Ce que vous dites, nous le savons tous…..

Il y a peu de temps, un cadre supérieur qui me ramenait vers son bureau de la Défense me disait : « Ce que vous dites, au fond nous le savons tous mais nous n’avons pas envie de l’entendre ».

Après plusieurs années de pétrissage écosophique et grâce à mes amis j’ai pris conscience de quelque chose d’essentiel.

Quand les réponses aux questions sont trop dérangeantes, elles deviennent incompatibles avec le déroulé quotidien de la vie et elles sont inaudibles en l’état.

En revanche ce qui peut être transmis ce sont les questions et chacun s’apercevra qu’en l’absence de réponse audible, la question sera en elle-même le soc d’un premier labour. Laissons provisoirement aux réponses leur côté inouï.

Cherchons individuellement nos réponses à nos questions mais à ceux qui n’ont pas envie d’entendre et qui sont probablement majoritaires, gardons pour plus tard les embryons de réponses et contentons-nous de semer les questions sans forcer nos auditeurs à chercher ou à écouter une réponse. C’est souvent trop pour une même journée.

Amenons d’abord doucement nos interlocuteurs à la pertinence de nos questions. Evitons le double piège de la réponse qui est impossible à accepter en l’état mais aussi de la question qui n’aurait pas d’intérêt puisque nous n’apportons pas la réponse. Nos questions doivent toujours être ouvertes :

La croissance économique se finance. Donc elle coûte. Comment enrichit-elle ?

Comment expliquer que ce sont dans les lieux éventuellement durs comme la mer, le désert ou la montagne que les hommes fabriquent les groupes les plus efficients ?

Si les hommes, de plus en plus nombreux, aiment tous le même pétrole, le même uranium et la même viande de bœuf, comment la Terre va-t-elle fournir ?

Pourquoi les morts sortent-ils des hôpitaux par une porte réservée ?

Si les questions dérangeantes sont enfin accueillies, le génie humain ouvrira la porte aux réponses.

 

Le cycle politique

Il y a 5 ans en 2007, j’avais écrit « Le quadrige des fées » et en le retrouvant j’observe avec tristesse que je pourrais le réécrire aujourd’hui sans en changer un mot. Toute la classe dirigeante dit aujourd’hui qu’en 2007 personne ne pouvait prévoir les problèmes actuels. C’était l’époque où l’on était si fier qu’un Sarkozy vienne enfin faire bouger les lignes. J’ai envie de reproposer mon article quand un Hollande vient enfin faire bouger les lignes. Je pense le reproposer dans 5 ans à un Copé ou à un Valls quand il viendra enfin faire bouger les lignes si la grande violence ne l’a pas fait avant.

Le quadrige des fées

Si j’entends bien les médias il y a unanimité pour aller chercher la croissance qui nous manque, et investir massivement dans la recherche et dans la formation pour rentrer enfin dans la culture de l’innovation et répondre ainsi aux défis de notre temps.

De plus grâce au traité simplifié, nous allons redonner force à l’Europe dont nous avons tellement besoin pour peser, face aux poids lourds mondiaux, présents et futurs.

La droite comme la gauche, le gouvernement comme l’opposition, le patronat comme les syndicats, le public comme le privé, les acteurs comme leurs détracteurs ne se différencient que sur la façon de faire venir la croissance, de construire l’Europe, d’investir dans la formation et de ne pas lésiner sur la recherche. J’ai beau écouter de toutes mes oreilles je n’entends rien d’autre pour nous sortir de ce que quelques fous continuent à appeler notre déclin.

Tout va aller mieux grâce à ce quadruple moteur qui va nous emmener vers demain. Personne ne conteste que la croissance, la formation, la recherche et l’Europe soient les propulseurs de notre succès futur, le quadrige qui nous mènera vers un demain prometteur. On ne se bat que pour diriger ce quadrige, que pour en être l’aurige.

Mais alors pourquoi toute une génération de quadras qui se sent sacrifiée par la génération soixante-huitarde, prépare-t-elle ses enfants à quitter la France ? Mais pourquoi donc ceux qui ne peuvent ou ne veulent la quitter se replient-ils sur le monde associatif et sur leur quotidien en s’évadant dès que possible dans les week-ends, les antidépresseurs ou la première coupe du monde venue ? Pourquoi les quelques-uns qui tentent de bouger, patinent-ils en niant même leur sur-place qu’ils ne comprennent pas ?

Ces quatre moteurs pourraient-ils être de simples fées dont les baguettes entrecroisées soutiendraient nos dirigeants comme la corde soutient le pendu ? La croissance, la formation, la recherche et l’Europe sont-elles des fées Mélusine ou des fées Carabosse ?

La première fée à implorer est la croissance que personne ne définit autrement que comme l’augmentation des richesses ou du PIB et dont il nous manquerait le point que notre Président va aller chercher avec les dents.

Il est dommage que personne n’ait envie de voir qu’entre une richesse, un encombrement et un déchet, il n’y a qu’une différence de regard. Un déchet et une richesse ne se différencient que par la subjectivité qui les regarde. Le jardinier, le cheval et le promeneur ne voient pas le crottin de la même manière. Richesse de l’un, déchet de l’autre, encombrement du troisième.

Qui ose dire que le PIB est une imbécillité qui ne veut rigoureusement rien dire sinon qu’il bouge chaque fois que l’on dépense de l’argent ? Personne n’a envie de voir que la croissance n’est que la dépense et que nous y mélangeons indistinctement les consommations intelligentes et les destructions stupides, les investissements judicieux et ceux qui sont absurdes, les créations de richesses et les créations de déchets. Sous prétexte que certaines dépenses sont utiles et donnent vraiment des fruits, ils en ont tous conclu que toute dépense est porteuse de fruits. Comme nous ne savons plus discerner collectivement ce qu’est une dépense intelligente d’une dépense stupide, nous glissons tout naturellement vers l’augmentation des dépenses stupides qui font autant de croissance que les dépenses intelligentes qui sont par nature plus difficiles à mettre en place.

Les politiques aiment la croissance car elle donne des emplois, enrichit l’Etat et évite les questions difficiles sur les dépenses à faire et celles à éviter. A force de s’entredéchirer sur la consommation ou l’investissement qui sont deux dépenses, tout le monde se moque de savoir qui paie la croissance. Détruisons les maisons que nous venons de construire et nous ferons de la croissance. Envoyons un Erika par semaine sur nos côtes et nous ferons de la croissance. Augmentons le prix du tabac et les accidents de la route et nous ferons de la croissance. Arrêtons de nous promener en famille en forêt et allons au cinéma, au restaurant ou devant une télévision et nous ferons de la croissance. Achetons notre vie au lieu de la construire et nous ferons de la croissance.

Alors que nous attendons tous les fruits de la croissance comme la manne divine, la question non posée est : qui la paie ? Comme l’augmentation du PIB est l’augmentation de la partie achetée de notre vie, on comprend mieux, en attendant Godot, la montée sans fin des emprunts des ménages, des entreprises et des Etats.

La formation est la seconde fée qu’il est bon de révérer. Ses lévites sont les enseignants qui vont nous fabriquer des hommes et des femmes tellement diplômés que la terre entière va nous acheter très cher ces êtres d’exception que seule la France sait produire.

La difficulté, c’est que toute la formation académique n’est fondée que sur la régurgitation des connaissances qui ramène à l’instruction publique, ce qui n’a jamais été que dans les mots l’Education Nationale.

L’Education Nationale répond admirablement au problème du XIXème siècle qui était le manque de connaissances mais ne s’intéresse pas au discernement qui est le problème du XXIème siècle. Les formateurs sont aussi ces démiurges de la formation qui vont transformer tous les « laissés pour compte » de plus en plus nombreux de notre société, en actifs parfaitement adaptés à une société que l’on appelle « civile » depuis qu’on ne la comprend plus et que le militaire est sorti des esprits.

Mais dans les faits, sans l’harmonieux tissage entre l’amour ferme des parents, l’accompagnement puissant des entraîneurs, et l’enseignement rigoureux des professeurs, il n’y a pas d’éducation efficace, de formation raisonnable. Or tous ces adultes ignorent les lendemains vers lesquels ils sont supposés conduire.

Qui pourrait les taxer d’incompétence ? Les médias et l’administration qui nous gouvernent n’ont aucune vision. Personne ne peut dire où nous serons dans dix ans.
On a assassiné les entraîneurs après les avoir ridiculisés. Il n’y a plus de chefs scouts, d’adjudants de carrière, de moniteurs de colonies de vacances, de maîtres d’apprentissage pour accompagner le développement des êtres, leur épanouissement. Les familles se décomposent pour pouvoir se recomposer et l’amour ferme nécessaire à la croissance ne se trouve plus que dans des personnalités isolées et suspectées. On demande tout aux professeurs qui bien évidemment devraient être des génies pour ne pas tout rater. Nous formons des diplômés qui n’intéressent pas grand monde car il leur manque le discernement qui est la vraie rareté recherchée.

Une éducation nationale qui n’harmonise pas connaissance, expérience et discernement, ne mérite pas son nom et en tous cas, ne mènera pas loin. Malheureusement une école de discernement est un lieu clos, contradictoire et obligé où l’on se meule les uns aux autres mais nous avons décidé que notre liberté était justement de pouvoir fuir les écoles de discernement.

La première fée doit nous apporter la manne et la deuxième va nous transformer d’une façon indolore. A deux, elles vont résoudre simultanément, de deux coups de baguettes magiques, les problèmes complexes de l’avoir et de l’être. Les deux dernières fées n’auront plus qu’à s’occuper du décor.

La troisième et la quatrième fée nous projettent dans le temps et dans l’espace, là où l’herbe est évidemment plus verte. Cette croyance en une amélioration sans effort par un simple changement de temps et de lieu est éternelle. En 1968 la mode était de prendre son sac et d’aller à Katmandou mais une fois sur place, en ouvrant son sac, chacun retrouvait évidemment ses problèmes.

La recherche nous emmène vers un beau lendemain et l’Europe nous construit un ailleurs merveilleux.

J’aimerais croire à l’efficacité de la recherche mais lorsqu’on voit des chercheurs chevronnés obligés d’émigrer outre atlantique pour continuer à travailler quand la France veut les mettre d’office à la retraite, comment ne pas être dubitatif ? Quand on voit les domaines de recherche du CNRS, de l’INSERM ou de l’INRA, comment ne pas être sceptique ? On ne cherche que pour trouver ce qui coûtera encore plus cher avec de moins en moins d’efforts.

J’aimerais croire à l’Europe que nous fabrique la Société Protectrice des Politiques mais il faut constater qu’ils l’ont abandonnée au début des années 70 en renonçant à 6 à une harmonisation fiscale et sociale qui seule pouvait être la colonne vertébrale de l’Europe. Ils ont tous préféré, pour ne pas affronter leur peuple, une Europe sans épine dorsale qui ne peut tenir qu’en s’étalant. L’Europe qu’on nous propose a comme seule constante de n’avoir aucune harmonisation fiscale et sociale. Elle peut s’étendre jusqu’à l’Irak, elle n’est qu’une juxtaposition d’égoïsmes qui veulent faire payer les autres. Comment faire une baignoire d’eau claire avec des bouteilles d’eau trouble ?

Ce quadrige onirique, ces quatre fées qui nous bercent ne nous aveuglent-elles pas au fond pour que nous ne prenions pas conscience du désastre dans lequel nous entraînons nos enfants. Cet aveuglement pour ne pas voir et ne pas avoir à affronter n’est pas nouveau. Il est en l’homme et était déjà décrit dans la Bible.

La Bible nous rapporte en effet que dans la ville de Sodome, les habitants « étaient mauvais, étaient des scélérats » (Gn 13-13). Ce côté mauvais des habitants de Sodome n’était-il pas simplement comme actuellement chez nous, la pensée dogmatique, la pensée unique dont ils voulaient que chacun soit pénétré ? Or les anges rendirent aveugles tous les habitants. « Ils frappèrent de cécité les gens ….. depuis le plus petit jusqu’au plus grand… » (Gn 19-11). L’histoire de Sodome nous rappelle que lorsque tout marche sur la tête, l’aveuglement général précède la grande violence et l’effondrement.

Pour ne reprendre que le siècle dernier, la Belle Epoque et le pacifisme dogmatique ont précédé la grande guerre, les Années Folles et la certitude que nous avions subi la « der des der » nous ont amenés à la deuxième guerre mondiale. Aujourd’hui l’optimisme public est de rigueur même si, en privé, tous les penseurs politiques expriment une vraie angoisse. La sortie du tunnel que nos dirigeants nous annoncent depuis si longtemps sans jamais nous y mener, doit s’atteindre d’après eux par le quadrige des fées car les vrais moyens sont trop difficiles pour être proposés au peuple.

Les vrais chemins sont pourtant connus mais ils sont tellement difficiles que par lâcheté on les répute impossibles, et que par vanité on les trouve ridicules.

Ridicule et impossible de faire comme le Brésil qui met 100% de droits de douane sur les produits importés alors qu’il n’y a aucun autre moyen durable de donner du travail à ceux qui le demandent et qui sont en droit de le demander ? Continuons à ne surtout pas nous protéger puisque nous ne pourrions plus vendre nos Ariane, nos Airbus, les intelligences que nos professeurs vont fabriquer par millions et nos inventions que nos chercheurs vont trouver par milliers grâce à l’argent que nous allons leur distribuer à tous. Ne tentons pas de convaincre notre peuple de consommer au prix où il est capable de fabriquer lui-même. N’affrontons ni les avantages acquis des salariés ni ceux des multinationales qu’elles appellent mondialisation. Continuons à délocaliser à tout va, on verra bien qui s’occupera de baisser le niveau de vie des Français ou de financer par l’emprunt celui de l’électeur consommateur téléspectateur, ce mouton vénéré que l’on appelle le public.

Ridicule et impossible de demander à l’Education Nationale de lever le pied sur la connaissance pour s’intéresser au discernement ? Le discernement est le domaine réservé des gouvernants qui savent comment sortir du tunnel, des médias qui savent ce que nous devons entendre et des inspecteurs généraux qui savent ce qu’il faut mettre dans les programmes et ce qu’il faut supprimer pour faire de la place aux nouvelles connaissances. Continuons à tresser des couronnes de laurier aux élèves et aux étudiants qui répètent fidèlement sans toujours bien comprendre, ce que les professeurs disent et qui ne comprendront pas, une fois diplômés, leur difficulté à trouver un emploi.

Ridicule et impossible de toucher au suffrage universel direct que l’on confond scandaleusement avec la démocratie alors qu’il induit naturellement la ploutocratie, le pouvoir aux riches ? Continuons à faire semblant de croire qu’en mettant cent personnes au milieu de la rue, nous découvrirons la vérité sur n’importe quel sujet par l’avis majoritaire sans vérifier préalablement la compétence et l’engagement des interviewés.

Ne serait-il pas temps de quitter l’âge de la croyance aux fées, de nous réveiller collectivement pour affronter avec humilité mais détermination les difficultés que nous n’aimons pas regarder ?

Il n’y a malheureusement pas d’autre moyen pour éviter la destruction de Sodome. Mais le quadrige des fées nous donne la possibilité de vivre agréablement en laissant les problèmes à nos enfants.
C’est une ministre de la République qui utilisait le terme « dégueulasse », non ?

Nauséabond

Les journalistes adorent ce mot ! Il permet en effet de classer n’importe quoi dans le camp du mal sans avoir à s’expliquer sur le pourquoi. C’est la liberté d’expression du journaliste qui cherche à imposer une idée de rejet sans dire le moindre mot sur les raisons de sa hargne personnelle.

La période électorale lamentable que nous venons de vivre a étalé sur la place publique tous ces mots porteurs de morale dans un monde qui n’en a plus. La classe dirigeante a compris que personne n’est élu sur la raison et que ce sont les sentiments et les besoins qui font l’élection. A partir de là les mots vides de sens que l’on va charger positivement ou négativement, seront les véhicules de la non pensée et de l’affect besogneux.

Nauséabond va généralement avec un rappel plus ou moins discret au nazisme : « Cela nous rappelle les heures les plus nauséabondes de notre Histoire », « en entonnant le refrain nauséabond du « elle n’est pas d’ici » ». Le militant de base recevra 5 sur 5 et dessinera sur les affiches une mèche et une moustache pour exprimer sa compréhension du message. On n’a rien eu à lui dire. Le mot creux a suffi à réveiller son cœur.

Un mot creux peut-être aussi par définition positif et j’ai eu l’occasion sur ce blog de reprendre les explications de Jean Bodin qui au XVIème siècle écrivait que la monarchie, l’aristocratie et la démocratie étaient les trois formes fondamentales de la république, de la chose publique. Mais aujourd’hui nos archontes ont habillé République en y mettant une majuscule et en ont fait la gouvernance non définie mais parfaite puisqu’ils en tiennent les rênes. Si quelqu’un a l’audace de dire que la monarchie est une forme de république, on ne dira pas de lui qu’il est nauséabond car il est difficile de faire un lien avec ce pauvre Adolf, mais on veillera à ce qu’il ne soit pas entendu.

Le mot peut aussi ne pas être creux mais éclairer sans discussion possible la même idée avec une notion de bien ou une notion de mal. Une différence sera distinction si on l’approuve, discrimination si on la désapprouve. Aucun besoin de prendre le risque d’expliquer pourquoi. La seule utilisation du mot permet d’atteindre le sentiment en écartant la raison.

Le pompon est atteint avec les mots « droite » et « gauche » qui ont l’immense avantage de parler au peuple sans rien dire, de créer des guéguerres bien commodes pour occuper le terrain électoral sans prendre le risque d’affronter la réalité. Si nous savons tous que « vita in motu », que la vie est dans le mouvement, nous savons tous aussi que l’harmonie est nécessaire et qu’un équilibre instable comme un château de cartes durera moins qu’un équilibre stable comme un étendage. La raison nous dit que le mouvement et l’harmonie sont à la fois indispensables et inséparables mais il est tellement facile d’aguicher nos rêves et nos peurs et ne voyant l’harmonie que sous la forme de la mort en l’appelant la droite, ou en ne voyant le mouvement que sous forme de désordre en l’appelant la gauche. La mort et le désordre réveillent l’affect et permettent d’inventer des clans avec des fantassins appelés militants qui vont se battre sans savoir qu’ils ne le font que pour le plus grand bonheur de leurs maîtres qui se repassent les postes, « une fois toi, une fois moi ». Et ils ont l’audace d’appeler cela la démocratie ! On comprend pourquoi démagogue n’a plus le même sens que pédagogue.

Et ça, cela donne vraiment la nausée et cela explique que la violence monte et que la classe dirigeante en porte la responsabilité pour une lourde part. Mais je vais être traité de « populiste ». Personne ne m’expliquera pourquoi « populaire » est bien alors que « populiste » est mal, mais on nous aura prévenu : le premier qui dit la vérité doit être exécuté.

Le cléricalisme économique

Pendant que la laïcité est très à la mode chez ceux qui veulent se justifier de ne croire en rien, il y a un cléricalisme qui triomphe, c’est le cléricalisme économique.

Un cléricalisme approuve l’intervention du clergé dans les affaires publiques et un clergé est une confrérie de gens partageant le même dogme et se donnant le pouvoir de le diffuser.

Mais la mode est de ne voir des clergés que dans les religions, et la laïcité se contente de tenir à égale distance christianisme, judaïsme et islam.

J’approuve les clergés quand ils nous rappellent que nous devons mourir à notre passé pour resurgir différents dans une construction nouvelle de nous-mêmes, fondée sur nos propres contradictions et sur une harmonie nouvelle dans le rapport aux autres et à ce qui nous dépasse tous. C’est le Hadith de Mahomet « Mourez avant de mourir », c’est le conseil de Jésus à Nicodème « Il te faut naître de nouveau », c’est l’observation du Talmud qu’« un converti est comme un nouveau-né »

Mais je deviens très anticlérical quand j’observe des clergés qui ne cherchent qu’à rassurer ou à faire peur pour assurer leur fond de commerce. Ils entraînent leurs ouailles vers un obscurantisme qui n’est là que pour donner une raison d’être à ces clergés inutiles et dangereux.

Le clergé économique actuel est dangereux car, comme toujours, son dogme fondateur ne supporte pas la contradiction. S’il n’envoie plus au bûcher comme ses prédécesseurs de l’Inquisition, il sait enlever la parole à quiconque envisage qu’il ait tort. Ce dogme, rentré dans les cerveaux à la méthode Coué, est : « Au début était le troc et un jour c’est devenu trop compliqué et on a inventé la monnaie ». Ce clergé est monothéiste avec son dieu, « la » croissance et son diable, « la » crise. Il veut faire revenir son dieu pour chasser Belzébuth. Il est au Collège de France, à la tête de l’OMC; il a investi les universités occidentales, les classes politiques, les gouvernements et les médias qui veillent à ce que le dogme règne sans partage et ne soit pas dérangé.

Vous aurez beau dire qu’au début était peut-être l’échange des êtres plutôt que l’échange des avoirs, le clergé veillera à ce que vous ne soyez pas entendu.
Vous susurrerez qu’il y avait peut-être au début une raison d’être ensemble, un lien social,  qui a précédé les soucis d’intendance, le clergé vous fera taire.
Vous expliquerez que l’argent est de l’énergie humaine stockée et qu’on ne peut en fabriquer qu’en se multipliant ou en créant ce que le groupe pense être des richesses. Le clergé vous regardera de haut.
Vous montrerez que le prêt à intérêt est un impôt que le peuple paye aux banques par la dévaluation et la hausse des prix, le clergé commencera à travailler à votre perte.
Vous proposerez que l’énergie humaine stockée qu’est l’argent se marie à l’énergie humaine vive qu’est le travail pour faire ensemble des aventures qu’on appelle entreprises, le clergé fabriquera deux codes excessifs et contradictoires qu’il appellera code de commerce et code du travail pour être deux boulets entravant toute action.
Vous expliquerez que la croissance c’est la dépense et que dépenser de l’argent emprunté en disant financer la croissance, c’est stupide et cela donne la crise, le clergé vous fera ignorer car il entr’apercevra sa propre perte.
Pour tenir encore un peu de temps le clergé, unanime, combat le protectionnisme qui nous relierait les uns aux autres et à la vérité. C’est d’ailleurs comme cela qu’on reconnaît les membres de ce clergé.

Gambetta disait : « Le cléricalisme ? voila l’ennemi ! ». Vive Gambetta !

République et Démocratie

Les mots de république et de démocratie sont aujourd’hui les « Sésame ouvre-toi »  de la vie publique.

La définition de la démocratie par Abraham Lincoln, reprise comme principe par les constitutions de la République Française de 1946 et de 1958, « gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple », est belle, elle sonne bien mais que recouvre-t-elle ?

La démocratie était à Athènes le vote sur une colline des citoyens regroupés en ecclésia. Les affaires de la cité étaient décidées à la majorité des gens intéressés s’ils étaient des hommes, s’ils étaient libres, s’ils n’étaient pas étrangers à Athènes et s’ils possédaient du blé, du vin ou de l’huile. Sur environ 250.000 Athéniens, il n’y avait guère que 40.000 citoyens dont à peine 6.000 se retrouvaient sur la colline de la Pnyx.

Le mot démocratie, disparaît pendant 20 siècles et réapparaît en 1576 quand Jean Bodin, qui disait avec un immense discernement qu’ « il n’y a de richesse que d’hommes », publie « Les six livres de la République ». Il la définit  comme «  un droit gouvernement de plusieurs ménages, et de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine ». Il voit trois formes de Républiques : la Monarchie où la souveraineté est à un seul prince, la Démocratie dans lequel tout le peuple a part à la souveraineté et l’Aristocratie si « une moindre partie du peuple » y a accès. Bodin ramène toutes les autres formes de républiques à ces trois là. Il prend la république dans son sens latin littéral de res publica, de chose publique, mais qui comprendra aujourd’hui que l’on présente l’aristocratie, la démocratie et la monarchie comme trois formes de république ? C’est pourtant une évidence même si elle est soigneusement cachée.

Le mot démocratie resurgit des deux côtés de l’Atlantique à la fin du XVIIIème siècle, chez des extrémistes violemment combattus par les Républicains américains et les Révolutionnaires français au pouvoir. Que ce soit les Présidents américains ou les Révolutionnaires français, Robespierre ou Sieyès, aucun n’a de mots assez durs pour qualifier la démocratie. Mais un journal de Boston explique en 1850 que « le peuple aime tellement le mot démocratie qu’un parti qui ne l’utiliserait pas n’aurait aucune chance d’être élu ». En France la révolution de 1848 impose aussi le mot qui rentre dans le camp du bien avec une absence de précision qui arrangera tout le monde. Il rejoint sur l’Olympe le mot moderne qui a déjà oublié qu’il ne veut dire qu’« à la mode ».
Aujourd’hui la république est présentée vêtue des valeurs républicaines qui seraient la liberté l’égalité et la fraternité. Ces trois mots ont été petit à petit renforcés par la Déclaration des droits de l’Homme, par la laïcité et par le principe un homme une voix. Mais qui explique que la liberté n’est pas l’individualisme, que l’égalité n’est pas l’identité et que la fraternité n’a rien à voir avec la solidarité ? Qui démontre que la monarchie et l’aristocratie ne seraient plus des formes de République ? Sûrement pas De Gaulle qui disait lors de sa 10ème conférence de presse le 31 janvier 1964 : « Il est vrai que l’autorité indivisible de l’Etat est déléguée toute entière au président par le peuple qui l’a élu, et qu’il n’y en a aucune autre, ni ministérielle, ni civile, ni militaire, ni judiciaire, qui ne puisse être conférée ou maintenue autrement que par lui. ». Sommes nous dans la république de tous, dans la république de certains ou dans la république d’un seul ?

Sur le consensuel flou actuel peut-on construire autre chose qu’une campagne électorale ? Cet ectoplasme non défini pourrait-il vraiment être le roc sur lequel construire durablement ?

Historiquement la démocratie est née à Athènes et la République à Rome. Mais le mot grec et le mot latin ont été récupérés par le XXème siècle pour tisser ensemble une toile de mots, piège à électeurs, fondée sur la séduction et la peur.

Une des trois formes de république vues par Jean Bodin est pourtant particulièrement intéressante, c’est celle qu’il appelle l’Etat populaire et la Démocratie. Elle n’a jamais été véritablement inventée et est à la fois une utopie géniale et un outil méprisable que la classe politique utilise pour tromper le peuple.

Il serait fantastique d’inventer la démocratie, une vraie représentation du peuple qui prendrait les décisions.  Mais il n’y a malheureusement que deux axes de réflexion possibles pour avancer vers ce rêve : le tirage au sort et le permis de voter.  Les deux donneraient vraiment le pouvoir au peuple. C’est pour cela qu’ils ne sont même pas étudiés.

L’éducation n’est plus. L’ « inducation » l’a tuée.

Depuis l’aube de l’humanité et dans toutes les civilisations les enfants sont amenés à l’âge adulte par le chemin de l’école de la vie. Dans le groupe protecteur auquel ils appartiennent, ils apprennent par l’expérience tout ce qui leur est nécessaire : la super protection de maman qui les a toujours nourris, la super protection de papa qui les a toujours défendus tout en les mettant au contact du danger, la protection du groupe qui les fera participer tout en ne comptant qu’à moitié sur leur persévérance. Ces protections déclinent avec le temps et ils découvrent leurs capacités créatives dans le jeu et ils participent petit à petit au travail des adultes. Ils apprennent que la punition tombe vite quand ils sortent de la morale du groupe mais ils apprennent aussi que la punition s’oublie vite et que la fierté d’être reconnus comme « grands » est plus qu’agréable, elle est spirale positive.

Les enfants grandissent à la fois dans le groupe par l’aide qu’ils apportent et hors le groupe par leur incapacité à tout faire et par leurs jeux qui les structurent autrement. Cette école de la vie leur apporte à chacun un discernement plus ou moins fort qui leur servira toute leur vie à harmoniser le trépied essentiel et fondamental du rapport à eux-mêmes, du rapport aux autres et du rapport commun à la nature ou à Dieu.

Le groupe, par ses représentants les plus avisés, choisit alors avec discernement dans cette école de l’être, les meilleurs des enfants pour les initier à la gouvernance du groupe par l’école de l’avoir, l’école de la connaissance réservée à ceux qui ont été reconnus aptes à l’assimiler.

Mais aujourd’hui en occident et dans tout le monde qui a accepté la mondialisation, l’éducation n’est plus ce qu’elle est étymologiquement, ex-ducere, conduire vers l’extérieur, faire sortir, faire éclore. Elle est devenu « inducation », faire rentrer dans un système qui ne se comprend plus lui-même en faisant croire qu’accumulation de connaissances fait une éducation. Le capitalisme a supprimé de fait toutes les écoles du comportement. La dernière en date était le service national. L’instruction publique s’est décrétée éducation nationale et l’on est surpris de voir que nos diplômés n’ont pas le discernement qui les rendrait utiles à la nation mais présentent leurs diplômes comme des laissez-passer qui n’intéressent plus guère que les tenants du capitalisme. Les connaissances à régurgiter ont été sélectionnées par des hauts fonctionnaires, inspecteurs généraux, mais ces derniers ont été eux-mêmes formatés à confondre l’éducation avec la fabrication d’outils humains performants et à être déroutés par la notion même de discernement. L’absence de discernement empêche le peuple de prendre conscience du fait qu’il appréhende mieux les problèmes que ses élites et le formatage de la jeunesse donne un répit à l’effondrement inéluctable du capitalisme. Le dogme est tellement fort que l’on bloque la jeunesse dans des écoles qui ne sont plus du tout le lieu d’apprentissage de la connaissance par les meilleurs mais une prison obligatoire pour tout le monde, prison dont les professeurs deviennent les gardiens totalement inexpérimentés qui ne peuvent enseigner que la soumission ou la révolte.

Cela nous donne pour notre plus grand malheur, une des éducations les plus lamentables de la Terre qui se marie fort bien à une économie qui marche sur la tête et à une gouvernance totalement aveugle. Ni l’économie ni la gouvernance n’ont intérêt à ressusciter une éducation digne de ce nom. Elle les abattrait toutes les deux.