regard appris d’un groupe qui trouve beau et bon ce qu’il appelle riche et qui n’est vrai avec certitude que dans ce groupe. Ses membres auront le même regard sur ce bien ou sur ce service qui ne sera pas du tout forcément le regard d’un autre groupe. La richesse est tout sauf objective.

Mais alors comment différencier le PIB création de richesses, du PIB création de déchets ou d’inutilités ? C’est le regard réaliste inchiffrable de l’acheteur qui fait la différence. Le pâtissier croit chaque jour fabriquer des richesses mais si personne ne veut les acheter, ses gâteaux deviendront vite des inutilités puis des déchets. Il faut en outre que le regard du client soit réaliste et qu’il ait non seulement l’envie mais la capacité d’acheter. Et c’est là où le bât blesse car la science économique prend pour une donnée la capacité à acheter. Cette erreur fondamentale fait la fortune de deux mondes : le monde publicitaire qui s’habille d’un « faire savoir » alors qu’il n’est que dans le « faire croire » que ce qui est vendu par ses clients est richesse, et le monde financier qui, par l’emprunt appelé pudiquement financement, donne la capacité à acheter. C’est la société de l’apparence qui appauvrit les pauvres et qui enrichit les riches en permettant à la machine de tourner, au capitalisme de croire en son avenir et à M. Mélenchon de trouver que la France n’a jamais été aussi riche. Si l’on produit, c’est qu’on est riche, même si nous ne produisons que des inutilités et des déchets qui ont du mal à trouver preneurs et que nous importons ce dont nous avons besoin sans savoir comment le payer.

Ce qui est gravissime, c’est que le raisonnement médiocre de croire fabriquer des richesses dès lors que nous finançons leur production, a contaminé l’éducation nationale qui s’auto-évalue par l’argent qu’elle dépense alors qu’elle devrait bien évidemment s’évaluer par l’embauche des diplômés qu’elle produit. L’éducation nationale pense qu’accumuler des connaissances fabrique des têtes bien faites utiles à la société comme d’autres assemblent des matières pour en faire des objets. Personne ne semble se demander si nous fabriquons bien des richesses dans notre système éducatif et pas simplement des inutilités voire des rebuts.

Pour le savoir il n’y a que le regard de l’acheteur qui fait la différence. Pour nos étudiants l’acheteur s’appelle l’employeur qui doit à la fois vouloir embaucher et pouvoir le faire.

Si l’employeur est l’Etat, il embauche autant de fonctionnaires qu’il veut en augmentant d’abord le déficit budgétaire puis les impôts. Les fonctionnaires étant surprotégés, l’Etat embauche de plus en plus par l’intermédiaire de myriades d’associations subventionnées. Le financement vient donc dans tous les cas du peuple qu’il faut à la fois tondre et flatter, ce qui est le délicat métier de Politique qui montre chaque jour davantage son inefficacité ou, plus exactement, son intérêt exclusif pour l’immédiateté par absence totale de vision.

Si l’employeur est privé, il raisonne en « valeur ajoutée » car on lui a fait croire à la création de richesses. Mais il est confronté à la dure expérience de la réalité et il n’embauche quasiment plus que des commerciaux et des conseillers qui doivent lui démontrer que le système tourne encore. Faut-il s’étonner de leur inefficacité et de la montée du chômage ?

La solution tout le monde la connait mais elle n’est guère électorale. Il faut infiniment moins d’étudiants et remettre les Français au travail pour fabriquer des biens vraiment utiles. Il faut parallèlement les mettre devant les choix très difficiles des renoncements à faire inéluctablement pour conserver quelques avantages de la société actuelle de l’apparence. Un Politique qui veut être élu, veut-il le dire et peut-il le dire ?

Ne faut-il pas en désespoir de cause créer la race des Politiques qui préfèrent la vérité à l’élection ? Et Internet ne pourrait-il pas être le vecteur non censuré par les médias de cette expression ?

L’unanimité dans la folie

L’histoire de Sodome racontée dans la Genèse commence par une phrase de Dieu parlant d’Abraham : « J’ai voulu le connaitre afin qu’il prescrive à ses fils et à sa maison d’observer la loi… » (Ge 18,19). Malgré cette phrase explicative du verbe connaitre dans ce récit, nous avons préféré l’interpréter comme dans « L’homme connut Eve. Elle devint enceinte » (Ge 4,1) et nous avons inventé l’expression « connaître au sens biblique » qui est impertinente vis-à-vis de Dieu. Chouraqui dans sa traduction de la Bible utilise le verbe pénétrer qui permet habilement les deux interprétations sans enfermer Sodome dans la sodomie qui empêche de voir le sens profond et terriblement actuel de ce texte. Ce sont « Les gens de Sodome, du plus jeune au plus vieux, le peuple entier sans exception » (Ge 19,4) qui viennent dire à Loth « Fais les sortir pour que nous les connaissions » (Ge 19,5). Sans s’attarder sur la bêtise de Loth déjà remarquée par son oncle Abraham et qui propose ses filles avec sa finesse habituelle, il faut remarquer la vraie sanction du bourrage de crâne exigé par la populace. « Ils frappèrent de cécité les gens depuis le plus petit jusqu’au plus grand » (Ge 19,11). Nous connaissons tous la destruction de Sodome mais n’avons-nous pas oublié que, lorsque tout marche sur la tête, l’aveuglement général précède l’effondrement ?

C’est aujourd’hui l’unanimité de nos aveuglements qui doit nous faire réagir tellement nous savons au fond de nous-mêmes que ce sont des aveuglements tout en n’ayant aucune envie de trop en prendre conscience.

– Aveuglement économique en fondant tout sur la manne divine que l’on appelle PIB. Nos élites ne disent même plus le PIB annuel mais la création annuelle de richesses. 99,99% de la population a été formatée pour croire à cette création de richesses et à confondre la production et l’agitation. Heureusement ce qu’on appelle la crise empêche la léthargie.

– Aveuglement éducatif en fondant tout sur la connaissance et en négligeant l’expérience. Nos élites quand elles veulent investir en éducation ne pensent qu’école ou université. La confrontation au réel n’a quasiment plus d’adeptes alors qu’elle nous manque tellement. 99,99% de la population a été formatée pour croire qu’aider l’humanité, c’est implanter partout des écoles au lieu de s’enrichir avec humilité de l’expérience fabuleuse des peuples sans bancs de classe. Heureusement l’incapacité de plus en plus évidente qu’a l’école à intégrer ses fournées annuelles d’éduqués empêche la léthargie.

– Aveuglement politique en fondant tout sur l’intelligence collective de la foule appelée mensongèrement démocratie alors que la démocratie est, sur un sujet donné, l’avis majoritaire des gens responsables c’est-à-dire libres, compétents et engagés. C’est dire si nous sommes encore loin de cette merveilleuse utopie. Pourtant 99,99% de la population a été formatée pour croire que « Un homme, une voix » est la formule sacrée qui permet de distinguer l’aristocratie naturelle que cherchaient, tant les révolutionnaires français que les premiers présidents américains. Heureusement la médiocrité du résultat et l’augmentation massive des non-inscrits, des abstentionnistes et des bulletins blancs et nuls, empêchent la léthargie.

A Sodome il n’y avait pas d’exception nous dit la Bible. A nous de déceler, de réunir, d’agglomérer, d’enrichir et probablement d’activer ce qui nous reste d’exceptions pour sauver notre civilisation gréco-latine ou plus exactement les valeurs de cette civilisation qui sont autrement plus riches que les sacro-saintes quoiqu’absconses « valeurs de la république » !

« La vertu du regard éloigné » (Lévy-Strauss)

Il faut sans doute, une bonne fois pour toutes, comprendre la complicité objective qui lie les peuples et leurs dirigeants dans la fuite en avant drapée dans le mot démocratie qui n’est qu’un achat fort coûteux par les puissants de l’affect des peuples. Les peuples ne comprennent évidemment rien à la comédie générale qui leur est proposée, ils en pressentent la duperie mais jouissent pour la plupart en occident d’une vie facile à laquelle ils n’ont guère envie de renoncer.

Cette complicité empêche de voir la simplicité du problème et le coût abominable des multiples paravents que nous mettons nous-mêmes en place pour ne pas nous laisser pour l’instant déranger par la réalité. Car si la réalité du problème est simple, la réalité de la solution est vertigineuse et apeure tout le monde.

Les paravents sont éducatifs quand on fait croire que l’accumulation de connaissance génère le discernement. Ils sont politiques quand on arrive à faire croire que l’avis majoritaire de la foule définit l’intelligence. Ils sont économiques quand on prétend qu’il existe des cycles et que tout repart toujours, alors que seule la guerre est cyclique quand elle devient la seule capable de remettre les yeux en face des trous.

L’un des pires paravents économiques est la fausse croyance que nous créons des richesses à nous partager et que le PIB mesure une production alors qu’il ne mesure qu’une activité sans différencier l’activité saine de l’agitation malsaine. Les diatribes actuelles entre d’un côté les pays comme l’Angleterre ou l’Espagne qui mettent la prostitution et la drogue dans le PIB et qui sont soutenus en France par le sénateur Philippe Marini, président de la commission des finances, et de l’autre l’INSEE qui continue à vouloir faire croire que le PIB est une production et qu’on ne peut y intégrer « l’immoral », ces diatribes montrent bien l’étendue du faux débat. Tout le monde sait que le PIB et la croissance ne mesurent que l’activité et qu’ils ne se soucient ni de l’origine de ce qui est vendu, ni de l’origine des fonds qui ont permis l’achat. La prostitution comme la drogue, les accidents de voiture ou les marées noires font évidemment techniquement de la croissance. Ce qui est stupide ce n’est pas de faire le lien entre la croissance et l’emploi mais de faire croire que la croissance enrichit et permet l’emploi alors qu’elle se paye et que l’unanimité est totale pour ne pas se demander qui paye.

Nous ne pouvons consommer que ce que notre travail nous rapporte s’il est reconnu utile par le groupe. Ce que nous produisons n’est richesse que si c’est acheté par quelqu’un qui en a envie et qui a de quoi l’acheter. Si personne n’en a envie ou si le client potentiel n’a pas de quoi payer, la production n’est plus richesse mais encombrement ou déchet. Cette évidence simple est très dérangeante car elle limite notre consommation et nous force à nous bousculer. Elle est totalement anti électorale car elle évalue notre consommation à l’aune de notre utilité réelle. Et comment évaluer notre utilité réelle dans un groupe dont nous ne savons plus ni la taille, ni le lien, ni même s’il existe encore ?

Alors pour ne surtout pas regarder la réalité en face et continuer à flatter l’électeur qui ne peut payer sa consommation, on tente de faire payer les autres et de faire payer le futur.

Faire payer les autres, c’est la balance commerciale excédentaire. Chacun la veut dans ce mondialisme qui vante la liberté des renards dans les poulaillers. Chacun se croit renard et beaucoup se retrouvent poules. C’est notre cas où à force de vouloir faire payer les autres, nous payons en plus pour les autres. Nous devons retrouver le bon sens que la dernière guerre nous avait réintroduit par le Conseil National de la Résistance et par la charte de La Havane que l’ONU avait préparée mais que les USA n’ont pas ratifiée après l’avoir pourtant signée. La Charte de La Havane confirmait qu’on ne fait pas payer les autres et que les balances commerciales ne peuvent être ni excédentaires ni déficitaires.

Faire payer le futur c’est l’emprunt. Il est pourtant par définition irremboursable puisqu’il n’y a création de richesse que si elle est consommée et qu’elle ne peut donc servir une deuxième fois à rembourser un emprunt. La démonstration mathématique que la somme de toutes les valeurs ajoutées de toutes les entreprises n’est égale qu’à la somme de toutes les consommations, est prudemment mise sous le boisseau pour ne pas déranger. Un emprunt remboursé est forcément un appauvrissement créé quelque part. Si l’on n’arrive pas à faire provisoirement payer les autres comme le fait l’Allemagne, l’appauvrissement s’accumule dans les entreprises avec les conséquences que l’on constate et que les puissants appellent la crise.

La guerre remet les yeux en face des trous et quand elle se termine, le bon sens reprend provisoirement le dessus. Ne pourrions-nous pas, pour remettre les yeux en face des trous, donner sa chance à notre intelligence et éviter les drames de la guerre ?