Croissance ou décroissance ?

Quand on veut faire croire que quelque chose existe, il suffit de le chiffrer et comme la plupart du temps quasiment personne ne sait comment ce chiffrage est fait, ce quelque chose devient une réalité sur laquelle une idéologie peut s’appuyer pour devenir officiellement un mieux à atteindre. La troïka universitaire politique média nous enfume régulièrement avec ces chiffrages qui emmènent les peuples là où ils ne voudraient pas aller mais où la troïka veut qu’ils aillent pour diverses raisons. Nous l’avons vu récemment avec le chiffrage quotidien des morts du covid ou celui de l’augmentation du CO2. A l’inverse lorsque la troïka ne veut pas voir une réalité quelle qu’en soit la raison, elle en interdit le chiffrage comme c’est le cas pour les statistiques ethniques.

Pour l’économie le chiffrage de la croissance est le PIB dont quasiment personne prend la peine de savoir comment il est calculé et que l’on fait marteler mensongèrement par des gens de bonne foi comme étant le chiffrage de notre création annuelle de richesse. La croissance devient le mieux qui doit nous permettre de vivre mieux demain qu’hier ou de nous offusquer du vol par certains de cette manne annuelle.

La lâcheté des intellectuels est telle qu’ils se contentent souvent de définir le PIB par la valeur ajoutée par les entreprises en oubliant volontairement qu’un boulanger produit certes du pain mais que ce pain n’est richesse que si un client vient l’acheter.

Nous avons soigneusement oublié la phrase de Lavoisier « Rien ne se crée, rien ne se perd : tout se transforme ». Nous continuons à le guillotiner consciencieusement en refusant de voir que tout est à somme nulle. Il n’y a pas de domaine où une augmentation n’est pas compensée intégralement par une diminution de même montant si on la chiffre. L’économie comme tout le reste est par définition à somme nulle.

Jouir et élaborer ont par définition le même chiffrage et c’est la difficulté de leur chiffrage qui permet à la troïka de faire croire faussement que l’on peut jouir davantage sans travailler davantage. Croire que c’est grâce à notre intelligence que nous vivons matériellement mieux que nos prédécesseurs, est pure vanité. Nous vivons matériellement mieux parce que d’autres vivent matériellement moins bien tout en étant réputés par la troïka vivre mieux et être sortis de la pauvreté puisqu’ils ont la capacité de dépenser davantage.

Et voilà l’argent qui vient comme partout s’insérer dans tous les jeux à somme nulle pour faire croire à la chimère si agréable de la création de richesses par les hommes. Il suffit de dépenser, de l’investissement réputé intelligent au gaspillage stupide en passant par la consommation normale, pour augmenter le PIB qui additionne toutes les dépenses en refusant de les classer qualitativement. On y additionne sans vergogne le chiffrage de l’utile, de l’inutile et du scandaleux. L’important est de faire croire que ce chiffrage est celui de notre création de richesse qui nous permet de donner plus à nos enfants que nous avions reçu de nos parents. Oublier que tout est à somme nulle fausse tous les raisonnements et rend inintelligentes les décisions prises quel que soit le domaine.

La troïka épuise son énergie à faire croire à l’intelligence de décisions économiques stupides niant la réalité de la somme nulle. Elle n’arrête pas d’augmenter ses effectifs pour tenter sans aucun espoir de prouver la création de richesse et se donner bonne conscience.

On en arrive au titre de cet article. La croissance est la négation stupide mais vénérée de la somme nulle. La décroissance est la multiplicité des chemins qui tentent maladroitement, faussement ou réellement de retrouver la somme nulle. Là encore le problème sera résolu par la violence si l’intelligence refuse de s’en emparer et là encore la troïka utilise l’énergie monétaire qu’elle fabrique pour faire croire qu’un bout de papier remplace avantageusement un homme. Elle ne fait bien évidemment que reporter les problèmes en les compliquant et en veillant à ce que les peuples ne se réveillent pas. Il est si facile de fabriquer de l’argent que la somme nulle ne compense plus par du travail passé mais par un esclavage futur.

L’énergie monétaire de la troïka lutte pied à pied contre l’énergie de la réalité qui ne peut que s’imposer. Y aura-t-il en 2022 un seul candidat à soulever le seul vrai problème de fond ?

L’harmonie perdue entre l’individuel et le collectif

L’harmonie entre l’individuel et le collectif est la recherche permanente de tous les pouvoirs et elle génère une civilisation chaque fois qu’elle est trouvée.

Jusqu’à la deuxième partie du XXe siècle, le modèle de cette harmonie a toujours et partout été la famille comme l’oïkos grec, la domus latine ou toutes les tribus de par le monde. Le capitalisme a profité de la déconnexion toute récente des monnaies de toute richesse préalablement reconnue, pour imposer l’entreprise comme nouveau modèle d’harmonie entre l’individuel et le collectif. Le passage s’est fait en douceur car l’entreprise, qu’elle soit artisanale, commerciale ou industrielle, n’était au départ qu’une copie de la structure familiale. Mais l’entreprise utilise, beaucoup plus que la famille, l’énergie monétaire pour pallier le manque éventuel d’énergie humaine. Et l’énergie monétaire étant nouvellement et apparemment inépuisable, le capitalisme a déifié les entreprises, leur attribuant même le rôle de créateur de richesses jusque-là réservé aux dieux, alors que la famille a toujours dû se contenter de l’énergie humaine éternellement limitée.

Depuis 50 ans à partir de la légalisation du divorce et l’avalanche d’IVG, de PACS, de mariage unisexe, de PMA et de GPA, nous tuons systématiquement la famille par sa fragilisation, la dilution de sa direction et notre désintérêt pour son harmonie. Sa « recomposition » et son invention « monoparentale » soumettent le collectif à l’individuel au lieu de les harmoniser. La famille n’est volontairement plus le modèle de l’harmonie avec son énergie humaine.

En même temps nous survalorisons l’entreprise qui créerait une nouvelle harmonie en réalité complètement fallacieuse. Non seulement l’entreprise harmoniserait l’individuel et le collectif mais elle créerait des richesses grâce à l’énergie monétaire. Le « développement économique » serait le partage de ces richesses.

En réalité l’entreprise produit en transformant mais c’est son client qui fait de sa production une richesse en l’achetant. Il n’y a, macro économiquement parlant, aucune création de richesse, il y a échange d’une production avec une richesse déjà reconnue, l’argent. C’est la rareté habituelle de l’argent qui donne la qualité de richesse à la production de l’entreprise. Il suffit de fabriquer de l’argent pour qu’une production qui n’est en réalité que déchet ou embarras, devienne apparemment richesse. Dans l’harmonie familiale le dessin de l’enfant est l’un des pendants de la production de l’entreprise. Il n’est richesse que s’il est échangé avec le regard admiratif de la famille et il se transforme en déchet dès qu’il n’intéresse plus. La valeur que les entreprises ajoutent, la fameuse valeur ajoutée dont la somme est chiffrée par le PIB, n’existe que si le client s’appauvrit en monnaie non seulement de cette valeur ajoutée mais aussi de la valeur de tout ce qu’il a fallu acheter pour produire.

Alors que le développement économique avait toujours été le constat des richesses créées par l’énergie humaine et constatées par leur échange avec une richesse préalablement reconnue, il est devenu le constat de richesses à la fois et « en même temps » créées et constatées par une énergie monétaire que l’élite auto proclamée voit inépuisable en l’appelant marchandise, signe, institution, convention ou tout autre mot à ne surtout pas creuser.

L’alliance sur ce point, mafieuse ou incompétente, des universitaires, des politiques, de la finance et des médias est d’une telle force qu’il est devenu une donnée d’évidence incontournable que l’on peut faire vivre une civilisation grâce à une énergie monétaire venue de nulle part, laissant les hommes dépenser leur énergie en salle de sport, en jogging, en ski ou en farniente. Le déluge d’énergie monétaire factice crée une hausse des prix de l’immobilier qui contribue encore davantage à la destruction de la famille qui a de plus en plus de mal à se loger décemment. Cette folie collective laisse croire à la réalité d’un eldorado qui attire la Terre entière, où nous travaillerions toujours moins n’ayant plus comme seul souci que de remplir notre temps libre et de nous extasier sur notre transhumanisme terriblement consommateur d’énergie monétaire gratuite. Le travail se réduirait d’ailleurs de plus en plus à l’inutilité de transmettre des papiers, imposer des normes et vérifier qu’elles soient respectées par les autres.

Le peuple est perdu et en accuse l’élite. L’élite est perdue et en accuse le peuple. Tant qu’il n’y aura pas de prise de conscience que l’énergie monétaire est limitée par l’énergie humaine qui la crée, la violence continuera à monter et notre civilisation à mourir de l’impéritie de ses élites. Pour ne prendre que deux exemples de scientifiques, le polytechnicien Jean-Marc Jancovici claironne à Sciences-Po que « Du pognon, il y en a ! » et Yves Montenay, centralien, Sciences-Po, bombardé professeur d’économie toujours à Sciences-Po, a écrit le 23 juin 2021 sur son blog La reprise et la dette « pour les nuls » dans lequel il écrit de façon condescendante l’énormité suivante :

Quel sera l’impact du remboursement ?

C’est très difficile à évaluer. Si vous remboursez votre dette, votre créancier reçoit votre argent. Ce dernier n’a donc fait que se déplacer et ça ne change rien.

En fait tout dépend qui est le créancier et ce qu’il fera de l’argent, ce qui est imprévisible. On peut néanmoins imaginer qu’après une cascade d’intermédiaires, l’argent retombe chez un particulier ou une entreprise, qui elle-même va commander, consommer ou investir… donc, a priori, rien de bouleversant. Sinon qu’il faut être conscient qu’on ne sait pas, et qu’il faudra de l’agilité pour se placer commercialement au bon endroit !

Avec le rebond de la consommation, une grande partie des entreprises va retrouver une activité normale et remboursera ses dettes et le gros du problème de l’endettement disparaîtra de lui-même.

Dans son esprit scientifique il est inutile d’acheter son pain puisque, acheté ou pas, le pain et l’argent n’ont « fait que se déplacer et ça ne change rien ». Comme quoi intelligence et bon sens ne font pas toujours bon ménage chez les « professeurs » d’économie.

Pour la présidentielle de 2022, de Zemmour à Macron, de Le Pen à Mélenchon, dans toute la palanquée de socialistes, d’écologistes et de républicains, tous aussi divers qu’inconciliables, chacun a sa solution miracle et personne n’ouvre encore les yeux. Il y a pourtant urgence.