L’oubli de l’essentiel

Les crises se succèdent les unes aux autres, les suicides d’agriculteurs et d’adolescents se multiplient dans une indifférence presque générale, les liquidations d’artisans, de commerçants et de PME repartent à la hausse. La classe politique regarde ailleurs, pense qu’en se rajeunissant elle se retrouvera et augmente ses frais de fonctionnement. Les Français réalisent que tout se décide à la Commission européenne aux mains de l’Allemagne et de Washington avec ses nouveaux kapos disséminés en Europe. Que s’est-il donc passé pour en arriver là ?

Nous avons simplement oublié qu’une société ne fonctionne qu’en produisant ce qu’elle consomme. Consommer est facile, produire est plus difficile. Dans une société cohérente les producteurs, agriculteurs artisans ou industriels, tiennent le haut du pavé. Les services sont d’abord les services à la production comme le forgeron, le transporteur ou le comptable. Les services à la personne ne sont rémunérés que s’ils permettent à la personne de mieux produire, comme le font le médecin et l’instituteur. Les services à la personne destinés à faciliter la vie sont laissés à la famille et aux bénévoles. L’avantage comparatif cher à Ricardo ne s’applique pas qu’entre nations. Il s’applique d’abord à tout individu pour savoir où il est le plus utile et le plus efficace. En démocratie telle que la Grèce l’a inventée, alors que tout le monde consommait, y compris les esclaves, seuls les producteurs de blé ou d’huile votaient car ils avaient quelque chose à perdre.

Aujourd’hui en occident et particulièrement en France, nous sommes devenus une société urbanisée de consommateurs où les villes ne produisent plus rien et attirent de plus en plus une population dont l’activité ne consiste qu’à se faire payer en faisant croire qu’elle apporte un plus à son employeur ou à son client. Les idéologies les plus variées et les plus inconséquentes cherchent toutes, sans aucune chance de succès et en se disputant entre elles, comment consommer et se distraire sans produire et comment l’expliquer avec brio pour le rendre crédible aux moutons que nous sommes quasiment tous devenus. Les deux bases de cette folie collective partagée par toutes les idéologies actuelles sans aucune exception, sont une création spontanée de richesse, une nouvelle manne non divine  appelée croissance, et une force venant de nulle part, la monnaie que les banques créent quand elles le souhaitent par une simple dette qu’on leur reconnaît.  L’une permet de croire que demain réglera tout, l’autre permet d’attendre chaque jour la solution qu’apportera forcément demain.

Au fond tout le monde sait que c’est idiot, mais toucher à l’un quelconque de ces deux mythes ébranle tellement l’édifice que cela en devient sacrilège. De plus, toucher à l’un rend l’autre impossible. Sans croissance pas de remboursement, sans prêt bancaire, pas de croissance. A l’inverse il est tellement agréable de croire que les prêts bancaires font de la croissance qui permettra les remboursements.

Nous avançons dans le mauvais sens avec une régularité et une constance stupéfiante. Ceux qui produisent vraiment, les ouvriers, les artisans et les paysans sont méprisés, mal payés et de moins en moins nombreux. Les commentateurs, conseils, contrôleurs, vérificateurs, chercheurs d’idées, transmetteurs de papiers et services à la personne, pullulent et arrivent à se faire payer par la manne que l’État et les collectivités font dégouliner par les subventions. L’État, pour payer l’inutile, diminue quantitativement toutes les fonctions régaliennes et augmente tellement les inutiles que l’administration augmente en volume quand son efficacité diminue. L’université qui était réservée au tout petit nombre dont la capacité permettait de mieux organiser la production et sa distribution, est devenue le fourre-tout où tout un chacun apprend avec une lenteur organisée, à se croire utile en ne produisant rien. Même les ingénieurs sortis de Polytechnique ou de Centrale pantouflent dans la banque ou le commerce international. Alors que l’entrée en 6e, le brevet et le bac étaient des filtres ne laissant passer qu’une vraie élite au mérite comme à la capacité, on a ridiculisé les filtres pour pouvoir se glorifier d’avoir 80% de bacheliers bien décidés, vu leurs prétendues connaissances, à ne rien produire de leur vie.

Il s’est constitué depuis que les monnaies ont été déconnectées de toute valeur réelle, une union particulièrement malsaine et incohérente entre un peuple confiant dans ce qu’on lui présente comme le progrès et une classe politique qui, pour être élue, flatte ce peuple en l’achetant avec de l’argent qu’elle fait créer par les banques. Les Français étant devenus très majoritairement improductifs élisent à la majorité, une classe politique à leur image, incompétente, contente d’elle-même, n’analysant les sujets qu’à l’aune de la prochaine élection. Pour ne prendre que les plus visiblement ridicules, cela donne aussi bien Emmanuel Macron qu’Anne Hidalgo élue par un Paris qui ne sait que consommer et se croire utile et important ou que Marine Le Pen qui a remplacé le parti communiste dans son attractivité des gens simples et honnêtes.

Est-il encore possible de retrouver une cohérence ? La réponse est clairement non tant que la direction de l’occident continuera à croire à la croissance et à la fausse monnaie éphémère créée par les banques.

La preuve de l’existence de la croissance est avancée par l’université, serinée par tous les médias et réputée incontestable par la majorité d’entre nous. Cette preuve est son chiffrage par le PIB. Personne ne semble prendre la peine d’aller vérifier que l’INSEE, tout en continuant à affirmer mensongèrement comme tous les autres que le PIB mesure la richesse créée, a enfin reconnu depuis le 28 janvier 2021 que le PIB est calculé par « la somme des dépenses finales ». Certains qui ne prennent pas la peine d’aller voir la définition du PIB sur le site de l’INSEE, se réfugient dans le calcul par la valeur ajoutée des entreprises en oubliant que seule la dépense des clients crée cette valeur ajoutée. D’autres disent avec un certain bon sens que si l’on peut dépenser, c’est que l’on est riche, ce qui était vrai quand la monnaie était une richesse en soi comme l’or, l’argent, le blé ou le sel, mais ce qui est complètement faux aujourd’hui où l’argent est principalement une dette vis-à-vis de la banque qui l’a créé. Il suffit que les banques créent de l’argent pour que les Français achètent, que les entreprises fassent de la valeur ajoutée et que nous soyons donc, à nos yeux, collectivement de plus en plus riches et ravis de consommer sans produire, en travaillant de moins en moins et en achetant nos fêtes, n’étant même plus capables de les produire. Finie la chanson « Samedi soir après le turbin… », le progrès l’a enterrée.

Ce qui serait presque déprimant, c’est que la classe politique ne propose pour demain que des idéologies déguisées en réalisme concret. Une idéologie, comme son nom l’indique, est l’étude d’une seule idée qui doit résoudre tous les problèmes. Pour une idéologie il suffit de changer un détail pour que tout rentre dans l’ordre. Ce détail est toujours un détail, soit de temps, soit d’espace, soit d’organisation.

Le temps permet tous les rêves et le capitalisme actuel croit à la manne que créerait son argent et veut absolument nous faire constater que les choses s’arrangent alors que nous voyons qu’elles empirent chaque jour davantage.

L’espace permet, sans aucun argument sérieux, de croire que tout sera plus simple quand nous serons plus petit disent les régionalistes ou plus grand disent les européistes. La mode est à l’Europe de Bruxelles qui n’est même plus européiste mais mondialiste en imaginant un monde aussi borné qu’elle, ce dont les BRICS tentent de la réveiller.

Les idéologies fondées sur de meilleures organisations pourraient être intéressantes si elles étaient audacieuses, courageuses et fondées sur une analyse réaliste. Mais comme elles sont toutes fondées sur la croissance dont elles parlent et sur la fausse corne d’abondance dont elles ne parlent pas, elles ne sont ni audacieuses ni courageuses et donc inintéressantes. La pire est sans doute le libre-échangisme qui ressort l’avantage comparatif entre nations de Ricardo en oubliant consciencieusement qu’à son époque, l’avantage comparatif entre nations reposait d’abord sur l’avantage comparatif entre hommes et femmes et sur celui entre citoyens qui étaient à l’époque une évidence naturelle, vitale et vécue. Aujourd’hui l’identité entre hommes et femmes  et entre citoyens a remplacé l’égalité qu’ils avaient par leurs avantages comparatifs et la corne d’abondance appelée dette, permet à chaque nation de rester incohérente et de rendre sans aucun intérêt et même nocif, l’avantage comparatif entre elles, base intellectuelle de l’abominable commission européenne.

Tout cela permet depuis plus d’un demi-siècle de vivre un rêve éveillé que nous savons tous mortifère, une des preuves en étant la consommation extravagante d’anxiolytiques et d’antidépresseurs, une autre étant l’immigration invraisemblable qui accepte de produire.

Le 10 juin les Européens choisiront entre les minorités qui veulent renverser la table, la majorité qui veut continuer à rêver et la lâcheté de rester chez eux. Il semble qu’il soit encore peut-être possible d’espérer.

L’économie virtuelle

Dans ce monde où personne ne veut voir que nous consommons nettement plus que ce que nous produisons, y a-t-il une autre solution que la guerre pour arrêter le système qui permet de trouver cela naturel ?

Cette question simple qui est inconsciemment en chacun d’entre nous est tellement difficile, complexe et désagréable que nous procrastinons tous en en reportant chaque jour l’étude au lendemain.

C’est sans doute en trois temps qu’il faut aborder le problème. D’abord comprendre la simplicité de l’économie réelle, ensuite analyser l’économie virtuelle et enfin observer comment l’éducation et la politique se sont mis au service du virtuel par paresse et veulerie.

L’économie, l’action dans la maison en grec, est très simple. La monnaie est l’énergie collective utilisable pour n’importe quoi à l’intérieur du groupe qui l’utilise, et le travail est la seule énergie individuelle connue. L’économie c’est l’échange entre de la monnaie et un bien ou un service créé par le travail. C’est aussi l’étude de cet échange. Chaque individu essaie de séduire par son travail un possesseur de monnaie pour échanger avec lui les énergies et transformer le fruit de son travail dont il ne sait pas très bien si ce fruit est richesse, embarras ou déchet, contre de la monnaie qui est une richesse objective sûre et stable. La monnaie est le seul bien qu’il est unanimement scandaleux de brûler. Tous les autres biens sans exception peuvent être des encombrements ou des déchets pour certaines personnes ou dans certains lieux ou à certains moments. Quel que soit le bien on trouvera toujours quelque part, quelqu’un qui aura envie à un moment donné de le détruire. Mais personne ne brûle des billets de banque. Les deux seules exceptions connues, Gainsbourg et Nicholson, sont deux beaux exemples du côté asocial des médias.

Le possesseur de monnaie s’appellera patron ou client. Les individus se regrouperont ou pas pour fabriquer des biens ou des services mais, seuls ou en groupe, ils seront toujours dans la séduction du possesseur de monnaie, à l’écoute de ce qu’ils doivent modifier pour mieux répondre à son attente. Dans l’économie réelle l’achat de l’affect du possesseur de monnaie par la publicité n’a pas encore fait ses ravages coûteux et on en reste à la remise en cause permanente de celui qui travaille pour être plus utile au groupe, plus reconnu par lui. L’économie réelle est toujours dans le don de soi et dans l’accueil de l’autre comme cela se passait avant l’introduction de la monnaie. L’économie réelle ne crée des biens et des services que pour vérifier qu’elle n’a pas perdu son temps et qu’elle peut échanger sa création subjective contre de l’argent objectif. Le prix est la mesure juste qui permet à la monnaie de circuler sans se dévaloriser. Sa multiplication intempestive s’appelle l’inflation, la masse monétaire qui enfle et qui génère la hausse des prix.

L’économie réelle sait qu’il faut des impôts et des fonctionnaires et que la difficulté est d’arriver à ce que tout fonctionne en limitant les deux, un bon fonctionnement avec peu d’impôts et peu de fonctionnaires. Dans l’économie réelle les fonctionnaires séduisent leur employeur, l’Etat, qui va chercher par l’impôt de quoi les payer et qui rend compte de sa gestion. Sa gestion consiste avant tout à garantir la valeur de la monnaie, cette énergie collectivement stockée et qui ne doit pas être gaspillée mais utilisée pour stimuler le travail de tout le peuple. Si la monnaie se dévalue, c’est qu’il y a inflation et l’Etat doit alerter son peuple sur ce qui ne va pas.

Toutes les civilisations ont vécu cette simplicité et dans celles qui avaient l’or pour monnaie, aucune n’a jamais dit que l’or ne valait plus rien. L’or ne s’est jamais dévalué.

Mais depuis deux siècles l’Occident a inventé l’économie virtuelle qui a elle-même inventé la création de richesse par un moyen simple, stupide mais qui a très bien marché : compter les échanges, les additionner et dire que c’est un produit, une création de richesses. Ça n’a aucun sens mais en le répétant des millions de fois cela a marché dans un monde qui ne filtre plus l’échange. Normalement l’échange est filtré par l’action qui montre l’impossibilité d’un fantasme et par la réflexion qui montre la déraison de la stupidité, les deux empêchant l’échange de n’être que du délire.

Mais la réflexion est abandonnée à ceux qui passent à la télé pour vendre leurs livres et y sont « suffisants et insuffisants » dans leurs péroraisons mais bien propres sur eux. Quant à l’action elle est sous-traitée à d’autres parties de la Terre  qui sont encore en économie réelle et qui ne rechignent pas au travail. Sans ce double filtre nous nous sommes laissés convaincre que le PIB est une création annuelle de richesses, une manne divine à nous distribuer.

Le plus fort est que nous nous sommes tous enrichis de cette manne divine grâce à l’emprunt fondé lui-même sur la création de richesses futures. Comme c’est totalement virtuel, l’appauvrissement indispensable au remboursement des emprunts devient une guerre sans merci entre les Etats, les entreprises et les citoyens qu’ils soient clients ou contribuables. Tous les coups sont permis dans tous les sens et cela ne fait que commencer.Cet échange de coups vicieux va devenir notre activité principale et l’économie virtuelle se frottera les mains de cette nouvelle richesse.

Pendant ce temps, au lieu de prendre conscience du rapprochement inévitable de la guerre qui fait éclater en 5 minutes la bulle de l’économie virtuelle, nous perdons notre temps en discussions oiseuses et byzantines pleines de name-dropping sur la « valeur travail » en ayant oublié et ce qu’est la valeur et ce qu’est le travail. Ou nous devisons sur l’étalon or comme si le rattachement à une matière non dévaluée résolvait quelque problème de fond que ce soit.

Qui ne s’engage pas fermement aujourd’hui dans l’éclatement de la bulle des créations de richesses de l’économie virtuelle, fait le choix de la seule autre solution, la guerre qui sera d’abord civile avant d’être mondiale. La guerre dans son abominable côté concret, casse les reins en un instant à tout ce qui est virtuel. Allez emprunter sur richesses futures en temps de guerre !

Mais nos institutions politique et éducative ou plutôt ceux qui s’en sont arrogés les rênes sans donner l’impression de bien comprendre, ont fait le choix de se servir de l’économie virtuelle au lieu de la faire éclater. L’effondrement de leur popularité montre que le bon sens reste au peuple.

Bien voir, bien comprendre, bien agir

« La vertu du regard éloigné » (Lévy-Strauss)

Il faut sans doute, une bonne fois pour toutes, comprendre la complicité objective qui lie les peuples et leurs dirigeants dans la fuite en avant drapée dans le mot démocratie qui n’est qu’un achat fort coûteux par les puissants de l’affect des peuples. Les peuples ne comprennent évidemment rien à la comédie générale qui leur est proposée, ils en pressentent la duperie mais jouissent pour la plupart en occident d’une vie facile à laquelle ils n’ont guère envie de renoncer.

Cette complicité empêche de voir la simplicité du problème et le coût abominable des multiples paravents que nous mettons nous-mêmes en place pour ne pas nous laisser pour l’instant déranger par la réalité. Car si la réalité du problème est simple, la réalité de la solution est vertigineuse et apeure tout le monde.

Les paravents sont éducatifs quand on fait croire que l’accumulation de connaissance génère le discernement. Ils sont politiques quand on arrive à faire croire que l’avis majoritaire de la foule définit l’intelligence. Ils sont économiques quand on prétend qu’il existe des cycles et que tout repart toujours, alors que seule la guerre est cyclique quand elle devient la seule capable de remettre les yeux en face des trous.

L’un des pires paravents économiques est la fausse croyance que nous créons des richesses à nous partager et que le PIB mesure une production alors qu’il ne mesure qu’une activité sans différencier l’activité saine de l’agitation malsaine. Les diatribes actuelles entre d’un côté les pays comme l’Angleterre ou l’Espagne qui mettent la prostitution et la drogue dans le PIB et qui sont soutenus en France par le sénateur Philippe Marini, président de la commission des finances, et de l’autre l’INSEE qui continue à vouloir faire croire que le PIB est une production et qu’on ne peut y intégrer « l’immoral », ces diatribes montrent bien l’étendue du faux débat. Tout le monde sait que le PIB et la croissance ne mesurent que l’activité et qu’ils ne se soucient ni de l’origine de ce qui est vendu, ni de l’origine des fonds qui ont permis l’achat. La prostitution comme la drogue, les accidents de voiture ou les marées noires font évidemment techniquement de la croissance. Ce qui est stupide ce n’est pas de faire le lien entre la croissance et l’emploi mais de faire croire que la croissance enrichit et permet l’emploi alors qu’elle se paye et que l’unanimité est totale pour ne pas se demander qui paye.

Nous ne pouvons consommer que ce que notre travail nous rapporte s’il est reconnu utile par le groupe. Ce que nous produisons n’est richesse que si c’est acheté par quelqu’un qui en a envie et qui a de quoi l’acheter. Si personne n’en a envie ou si le client potentiel n’a pas de quoi payer, la production n’est plus richesse mais encombrement ou déchet. Cette évidence simple est très dérangeante car elle limite notre consommation et nous force à nous bousculer. Elle est totalement anti électorale car elle évalue notre consommation à l’aune de notre utilité réelle. Et comment évaluer notre utilité réelle dans un groupe dont nous ne savons plus ni la taille, ni le lien, ni même s’il existe encore ?

Alors pour ne surtout pas regarder la réalité en face et continuer à flatter l’électeur qui ne peut payer sa consommation, on tente de faire payer les autres et de faire payer le futur.

Faire payer les autres, c’est la balance commerciale excédentaire. Chacun la veut dans ce mondialisme qui vante la liberté des renards dans les poulaillers. Chacun se croit renard et beaucoup se retrouvent poules. C’est notre cas où à force de vouloir faire payer les autres, nous payons en plus pour les autres. Nous devons retrouver le bon sens que la dernière guerre nous avait réintroduit par le Conseil National de la Résistance et par la charte de La Havane que l’ONU avait préparée mais que les USA n’ont pas ratifiée après l’avoir pourtant signée. La Charte de La Havane confirmait qu’on ne fait pas payer les autres et que les balances commerciales ne peuvent être ni excédentaires ni déficitaires.

Faire payer le futur c’est l’emprunt. Il est pourtant par définition irremboursable puisqu’il n’y a création de richesse que si elle est consommée et qu’elle ne peut donc servir une deuxième fois à rembourser un emprunt. La démonstration mathématique que la somme de toutes les valeurs ajoutées de toutes les entreprises n’est égale qu’à la somme de toutes les consommations, est prudemment mise sous le boisseau pour ne pas déranger. Un emprunt remboursé est forcément un appauvrissement créé quelque part. Si l’on n’arrive pas à faire provisoirement payer les autres comme le fait l’Allemagne, l’appauvrissement s’accumule dans les entreprises avec les conséquences que l’on constate et que les puissants appellent la crise.

La guerre remet les yeux en face des trous et quand elle se termine, le bon sens reprend provisoirement le dessus. Ne pourrions-nous pas, pour remettre les yeux en face des trous, donner sa chance à notre intelligence et éviter les drames de la guerre ?

Travailler pour fabriquer

C’est un vrai plaisir de voir la classe dirigeante respecter enfin le « droit au travail » du préambule de la Constitution et mettre unanimement l’emploi en priorité absolue. Mais personne n’envisage d’autres moyens que le retour de la croissance et leur seule activité est de se disputer pour savoir s’il faut la faire revenir par l’offre ou par la demande.

Comme personne ne comprend et qu’évidemment ni l’une ni l’autre ne fonctionne, le débat commence à être haineux.

Commençons par comprendre ce qu’ils voudraient dire. Rappelons pour la forme que le PIB est une mesure d’activité d’un espace donné pendant un temps donné et qu’il peut se calculer de trois façons comme cela est écrit sur le site de l’INSEE et comme cela a déjà été écrit pour un marché forain.

Le PIB du marché peut être calculé par les marchandises apportées le matin par les forains et les maraichers moins celles remportées à la fin, le tout chiffré à leur prix de marché. C’est le PIB INSEE par la valeur ajoutée si chère à nos économistes qui expliquent par là le terme de Produit.

Le PIB du marché peut être aussi calculé en additionnant l’argent qui est dans les poches de tous les gens rentrant sur le marché et en en soustrayant ce qu’ils ont encore en partant. C’est le PIB INSEE par la distribution.

Le PIB du marché peut être enfin calculé en additionnant toutes les transactions. C’est le PIB INSEE par la dépense, évidemment le plus simple à calculer mais le plus difficile à faire passer pour un produit.

Le PIB est donc clairement, non un produit mais une activité qui peut facilement se réduire à une simple agitation.

Que disent nos dirigeants ? Ils affirment à très juste titre que si le marché croît et recouvre tout le quartier, cette croissance créera des emplois de vendeurs chez les maraichers, chez les forains et dans tous les commerces adjacents.

Mais au lieu de regarder le problème du déclin du marché dans sa complexité et surtout dans sa vérité dérangeante, ils se séparent en deux simplismes opposés et évidemment tout aussi inefficaces l’un que l’autre.

Le premier est de faire de la relance par l’offre et de faire venir plus de maraichers, plus de forains. S’il n’y a pas les acheteurs cela ne marche évidemment pas. C’est pourtant la solution des gens qui se disent de droite. Le second est de faire de la relance par la demande, par l’augmentation de la consommation en remplissant les poches de tous les gens qui entrent sur le marché. S’il n’y a rien à vendre cela ne peut pas marcher non plus. C’était la solution des gens qui se croient de gauche et qui, devant l’échec évident de leur simplisme, sont en train de tourner casaque pour enfourcher le cheval de la relance par l’offre qui ne peut pas plus marcher que la relance par la demande.

Les somptueux économistes que nous avons, ont expliqué aux partisans de la relance par la demande qui se demandaient comment trouver des marchandises à vendre, qu’il n’y avait qu’à importer ce qui permettrait de faire de la croissance par la consommation. Personne n’a jamais expliqué d’où viendrait l’argent qui permettrait à la fois d’être mis dans la poche des consommateurs et d’acheter de quoi leur vendre.

D’autres économistes tout aussi distingués ont tout expliqué aux partisans de plus en plus nombreux dans leur apparente sagesse de la relance par l’offre et qui se demandaient qui viendrait acheter les marchandises à vendre. Ils leur ont dit qu’il n’y avait qu’à vendre à tous les étrangers et faire de l’exportation grâce à l’Europe et à la mondialisation. Personne n’a jamais expliqué comment les mêmes marchandises pouvaient être en même temps sur le marché et exportées pour avoir l’argent nécessaire à leur achat sur le marché.

Faut-il en rire ou faut-il en pleurer ? C’est du même niveau que la querelle entre vouloir dépenser plus pour dépenser moins, c’est-à-dire faire de la croissance pour rembourser la dette, ou vouloir dépenser moins pour dépenser plus, c’est-à-dire accepter l’austérité pour atteindre la prospérité.

Pourquoi des gens intelligents se complaisent-ils dans de telles fadaises enrubannées de médias, en les faisant proférer par une dizaine de satrapes repus qu’on a laissés déguiser leur incompétence en expertise ?

La réponse est malheureusement très simple. Pour relancer le marché, il faut à la fois fabriquer ce qui sera à vendre et à la fois travailler pour avoir l’argent pour l’acheter. Il faut travailler pour fabriquer. Les foires montraient la prospérité d’une région car jusqu’au XXème siècle on y travaillait pour fabriquer.

Mais aujourd’hui vouloir mettre de l’argent dans les poches des gens pour leur faire acheter des produits importés ne mène pas loin. Pas plus que se gargariser en pensant que notre système éducatif fabrique une telle intelligence que la Terre entière va venir nous l’acheter en nous évitant le travail. La vanité fait rire, elle ne nourrit pas.

Travailler plus pour produire réellement nous-mêmes et acheter moins facilement car supprimer l’esclavage nous coutera très cher, est évidemment la seule sortie de crise possible. Mais il n’y a que deux voies pour cela : le protectionnisme et la guerre qui seuls nous mettront en face de nous-mêmes.

Les Politiques n’aiment pas le protectionnisme car mettre les Français en face d’eux-mêmes n’est pas électoral. Comme le disait un spécialiste du monde politique à un candidat qui voulait dire la vérité : « Tu veux dire la vérité ou être élu ? ».

Les élus ont tous choisis d’être élus. Ils ne sont pas pourris, ils sont cohérents. Ils ne peuvent choisir le protectionnisme sans affronter leurs électeurs, ce qu’ils ne peuvent envisager. Ils laissent la guerre nous mettre en face de nous-mêmes. Ils clament que le protectionnisme mène à la guerre mais ce sont eux qui,  consciemment ou inconsciemment, ont choisi la guerre. Le côté haineux du débat actuel commence déjà à fabriquer les boucs émissaires possibles.

Louis XV disait déjà : « Après moi le déluge ! ». Serions-nous tous des Louis XV ? Allons-nous attendre qu’ils nous disent tous comme Mac Mahon : « Que d’eau ! Que d’eau !  » ?