Le désir de vendre et le désir d’acheter

Les désirs d’acheter et de vendre sont inhérents à la nature humaine. Le désir de vendre est généré par le désir de faire du profit, de transformer quelque chose que nous aimerions être reconnue comme une richesse, un bien, un service ou notre propre temps, en une vraie richesse reconnue qu’est la monnaie. Ce désir part d’une estimation de ce que l’on aimerait vendre et il génère la recherche d’un acheteur ayant la même estimation. Cela est vrai pour tout ce que l’on veut vendre, que ce soit soi-même en cherchant du travail, un objet trouvé, acheté ou fabriqué, ou un service que nous nous sentons capables de rendre.

Le désir d’acheter est généré, lui, par l’attrait du plaisir, par le contentement que nous éprouvons à consommer ou à posséder.

Si ces désirs bien naturels ne sont pas réfrénés, on en arrive à la blague de Jacques Attali qui, selon lui au début et à la fin de sa narration, «résume bien l’escroquerie des théories économiques de ce qui se passe aujourd’hui dans le système financier moderne». Voici sa blague dans laquelle le choix des prénoms est évidemment aléatoire.

C’est Schlomo qui téléphone à David en lui disant « Ecoute j’ai une affaire formidable à te proposer. J’ai un camion de pantalons et les pantalons valent un dollar. Tu les veux ? Formidable ! ». David prend les pantalons, téléphone à Jonathan « Ecoute, j’ai une affaire formidable pour toi, un camion de pantalons à 2 dollars. Tu les veux ? Formidable ». Jonathan téléphone à Saül, lui propose 3 dollars, l’histoire continue jusqu’à un moment où Moshe téléphone à Christian et lui dit « J’ai une affaire formidable pour toi, des pantalons à 49 dollars ». « Ah ! 49 dollars ? Formidable ! ». Il les prend. Le lendemain Christian téléphone à Moshe : « Ecoute, tu es vraiment un escroc ». « Comment je suis un escroc ? ». « Mais si ! Tu m’as vendu 49 dollars des pantalons immettables ». « Qu’est-ce que tu racontes ? ». « Tu sais très bien. J’ai ouvert le camion. Il y avait des pantalons qui n’avaient qu’une jambe. Qu’est-ce que tu veux que je fasse avec des pantalons qui n’ont qu’une jambe. Personne ne met des pantalons qui n’ont qu’une jambe ! ». « T’as rien compris, ce n’est pas fait pour mettre mais pour acheter… pour vendre… pour acheter… pour vendre.

L’escroquerie inévitable, générée par les désirs effrénés de vendre et d’acheter, a normalement dans toutes les civilisations le frein naturel de l’échange. Cet échange c’est le troc avec l’étranger que l’on ne connait pas et qui nécessite l’échange des avoirs. Et c’est l’échange avec la monnaie quand elle est encore comprise comme un véhicule d’énergie humaine à l’intérieur d’un groupe donné cohérent, d’un « oïkos ».

Mais depuis le 15 août 1971, depuis que Nixon a rompu l’équilibre fragile et déjà sans avenir de Bretton Woods de 1944, l’échange se fait avec une monnaie qui n’a aucune valeur réelle. Les expériences précédentes de Law sous la Régence ou des assignats sous la Révolution avaient encore le support de la compagnie du Mississipi pour Law et des biens de la noblesse et du clergé pour les assignats. Mais nos monnaies actuelles ne sont plus fondées que sur la confiance, exactement comme les emprunts russes de 1888 à 1914.

Mais le système de Law n’a duré que 4 ans entre 1716 et 1720, les assignats, 8 ans de 1789 à 1797, les monnaies actuelles attendent depuis 47 ans l’événement qui officialisera leur absence de valeur comme la révolution russe a montré l’absence de valeur des emprunts du même nom. C’est ce qui permet à la dette de monter sans fin partout dans le monde puisqu’elle est libellée en une monnaie qui ne vaut rien.

Les manuels d’histoire expliqueront que le système de Law a permis au Régent de faire payer au Français les dettes de Louis XIV, que les assignats ont permis aux classes moyennes de récupérer les biens du clergé et de la noblesse et que les monnaies de la deuxième partie du XXe siècle et du premier quart du XXIsiècle ont permis à une nouvelle et fausse noblesse d’argent de récupérer les biens des classes moyennes tout en clamant que le droit à la propriété est sacré.

Les cryptomonnaies nouvel eldorado des spéculateurs

Une cryptomonnaie n’est pas une monnaie mais une marchandise virtuelle rare qu’un « mineur » peut extraire d’une mine virtuelle dans laquelle il travaille en faisant tourner le système, Pour ne prendre que le bitcoin sa valeur repose sur sa limitation arbitraire à 21 millions et sur l’énergie exponentielle nécessaire à sa création.

Il en existe déjà plus de 17 millions et pour continuer à faire vivre le système de la blockchain il faut rémunérer les vérificateurs en les rémunérant par de nouveaux bitcoins. Ce travail en chambre n’étant pas fatigant, il est très recherché et donc tout naturellement de plus en plus réservé à ceux capables de payer leur place, et pas en bitcoins. On retrouve le principe des innombrables stagiaires qui doivent payer leur stage obligatoire.

Le mode de paiement est assez fin et est double, une première fois en investissement, une seconde fois en frais de fonctionnement.

Il faut d’abord se payer en vraie monnaie un ordinateur de plus en plus puissant pour être le premier à dépasser les obstacles qui départagent les candidats mineurs et qui mènent à la mine où l’on décroche le pompon, pardon ! les nouveaux bitcoins. Cette course, de moins en moins rémunérée (la rémunération est divisée grosso modo par deux tous les quatre ans), est donc de plus en plus rude et demande des ordinateurs de plus en plus puissants que l’on ne peut plus acheter qu’en se regroupant entre apprentis mineurs donc en divisant l’investissement mais aussi la rémunération à se partager.

Il faut ensuite payer en électricité et en vraie monnaie le fonctionnement des ordinateurs de plus en plus gigantesques indispensables à la course entre mineurs. De bonnes âmes ont fait le calcul et trouvé que la consommation du système bitcoin correspondait grossièrement à la consommation électrique de l’Irlande avec son très beau PIB (!). Tout cela évidemment payé par les apprentis mineurs.

Le principe de ce travail rémunéré, facile et donc alléchant, est que son coût augmente exponentiellement en vraie monnaie pour un résultat de plus en plus faible en bitcoins. La valeur artificielle du bitcoin monte donc naturellement et exponentiellement, ce qui ravit les nigauds.

Mais que va-t-il se passer au fur et à mesure que l’on va se rapprocher de la limite fondamentale des 21 millions de bitcoins, ce qui se rapproche bien évidemment puisque nous avons dépassé les 17 millions ?

Je ne vois que deux réponses possibles qui toutes deux amènent à l’interdiction du bitcoin et donc à une valeur identique à celle de l’emprunt russe du tsar Nicolas.

Soit la limite de 21 millions est dogmatiquement maintenue et nous irons tout droit à la révolte des mineurs qui auront de plus en plus investi et de plus en plus payé pour un résultat de moins en moins rentable. Et dans ce cas les vérifications se feront mal ou plus et l’État interviendra pour protéger les dindons de la farce, mineurs et utilisateurs.

Soit la limite des 21 millions disparaît comme par enchantement et nous entrerons subrepticement dans ce qui s’appellera dans l’histoire, le système de Bitcoin comme on parle du système de Ponzi où toute la valeur objective des bitcoins ne reposera plus que sur les dépenses indispensables et croissantes pour en obtenir de nouveaux. Seule la dépense des mineurs permettra de croire à la valeur de cette monnaie virtuelle. Et quand seuls les tenants d’un système monétaire s’activent et en fabriquent pour y croire, on retombe dans le système de Law ou dans les assignats dont nous connaissons l’issue. L’État interviendra d’abord pour en profiter, ensuite pour en constater la mort.

L’aventure du bitcoin nous apprend tout de même la force de l’informatique dans les cryptomonnaies où les particuliers, même en se regroupant ne pourront gagner face aux pouvoirs des nations. Mais si une multinationale comme IBM crée sa cryptomonnaie comme elle envisage très sérieusement de le faire, ce sera alors un combat de titans entre IBM et les États d’où sortira la fin du capitalisme ou la fin des nations. Je prends le risque d’annoncer la fin du capitalisme et le retour aux espaces cohérents.

Le protectionnisme s’oppose-t-il vraiment au libre échange ?

La doxa libérale a réussi le coup fantastique de faire croire que le protectionnisme s’oppose au libre-échange et qu’à la limite il est synonyme d’autarcie, ce qui est évidemment impossible si la communication n’est pas bridée comme en Corée du Nord. Or aucune personne honnête et réaliste n’a évidemment envie de brider la communication à l’époque d’internet.

Ce qui ne va pourtant pas dans ce que les libéraux appellent le libre-échange c’est tout simplement que ce n’est pas un échange ou plus exactement qu’un des termes de l’échange est de la monnaie dont on a oublié qu’elle ne devrait être qu’un véhicule d’énergie humaine alors qu’elle ne l’est plus. On la fabrique aujourd’hui à qui mieux mieux partout et à tout instant, ce qui rend l’échange parfaitement malhonnête en permettant à une toute petite minorité d’échanger ensuite à son tour la monnaie perçue contre des biens ou des services palpables. L’observation que la monnaie est en fait de la fausse monnaie en n’étant alimentée par aucun travail humain, fait qu’il n’y a aucun véritable échange mais qu’il y a en revanche une véritable escroquerie. Le libre- échange n’est en réalité que la libre-escroquerie qui s’habille pour être présentable. C’est ainsi que le Régent a remboursé les dettes faramineuses laissée par Louis XIV grâce au système de Law. C’est ainsi qu’à la révolution française, grâce aux assignats, la bourgeoisie a récupéré sans grands frais les biens détenus jusqu’alors par la noblesse et le clergé. C’est ainsi qu’aujourd’hui et depuis le 15 août 1971, depuis que nous avons à nouveau un papier-monnaie sans aucun lien avec le travail humain, un petit groupe s’enrichit sur l’appauvrissement des peuples en s’habillant du libéralisme et du libre-échange.

Nous devons retrouver le bon sens et de vrais échanges libres en distinguant l’échange des êtres, de l’échange des avoirs. L’échange des êtres se fait à l’intérieur des groupes qui sont cohérents par le but qu’ils se sont donné. Je les appelle des oïkos et ils sont une famille, un village, une tribu ou une équipe quelle soit militaire, sportive, ouvrière ou laborieuse dès l’instant où il y a un but commun. L’échange des avoirs, c’est-à-dire le troc, se fait lui avec les autres oïkos avec lesquels il n’y a a priori aucune cohérence,et aucun but réellement commun. Nous avons complètement oublié que la racine grecque de l’économie est oïkos nomos, « la coutume du groupe cohérent ». Cette coutume a toujours été de n’échanger des marchandises avec des étrangers que contre d’autres marchandises. C’est ce que le bon sens de l’ONU primitif avait fait en réunissant en 1947 à La Havane tout ses membres pour créer l’OIC par la complètement oubliée Charte de La Havane. Cette Charte rendait obligatoire l’évidence de l’équilibre des paiements entre des oïkos différents, des nations  différentes. L’OMC de Genève foule aux pieds cette évidence sous les applaudissements de tous les imbéciles. L’euro doit monter pour équilibrer la balance commerciale allemande mais il doit baisser pour équilibrer la nôtre et celles de beaucoup d’autres pays européens. Le résultat, qu’on le veuille ou non, est que l’Allemagne est en train de réussir provisoirement ce qu’Hitler avait raté : asservir l’Europe.

Sur cette confusion permanente institutionnalisée entre l’échange des avoirs et l’échange des êtres, vient se greffer l’incompréhension de ce qu’est la monnaie, simple véhicule de l’énergie humaine d’un groupe humain donné. De ce bourbier intellectuel sort l’Union européenne qui impose la libre circulation des monnaies transformant le libre-échange en libre-escroquerie puisque l’on paye en assignats l’énergie des autres, celle qu’ils ont comme les Arabes ou celle qu’ils sont comme les Chinois. Les deux s’empressent pour transformer les assignats reçus en immeubles parisiens ou en vignobles bordelais avec la bénédiction de nos dirigeants qui croient avoir tout compris en remportant des élections qui ne sont plus que le résultat des humeurs de la foule façon pogrom ou lynchage.

Les peuples occidentaux ont envie de croire aux rêves qui les arrangent. Ils en mourront si personne ne les réveille. A bon entendeur ….