On se trompe de transition énergétique

La transition énergétique est à la mode. Politiques, médias et mouches du coche s’en donnent à cœur joie et laissent croire à un remplacement progressif des énergies fossiles émettrices de CO2 et des énergies nucléaires qui font facilement peur, par des énergies renouvelables.

A contre-courant mais parfaitement logique, Jean Marc Jancovici rappelle dans tout le monde universitaire que vivre sur les énergies renouvelables a toujours été l’apanage de l’humanité avec son chauffage au bois, sa traction animale, sa marine à voile et ses moulins à eau et à vent. Il explique à juste titre que ce n’est que depuis que nous utilisons de l’énergie fossile que nous sommes devenus des supermen à nos propres yeux en multipliant par des milliers notre capacité énergétique grâce aux machines. Il montre aussi, croquis à l’appui, qu’aucune énergie n’en a jamais remplacé une autre et que les nouvelles énergies ne se sont chaque fois que surajoutées aux précédentes que l’homme a continué à consommer de plus en plus, tellement ses machines étaient énergivores. Le charbon n’a pas remplacé le bois que l’humanité a continué à consommer de plus en plus. Le gaz et le pétrole n’ont pas remplacé le charbon que l’humanité a continué à consommer de plus en plus. Le nucléaire n’a pas remplacé le pétrole et le gaz que l’humanité a continué à consommer de plus en plus.

Encore une fois à juste titre, Jancovici insiste sur le fait que l’énergie fossile n’est pas gratuite alors que nous ne payons que le prix de son extraction, de son transport, de sa transformation et les bénéfices de tous les acteurs de son cheminement. Nous ne payons pas la reconstitution en millions d’années de ce que nous consommons quotidiennement de façon croissante. Jancovici souligne que cet aveuglement était déjà celui de Jean-Baptiste Say qui écrivait en 1804 dans son Traité d’économie politique: « Les ressources naturelles sont inépuisables, car sans cela, nous ne les obtiendrions pas gratuitement. Ne pouvant être ni multipliées ni épuisées, elles ne sont pas l’objet des sciences économiques ».

Là où Jancovici fait lui-même exactement l’erreur qu’il reproche à Jean-Baptiste Say d’avoir fait il y a deux siècles, c’est quand il dit négligemment lors de sa très intéressante leçon inaugurale à SciencesPo le 29 août 2019 « Du pognon, il y en a plein » (à 2h13 sur les 2h24 de sa leçon). Il ne réalise pas que la monnaie est une énergie, qu’elle n’est pas plus gratuite que les autres, et qu’une fois de plus cette énergie voudrait  remplacer les énergies précédentes et ne fait en fait que se surajouter sans faire baisser les autres.

L’énergie monétaire a en effet complètement changé sa source par un véritable triple saut en un peu plus de 50 ans, de 1944 à 2001. Jusqu’aux accords de Bretton Woods en 1944, toute monnaie avait toujours été liée à ce que le peuple qui l’utilisait voyait comme une richesse préexistante, généralement de l’or. La monnaie était la richesse du passé du peuple. C’est pour cela qu’en échange de la monnaie il donnait de lui-même. Les accords de Bretton Woods n’ont apparemment pas changé grand chose. Sous impulsion américaine ils ont lié les monnaies au dollar et le dollar à l’or. Cela restait cohérent à la condition que la FED n’imprime pas plus de dollars que le Trésor américain ne possédait d’or. Or la FED a imprimé 5 fois plus de dollars qu’il n’y avait d’or et Nixon a été obligé le 15 août 1971 de déconnecter en urgence le dollar de l’or pour endiguer la fuite de l’or américain que beaucoup, comme De Gaulle, venaient chercher contre des dollars. Mais le troisième saut de ce triple saut a été l’introduction de l’euro avec des équivalences avec les monnaies européennes antérieures en oubliant consciencieusement qu’elles n’étaient plus liées à rien par la décision américaine de 1971.

Depuis le 15 août 1971 et officiellement à partir de la création de l’euro, l’énergie monétaire ne provient plus d’une richesse passée reconnue comme cela avait toujours été le cas depuis l’aube des temps. Elle provient d’une richesse future totalement imaginaire et que l’on peut donc faire croître sans limite en l’espérant himalayenne, voire même perçant le ciel. Nous vivons globalement au-dessus de nos moyens grâce aux 200.000 milliards de dollars de dettes que nous avons. Ces dettes sont en réalité la source virtuelle et apparemment gratuite de la nouvelle énergie monétaire qui nous permet partout de faire n’importe quoi et de croire possible le libéral-libertarisme. Nous avons rajouté aux couches d’énergies que Jancovici décrit très bien et que nous continuons à consommer, une nouvelle énergie dont il ne parle pas comme d’une énergie, l’énergie monétaire. Nous consommons avec la monnaie, une énergie sans source connue. Nous la voulons gratuite et illimitée et nous le croyons possible puisque c’est une énergie qui nous vient du futur. Venant du futur nous pouvons l’imaginer à notre guise et c’est cette transition énergétique que nous vivons actuellement et dont nous n’osons pas parler parce qu’au fond de nous, nous n’en sommes pas très fiers.

La question que chacun devrait se poser aujourd’hui est de savoir s’il veut se dégager des faux rêves collectifs mondialisés et inatteignables que les médias, l’éducation nationale et les politiques ont mis dans les esprits. Ces rêves se nourrissent de l’énergie monétaire (donnez-nous les moyens). C’est en sortant de ces rêves et en réalisant que « la seule source de l’énergie monétaire est le travail humain et ses réalisations passées » (Bruno Lemaire), que nous pourrons faire en sorte que cette énergie monétaire soit à nouveau au service du peuple puisque c’est sa propre richesse, et qu’elle ne soit pas gaspillée au service d’un système que plus personne de sérieux ne défend vraiment.

L’énergie des chômeurs doit remplacer l’énergie monétaire venant de la dette. Mais cela commence par la compréhension et la maîtrise de l’énergie monétaire, puis par la compréhension que le chômage n’est pas le problèmes des entreprises mais celui des politiques. Sans quoi nous continuerons à faire toutes nos bêtises en douceur grâce à l’énergie monétaire qui fabrique les machines, et tant que les énergies précédentes seront encore disponibles pour les faire fonctionner.

L’économie mondiale affronte un problème qu’elle n’a jamais connu

Les politiques, les médias, les financiers et les économistes s’acharnent à résoudre les problèmes qu’ils voient mais qui ne sont plus les bons. Ils ne résolvent donc absolument rien et les peuples les voient s’agiter en souffrant de leur incompétence. Les peuples ne savent plus comment exprimer leur malaise puisque, quelle que soit la forme de cette expression, cela ne change rien.

Le vrai problème est ailleurs et est tellement énorme que personne ne semble avoir envie de le voir, de le comprendre et encore moins de l’affronter.

Depuis Aristote on n’a jamais défini la monnaie autrement que par ses utilisations, moyen d’échange, réserve de valeur et chiffrage de la richesse dont on a complètement oublié qu’elle n’est qu’un regard commun, parfois éphémère, sur quelque chose de collectivement apprécié. Personne ne semble avoir pris la peine de dire ce qu’est la monnaie. Certains soutiennent que c’est une marchandise, d’autres un symbole, un signe, une institution, un contrat… Chacun y va de son ego et certains soutiennent même que la monnaie n’est….rien. Verrait-on l’énergie électrique définie exclusivement par ses utilisations comme l’éclairage ou le chauffage ou par son stockage dans les accus ? C’est pourtant ce que nous faisons avec l’énergie monétaire qui nous fait pourtant vivre et notre aveuglement nous endort. Nous devons définir la monnaie et en tirer les conséquences.

Une monnaie est un titre de créance sur le peuple qui l’utilise. Ce titre de créance a toujours été fondé sur le fait que la monnaie était une richesse déjà constatée qui transportait avec elle une part de la vie passée du groupe.

Cela a été des plumes d’oiseau rare, du bétail, des grains de blé, du sel, de l’or, de l’argent ou du cuivre. Chaque civilisation a trouvé sa matière pour remplacer le donner-recevoir-rendre très bien défini par Marcel Mauss et qui continue à être irremplaçable dans des structures comme la famille. Il a fallu pourtant le remplacer car, quand le groupe devient trop important, le donner-recevoir-rendre perd son harmonie car certains oublient de rendre.

La monnaie, richesse déjà constatée, est rare par définition. C’est sa rareté qui empêche normalement le peuple qui l’utilise de s’abandonner aux rêves hédonistes et de croire que l’impossible est possible. C’est cette rareté que le papier monnaie a systématiquement piétinée par soif d’énergie et par désir de plaire.

Toutes les tentatives de papier-monnaie du XVIIIe siècle ont toutes commencé par des équivalences avec des richesses précédemment reconnues. Le système de Law était fondé sur les actions de la compagnie du Mississipi, Le rouble de la grande Catherine sur les mines et le cuivre, les assignats sur les biens confisqués de la noblesse et du clergé, le dollar continental sur la livre sterling. Si les accords de Bretton Woods deux siècles plus tard ont lié toutes les monnaies au dollar, le dollar gardait son équivalence en or.

Toutes ont explosé parce que, par facilité ou rouerie, on a imprimé beaucoup plus de billets que de richesse reconnue. Law a fui à Venise dès que le Régent a eu remboursé les dettes faramineuses de Louis XIV, le rouble papier a disparu dès les réformes coûteuses de Catherine II effectuées, les assignats ont été retirés dès que la bourgeoisie a eu récupéré à bas prix les biens confisqués par la nation, le dollar continental n’a plus rien valu quand la guerre d’indépendance a été payée. Le dollar américain a été déconnecté de l’or quand la FED a imprimé 5 fois plus de dollars qu’il n’y avait d’or dans ses coffres, pour payer le plan Marshall puis les guerres de Corée et du Vietnam. Tout a toujours été partout payé au bout du compte par l’impôt en monnaie dévaluée. L’augmentation exponentielle des impôts depuis les années 70 n’en est que le sinistre constat. Depuis le 15 août 1971 les monnaies ne sont liées à aucune richesse.

On a même avec la création de l’euro, créé pour la première fois dans toute l’histoire de l’humanité, une monnaie sans équivalence avec une richesse préalablement reconnue si ce n’est avec des monnaies nationales, elles-mêmes déconnectées de toute valeur 30 ans auparavant. C’est ce qui a ouvert la boite de Pandore.

Tout n’est maintenant fondé que sur la confiance que les peuples ont dans leurs dirigeants, leurs politiques, leurs médias, leurs financiers et leurs économistes, dans ce qui a créé l’euro et qui industrialise la surproduction de monnaie en laissant loin derrière lui les artisanats de Law, des assignats ou du dollar continental. La banque du Japon, la FED et la BCE impriment en continu pour faire croire que les machines créent des richesses. La monnaie devient un outil d’illusionniste. Les sachants savent tellement que les monnaies ne valent plus rien qu’ils les placent à taux négatif pour espérer en récupérer une partie lors de l’explosion.

Pour tenir depuis 75 ans alors que toutes les précédentes escroqueries n’ont tenu que quelques années, le système a joué sur deux tableaux qui se soutiennent l’un l’autre. D’une part la création du PIB pour faire croire à une création objective de richesse et d’autre part la quasi dissimulation des actifs des banques centrales pour que les peuples ne réalisent pas que toute création monétaire sans constat préalable de nouvelle richesse est, au centime près, un futur impôt qui peut être partiellement sous forme de dévaluation.

Les universitaires, les intellectuels et les médias ont été indispensables pour faire croire aux peuples que le PIB était un produit à se partager alors qu’il n’est que la somme de toutes les dépenses. Faites-monter le prix de l’immobilier, des actions ou des œuvres d’art, faites tourner et vous aurez un PIB fantastique sans aucune création. Il n’y a pas une dépense qui ne soit pas comptée dans le PIB et aucun élément du PIB n’est pas une dépense. Les mêmes ont soigneusement caché que les banques centrales ont un bilan équilibré et que chaque fois qu’elles créent de l’argent qu’elles mettent à disposition à leur passif, elles inscrivent à leur actif sous différentes formes une créance du même montant sur les peuples que les politiques sont payés à récupérer par l’impôt, ce qui devient malheureusement leur première activité car c’est la seule qui peut freiner la dévaluation.

Pour parfaire ce système incohérent nous avons trouvé l’idée lumineuse de fonder la monnaie non plus sur une richesse reconnue préalablement comme cela a toujours été le cas, mais sur une richesse future ouverte à tous les fantasmes. Nous avons même fait croire aux peuples qu’un investissement était un multiplicateur de monnaie alors qu’il n’est qu’une dépense pour faire une production qui ne sera richesse que si des clients viennent s’appauvrir pour l’acheter. Il suffit aujourd’hui de faire croire qu’une stupidité est une richesse comme le sushi ou n’importe quelle américannerie (coca, chewing-gum, Mc Do) pour que l’on investisse dessus avec l’argent créé par une banque centrale sur un futur impôt. Pour faire tenir le système un peu plus longtemps, on flatte tout ce qui peut l’être. Chaque minorité devient une cible à admirer et à flatter financièrement, …. la majorité paiera. C’est comme cela que tout s’inverse car tout est lié. Le collectif n’existe plus vraiment et est totalement dévalorisé au profit d’un individualisme dévorant et totalement insuffisant. Chaque personne raisonnable attend l’explosion. La compétition remplace la coopération, les femmes ne font plus d’enfants, les hommes ne trouvent plus de travail, le travail est très mal rémunéré, l’avantage comparatif de Ricardo est oublié à l’intérieur des nations alors que faire faire à chacun ce qu’il fait le mieux ou le moins mal devrait être l’obligation morale de tout dirigeant qui veut réellement enrichir le pays. S’en décharger sur les entreprises dont ce n’est pas la raison d’être, devrait faire rougir de honte. La peine de mort est interdite pour les criminels mais autorisée pour les innocents si on les appelle dommages collatéraux. Les nouveaux mots racisme et sexisme ont été inventés pour amalgamer volontairement la distinction évidente entre les races et les sexes et leur hiérarchie totalement stupide. Le but de ces mots est d’empêcher les peuples de distinguer les races et les sexes puisqu’ils ont le discernement de ne pas les classer. L’interdiction honteuse des statistiques ethniques poursuit le même but. On encense tout ce qui endort ou rend amnésique. 200.000 milliards de dollars attendent d’être remboursés par des créations de richesses imaginaires. On voit les politiciens se montrer partout pour dire qu’ils écoutent car ils n’ont plus rien à dire. Et quand ils disent, c’est pour faire croire que la technique vaincra la réalité. L’idéal médiatique les incite même à appartenir en plus si possible à une minorité raciale, sexuelle ou religieuse pour être vraiment inattaquables sauf par les affreux racistes, sexistes et autres homophobes qui, étant eux-mêmes la cible à abattre, ne peuvent plus rien dire sur qui que ce soit. Rien que fin septembre 2019 pendant que les politiciens faisaient leur rentrée médiatique quémandant des solutions, la FED créait en 4 jours 300 milliards de dollars.

La question n’est même plus de savoir quand cela explosera mais de chercher les gens qui s’intéressent à la politique et qui ont compris que rien ne pourra être fait tant que la bombe économique actuelle ne sera pas comprise puis désamorcée. C’est seulement alors qu’il sera temps de s’interroger sur la taille du groupe qui devra prendre les rênes de l’action. Perdre son temps aujourd’hui à se demander s’il faut être nationaliste ou européen, changer l’Union européenne ou la quitter, c’est simplement donner du temps aux défenseurs du système qui, dans leur propre intérêt, veulent le faire tenir en continuant à appauvrir les peuples. L’urgence est de retrouver une monnaie qui soit une richesse reconnue par le groupe, et par là même le garde-fou dont la rareté nous empêche, et les empêche, de faire n’importe quoi.

L’action est une nécessité absolue mais personne n’a jamais vu une action qui ne soit pas précédée par une prise de conscience, et une action utile par une prise de conscience cohérente.