Le grand écart

Croire à la création de richesse, c’est se croire un pays riche, se demander où passent les richesses et vouloir sa part. C’est une illusion très agréable qui fait perdre le contact avec la société en divinisant sa propre illusion.

Une société est une organisation utilisant l’énergie de ses membres pour leur survie et leur prospérité. Quand sa taille est importante, elle a besoin d’un véhicule externe de cette énergie: c’est la monnaie.

Dans une société cohérente, c’est l’État qui crée la monnaie en reconnaissance de ce que le peuple a déjà apporté d’utile au groupe social. C’est, en des millions de morceaux, la photo chiffrée de ce qu’un peuple voit comme sa richesse nationale. La monnaie devient indispensable quand le groupe est devenu trop important pour que cette richesse soit simplement dans toutes les têtes.

Au moment de l’introduction de la monnaie chacun est réputé avoir apporté le même travail, la même énergie, la même richesse dans le donner-recevoir-rendre constitutif de la cohérence du groupe. Chacun se retrouve donc au départ avec la même quantité de monnaie qui peut être abondante et cela donne la lire italienne, ou plus ramassée et cela donne le franc suisse valant 1700 fois plus. Cette monnaie est la preuve transportable et cessible  que le groupe a une dette vis-à-vis du porteur de cette monnaie. Son chiffrage donne la valeur énergétique de ce qu’il détient. Le porteur peut faire exécuter cette dette en tout lieu et à tout instant par n’importe quel membre du groupe qui souhaite avoir cette même preuve en sa possession.

Mais l’introduction de la monnaie ne modifie pas le principe connu de toute éternité que l’énergie a une source, qu’elle se consomme, se transforme ou se disperse. Elle le fait d’abord objectivement pour la survie, ensuite subjectivement pour la prospérité. Subjectivement parce que prospère veut dire heureux et que l’impression de richesse n’en est qu’un des éléments. Dans tout groupe c’est l’énergie humaine qui permet la survie et qui produit ce que le groupe voit comme une richesse. Avoir accolé l’énergie monétaire à l’énergie humaine ne déroge en rien à ce principe. L’énergie humaine et la monnaie ne sont que deux formes du même sang du groupe. Cela est aujourd’hui soigneusement occulté.

La monnaie existante circule à chaque achat ou à chaque don mais contrairement au donner-recevoir-rendre, elle va pouvoir être stockée sous les noms de profit et d’épargne et être retirée de la circulation. Ce retrait n’est normalement possible que si quelqu’un s’appauvrit ou si l’État crée une nouvelle quantité équivalente de monnaie.

Mais dans une société cohérente la création de nouvelle monnaie ne se fait que lorsque l’État reconnaît que le groupe qu’il représente a une nouvelle dette vis-à-vis d’une personne physique ou morale. Il faut que le groupe se sente enrichi par cette personne. L’État chiffre et officialise alors cette reconnaissance en créant de la monnaie, créance sur n’importe quel membre du groupe. L’État, quelle que soit son organisation, doit veiller à ne créer de la monnaie qu’à bon escient. Il faut que les personnes à qui il donne cet argent aient véritablement et préalablement enrichi le groupe par leur action. Si ce n’est pas le cas, la création de monnaie ne fait que dévaluer la totalité de la monnaie et appauvrir tous ses détenteurs pour permettre l’enrichissement de ceux qui font du profit.

Ce jeu subtil de la circulation de la monnaie se contrôle par les prix qui flambent par la dévaluation quand l’État crée trop d’argent et qui ne permettent plus de vivre s’il n’en crée pas assez en laissant l’énergie humaine inemployée par le chômage ou mal employée par une production non régulée. Dans les deux cas le peuple paye l’incompétence de ses dirigeants.

L’État doit aussi en permanence distinguer dans ce que la société voit comme des richesses, celles qui sont immédiatement consommées comme la santé, la sécurité et la justice qui doivent être financées par l’impôt donc par la monnaie déjà existante et les richesses durables comme les bâtiments, les routes, l’éclairage public ou la recherche efficace et intelligemment orientée qui doivent être financées par la création d’argent. Leur disparition, leur délabrement ou leur inutilité doivent être aussi concrétisées mais par une destruction d’argent. L’important est que chacun puisse voir la réalité de la nouvelle richesse ou la disparition de l’ancienne quand l’État l’officialise par de la création ou de la destruction d’argent.

Mais au XXe siècle le capitalisme a inversé le temps en confiant la création d’argent aux banques en commençant par la FED aux États-Unis en 1913. En effet les banques, qu’elles soient centrales ou commerciales, doivent présenter un bilan parfaitement équilibré. Elles inscrivent à leur actif une créance à recouvrer identique à l’argent qu’elles créent et qu’elles inscrivent à leur passif à disposition de l’emprunteur. Le résultat est que l’argent n’est plus créé pour équilibrer une nouvelle richesse déjà constatée mais pour créer un déséquilibre rémunérateur pour la banque, déséquilibre qui ne disparaîtra qu’au remboursement de l’emprunt. Les banques ne vivent que sur l’intérêt de l’endettement de leurs clients, ce qui leur garantit de plus en plus mal leur train de vie, et les incitent malheureusement à jouer de plus en plus au casino avec leurs traders et notre argent.

Se pose alors la question de savoir avec quelle énergie, les débiteurs publics ou privés vont rembourser les banques. La réponse officielle des universités, des économistes, des politiques et des médias est que ce sont les richesses que nous allons créer qui vont tout rembourser. Les richesses créées vont non seulement rembourser les prêts mais, comme ces richesses vont, nous dit-on, rapporter plus qu’elles n’ont coûtées, la dépense étant baptisée investissement, nous allons être plus riches tout en asséchant notre dette. La seule raison pour laquelle nous ne voyons pas ce miracle tout de suite, c’est qu’il faut, nous dit-on toujours, laisser du temps au temps. Il parait que nous ne sommes pas assez patients.

La réalité est moins agréable et chacun peut constater, dans toutes les classes sociales qui ont encore une activité utile au groupe, qu’un seul salaire ne permet plus de faire vivre une famille comme il y a 50 ans. Toutes les classes sociales voient leur pouvoir d’achat s’effriter car la richesse n’est qu’un regard qui se remarque mais ne se crée pas. Là où un seul salaire suffit plus que largement c’est dans l’ensemble des activités inutiles de plus en plus nombreuses : les médias, la publicité, la finance, la haute administration, l’administration refuge des Politiques battus, tout ce qui n’existe que pour faire croire à la cohérence de la société.

Nous vivons le grand écart entre continuer à croire que nous créons des richesses et gérer le constat que ce n’est pas vrai. Comme tout grand écart il n’est supportable qu’en travaillant sa souplesse ou en séparant les deux branches de l’écart. Nous faisons les deux. Nous tentons d’éliminer le problème par le libéralisme ou le socialisme qui consomment idéologiquement de prétendues richesses sans les créer et nous nous contorsionnons dans tous les sens jusqu’à en être ridicules grâce au libertarisme.

Le libéralisme et le socialisme nient tout simplement le problème en s’inventant des richesses créées et en accusant, l’un l’État, l’autre les riches d’accaparer cette richesse prétendument produite. Tous deux cherchent à nous convaincre que nous créons des richesses et que nous sommes un pays riche alors que nous ne vivons que grâce à l’emprunt. La dette permet simplement à une majorité d’entre nous de vivre provisoirement juste un peu moins bien grâce à l’élimination d’une minorité au chômage dont on néglige la capacité énergétique. Cette minorité croissant inexorablement en dépit des chiffres volontairement truqués, nous accusons les entreprises de cette montée, tout en les caressant dans le sens du poil. Nous reprenons discrètement à notre charge leurs dettes quand elles s’écroulent et faisons perdre un quart de leur vie à nos enfants pour que les entreprises les trouvent désirables. C’est totalement incohérent. On ne cherche plus à rendre les citoyens utiles dans la coopération mais à faire en sorte que les autres peuples meurent avant nous par la compétitivité des entreprises. C’est l’activité première de ce qui nous sert provisoirement d’élite.

Comme cette élite tient tous les leviers de la communication et qu’elle est totalement incapable d’affronter la réalité difficile de la non-création de richesse, sa deuxième activité est de se faire croire et de nous faire croire que nous créons des richesses. Elle le fait en dépensant publiquement beaucoup d’argent, d’abord pour elle et ensuite pour toutes les minorités sous la bannière généreuse des droits de l’homme récupérés aussi bien à Paris en 1789 qu’à New York en 1948 où on les a décrétés universels. Pour en faire une vraie religion, il fallait qu’ils soient aussi éternels et on les a donc fait remonter jusqu’au cylindre de Cyrus le grand, au berceau de notre civilisation que nous avons par la force imposée à toute l’humanité.

C’est avec beaucoup de sérieux que, nous croyant riches et bons, donc généreux, nous avons en tous domaines renversé nos valeurs et abandonné le bon sens pour mettre au pinacle tous ceux qui souffraient de leur différence. Nous avons contre toute évidence nié systématiquement ces différences en creusant un fossé profond entre ce qui était vrai et ce qui était bien. Chacun voit ce qui est vrai mais n’a plus le droit de le dire car ce n’est pas bien. Mais ceux qui prêchent le faux ont droit à tous les haut-parleurs. Le libertarisme était né et nous en vivons les ravages.

En jouant à avoir du mal à nous partager un gâteau qui n’existe pas, nous nous entre-déchirons pour récupérer des miettes les uns sur les autres. Les individus, les entreprises et l’État exécutent ensemble un ballet malsain où seule la montée de la dette calme provisoirement l’agressivité et la dissimulation.

Nous vivons une course contre la montre entre la révolution des esprits et la révolution sanglante, course qui n’est alimentée que par la partie de la population encore réellement utile qui fond comme neige au soleil.

 

Diagnostic

Ce diagnostic se divise en trois parties. D’abord une approche fondamentale de ce qu’est l’économie en anthropologie, puis les déviations qui ont abouti à l’impasse actuelle et enfin les pistes de solutions.

I L’économie en anthropologie

Tout groupe d’êtres humains a au départ une raison d’être et organise dans ce but les apports de chacun et rend complémentaires les différentes énergies individuelles. Cette organisation a été improprement appelée troc en supposant une simultanéité du don et du contre-don qui n’a jamais été systématique. Le don et le contre-don existent dès la création du groupe (couple, association ou tribu) mais ils ne sont que très rarement simultanés. L’anthropologue et professeur au Collège de France Marcel Mauss a parfaitement expliqué que le don entraînait le contre-don et que le « donner-recevoir-rendre » était au service du lien social et qu’il le nourrissait.  Mauss a développé que le don et le contre-don était ce qu’il a appelé un « fait social total » à dimensions culturelle, économique, religieuse, symbolique et juridique et qu’il ne pouvait être réduit à l’une ou à l’autre de ses dimensions. Mais quand la taille du groupe devient importante, la détection des profiteurs et des tire-au-flanc devient difficile et rend obligatoire la simultanéité du contre-don. L’origine de la monnaie est cette invention du contre-don simultané. La monnaie est donc culturelle, économique, religieuse, symbolique et juridique. Par sa facilité d’usage la monnaie est devenue le regard que le groupe utilise pour isoler les richesses échangées contre de la monnaie dans le fatras des productions. C’est parce qu’une production trouve acheteur qu’elle est reconnue comme richesse et non comme embarras ou déchet. Toutes les fonctions de la monnaie décrites depuis l’antiquité, réserve de valeur, unité de compte et intermédiaire des échanges, découlent toutes de ce que la monnaie est l’étalon culturel de la richesse. C’est l’énergie du groupe, l’énergie sociale, quand le travail est l’énergie individuelle. La monnaie est reconnaissance par le groupe de l’utilité du travail individuel. Toutes les querelles autour de la monnaie viennent de la difficulté à marier la notion de richesse qui est un regard dynamique essentiel au lien social avec la notion d’étalonnage qui est arithmétique et avec la notion de culture qui est sociologique. Toutes les incompréhensions viennent de simplifications excessives et contradictoires.

II Les déviations

Le XXe siècle, sous impulsion anglo-saxonne commerçante, a fait croire par une fabrication erratique de contre-dons que l’augmentation de la production était une augmentation de richesse, et par une très belle illusion qu’une dépense était une richesse et que l’augmentation des échanges commerciaux était aussi une augmentation de la richesse du groupe. Tout a été fait pour que l’on croie à ces deux erreurs, à commencer par la diffusion de l’idée que ces augmentations de richesses permettaient de moins travailler, ce qui a beaucoup plu aux peuples latins. La richesse n’étant qu’un regard, la propagande a remplacé une démonstration inexistante.

Pour faire croire que la croissance du commerce était augmentation de richesse on a additionné tous les échanges dans une zone donnée en appelant finement cette addition d’échanges « gross domestic product » servilement traduit en français par « produit intérieur brut ». En se servant à tout propos de pourcentages du PIB comme d’une ressource ou de son augmentation comme d’une victoire, on a instillé dans les esprits que le commerce était en soi une richesse et que son développement était « la » croissance, alors que le commerce n’est que l’intermédiaire qui se fait payer pour mettre en relation producteurs et consommateurs. A la méthode Coué, d’une dépense on a fait une richesse, d’un emploi on a fait une ressource. Comme cela ne marche évidemment pas, on a nommé ce ratage, la crise, et on a fait de la fuite en avant en cherchant de nouveaux marchés, en inventant la concurrence, l’austérité et le nouvel esclavage dans l’espace qu’est la mondialisation.

Pour faire croire que l’augmentation de la production était augmentation de richesse on a simplement fabriqué du contre-don utilisable à tout moment. Plus on fabriquait de la monnaie plus on laissait croire que les productions étaient des richesses sans que personne ne s’appauvrisse pour reconnaître ces fausses nouvelles richesses. Depuis le début du XXe siècle, par cette inflation dans son vrai sens, par cette fabrication incessante de monnaie, on a sans arrêt dévalué toutes les monnaies par rapport à l’or. Dans les années 70 on a même cassé le thermomètre en déconnectant les monnaies de l’or et l’erreur est devenue encore moins facilement perceptible. N’étant dorénavant liées ni à l’or ni au travail humain utile qu’étaient le don et le contre-don, les monnaies ne sont plus limitées dans leur fabrication et elles se sont donc toutes totalement dévaluées. Aujourd’hui les monnaies ne valent plus rien. Il n’y a que les peuples qui ne le savent pas. On a oublié que la monnaie n’était une énergie que parce qu’elle était contre-don d’un travail utile. Elle était et n’est plus stockage de travail humain. Pour retarder cette prise de conscience on a remplacé la coopération par la concurrence et seul le désir de ne pas mourir le premier empêche une flambée générale des prix. Pour que la fausse monnaie soit utilisée et pour que les productions continuent à être reconnues comme richesses, elle est prêtée à tout va en créant un nouvel esclavage, l’esclavage dans le temps qu’est la dette.

Les acteurs des déviations

Pour arriver à un tel imbroglio il a fallu que plusieurs corps s’agrègent pour que la propagande soit malheureusement convaincante.

Les banques créent la monnaie. Elles ont d’abord détourné le pouvoir régalien de battre monnaie puis l’ont confisqué aux Etats-Unis en 1913 par la création de la FED et en Europe par le traité de Maastricht et le passage à l’euro. Cœur du système, les banques l’ont créé et l’entraîneront dans leur chute. C’est la bête de la mer de l’Apocalypse « Et toute la terre était dans l’admiration derrière la bête » Ap 13,3.

Les medias et leur propriétaire, la publicité, prennent au peuple la monnaie nécessaire à lui faire croire par le plaisir qu’il est possible d’être heureux sans vision. C’est la bête de la terre de l’Apocalypse, celle qui  « faisait que la terre et ses habitants adoraient la première bête » Ap 13,12.  « Elle séduisait les habitants de la terre par les prodiges qu’il lui était donné d’opérer» Ap 13,14.

Les multinationales et la science économique donnent au peuple de quoi survivre et payer la publicité. On a inventé la science économique qui a remplacé le bon sens par une logorrhée déguisée en mathématique et qui a délivré des diplômes sanctionnant les étudiants qui avaient répété sans comprendre tout ce qu’on leur avait embecqué. La science économique cherche sans succès à démontrer qu’il y a des solutions hors bon sens. Elle est la référence officielle nobélisée des deux erreurs sur l’augmentation de la richesse par l’augmentation de la production et par l’augmentation des échanges. La science économique a envahi les multinationales qui, déconnectées de la réalité, ont besoin des banques pour cacher leurs pertes. Les multinationales font de la cavalerie entre elles pour dégager des bénéfices fictifs. Grâce au principe irréaliste de pérennité de la comptabilité, elles peuvent présenter en toute légalité, des passifs sous-évalués et des actifs surévalués.

La recherche et l’innovation. La recherche récupère de belles intelligences déboussolées et les met au service de qui la paye sans se préoccuper d’où vient l’argent, du vrai but recherché et des deuils que les innovations généreront. La recherche vit dans le cercle fermé « demain paiera et demain sera mieux grâce à l’innovation ».

Les politiques, pour ne pas faire trop travailler au présent les électeurs-consommateurs, veulent faire travailler le passé par l’augmentation de la ponction fiscale, faire travailler le futur par l’augmentation de la dette et faire travailler les autres par la balance commerciale excédentaire. Si la balance commerciale est déficitaire on fera travailler davantage le passé et le futur, c’est-à-dire les électeurs-consommateurs et leurs enfants. Les politiques nous ont construit un pays de Cocagne illusoire fondé sur l’esclavage dans l’espace qu’est le mondialisme et sur l’esclavage dans le temps qu’est la dette, un eldorado où l’homme n’aurait plus à travailler mais la partie des peuples encore au travail vit de plus en plus mal de recevoir systématiquement sur la tête le marteau que leurs dirigeants ont envoyé en l’air pour que leurs électeurs ne se fatiguent pas.

Les spectateurs des déviations

Les peuples changent leurs dirigeants chaque fois qu’ils le peuvent et constatent que tout empire. Mais ils ont été formatés à croire à l’esclavage dans l’espace pour payer moins cher et à l’esclavage dans le temps pour ne même plus se poser la question du « Qui paye ? ». On les a même formatés à limiter dans leurs têtes l’esclavage au vilain esclavage des gentils noirs par les méchants blancs.

Les intellectuels sont en voie de disparition. Les derniers spécimens comme Michel Onfray disent «  Le bateau coule, mourez debout ». D’autres comme Jacques Attali se réfugient dans la logorrhée en fondant tout sur le marché, la démocratie et l’initiative personnelle. Mais le marché dit que l’homme ne vaut plus rien depuis que l’humanité est passée en deux siècles de 1 à 6 milliards d’individus alors que la démocratie dit rigoureusement l’inverse en faisant semblant de sacraliser l’individu. Le message intellectuel d’Attali traduit en français n’est que « Débrouille-toi entre moins l’infini et plus l’infini ».

Les religions par une absence d’analyse incroyable, se sont auto réduites au monde des Bisounours sans vision, sauf une partie de l’Islam qui, sur une lecture littérale du Coran soigneusement éludée, enflamme encore.

III Les axes de solutions

Non par calcul mais par simple sédimentation des médiocrités dans une société sans vision, nous avons construit une société monstrueuse et totalement instable. Nous assistons même à la querelle désolante bien que sans doute de bonne foi entre ceux qui comme l’Union Européenne veulent plus de mondialisation pour avoir moins de dettes, et ceux qui comme Mélenchon & Co, veulent plus de dettes et moins de mondialisation.

Il nous faut pourtant répondre à la question dramatique à laquelle nous sommes chaque jour davantage confrontés et qui est de savoir s’il y a un autre moyen que la guerre pour nous remettre les yeux en face des trous. Y répondre positivement est le devoir des générations actuelles.

La direction pourrait être celle-ci :

1 – Expliquer ce qui se passe à un peuple perdu, anesthésié et étourdi pour lui redonner une vision, le réveiller et le dégourdir. Redonner en premier lieu sa place à la coopération face à la concurrence et ensuite leurs places aux devoirs face aux droits, au travail face à la dette, à la fraternité face à la solidarité, à la rigueur face au laxisme, au réalisme face au rêve.

2 – Retrouver notre souveraineté pour pouvoir agir.

3 – Ne pas importer plus que ce que nous exportons et fabriquer en France, même plus cher, ce que nous importons sans être capable de le payer. C’est l’esprit de la charte de La Havane et de l’Organisation Internationale du Commerce, mère de la parricide Organisation Mondiale du Commerce.

Donner par ces décisions conformes à l’O.I.C. mais opposées à l’U.E. et à l’O.M.C., du travail à tous les nationaux qui en demandent, par la création d’entreprises de production à capital mixte public-privé.

4 – Une fois les Français au travail, rééquilibrer petit à petit pour faire payer par le présent ce qui est consommé au présent en renonçant à faire payer le passé par l’impôt et le futur par la dette. Là est évidemment le plus gros problème mais qui ne pourra être abordé que lorsque les trois premiers points auront été réalisés.

Vœux 2015

2015 sera l’année de deux votes et si nous nous souvenons que vote vient de votum le vœu et non de vox la voix, il est temps de faire un vrai vœu, une promesse faite aux dieux selon son étymologie. Laissons aux souhaits, la gentillesse de voir chacun riche, bien portant et heureux, et envisageons d’y travailler un peu.

Je promets donc aux dieux de tout faire pour réveiller mes contemporains et les aider à se sortir du tissage de l’illusion et de la parole, étoffe qui nous sert de chrysalide et nous fait croire que nous ne sommes pas chenilles puisque nous nous rêvons papillons. C’est évidemment complexe puisque tout est fait pour fausser nos analyses et pour que nous nous croyions riches, bien portants et heureux. Décortiquer l’esbroufe est la première difficulté à surmonter pour ne pas sombrer dans les fausses solutions qui abondent et nous dispersent.

Toute étoffe a une chaîne et une trame qui se tissent pour durer. Notre folie n’y échappe pas.

Quatre illusions constituent la chaîne de ce tissu maléfique :

La première est de croire que nous avons trouvé, après l’échec de toutes les civilisations et de tous les siècles antérieurs, comment créer de la richesse : il suffit d’attendre la croissance qui augmentera le PIB qui n’est plus la somme de toutes les dépenses, sottes ou intelligentes, mais la création annuelle de richesses à nous partager équitablement. Nous avons enfin trouvé l’accès à la propriété en niant à juste titre qu’elle est le vol mais en oubliant qu’elle n’est qu’un prêt du groupe qui peut tout récupérer par ses lois de confiscation. Cette première illusion fait passer l’individu avant le groupe, ce qui est l’inverse de toute civilisation.

La deuxième illusion est de croire que la monnaie est une marchandise ou un signe en oubliant qu’elle est stockage d’énergie humaine et qu’elle ne peut croitre en quantité que par l’augmentation d’énergie humaine efficace, procréation fructueuse ou travail reconnu utile par le groupe. Créée sans cela, elle s’autodétruit par la hausse des prix et la dévaluation. Cette deuxième illusion accompagne la première comme le chat accompagne le renard pour emmener les Pinocchios que nous sommes vers l’île des plaisirs.

La troisième illusion est de croire que des années passées dans l’instruction publique à répéter à des professeurs, ce qu’ils ont envie d’entendre, donnent par diplômes interposés, des raisons d’être et une reconnaissance par le groupe. Cette troisième illusion déstabilise complètement l’individu et l’oblige, pour survivre, à devenir complice ou rebelle.

La quatrième illusion est de croire que la majorité de la foule a toujours raison et qu’il est inutile de vérifier la compétence, la liberté et l’engagement de ceux qui s’expriment pour les prendre au sérieux. Les foules ne font pas que des lynchages et des pogroms. Elles font aussi des démocraties représentatives qui ont dépensé ce qu’il fallait pour s’acheter une image de sérieux et qui fabriquent des protecteurs du système. Le rôle de ces derniers est important car, au lieu de privilégier le bon sens, et pour des raisons à étudier de près, ils s’en éloignent en multipliant les normes et les lois, tristes étais d’un système sans avenir. Cette quatrième illusion nous fait croire que nous sommes sur le bon chemin.

Mais la chaîne de l’illusion ne ferait pas un tissu solide si elle n’était tramée par la parole qui arrive à tout faire croire par une logorrhée généralisée et une technique très aboutie.

La parole dans l’action est confiée aux Politiques. Comme rien de ce qu’ils proposent ne fonctionne et qu’ils n’envisagent pas de s’être trompés, ils rivalisent de mots qui ne sont que fuite en avant vers l’européanisme et le mondialisme avec les notions de gouvernances européenne et mondiale et un syncrétisme absurde qui prend çà et là sur la Terre, des bouts d’expériences toujours isolés de leur contexte. De tous temps les pensées médiocres ont cru pouvoir s’imposer par l’universalisme et la suppression des autres pensées. De tous temps cela a abouti à des totalitarismes désastreux car les peuples filtrent tout à l’aune du bon sens.

La parole dans l’échange est confiée aux médias qui surfent sur le superficiel en ne faisant plus d’analyses de fond. Ils éloignent les profanes du temple de leurs certitudes en veillant à la purification des messages diffusés. Ils doivent être inodores, incolores et sans saveur sauf s’ils sont porteurs d’émotions. Les médias séduisent et diffusent un bonheur artificiel et des émotions dirigées. Ils réinventent l’hypnose sous une forme nouvelle assez efficace.

La parole dans la réflexion est confiée, ou plus exactement donnée, à des experts cooptés entre eux. Les Politiques et les médias les ont érigés en penseurs. On ne voit qu’eux à la télévision. Ils se disent à la fois économistes, politologues, essayistes et professeurs. Ils annoncent péremptoirement le futur en n’expliquant jamais pourquoi ils se sont toujours trompés. Inutile de les citer tellement leurs noms tombent naturellement comme des fruits mûrs. Ils ont compris que pour exister, il fallait être proche des Politiques et des médias, ce qui était beaucoup plus important que d’avoir quelque chose à dire.

Ce tissu bien construit par le hasard et la nécessité, est en nous et autour de nous. Tous les grands illusionnistes savent que tout passe lorsque la parole habille l’illusion. Les auditoires sont subjugués et on leur fait tout avaler. C’est la société de l’apparence. C’est la société que nous envisageons, toute honte bue, de laisser à nos enfants.

Puissent les dieux nous aider à sortir par nous-mêmes de cette société de l’apparence que l’on nous a appris à tant aimer ! Le premier acte est d’affiner l’analyse en ouvrant un vrai débat.

Bonne année 2015