La société de l’apparence

Ce qui se passe actuellement est tellement simple, les innombrables façons de le cacher tellement compliquées et pour des raisons tellement peu avouables qu’il faut vraiment prendre le temps de s’interroger sur la façon de faire comprendre l’essentiel pour sortir de la crise.

L’économie d’un groupe c’est son action. Dans tout groupe on consomme des biens et des services et l’on produit des biens et des services. Si le groupe est sans contact avec d’autres groupes, les membres du groupe consomment ce qui est produit et produisent ce qui est consommé. Pour cela les membres du groupe travaillent et produisent les biens et les services dont les autres ont besoin. Chacun en vendant sa production se fournit de quoi acheter ce dont il a lui-même besoin. Les prix s’établissent par le regard commun qu’acheteur et vendeur portent sur la transaction. Le prix doit permettre à l’acheteur comme au vendeur d’équilibrer son budget.

Mais depuis deux siècles et surtout depuis 40 ans, nous avons profité de découvertes extraordinaires comme la machine à vapeur, l’électricité, la sidérurgie, le cinéma, le téléphone fixe puis portable, la voiture, l’avion, le nucléaire, la télévision, les fusées, l’informatique et internet pour oublier la base de l’économie et croire que nous pouvions consommer sans produire nous-mêmes, jouir sans travailler vraiment.

Pour ce faire nous avons fabriqué la société de l’apparence : nous avons emprunté ce qu’il fallait pour acheter et nous avons importé ce qu’il fallait pour vendre. Cela a donné du mouvement que nous avons appelé PIB et qui est devenu la référence de l’intelligence économique. Il suffisait d’y penser !

Notre société s’est donc organisée sur trois pieds :

L’esclavage dans l’espace pour importer au moins cher, l’esclavage dans le temps pour permettre l’emprunt et le plus difficile, la manipulation des esprits pour faire croire que l’impossible était non seulement possible mais souhaitable et bon.

L’esclavage dans l’espace a été confié aux multinationales qui, par le libre-échange, arrivent à faire fortune avec les pays émergents comme les négriers faisaient fortune avec le nouveau monde.

L’esclavage dans le temps a été confié au monde de la finance qui a changé le sens des mots pour passer inaperçu. L’inflation n’est plus l’augmentation de la masse monétaire mais sa conséquence qu’est la hausse des prix. L’usure n’est plus le prêt à intérêt condamné par toutes les sagesses et toutes les religions mais simplement son excès. Le mal n’a plus de mots pour qu’on puisse l’exprimer.

La manipulation des esprits a été confiée à la classe politico-médiatique qui a reconstitué par l’extérieur le lien premier entre la production et la consommation et qui a fait entériner par les peuples que l’impossible était possible.

Pour reconstituer le lien entre la production et la consommation on a abandonné le concret qui tient compte des économies d’échelle dans un quotidien à taille humaine pour un abstrait incompréhensible et planétaire confié à une classe politico-médiatique internationale qui lie les deux esclavages à l’ONU, à l’UNESCO, au FMI, à l’OCDE, à l’OMS, à la banque mondiale, à l’OMC, à Bruxelles, à Luxembourg, à Strasbourg ou à Francfort tout en saupoudrant la Terre de journées contre l’esclavage évidemment réduit à la traite négrière.

Pour faire entériner par les peuples que l’impossible était possible, on a séparé l’éducation du concret tout en jurant qu’au contraire on l’en rapprochait, et les classes politico-médiatiques nationales ont sollicité les deux esclavagistes. Au premier on a demandé de faire croire aux peuples que les autres peuples paieraient pour eux en achetant leur intelligence et qu’ils auraient donc le travail à vie d’être admiré et payé du don de leur savoir. Au second on a demandé l’énorme masse d’argent nécessaire pour que les peuples viennent dire dans l’urne le jour prévu que tout cela est d’une intelligence remarquable.

Un indice de la réalité de ce constat est que c’est dans ces trois pieds, dans les multinationales, dans la finance et dans le monde qui parle dans les médias, et uniquement dans ces trois pieds que l’on s’enrichit facilement.

Pour retarder l’écroulement ou l’explosion de cette usine à gaz impossible, on a fabriqué une science économique qui oublie les deux bases de la vraie économie : l’argent est de l’énergie humaine stockée et ce qui est vrai à 100, ne l’est pas forcément à un million et encore moins à un milliard.

Le résultat en est évidemment une crise car la réalité se rebiffe, le rêve ne peut être éternel. Nous vivons un temps bizarre. La science économique, pour rassurer, parle de cycle. La classe politique annonce la sortie de la crise au fur et à mesure que nous nous y enfonçons davantage. La classe médiatique nous vend de l’évasion et de la bonne humeur en faisant parler ceux qui ne savent pas et en empêchant de parler ceux qui savent. Ceux qui parlent expliquent doctement ce qu’ils n’avaient pas prévu et passent le relais à ceux qui amusent. Et les peuples ont peur.

Qui remarquera que la guerre, quels que soient les adversaires, résout d’un coup tous les problèmes ? Et guerre et paix ne seraient-ils pas un cycle suffisamment connu de l’humanité pour que nous cherchions moins à vendre notre intelligence aux pays émergents qu’à l’utiliser chez nous pour le bien de la paix ? Ne faut-il pas commencer par nous interroger sur l’environnement cohérent et sacré dans lequel nous pourrions être solidaires ?

Sur quel bateau sommes-nous ?

Nous ne savons plus trop à quel saint nous vouer en sentant, anesthésiés, que notre bateau est en train de sombrer.

La définition du bateau et surtout son contour posent déjà problème. C’est un espace de solidarité, cohérent et sacré, que l’on nommait Patrie, la terre des pères, chez les partisans du droit du sang et Nation, la terre où l’on est né, chez les adeptes du droit du sol avant de tout mélanger.

Quel est aujourd’hui cet espace : la Terre, l’Europe, la France, la province, la région, la ville, le village, la famille ? Nous ne savons plus car la solidarité, la cohérence et le sacré se sont disloqués et leur rassemblement qu’est la fraternité a disparu pour des recherches disparates, ici de la solidarité, là de la cohérence, ailleurs encore du sacré. Comme si l’on pouvait les dissocier ! Seuls semblent l’avoir compris le judaïsme en Israël et l’islam partout où il est vivant. En Asie le bouddhisme, le confucianisme et le taoïsme, tous trois nés au 6ème siècle avant JC et admirablement complémentaires, ont pourtant du mal à s’enrichir mutuellement et seul le bouddhisme a percé en occident car il est équilibrage personnel de notre individualisme triomphant. Quant au christianisme, habillage européen de la sagesse universelle, il décline inexorablement comme les corps qu’il habille en ne défendant plus qu’une solidarité assez hypocrite. Le christianisme recule en ne comprenant pas que, si l’on peut être solidaire d’un bloc de béton, on ne peut lui être fraternel car il manque les deux liens de la cohérence et du sacré.

La solidarité tellement à la mode aujourd’hui et l’éternelle repentance sont les mortifications que nous nous imposons pour nous cacher ou pour oublier notre incapacité à nous réveiller et notre plaisir à rêver. Nous nous rejouons la scène 2 de l’acte II de Tartuffe en disant à qui veut l’entendre avec des mots plus modernes « serrez ma haire avec ma discipline ». La mortification est souvent le rempart sécurisant contre la honte de vivre l’inverse de ce que nous prônons. L’humanitaire libéral mondialiste ne va retrouver le concret que dans la limite de sa famille survalorisée et le théoricien des erreurs du système ne va survivre qu’en utilisant le système qu’il exècre.

 Commençons, avant d’aborder nos contradictions, à nous demander avec qui le faire. Sur quel espace voulons-nous construire ? Savoir que c’est l’espace sur lequel nous serons capables de combiner la cohérence, la solidarité et le sacré pourrait nous être utile.

Le « gouvernement » Dupont-Aignan

Libération du 11 mai 2013 rapporte que Nicolas Dupont-Aignan aurait appelé de ses vœux un gouvernement d’union nationale rassemblant « Henri Guaino, Jean-Pierre Chevènement, Arnaud Montebourg, et pourquoi pas M. [Florian] Philippot [FN, ndlr] et [François] Delapierre [Parti de gauche] », gouvernement qui travaillerait sur une ligne « de salut public pour […] relocaliser, sortir de l’euro, contrôler nos frontières, mettre en place un vrai plan de redressement de nos finances ».

Deux jours plus tard Yves Calvi écoutait avec tristesse dans Mots Croisés le débat médiocre entre Jean-Louis Borloo et Michel Sapin dont il remarquait en fin d’émission la troublante proximité. Borloo revenait comme toujours avec verve sur les dépenses à faire d’urgence pour les services à la personne, la construction et l’environnement pour faire la croissance que tout le monde attend pendant que Sapin n’osait pas demander où trouver l’argent et se réfugiait comme toujours sur l’état lamentable où il avait trouvé la France.

Il est temps de différencier les trois étapes de notre éventuel redressement. Il faut d’abord poser le problème, ensuite le comprendre, en chercher enfin la solution.

La première étape est terminée. Le problème est le chômage de masse qui augmente et va continuer à augmenter. Il y a unanimité sur ce point.

Sur la deuxième étape, comprendre le problème, tous les participants sans exception au gouvernement imaginaire de Nicolas Dupont-Aignan commencent à réaliser qu’il faut limiter géographiquement le groupe à l’intérieur duquel il peut y avoir solidarité. Cette limite existe, n’en déplaise aux mondialistes et il est peu probable que ce soit celle de l’Europe tellement on observe actuellement comment 27 égoïsmes veulent faire payer les 26 autres. La France est un territoire clairement limité et compréhensible.

Certes, sur la troisième étape, les membres du gouvernement Dupont-Aignan ne sont absolument pas d’accord et il est clair que des choix difficiles seront à faire car ils seront forcément douloureux. Personne ne détient une vérité de principe mais si tous ces gens savaient se retrouver pour analyser le problème en sortant des ornières imposées par les faux intellectuels du moment, une immense avancée serait faite. Travail difficile car chacun croit comprendre et chacun détient une pièce du puzzle que nous allons devoir reconstituer ensemble.

Premiers travaux essentiels pour remettre les idées en place :

– L’origine de la monnaie.
– Le PIB, chiffrage d’une activité commerciale, qui ne se soucie ni de l’origine de ce qui est proposé, ni de ce avec quoi on l’achète, ne peut donc servir de référence à rien, si ce n’est à l’apparence et à l’illusion. Le présenter comme une création de richesse est honteux et devrait être délictueux.
– La croissance, augmentation du PIB, chiffrée par la somme de toutes les dépenses, n’est en aucun cas une ressource.

Il sera toujours temps, une fois les données économiques de base nettoyées,  de comprendre comment l’éducation et la politique sont à la fois sources et conséquences de notre aveuglement collectif.

C’est par le travail en profondeur du « gouvernement Dupont-Aignan » que le problème sera suffisamment compris pour que des solutions diverses puissent être proposées si tant est qu’il y en ait plusieurs.