Et si l’on s’intéressait à l’emploi ?

Le problème est difficile car nous vivons au-dessus de nos moyens grâce à deux esclavages, l’un dans l’espace déguisé en libre échange et l’autre dans le temps que nous appelons l’emprunt ou la dette. Nous avons une journée contre l’esclavage qui nous rassure mais nous ne vivons dans une opulence factice que grâce aux deux esclavages qui nous ont donné les avantages acquis et la protection sociale auxquels nous tenons tant. Comme aucun des deux esclavages n’est assumé, l’esclavage dans le temps fait monter la dette et l’esclavage dans l’espace creuse le déficit du commerce extérieur.

Au lieu d’analyser les raisons profondes de la montée de la dette comme de celle du déficit commercial, nous rêvons à l’inversion de leurs courbes par deux rêves très médiatisés: la création future de richesses pour rembourser les dettes et la compétitivité pour mieux vendre. Nous oublions que la richesse n’étant qu’un regard, elle ne peut pas être créée et que par ailleurs, pour être heureux, c’est sur l’axe de la coopération et non de la compétition qu’il faut avancer. Bien sûr, comme on ne touche pas aux causes et comme un rêve n’a jamais changé la réalité, les effets restent. La dette continue de monter et le déficit du commerce extérieur continue de se creuser. La parenthèse actuelle de diminution du déficit ne vient que de l’effondrement des prix du pétrole et n’est malheureusement en aucun cas une inversion de tendance.

Comment s’étonner alors que pour payer deux fois ce que nous consommons, une fois pour payer les esclavagistes dans le temps, les milliardaires de la finance, et une fois pour payer les esclavagistes dans l’espace, les milliardaires asiatiques, nous nous sommes vite aperçus qu’il fallait investir dans des usines délocalisées ou dans des machines sur notre territoire car les machines, elles, n’ont ni avantages acquis ni protection sociale. Les deux, bien évidemment, font monter le chômage. Une baisse de la consommation s’ensuit donc et les politiques peuvent enfin se croire utile en s’écharpant pour savoir s’il faut relancer l’économie par la consommation ou par l’investissement, par la demande ou par l’offre.

Et si l’on se réveillait ?

Le chômage montera avec la dette et le déficit tant que les Français accepteront de vivre au-dessus de leurs moyens grâce aux deux esclavages comme nous le faisons depuis 50 ans.

Il y a plusieurs moyens d’arrêter cette triple et sinistre ascension.

Le premier moyen est un leurre après lequel courent nos dirigeants comme leur opposition. Il s’agit de faire semblant et de faire croire comme le font admirablement les médias que la croissance arrive et qu’elle apportera l’emploi tant attendu. Faut-il encore répéter que la croissance n’est que l’augmentation des dépenses et non la manne divine à laquelle ils font semblant de croire. Ce premier moyen a et aura l’inefficacité que l’on connait puisque personne ne se demande jamais qui paye la croissance. Certains voudraient même faire croire que ce serait elle qui se paierait elle-même.

Le second moyen, efficace, radical et immédiat, c’est la guerre qui arrête d’un coup les emprunts comme les transports. Elle met les peuples en face d’eux-mêmes et les contraint à l’humilité, au courage et au discernement. Elle s’installe d’elle-même sous n’importe quel prétexte quand elle devient indispensable pour pallier la difficulté des peuples à se remettre en question et le manque d’humilité, de courage et de discernement de leurs dirigeants. La guerre a rempli sa tâche deux fois au XXème siècle et à chaque fois, en mourant, la guerre a ouvert une fenêtre au bon sens que nous avons unanimement saisie puis très vite lâchée pour nous complaire à nouveau dans nos égoïsmes et nos querelles.

Le troisième moyen est évidemment le plus délicat mais le seul à être efficace hors la violence. Il commence par se fonder sur le bon sens que les lucarnes post guerrières de 1945 à 1948 nous avaient permis d’entrevoir et qu’unanimement nous avions accueilli pour prôner la coopération et non la concurrence et la compétition, le respect de l’autre et non sa simple apparence en voulant lui imposer notre vision du beau, du bien et du vrai, fondement d’une civilisation mais pas de l’humanité entière. « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà » et « Quel est cette vertu qu’un trajet de rivière fait crime » disait déjà Montaigne.

Sur un plan extérieur c’est la Charte de La Havane qui refusait l’esclavage dans l’espace et qui imposait d’un commun accord à tous l’équilibre de la balance des paiements pour qu’aucun pays ne paye pour les autres. L’application actuelle de son esprit, refusant d’importer plus que ce que nous exportons, est la seule façon réaliste, hors la guerre, de redonner du travail aux Français qui devront fabriquer les dizaines de milliards d’euros du déficit commercial actuel. Mais ce n’est pas pour autant la panacée.

Son application navrera les milliardaires asiatiques mais les milliardaires financiers, les tenants de l’esclavage dans le temps, chercheront par tous moyens à nous y faire renoncer comme ils nous ont formatés à oublier l’OIC pour ne penser qu’OMC qui prône la compétition. Ils nous diront que les prix vont exploser et que nous vivrons collectivement et matériellement beaucoup moins bien et ils auront raison puisque l’un des deux esclavages sera clos et que nous devrons travailler nous-mêmes.

Se posera alors un problème beaucoup plus difficile à résoudre. La dette ne payant plus la consommation et le travail l’ayant à nouveau remplacée, les Français devront en tirer deux conséquences. Il nous faudra d’abord être créatifs pour fabriquer à nouveau tout ce que nous nous interdirons d’importer et que nous ne savons plus produire; la créativité de notre peuple y pourvoira. Mais il nous faudra aussi faire des choix pour savoir à quoi renoncer dans tout ce qui structure le faux Eldorado dans lequel on nous a fait croire que nous pouvions vivre. Les milliardaires de la finance avec leurs médias et leurs communicants, aidés par certains politiques et certains intellectuels, feront tout pour que nous continuions à rêver.

La question sera alors de savoir si nous préférerons continuer à bien vivre en étant par lâcheté les complices objectifs de la guerre qui s’installera sous le premier prétexte venu. Ne laissons pas la guerre faucher nos enfants parce que nous aurions préféré regarder ailleurs.

« La vertu du regard éloigné » (Lévy-Strauss)

Il faut sans doute, une bonne fois pour toutes, comprendre la complicité objective qui lie les peuples et leurs dirigeants dans la fuite en avant drapée dans le mot démocratie qui n’est qu’un achat fort coûteux par les puissants de l’affect des peuples. Les peuples ne comprennent évidemment rien à la comédie générale qui leur est proposée, ils en pressentent la duperie mais jouissent pour la plupart en occident d’une vie facile à laquelle ils n’ont guère envie de renoncer.

Cette complicité empêche de voir la simplicité du problème et le coût abominable des multiples paravents que nous mettons nous-mêmes en place pour ne pas nous laisser pour l’instant déranger par la réalité. Car si la réalité du problème est simple, la réalité de la solution est vertigineuse et apeure tout le monde.

Les paravents sont éducatifs quand on fait croire que l’accumulation de connaissance génère le discernement. Ils sont politiques quand on arrive à faire croire que l’avis majoritaire de la foule définit l’intelligence. Ils sont économiques quand on prétend qu’il existe des cycles et que tout repart toujours, alors que seule la guerre est cyclique quand elle devient la seule capable de remettre les yeux en face des trous.

L’un des pires paravents économiques est la fausse croyance que nous créons des richesses à nous partager et que le PIB mesure une production alors qu’il ne mesure qu’une activité sans différencier l’activité saine de l’agitation malsaine. Les diatribes actuelles entre d’un côté les pays comme l’Angleterre ou l’Espagne qui mettent la prostitution et la drogue dans le PIB et qui sont soutenus en France par le sénateur Philippe Marini, président de la commission des finances, et de l’autre l’INSEE qui continue à vouloir faire croire que le PIB est une production et qu’on ne peut y intégrer « l’immoral », ces diatribes montrent bien l’étendue du faux débat. Tout le monde sait que le PIB et la croissance ne mesurent que l’activité et qu’ils ne se soucient ni de l’origine de ce qui est vendu, ni de l’origine des fonds qui ont permis l’achat. La prostitution comme la drogue, les accidents de voiture ou les marées noires font évidemment techniquement de la croissance. Ce qui est stupide ce n’est pas de faire le lien entre la croissance et l’emploi mais de faire croire que la croissance enrichit et permet l’emploi alors qu’elle se paye et que l’unanimité est totale pour ne pas se demander qui paye.

Nous ne pouvons consommer que ce que notre travail nous rapporte s’il est reconnu utile par le groupe. Ce que nous produisons n’est richesse que si c’est acheté par quelqu’un qui en a envie et qui a de quoi l’acheter. Si personne n’en a envie ou si le client potentiel n’a pas de quoi payer, la production n’est plus richesse mais encombrement ou déchet. Cette évidence simple est très dérangeante car elle limite notre consommation et nous force à nous bousculer. Elle est totalement anti électorale car elle évalue notre consommation à l’aune de notre utilité réelle. Et comment évaluer notre utilité réelle dans un groupe dont nous ne savons plus ni la taille, ni le lien, ni même s’il existe encore ?

Alors pour ne surtout pas regarder la réalité en face et continuer à flatter l’électeur qui ne peut payer sa consommation, on tente de faire payer les autres et de faire payer le futur.

Faire payer les autres, c’est la balance commerciale excédentaire. Chacun la veut dans ce mondialisme qui vante la liberté des renards dans les poulaillers. Chacun se croit renard et beaucoup se retrouvent poules. C’est notre cas où à force de vouloir faire payer les autres, nous payons en plus pour les autres. Nous devons retrouver le bon sens que la dernière guerre nous avait réintroduit par le Conseil National de la Résistance et par la charte de La Havane que l’ONU avait préparée mais que les USA n’ont pas ratifiée après l’avoir pourtant signée. La Charte de La Havane confirmait qu’on ne fait pas payer les autres et que les balances commerciales ne peuvent être ni excédentaires ni déficitaires.

Faire payer le futur c’est l’emprunt. Il est pourtant par définition irremboursable puisqu’il n’y a création de richesse que si elle est consommée et qu’elle ne peut donc servir une deuxième fois à rembourser un emprunt. La démonstration mathématique que la somme de toutes les valeurs ajoutées de toutes les entreprises n’est égale qu’à la somme de toutes les consommations, est prudemment mise sous le boisseau pour ne pas déranger. Un emprunt remboursé est forcément un appauvrissement créé quelque part. Si l’on n’arrive pas à faire provisoirement payer les autres comme le fait l’Allemagne, l’appauvrissement s’accumule dans les entreprises avec les conséquences que l’on constate et que les puissants appellent la crise.

La guerre remet les yeux en face des trous et quand elle se termine, le bon sens reprend provisoirement le dessus. Ne pourrions-nous pas, pour remettre les yeux en face des trous, donner sa chance à notre intelligence et éviter les drames de la guerre ?

Le « gouvernement » Dupont-Aignan

Libération du 11 mai 2013 rapporte que Nicolas Dupont-Aignan aurait appelé de ses vœux un gouvernement d’union nationale rassemblant « Henri Guaino, Jean-Pierre Chevènement, Arnaud Montebourg, et pourquoi pas M. [Florian] Philippot [FN, ndlr] et [François] Delapierre [Parti de gauche] », gouvernement qui travaillerait sur une ligne « de salut public pour […] relocaliser, sortir de l’euro, contrôler nos frontières, mettre en place un vrai plan de redressement de nos finances ».

Deux jours plus tard Yves Calvi écoutait avec tristesse dans Mots Croisés le débat médiocre entre Jean-Louis Borloo et Michel Sapin dont il remarquait en fin d’émission la troublante proximité. Borloo revenait comme toujours avec verve sur les dépenses à faire d’urgence pour les services à la personne, la construction et l’environnement pour faire la croissance que tout le monde attend pendant que Sapin n’osait pas demander où trouver l’argent et se réfugiait comme toujours sur l’état lamentable où il avait trouvé la France.

Il est temps de différencier les trois étapes de notre éventuel redressement. Il faut d’abord poser le problème, ensuite le comprendre, en chercher enfin la solution.

La première étape est terminée. Le problème est le chômage de masse qui augmente et va continuer à augmenter. Il y a unanimité sur ce point.

Sur la deuxième étape, comprendre le problème, tous les participants sans exception au gouvernement imaginaire de Nicolas Dupont-Aignan commencent à réaliser qu’il faut limiter géographiquement le groupe à l’intérieur duquel il peut y avoir solidarité. Cette limite existe, n’en déplaise aux mondialistes et il est peu probable que ce soit celle de l’Europe tellement on observe actuellement comment 27 égoïsmes veulent faire payer les 26 autres. La France est un territoire clairement limité et compréhensible.

Certes, sur la troisième étape, les membres du gouvernement Dupont-Aignan ne sont absolument pas d’accord et il est clair que des choix difficiles seront à faire car ils seront forcément douloureux. Personne ne détient une vérité de principe mais si tous ces gens savaient se retrouver pour analyser le problème en sortant des ornières imposées par les faux intellectuels du moment, une immense avancée serait faite. Travail difficile car chacun croit comprendre et chacun détient une pièce du puzzle que nous allons devoir reconstituer ensemble.

Premiers travaux essentiels pour remettre les idées en place :

– L’origine de la monnaie.
– Le PIB, chiffrage d’une activité commerciale, qui ne se soucie ni de l’origine de ce qui est proposé, ni de ce avec quoi on l’achète, ne peut donc servir de référence à rien, si ce n’est à l’apparence et à l’illusion. Le présenter comme une création de richesse est honteux et devrait être délictueux.
– La croissance, augmentation du PIB, chiffrée par la somme de toutes les dépenses, n’est en aucun cas une ressource.

Il sera toujours temps, une fois les données économiques de base nettoyées,  de comprendre comment l’éducation et la politique sont à la fois sources et conséquences de notre aveuglement collectif.

C’est par le travail en profondeur du « gouvernement Dupont-Aignan » que le problème sera suffisamment compris pour que des solutions diverses puissent être proposées si tant est qu’il y en ait plusieurs.