La bulle de l’économie virtuelle

Les bulles sont faites pour éclater et quand elles éclatent, elles font des dégâts proportionnels à leur taille. Elles ont aussi comme constante d’être transparentes et de ne jamais être visibles quand elles sont initiées. Elles ont enfin en commun de séparer les acteurs en deux catégories quand les bulles deviennent visibles : ceux qui préparent leur explosion et ceux qui refusent de la voir.

La bulle économique va faire très mal quand elle éclatera car si elle est aussi visible que le nez au milieu du visage, elle est tellement gênante que pour l’instant peu de gens ont envie de la voir.

Cette bulle consiste à superposer une économie virtuelle sur l’économie réelle et à employer concrètement ses ressources qui n’existent pas.

L’économie réelle est fondée sur les artisans et les entreprises qui par leur travail créent des biens et des services destinés à séduire leurs clients. S’ils y réussissent les producteurs et les clients échangent leurs richesses.

Les producteurs apportent à l’échange une richesse fragile qui peut parfaitement être vue par certains comme un encombrement ou un déchet. Les regards sur cette production en feront une richesse, un encombrement ou un déchet suivant les personnes qui les portent, suivant le lieu et suivant le moment où ils sont portés. La richesse n’est qu’un regard.

De leur côté les clients apportent une richesse beaucoup plus solide, l’argent. A l’intérieur du groupe qui utilise cette monnaie, chacun voit le billet de banque comme une richesse. Si Serge Gainsbourg brûle un billet de 500 francs ou si Jack Nicholson jette une liasse de dollars dans le feu, chacun est scandalisé car pour tous, personne ne peut voir un billet de banque comme un encombrement ou un déchet. La monnaie est un regard collectif.

L’économie réelle échange à l’intérieur d’un groupe les richesses périssables des producteurs contre des richesses des clients reconnues comme impérissables par le groupe. Il n’y a aucune création de richesse dans cet échange. La création de richesse a eu lieu précédemment quand le client a gagné son argent en échangeant l’énergie individuelle de son travail contre l’énergie collective qu’est l’argent. Toute l’économie réelle est fondée sur l’harmonie entre la fragilité de l’énergie individuelle du travail  et la solidité à l’intérieur du groupe de l’énergie collective qu’est l’argent. Le rôle du pouvoir est de veiller à la force de cette énergie collective. Chacun apporte au groupe ce qu’il croit lui être utile et il en vérifie l’utilité en constatant la réalité de la clientèle.

La masse monétaire en circulation correspond au stockage de toute l’énergie du groupe non dépensée et il appartient aux dirigeants du groupe de veiller à cet équilibre.

Mais dans l’intelligence brillante de nos élites a germé le constat imbécile qu’un mouvement était une création de richesse que l’on pouvait dépenser. On a donc repéré tous les échanges entre des biens et des services, et de l’argent, on les a additionnés et on a appelé cette addition un produit, le Produit Intérieur Brut, le PIB. Pour faire sérieux et pour ne pas se tromper on a additionné les biens vendus et les services rendus que l’on a appelé valeur ajoutée, on a additionné tout l’argent échangé que l’on a appelé la distribution et on a additionné chacune des transactions, ce qui a donné trois façons différentes de calculer le PIB.

Ce qui est stupéfiant c’est de considérer que ce regard sur l’économie réelle est une richesse alors qu’il n’est qu’un déchet qui aujourd’hui nous encombre en nous aveuglant.

L’économie virtuelle qui s’est créée sur la richesse virtuelle du PIB et sur son augmentation, la croissance, aurait du s’arrêter d’elle-même car ce n’était qu’une idée, qu’une production intellectuelle qui allait se heurter à la réalité du groupe et à son énergie réaliste qu’est l’argent. Le groupe allait évidemment bouder cette idée aberrante et lui faire réaliser que personne n’en donnerait jamais le moindre kopeck.

Les esprits brillants ont trouvé la parade pour éviter l’avortement de leur idée géniale qui leur permettait d’exister et de s’enrichir. Si l’on ébouillantait les faux monnayeurs sous l’ancien régime, si encore il y a 50 ans ils étaient condamnés aux travaux forcés à perpétuité, on allait tourner la page, oublier ce qu’est vraiment l’argent et chacun pourrait en créer. Les producteurs, artisans et entreprises, en créeraient par les délais de paiements, les clients en créeraient par la carte de crédit à débit différé et surtout les banques en créeraient pas la double écriture. Partis sur leur lancée, les esprits brillants (Minc Attali BHL Fitoussi, pour la partie médiatisée de l’iceberg) se sont dit que le pouvoir, seul détenteur naturel de la régulation de la monnaie, pouvait  encore en créer davantage par les budgets déficitaires. Ils avaient  trouvé le moyen de financer l’achat de richesses qui n’existent pas. La dette et les faux actifs des banques et des multinationales pouvaient s’envoler. C’est plus que bien parti.

Et on moque la bulle spéculative de la tulipe en Hollande au XVIIème siècle alors que nous faisons mille fois pire aujourd’hui en attirant tous les peuples de la Terre qui n’ont que l’économie réelle et à qui nos esprits brillants voudraient inoculer l’économie fictive par une gouvernance mondiale qu’ils appellent de leur vœux.

Il nous reste à choisir entre la facilité de la fuite en avant et la fenêtre étroite qui consiste à nous réveiller sans tomber dans la solution facile de la guerre qui réveille trop brutalement.

Il y a urgence.

La valeur et le prix

Le verbe valeo en latin se traduit par être fort, vigoureux, puissant. Nous donnons de la valeur à ce que nous reconnaissons être fort, vigoureux, puissant. La valeur est le regard que nous portons sur ce que nous voulons estimer et elle varie suivant les individus, les lieux et les moments. Ce sont les regards communs sur des biens, des services ou des idées qui constituent les groupes et deviennent leurs liens sociaux, leurs raisons d’être.

Tout groupe est généré par des regards communs sur ce que le groupe va considérer comme vrai, comme beau ou comme bon.

Les communautarismes actuels comme le mondialisme sont les deux réponses faciles mais trop courtes à l’absence actuelle de groupe cohérent. Les uns se replient sur la communauté qui partage clairement et concrètement leurs valeurs de vrai, de beau et de bien, en utilisant tous les avantages du groupe plus important appelé société sans en accepter les devoirs. L’autre se réfugie dans l’intellectualisme de la fuite en avant vers un monde utopique qui partagerait unanimement les mêmes valeurs de vrai, de beau et de bien que ses adeptes ne savent même plus clairement définir pour eux-mêmes. Ces deux excès sans avenir, surfent sur la peur et la violence pour l’un et sur l’uniformisation et la financiarisation de tout pour l’autre. Le communautarisme voudrait nous faire revivre le premier millénaire et le mondialisme nous entraine vers un monde de consommation uniformisée où les peuples ayant les mêmes désirs s’entretueront pour avoir ce que la Terre ne peut fournir à tous.

Mais le regard individuel positif peut admirer ou désirer. Il est passif en admirant, il est actif en désirant. S’il désire il va devoir se confronter à un autre regard individuel et au regard collectif. Il lui faudra renoncer, convaincre ou se laisser convaincre. L’autre regard individuel est celui du vendeur, le regard collectif est la monnaie du groupe et l’harmonie difficile entre ces trois regards s’appelle le prix.

Une erreur fréquente est de penser qu’un prix peut ne se définir que par la liberté d’un vendeur et d’un acheteur. Cette idée n’est vraie que si le prix n’est pas exprimé en monnaie. Etant exprimé en monnaie, on ne peut parler de prix sans comprendre l’origine de la monnaie et la nécessité du groupe pour la regarder collectivement comme vraie, belle et bonne, bref, pour qu’elle soit une vraie monnaie.

Des trois fonctions régaliennes, sécurité extérieure (l’armée), sécurité intérieure (loi, police, justice) et représentation du groupe dans l’économie par la gestion de la monnaie dans un but de sécurité intérieure et extérieure, la troisième est la moins claire par les hésitations de la science économique qui n’a jamais clarifié son regard sur la fonction régalienne double de création et d’utilisation de la monnaie.

J’ai rappelé en février dernier dans l’article « Nous sommes tous responsables » l’origine de la monnaie et comment la monnaie est probablement apparue. Cette invention aussi géniale que la roue et qui est apparue sur tous les continents, donne à chacun une quantité d’une matière recherchée, rare, pérenne, divisible et transportable qui correspond pour chacun à son apport passé au groupe. La cause de la monnaie est de se souvenir (moneo est la forme latine causative de la racine grecque men de la mémoire). La monnaie empêche les tire-au-flanc par l’obligation qu’ils ont de reconstituer leurs stocks de monnaie.

La monnaie est devenue l’énergie du groupe, le stockage des énergies individuelles et le regard collectif reconnu par tous d’une richesse objective à l’intérieur du groupe.

Mais si la monnaie répond bien au besoin de vérifier la réalité du travail de tous, le pouvoir est confronté à deux questions quantitatives fort complexes : quelle quantité de monnaie faut-il insérer ? et quels vont être les prix des biens et des services ?

Au niveau de la quantité de monnaie créée il ne faut pas oublier que la monnaie n’est que l’énergie du groupe. Si l’État en augmente la quantité, il n’a pas le pouvoir d’augmenter pour autant l’énergie du groupe et chaque élément monétaire perd simplement de sa capacité énergétique. C’est la dévaluation et son corollaire la hausse des prix. Mais a contrario si l’État ne fait pas suivre par la quantité de monnaie l’augmentation de l’énergie du groupe, la monnaie perd de son intérêt, les échanges matériels se grippent et l’on ouvre la porte au désastre du prêt à intérêt. Dans mon article de décembre 2013 « Le prêt à intérêt » je rappelais que c’était un esclavage dans le temps quand le mondialisme est un esclavagé dans l’espace.

Au niveau de l’utilisation de la monnaie, on aborde le sujet très difficile du prix.

Le prix en monnaie est la concordance de trois regards, celui du vendeur, celui de l’acheteur et celui du groupe. L’erreur du libéralisme est d’avoir cru que les regards du vendeur et de l’acheteur suffisaient. Il n’en est rien car le regard collectif vérifie que l’énergie collective échangée par le changement de mains de la monnaie, est considérée par le groupe comme juste (mariage du vrai et du bien). Le rôle du regard collectif est de vérifier que la monnaie ne fait pas passer l’ensemble du groupe de l’échange des êtres qui prévalait avant l’introduction de la monnaie, à un simple échange des avoirs qui casserait l’harmonie indispensable entre l’individuel, le collectif et le sacré.

Si le prix est trop élevé l’enrichissement du vendeur se fait par une confiscation d’une partie de l’énergie humaine stockée du groupe. Si cette monnaie escamotée n’est pas remplacée, les échanges vont se gripper et la monnaie ne jouera plus son rôle fondamental. Si elle est remplacée par une nouvelle introduction de monnaie sans création d’énergie individuelle, ce sera une dévaluation c’est-à-dire un paiement involontaire par tous de l’enrichissement d’un seul, une sorte d’impôt privé. C’est le cas par exemple des retraites chapeaux ou des intérêts des prêts bancaires.

Si le prix est trop bas la dévalorisation du travail effectué en amont du vendeur, cassera l’harmonie sociale.

On voit la difficulté qu’a l’État à gérer à la fois la quantité et l’utilisation de la monnaie qu’il crée (ou qu’il créera dès que nous serons sortis de l’aspirateur de la fausse Europe). Ceux qui veulent le diriger doivent se souvenir que pendant les Trente Glorieuses l’État contrôlait tous les prix, tous les loyers.

L’État doit, par le regard collectif, moraliser les regards individuels c’est-à-dire réconcilier l’individuel et le collectif. Pour ce faire il n’a pour moi pas d’autres solutions que de supprimer les prêts, les faire lui-même, ou fixer les prix.

La démagogie de la création de richesses futures

Je reviens sur le sujet tellement le dé-formatage est difficile mais essentiel.

Le monde financier est fondé sur le prêt d’un argent qu’il n’a pas et qu’il crée par la double écriture pour se nourrir des intérêts. Son autre activité qui était accessoire et qui devient première consiste à spéculer sur tout ce qui peut l’enrichir par le jeu, en appauvrissant quelqu’un d’autre qu’il ne connaîtra jamais.

Cette définition un peu dure n’attend que ses contradicteurs qui tous, vont justifier l’action des banques, par l’utilisation des richesses futures créées par l’investissement, le « sésame ouvre-toi » de l’économie actuelle.

Cette ligne de défense s’appuie sur le formatage universitaire de nos élites qui a profondément ancré dans les têtes, l’idée fausse que les entreprises créent de la richesse qui permet de rembourser les emprunts.

Les entreprises créent en effet de quoi éventuellement satisfaire les désirs mais ce qu’elles créent en biens ou en services, n’est richesse que si elles trouvent des acheteurs qui viennent s’appauvrir en monnaie pour que la production de l’entreprise devienne une richesse en nature.

La Terre aussi crée chaque année des fruits, des poissons et du gibier qui sont des richesses parce qu’ils sont consommés. S’ils ne sont pas cueillis, pêchés ou chassés, ils restent un réservoir de nourriture le temps de leurs vies mais ne sont évidemment qu’une richesse potentielle et provisoire. Ils serviront d’engrais naturel en fin de vie. S’ils sont cueillis, pêchés ou chassés mais non consommés, ils vont pourrir et il faudra nettoyer et désinfecter. Ils ne sont clairement des richesses que parce qu’ils ont été autoconsommés par les cueilleurs, les pêcheurs ou les chasseurs ou parce qu’ils ont été vendus à des acheteurs qui se sont appauvris en monnaie pour pouvoir les consommer. Dans les deux cas les richesses n’ont existé que parce qu’elles n’existent plus. Il ne viendrait à l’idée de personne d’utiliser ces fruits, ces poissons ou ce gibier après qu’ils aient été consommés.

C’est pourtant la base même de notre système économique construit par le système bancaire et la science économique avec la complicité des électeurs-consommateurs que nous sommes car cela nous plait beaucoup et si les gens intelligents qui nous gouvernent disent que c’est possible !

Personne ne se demande pourquoi depuis l’aube de l’humanité, il a fallu attendre le milieu du XXème siècle pour qu’un peuple croie pouvoir s’enrichir sans appauvrir quelqu’un d’autre par la guerre et le pillage. Jusqu’à présent les peuples vivaient heureux sans s’enrichir mais en travaillant à vivre heureux. Etaient-ils bêtes ! Nous nous avons inventé par notre intelligence un eldorado sans travail, un pays de cocagne qui attire bien évidemment toute l’humanité.

Par un singulier oubli du bon sens nous appelons production (PIB) tout ce que nous dépensons, nous appelons cela « la création annuelle de richesse » et nous fondons de merveilleuses théories sur la deuxième utilisation de ce qui a déjà été consommé. Par exemple nous empruntons pour acheter une voiture et, au lieu de nous inquiéter d’avoir à payer demain la banque, nous nous rengorgeons en ayant fait de la croissance et du PIB, et en « relançant l’économie » ! La banque est ravie puisqu’elle va toucher des intérêts sur de l’argent qu’elle a créé et qui sera détruit au remboursement. La classe politico-médiatique est ravie car cela dope l’économie et la croissance. La science économique lui a rappelé que Dieu avait dit à Moïse, à Jésus ou à Mahomet que dès qu’il y avait une croissance de 1,5 % l’emploi repartait. Le Parlement, composé de gens n’ayant très majoritairement connu que l’école et la politique s’en contente et s’intéresse surtout à ce que le mot imbécile ne reste pas uniquement masculin. On ne dit plus « Demain on rase gratis » mais nous disons « C’est demain qui paye ».

Mais comme on veut payer demain avec ce que l’on a déjà consommé aujourd’hui, cela ne marche pas. L’appauvrissement équivalent à l’enrichissement des électeurs, s’accumule donc inexorablement dans les entreprises et les Etats et nous assistons au jeu pitoyable mangeur de temps, d’énergie et d’intelligence qui consiste à faire payer le désastre à l’autre, avec des dés pipés. Les joueurs sont l’Etat, les entreprises, les clients et les contribuables. On essaie bien de faire payer les étrangers mais au bout du compte c’est nous qui payons pour eux. Le drame est que ce jeu pitoyable devient impitoyable et que les clients comme les contribuables se laissent de moins en moins tondre la laine sur le dos et commencent à s’interroger.

Tout ça pour flatter l’électeur !

Qui va nous remettre les yeux en face des trous avant que la grande violence ne le fasse ?