Aveuglement ou bêtise ?

Lorsque Contrepoints diffuse ce matin un article D’où vient l’argent ? Du chiffre d’affaires des entreprises, point, J’ai souhaité réagir devant une telle ineptie. Etant banni de ce site qui n’aime pas la contradiction, tout en se proclamant défenseur de la liberté d’expression, je profite de son autorisation de partager cet article quand on l’aime, pour le partager à ma modeste manière.

J’aime cet article car il est l’expression de la bêtise à l’état pur. Tout s’y trouve. L’argent vient du chiffre d’affaires des entreprises mais il ne vient pas à l’idée de l’auteur qu’il n’y a pas de chiffre d’affaires des entreprises sans que des clients viennent abandonner leur argent et fabriquer ce chiffre d’affaires qui sans eux n’existerait pas. Toutes les courbes sont en pourcentage du PIB que l’auteur continue à voir comme une richesse à se partager alors que c’est la somme de toutes nos dépenses.

A la réflexion, je retire le mot bêtise qui est disgracieux et je dois reconnaître que la bonne foi se montre volontiers en public quand elle a sa béquille de l’aveuglement. Je crains très fort que l’auteur soit de bonne foi ! C’est dire la profondeur de notre problème.

Bonne chance à cet auteur comme à Contrepoints qui semble fier de le publier.

La science économique aurait-elle inventé la machine à remonter le temps ?

Le temps et l’espace sont deux décors infinis dont l’homme a besoin pour analyser sa liberté, pour tenter de comprendre ce qui se passe autour de lui. Il appelle espace ce qui est réversible, et temps ce qui ne l’est pas. Par définition le temps ne se remonte pas car s’il se remontait, on l’appellerait l’espace.

L’homme a toujours rêvé de remonter le temps et depuis un siècle, trois illusions lui sont proposées pour faire semblant d’y croire : le cinéma, une mauvaise interprétation d’Einstein et la science économique. Pour le cinéma l’expression populaire « faire du cinéma » donne bien ce côté illusoire. Pour Einstein l’allongement apparent par la vitesse de la durée d’une seconde dans une horloge atomique, ouvre les portes du rêve puisqu’une sinusoïde est plus longue qu’une ligne droite. Pour la science économique c’est mieux caché, c’est mieux habillé mais probablement plus pervers tellement tout est fait pour qu’on y croit.

Le principe de la science économique qui remonterait le temps est qu’une conséquence peut arriver avant que sa cause ne survienne, que l’eau d’un fleuve pourrait être à son estuaire avant d’être à sa source. C’est le principe même actuel de la monnaie et de la notion d’investissement.

Pour bien l’appréhender il faut d’abord se souvenir que la monnaie n’est que le substitut d’une richesse déjà constatée pour pouvoir, par une impression de troc que l’on appelle le prix, garder l’esprit du donner-recevoir-rendre, « fait social total » constitutif d’un groupe harmonieux et cohérent. Toute vraie monnaie est une richesse déjà constatée qui transporte avec elle une part de la vie passée du groupe. Dans l’histoire cela a été, entre autres, du sel, du bétail, des plumes rares, du cuivre, de l’argent ou de l’or. Même le papier monnaie a toujours été émis au départ avec garantie d’une richesse déjà reconnue. Ce fut les actions de la compagnie du Mississipi pour le système de Law, les biens confisqués de la noblesse et du clergé pour les assignats, et l’or pour le dollar, base du système de Bretton Woods de 1944.

C’est la dérive du système qu’il est intéressant d’étudier. Comment pouvons-nous croire qu’un bout de papier multiplié à l’infini peut garder une valeur énergétique constante ? C’est tellement facile d’imprimer du papier quand on en a le pouvoir, que systématiquement on en imprime beaucoup plus que leur équivalent en richesse déjà reconnue et le papier-monnaie ne vaut plus rien à échéance variable. Ce fut le cas pour Law qui finit exilé à Venise au bout de 5 ans quand le Régent a eu remboursé les dettes énormes de Louis XIV. Ce fut le cas pour les assignats quand la bourgeoisie a eu fini de récupérer en 7 ans les biens de la noblesse et du clergé. Pour le dollar la FED dès la fin de la guerre a imprimé infiniment plus de dollars qu’elle n’avait d’or à Fort Knox. Le plan Marshall comme la guerre du Vietnam n’ont été financés que par de la fausse monnaie. Et c’est parce que plusieurs pays ont imité la France de De Gaulle qui allait échanger ses dollars contre de l’or, que Nixon a été obligé, pour ne pas voir Fort Knox complètement vidé de son or, de dénoncer la convertibilité du dollar le 15 août 1971. Il y avait en effet à l’époque 53 milliards de dollars en circulation dans le monde et le trésor américain n’en possédait pas le cinquième en or. Depuis cette date, voilà bientôt un demi-siècle, le dollar comme toutes les monnaies qui lui étaient liées par les accords de Bretton Woods et leurs remplaçantes comme l’euro, sont des monnaies dite fiduciaires dont l’équivalent n’est plus une richesse reconnue mais la confiance que nous avons en Trump, en Bush père et fils, en Mitterrand, en Chirac, en Sarkozy, en Hollande, en Macron et en Christine Lagarde pour nous créer de la richesse.

Conseillés par la science économique, ces politiques unanimes ont inversé le temps en faisant une sorte de constat public d’existence de ce qui n’existait pourtant pas encore. Ils ont laisser constater par les banques centrales une richesse inexistante en imprimant des billets reconnus par la population comme une richesse, ils ont appelé leur utilisation, un investissement, et ils ont compté sur l’avenir pour apporter la preuve de la transformation miraculeuse du papier en richesse. C’est à l’avenir qu’ils ont confié la tâche difficile de montrer qu’Aristote avait mal cherché en ne trouvant pas les organes reproducteurs  d’une pièce de monnaie.

Mais comme la confiance que nous avons dans les politiques est totalement inexistante bien qu’artificiellement gonflée par les médias appartenant à la finance, observons comment ils ont pu faire illusion un demi-siècle alors que le système de Law et les assignats n’ont tenu que quelques années.

Il a fallu pour cela, à la fois faire oublier ce qu’était la monnaie, faire croire à un système aberrant, et masquer la façon dont la réalité et le bon sens reprenaient le dessus et ridiculisaient le système.

Entre ceux qui voulaient que la monnaie soient une marchandise, ceux qui voulaient qu’elle soit un symbole, ceux qui voulaient qu’elle soit une institution, il y a eu d’abord un accord tacite insolite pour refuser de voir que la monnaie est avant tout une énergie, une « force en action » fondée sur le « souvenir » comme le disent les étymologies grecques des deux mots énergie et monnaie (moneo forme causative latine de la racine grecque men de la mémoire). Quel pan de vie n’est-il pas en effet arrangé, stimulé ou dérangé par la force de l’argent ? Mais il était capital que cette énergie ne soit pas reconnue comme telle car il aurait fallu s’interroger sur sa source, se demander d’où elle venait.

C’est ensuite par la construction d’un système utilisant une énergie sans source que s’est érigée l’illusion actuelle qui pose tant de problèmes. Il n’est pas simple de faire croire que demain peut précéder hier, qu’un fleuve coule à contre-sens et que dépenser enrichit. C’est le rôle du PIB qu’il faut bien comprendre pour ne pas s’en laisser conter.

Le PIB (produit intérieur brut) n’est en aucun cas un produit. Il mesure une activité économique en la chiffrant de 3 manières comme on peut mesurer de trois manières l’activité d’un marché sur une place de village ; soit en chiffrant comme on le peut, ce qui y est vendu, soit en comptant ce qui y a été dépensé pour l’acheter, soit en additionnant toutes les ventes qui s’y sont faites. L’INSEE fait intervenir sans vergogne le commerce extérieur dans un seul de ses trois calculs, ce qui démontre mathématiquement qu’il n’a aucune influence sur le PIB car le PIB se moque tout autant de l’origine de ce qui est vendu (production, importation, récupération ou vol) que de l’origine de l’argent qui a permis de l’acheter (travail, emprunt, visiteur ou vol). Le PIB est la somme de tout ce qui est dépensé avec un argent sans distinction d’origine pour acheter des biens et des services sans origines différenciées.

L’idée géniale de la science économique est d’avoir appelé produit, cette somme de dépenses. D’un côté elle a rendu incompréhensible la définition du PIB par des définitions techniques absconses et mensongères puisque présentées comme le chiffrage d’une activité de production alors qu’il ne chiffre que des activités de négoce. De l’autre elle a fait miroiter tout ce que l’on pouvait théoriquement faire grâce à ce produit intérieur brut, après avoir astucieusement métamorphoser cette dépense en corne d’abondance. Elle a fabriqué à la pelle de jolies courbes montrant tout ce que l’on pouvait dépenser avec des pourcentages de PIB. Elle a réussi à nous faire croire que nous pouvons utiliser aujourd’hui ce qu’on nous prédit comme devant exister demain. Et c’est tellement agréable que nous nous sommes laissés bercer.

Aujourd’hui il suffit d’emprunter pour dépenser et augmenter d’autant le PIB, c’est technique et aucune personne honnête et compétente ne dira le contraire. La science économique nous laisse simplement croire, sans jamais prendre le risque de l’affirmer trop ouvertement, qu’ayant fait du PIB, nous nous sommes enrichis et que des pourcentages de ce PIB, de cet enrichissement collectif, sont à notre disposition. Fini le temps où il fallait gagner sa vie et donner de soi pour avoir de l’argent avant de le dépenser. Grâce à la science économique et au PIB, le temps est inversé : il suffit de dépenser pour s’enrichir et sur ce miracle nous allons construire demain avec l’argent d’après-demain. C’est très exactement ce que nous vivons actuellement en refusant d’en prendre conscience.

Si l’INSEE dit bien que le PIB ne mesure qu’une activité, on entend des économistes expliquer qu’emprunter ce n’est pas grave dès l’instant où la croissance est supérieure à l’augmentation de la dette. La croissance étant l’augmentation du PIB donc des dépenses, il n’est pas grave pour ces « experts » d’emprunter davantage puisque nous dépensons encore plus !

Le traité de Maastricht, voté mesquinement en France par 49% des votants contre 47%, énonce des critères : ne pas avoir un déficit supérieur à 3% du PIB et avoir une dette publique inférieure à 60 % de ce même PIB. Il est déjà intéressant d’observer la stupidité de lier l’autorisation de déficit et la capacité d’emprunt à la quantité d’argent dépensée (plus vous dépensez, plus vous avez le droit d’augmenter votre déficit et votre capacité d’emprunt !). Mais au moins les deux étaient liés et il a fallu que les médias n’éclairent plus que le critère de 3% pour que nous oublions tous le critère de 60 % qui a volé en éclats en étant déjà aujourd’hui à 100% sans que nous en soyons dérangés.

Mais tout ce jeu malsain n’étant destiné qu’à faire croire à un sérieux inexistant, la réalité résiste bien évidemment et s’impose. Comme l’énergie sans source n’existe pas et qu’il faut donc bien une source à toute cette énergie dépensée, le système a mis en place de nouvelles ruses.

Il a d’abord choisi de faire payer les autres par le commerce extérieur qui est une première tentative de ressusciter l’esclavage dans l’espace. Après avoir fait capoter l’OIC qui prônait des commerces extérieurs équilibrés fondés sur la coopération, il a créé l’OMC fondé sur la concurrence, ce qui est intellectuellement aberrant. Aujourd’hui l’Allemagne prête des euros allemands pour que d’autres pays achète allemand. Avec quoi sera-t-elle remboursée ?

Comme cela ne suffisait évidemment pas et même aggravait le problème pour la France, le système a inventé pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’esclavage dans le temps, la dette qui s’envole à la fois chez les particuliers, dans les entreprises et dans les États. Sur ce point les courbes sont justes et terrifiantes. Demain paiera. Avec quoi ? Tais-toi et vote.

Comme cela ne suffisait encore pas, le système a officiellement choisi de ne surtout pas laisser monter les prix du quotidien, ce qui revient automatiquement à les laisser monter hors économie quotidienne, à la Bourse, dans l’immobilier et dans les œuvres d’art (ce qui fait de la croissance puisque la dépense augmente et fait croire que nous sommes plus riches). Il se refuse à voir que les prix du quotidien  augmentent quand même mais surtout il a mis en place un nouveau mode de paiement par appauvrissement du peuple, ce qui lui fait entr’apercevoir l’esclavage dans le temps.

Le système bancaire est chargé de ce nouveau mode de paiement et remplit parfaitement son rôle en étant un Janus à deux têtes. Un seul Janus, la banque, deux têtes opposées, égales par définition mais gérées différemment, son actif et son passif.

Dans toute entreprise est inscrit au passif d’où vient l’argent et à l’actif où il est. Si l’actif est supérieur au passif on rééquilibre par le bénéfice et si c’est l’inverse le rééquilibrage se fait par la perte. Mais on peut écrire n’importe quoi et la vérification se fait par la trésorerie qui est le constat de la réalité de la rentrée des créances et de la sortie des dettes. Sans rentrer dans le détail qui est volontairement très compliqué, les banques dégagent toutes un bénéfice important sur leurs bilans, mais sont curieusement en permanence en difficultés de trésorerie alors qu’elles créent elles-mêmes l’argent et qu’elles poussent tout le monde à emprunter. C’est là où la banque centrale intervient et paye les créances douteuses (le quantitative easing) en les récupérant mais en les faisant garantir automatiquement par les États qui augmentent les impôts.

Comme tout cela n’est toujours pas suffisant pour rendre cohérent un système incohérent par nature et qui n’a tenu que par le double dégoût du fascisme et du communisme, on a complété la panoplie par l’esclavage « hic et nunc », ici et maintenant, par l’immigration que les entreprises ont demandé aux politiques pour contribuer à la baisse du niveau de vie.

La paupérisation des peuples entraîne inéluctablement la peur du lendemain, la baisse de la natalité et la montée effrénée de l’individualisme, la collectivité ayant perdu toute cohérence, toute crédibilité et se réfugiant dans la fuite en avant. Le libertarisme peut occuper les esprits, le libéralisme lui en a ouvert toutes les portes même s’il lui prépare des lendemains difficiles.

Il n’y a que par une prise de conscience collective que la civilisation occidentale pourra être sauvée et ne pas être submergée par une « migration de remplacement » telle que l’ONU l’envisage dans un dernier rapport.

 

L’économie, de binaire est devenue bipolaire voire schizophrène

Il est redoutable de voir tant de gens dire qu’ils ne comprennent rien à l’économie. Ce sont eux qui sans le vouloir sont les principaux complices de ceux qui tirent profit de leur désintérêt. Ce que l’on appelle pompeusement économie, voire même science économique, n’est pourtant que l’observation des règles d’une vie en groupe, certes rendues compliquées depuis l’introduction nécessaire de la monnaie. Chacun comprend que la vie en groupe est la mise en commun et l’organisation des énergies des membres du groupe mais beaucoup n’ont pas envie de prendre la peine de comprendre ce que l’introduction de la monnaie a changé, truqué et perverti, surtout depuis que la monnaie n’est plus que du papier, voire même une ligne sur un écran.

La vie en groupe, chacun la connait dans sa famille ou en vacances avec ses amis. Chacun y fait ce qu’il fait le mieux ou le moins mal dans l’intérêt du groupe. C’est la répartition des tâches nécessaires à la vie du groupe. Certains apprécient, d’autres le font par devoir mais le but n’est que la survie du groupe pour qu’il puisse vivre ce pourquoi il s’est constitué. Le groupe vit ce que l’ethnologue et professeur au Collège de France Marcel Mauss appelait le donner-recevoir-rendre qu’il appelait, rappelons-le, un « fait social total » au service du lien social et le nourrissant. Il voyait à ce donner-recevoir-rendre, dans une famille, dans une tribu ou dans n’importe quel groupe cohérent, des dimensions multiples ne pouvant être réduites à une seule ; une dimension culturelle car cette forme d’échange n’est pas la même chez les différents peuples ; une dimension économique  parce que c’est la vie du groupe qui s’organise ; une dimension religieuse car il est le lien qui relie ; une dimension symbolique parce que les uns et les autres se complètent et qu’un symbole est la juxtaposition d’éléments qui se complètent ; une dimension juridique car une sorte de droit non écrit s’installe dans le groupe et est respecté par tous.

C’est quand les devoirs de ce droit ne sont plus observés parce que le groupe est devenu trop important et que la simple observation ne suffit plus à les faire respecter, que tout naturellement et partout, la monnaie est apparue comme substitut objectif du donner-recevoir-rendre.

Le donner-recevoir rendre est une forme d’échange non simultané dans un groupe cohérent de gens qui se connaissent, s’apprécient et se font confiance. Sans ces éléments, l’échange ne peut se faire que par le troc. Le troc est l’échange simultané de deux entités matérielles perçues comme équivalentes en un lieu donné et à un moment donné par des gens qui n’ont pas besoin de se connaître.

La monnaie, née d’un manque de confiance à l’intérieur du groupe, a introduit le troc dans le groupe en l’appelant le prix. Malheureusement les livres d’économie commencent tous sous différentes formes par la phrase erronée « Au début était le troc et un jour c’est devenu trop compliqué et on a inventé la monnaie ». La réalité est au contraire qu’au début était le donner-recevoir-rendre et qu’un jour par manque de confiance on a introduit le troc sous forme de monnaie.

Mais l’introduction de la monnaie, si elle en change l’apparence, ne change évidemment pas les fondations culturelle, économique, religieuse, symbolique et juridique de la réalité économique du donner-recevoir-rendre, nourriture du vivre ensemble et du lien social. La monnaie reprend sans le dire toutes ces dimensions et une monnaie sérieuse ne l’est que si elle se limite à un groupe cohérent qui reconnait unanimement qu’elle est un titre de créance sur n’importe lequel de ses membres car elle n’est qu’un substitut du donner-recevoir-rendre. Elle ne peut donc être créée qu’après que le groupe ait constaté qu’il se croyait plus riche. C’est ce que le capitalisme et la science économique ont glissé sous le tapis pour ne pas en être dérangés.

En ne partant que de l’apparence de troc que donne le prix quand il est étudié isolément, la science économique a oublié la nécessité du groupe cohérent qui n’apparaît pas dans sa réflexion. Elle va tout réduire à un échange matérialiste entre gens qui ne se connaissent pas et ne s’estiment pas. C’est évidemment beaucoup moins consistant, beaucoup moins intéressant et surtout beaucoup moins vrai. La science économique va justifier et nourrir le capitalisme, dernier avatar du siècle des Lumières après le fascisme et le communisme, ayant besoin comme eux de la ruine des patries, des espaces cohérents. Elle va donner sens à l’observation d’Oscar Wilde comme quoi l’Amérique est le seul pays qui soit passé directement de la barbarie à la décadence sans passer par la civilisation car une civilisation c’est avant tout un groupe cohérent.

Un gouffre s’est petit à petit créé avec d’un côté les peuples et l’économie qui est leur vie, et de l’autre le capitalisme et la science économique qui va tenter de remplacer par les mathématiques et de jolies courbes avec le PIB en ordonnée, les bases heureusement inchiffrables de l’économie qui sont le contentement, le plaisir et la fierté de soi, leurs sources à tous trois étant le travail et l’effort sur soi.

L’économie qui est échange, donc par définition binaire, va devenir bipolaire avec la science économique. Cette matière universitaire va en effet juxtaposer pour tenter de les équilibrer deux visions oniriques, excessives, invivables et opposées, deux vies parallèles aux règles différentes aussi disharmonieuses les unes que les autres.

D’un côté la vie internationale qui prépare des lendemains qui chantent avec le pape comme nouvelle figure de proue, de l’autre les vies nationales qui doivent faire les efforts nécessaires au succès de la première qui dispensera à tous ses bienfaits plus tard.

Pour jouer cette farce ridicule que nous vivons actuellement tous les jours, des principes opposés s’appliquent simultanément dans les deux mondes sans que personne ne semble s’en émouvoir.

Dans la vie internationale il faut dépenser plus pour faire de la croissance ; dans la vie nationale il faut dépenser moins pour équilibrer les budgets. Dans la vie internationale il faut appliquer l’avantage comparatif de Ricardo et faire faire à chaque pays ce qu’il fait le moins mal ; dans la vie nationale il ne faut surtout pas appliquer ce principe qui résoudrait le chômage en un instant et il faut laisser ce problème agaçant de chômage aux entreprises dont ce n’est pourtant pas la vocation. Dans la vie internationale, il faut supprimer les contraintes, les normes, les obligations et les interdictions ; dans la vie nationale il faut au contraire plus de normes, plus de contraintes, plus d’obligations et plus d’interdictions, ce qui rend tout beaucoup plus cher, mais fait de la croissance. Dans la vie internationale il faut laisser les GAFAM tenir le monde ; dans la vie nationale il faut les combattre et les taxer.

Pour donner une apparence de  réalisme à ce double langage bipolaire et tenter de lui donner vie, le capitalisme et la science économique ont inventé des notions dignes de contes de fée qui occupent les bonimenteurs et font rêver les niais: la création de richesse avec le PIB, l’investissement, la valeur ajoutée, le gagnant-gagnant, toutes notions qui cherchent à faire croire à la marche vers la lumière alors que les peuples voient surtout la réalité du tunnel dans lequel ils s’enfoncent. Pour parodier la réplique culte de Sergio Leone, dans la société il y a deux sortes d’hommes, les bonimenteurs qui profitent et les niais qui creusent. Les gilets jaunes ont soulevé ce problème.

L’erreur de base de la science économique l’entraîne dans un monde totalement abscons qui diplôme ceux qui répètent sans comprendre ce que leurs professeurs leur enseignent sans comprendre, ce que les médias répètent sans comprendre et ce que les politiques appliquent sans comprendre. Tout le monde explique tout à tout le monde et seul le peuple avoue qu’il ne comprend rien. Qui osera dire à tous ces médecins de Molière avec leur nouveau latin charabia qu’il n’y a rien à comprendre tant qu’on ne repart pas de l’essentiel et que l’on reste dans la logorrhée ?