La valeur retranchée

Toute notre économie semble fondée sur la valeur ajoutée des entreprises dont on appelle la somme, le Produit Intérieur Brut, et l’augmentation, la croissance. C’est de lui (le PIB) que toute notre élite attend le salut, c’est sur elle (la croissance) que nous comptons pour rembourser  nos emprunts et sauver les banques de leur inéluctable destin.

Faut-il rappeler que la valeur ajoutée est la différence entre l’argent qui rentre dans l’entreprise par son chiffre d’affaire et l’argent qui en sort pour payer à l’extérieur les biens et les services dont elle a besoin pour son activité ? Cette trésorerie sert à payer les salaires des salariés, les dividendes des actionnaires et les impôts, charges sociales et taxes de la collectivité.

Mais ce qui est complètement délaissé par toute la « science économique « , qu’elle soit keynésienne, néo-classique ou autrichienne, c’est que cette valeur ajoutée n’existe que si les biens ou les services trouvent acheteurs.

C’est-à-dire si des clients acceptent de retrancher de leur portefeuille une valeur supérieure à la valeur ajoutée de l’entreprise puisque c’est de la totalité du chiffre d’affaires de l’entreprise que ses clients doivent s’appauvrir.

Chacun comprend bien que  le client qui vient acheter son pain, paie plus que la valeur ajoutée par le boulanger. Il paie en plus la farine, la levure, l’eau et le comptable  qui ne sont pas compris dans la valeur ajoutée puisqu’ils ne sont pas l’œuvre du boulanger mais achetés à l’extérieur. Le vrai problème n’est pas la valeur ajoutée par le boulanger mais la reconstitution du portefeuille de l’acheteur autrement que par un prêt à rembourser ou par un don dont on n’étudierait pas quelle source il appauvrirait.

Si personne n’achète il n’y a pas de valeur ajoutée car il n’y a pas de chiffre d’affaires. Il n’y a alors que production d’invendus ou de rebuts. Ce sont les valeurs retranchées aux portefeuilles des clients qui génèrent une valeur ajoutée inférieure aux valeurs retranchées puisqu’elle ne tient pas compte de ce que l’entreprise a acheté à l’extérieur alors que la valeur retranchée aux clients l’inclut.

Il est urgent de parler économie pour comprendre le crépuscule du capitalisme et envisager calmement son remplacement mais il est impossible d’en parler sans avoir préalablement compris l’origine de l’argent dont il faut retrancher la valeur pour que les entreprises en récupèrent une partie sous forme de valeur ajoutée.

La réalité actuelle d’un système bancaire qui, pour survivre, prête à tout va sur création de richesses futures, cache mal la réalité d’un système où l’on détruit deux fois ce que nous ne créons qu’une fois, ce qui fait monter la haine et le mépris entre les Etats, les entreprises et les peuples car le système n’a qu’un but : rembourser les prêteurs en appauvrissant n’importe qui. La pantalonnade des politiques européens avec la Grèce en est l’exemple actuel le plus ridicule. Plus sérieusement la ruse des particuliers pour tout payer moins cher et surtout pas d’impôts, l’inventivité des entreprises pour atteindre demain sans espoir d’après-demain, la créativité des politiques pour faire payer le peuple en faisant croire que la croissance va payer, toutes ces intelligences dévoyées ne font que refuser d’affronter un problème qu’elles ne comprennent pas.

La France, lieu d’invasions permanentes depuis des siècles, a créé une culture unique au monde, creuset de beaucoup d’autres. Elle est sans doute le lieu où il sera le moins difficile d’affronter le problème et de lui trouver une solution. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas la culture anglo-saxonne qui nous apportera des solutions puisqu’elle se contente de se replier sur elle-même et de voir partout des camaïeux de cultures. La fuite de nos cerveaux vers Londres, les USA et le capitalisme allemand montre simplement la dégradation de notre éducation.

Nous sommes en attente d’un personnel politique qui comprenne ce qui se passe sans s’appuyer sur des « experts » qui ne comprennent plus rien depuis longtemps. Ce personnel n’éclora que chez un peuple capable de comprendre qu’on ne peut dépenser deux fois ce qu’on ne gagne qu’une fois. Les Français peuvent être ce peuple s’ils acceptent d’ouvrir les yeux.