La droite et la gauche

Sous De Gaulle personne ne se disait de droite. On était dans la majorité présidentielle ou dans l’opposition.

C’est quand Mitterrand est arrivé au pouvoir et que le « peuple de gauche » a fait rentrer Jean Moulin au Panthéon avec la voix chevrotante d’André Malraux, que l’opposition à la gauche s’est retrouvée de droite. Depuis la classe politique se complait dans cette césure artificielle qui génère suffisamment de mépris pour motiver les militants si nécessaires à sa survie.

Nous étions tous internes à HEC à la fin des années 60 et les réunions politiques allaient bon train le soir avec Pierre Rosanvallon ou Pascal Lamy. J’étais souvent d’accord avec ce qui était dit mais je découvrais que suivant les soirs j’étais de droite ou de gauche. Voulant me situer j’appris que la droite privilégiait l’ordre et la gauche la justice. Mais n’ayant jamais vu de vraie justice sans ordre ou de véritable ordre sans justice, je n’étais pas plus avancé. J’ai passé la plus grande partie de ma vie à me dire que la droite et la gauche étaient deux parties de moi-même qui se dissociaient en deux simplismes lorsque j’étais fatigué.

A la réflexion il y a deux choses importantes dans la vie : le mouvement et l’harmonie avec deux erreurs à éviter. Il faut se méfier de l’harmonie sans le mouvement, de la mort, de ce que ceux qui se disent de gauche appellent la droite ou la réaction. Il faut aussi éviter le mouvement sans l’harmonie, l’agitation, la turbulence ou la tourmente, ce que ceux qui se disent de droite appellent la gauche ou le bordel.

Si la droite c’est la peur et la gauche l’insouciance, la droite est aussi la raison et la gauche l’imagination. C’est les opposer  qui est d’une stupidité rare alors que les additionner est une vraie difficulté intelligente. La raison qui dépasse la peur et l’imagination qui se méfie de son insouciance sont à la base de toutes les avancées humaines

Malheureusement la classe politique a un besoin vital de cette apparence de conflit comme entre les Armagnacs et les Bourguignons, les Tories et les Whigs ou les Républicains et les Démocrates. Que la chose publique, les Républicains, puisse s’opposer à la volonté du peuple, les Démocrates, prêterait à sourire si ce n’était un habillage vicieux du combat à mort entre l’argent des uns contre l’argent des autres. Depuis que les uns comme les autres font légalement de la fausse monnaie, ce combat devient omniprésent et balaie toute forme de vérité.

Un jour où il ne savait pas quoi dire, Winston Churchill a dit aux Communes à la fin de la dernière guerre mondiale : « La démocratie est le pire des systèmes à l’exclusion de tous les autres ». Cette phrase imbécile a fait flores car elle permet de justifier un système sans avoir à défendre l’idée que l’avis majoritaire de la foule définit l’intelligence. Il me semblait que cette idée donnait les lynchages et les pogroms. Je dois reconnaitre que cela donne aussi le pire des systèmes, bien évidemment à l’exclusion de tous les autres pour ne pas les étudier. Est-ce scandaleux de faire un lien entre le lynchage, les pogroms et le suffrage universel ? Les médias me jureront que oui mais de quel bord sont-ils ? Et leur majorité définit-elle l’intelligence depuis que l’énarque Mathieu Pigasse possède Le Monde, Le Nouvel Observateur, les Inrokuptibles, Rue 89 et quelques autres. Mathieu Pigasse a appris a bien parler et comme le lui a dit Michel Onffray : « Vous pourriez vendre des réfrigérateurs au pôle Nord ». Est-ce parce qu’il parle bien qu’il pense bien et qu’il agit bien ? La question est posée. Mes lecteurs connaissent ma réponse.

On m’a traité de communiste ou de fasciste chaque fois que je dérangeais. Plus exactement quand on ne me traitait pas de marxiste on me traitait de fâchiste  puisque c’est la prononciation à la mode par importation italienne. Moi j’en reste aux faisceaux et à la lascivité. Je scie le bois. Liberté est donnée à ceux qui veulent le débiter autrement !

De la complexité du problème

Il est triste de constater que par la qualité médiocre de nos dirigeants, toutes fausses querelles confondues, nous en sommes arrivés à une situation telle que les perspectives d’avenir se limitent à Dieu, à la guerre ou au chacun pour soi.

Nos dirigeants ont choisi Dieu qu’ils appellent la croissance pour ne pas paraitre trop obscurantistes. La réalité est que la guerre se prépare pour nous remettre les yeux en face des trous et il ne reste plus qu’à savoir entre qui et qui. Et en l’attendant nous sombrons tous dans le chacun pour soi, ne sachant même plus ce que recouvre en réalité le « nous ».

Sans aucune réflexion de fond, la folie collective, uniquement intéressée à la réélection des élus, nous rabâche qu’il faut de l’emploi et que seule la croissance en apporte. Les gesticulations et les simagrées pour faire arriver cette chimère sont dérisoires et ridicules même si elles sont articulées et diffusées par les puissants du royaume qui tiennent l’économie, la politique et les medias et qui en vivent très bien.

On essaie de nous faire croire que la croissance crée à la fois de l’emploi et de la richesse. La logorrhée politico-médiatique toujours chiffrée pour donner une impression de sérieux est assez bien décrite par cet article du Parisien de mai 2013 que l’on peut lire ou enjamber.

  • L’économie mondiale ne croît pas assez vite pour créer les emplois qu’attendent des dizaines de millions de chômeurs, mais elle se renforce progressivement, a estimé mercredi à New Delhi le directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI).
    La croissance mondiale devrait progresser de 3,3% en 2013 et de 4% l’an prochain, mais ces chiffres masquent des écarts géographiques, a souligné Naoyuki Shinohara lors d’une rencontre avec des diplomates et des hommes d’affaires.
    Le monde est engagé dans une reprise « à trois vitesses » sans « assez de croissance pour générer des emplois pour les millions (de personnes) qui sont au chômage depuis les cinq dernières années », a-t-il estimé.
    Créer des emplois doit être « une question globale » car elle touche au cœur de la crise économique mondiale qui « affecte les jeunes de façon disproportionnée », a-t-il poursuivi lors de son allocution le jour de la Fête du travail.
    En mars, le chômage a atteint un nouveau record absolu dans la zone euro à 12,1%. C’est dans trois des pays bénéficiant d’une assistance financière internationale, assortie de plans d’austérité drastiques, qu’il est le plus élevé: en Grèce (27,2% selon les dernières données disponibles datant de janvier), en Espagne (26,7%) et au Portugal (17,5%).
    « Les économies les plus performantes sont dans les pays émergents et en voie de développement, l’Asie devant enregistrer une croissance moyenne de 7,1% cette année et l’Afrique sub-saharienne une croissance de 5,6% », a indiqué M. Shinohara, ancien ministre des Finances japonais.
    Des pays tels que les Etats-Unis sont sur le chemin de la reprise, avec une croissance attendue de 2% en 2013. D’autres, comme les pays de la zone euro, devraient voir une réduction de leur croissance cette année, a-t-il ajouté.

En réalité si nous prenons le temps de la réflexion, nous prenons facilement conscience que ce qui est fabriqué ou proposé comme service n’est une richesse que si c’est désiré. Si ça ne l’est pas c’est un encombrement voire un déchet si c’est un objet, un agacement voire un harcèlement si c’est un service.

Une société harmonieuse travaille pour satisfaire les désirs de ses membres ou pour les aider à y renoncer. Dans une telle société on ne fabrique que ce qui est demandé et on ne propose que les services déjà attendus. Pour en vérifier l’harmonie et ne pas confondre caprices et besoins, chaque achat est payé à un prix qui permet à l’acheteur comme au vendeur d’avoir fait une bonne affaire. Ce prix est payé comptant car chacun gagne sa vie par un travail auquel il a droit et qui lui donne sa dignité. Ce paiement libère l’esprit des contraintes matérielles et ouvre une perspective de spiritualité réconfortante. L’Etat ne se soucie que de veiller à l’harmonie.

Mais ce n’est pas du tout le cas aujourd’hui. Pour faire tourner la machine qui ne peut pas s’arrêter puisqu’il faut en payer les échéances, on génère artificiellement chez tous, des désirs que seuls quelques-uns pourront satisfaire. Ces désirs honteusement créés par le génie imaginatif du marketing ne peuvent être évidemment que matériels, proches et immédiats puisque l’harmonie est volontairement oubliée.

La gestion des désirs est extrêmement complexe et nous vivons une époque totalement schizophrénique où pour flatter l’électeur, on achète la satisfaction de ses désirs par un double esclavage : l’esclavage dans l’espace par la mondialisation et son propre esclavage dans le temps par le prêt à intérêt. Tout cela dans un climat moralisateur qui justifie la mondialisation par la lutte contre la pauvreté, qui justifie le prêt à intérêt par les nécessités économiques (et la flatterie de l’électeur) et qui naturellement condamne fermement l’esclavage.

Cela ne mène évidemment qu’à une impasse que les adeptes de la croissance appellent la crise.

Pour sortir de cette impasse il faut sans doute travailler sur trois plans :

  • La gestion des désirs qui sont notre moteur vers le bien comme vers le mal. Les désirs sont de trois ordres : le désir animal, les besoins symbolisés par le ventre, le désir affectif, les sentiments symbolisés par le cœur, et le désir cérébral, la raison symbolisée par la tête. Certains désirs comme la sexualité sont cumulatifs. Leur gestion est composition de soi après décomposition de soi comme l’humus est fruit de mort et source de vie.
  • La gestion de la société en nous débarrassant du capitalisme comme nous sommes débarrassés du fascisme et du communisme. Nous avons besoin d’une société pour la monnaie, pour la justice, pour la défense, pour nos infrastructures mais la nôtre est en pleine décomposition. Nos dirigeants ont en effet renoncé à en préciser les limites, les objectifs et l’organisation et croient compenser leur absence de hauteur de vue par la multiplication des lois et des normes pour se donner l’impression d’exister. Sans aucune perspective, ils tentent de maîtriser par une administration qui devient policière et de séduire par des médias qui deviennent propagande. C’est un état prérévolutionnaire.
  • La gestion de notre rapport à ce qui nous dépasse individuellement et collectivement que j’appelle l’Illimité et que la Bible appelle dans la Genèse la Lumière, Lumière qui apparait au 1er jour alors que le soleil et la lune n’apparaissent qu’au quatrième. Cette verticale, ce rapport à ce qui nous et me dépasse, peut-il être multiple ou unique dans une société harmonieuse ? La question mérite réflexion et sera source de débats difficiles lorsque nous aurons renoncé à l’éluder.

Regard d’un encore sexagénaire sur des déjà vingtenaires

Ils sont sortis de l’adolescence et du simple refus d’être comme ceux d’avant. Ils veulent intégrer un monde où ils voient l’argent en première nécessité. Ils résument facilement cette intégration par « faire du cash ». Ils se veulent distants de l’argent mais sont incapables de s’en passer. L’argent les motive car il donne le plaisir de l’immédiateté, l’oubli du « no future » et une illusion d’assurance. Ils sont déjà blasés mais encore curieux. Ils ont compris la faiblesse de leurs ainés mais se sentent incapables de les conseiller.

Ils se cherchent individuellement, sentent la nécessité du groupe mais n’en imaginent plus un seul pour lequel ils seraient prêts à donner leur vie. On se sert du groupe, on ne le sert pas. C’est à d’autres de dire comment servir le groupe contre du cash.

Ils ont compris qu’ils devaient renoncer à une partie de leurs rêves mais ils ont souvent appris dans leurs études supérieures que pour être reconnu et avoir son diplôme il fallait savoir approuver le professeur sans lui poser de questions. Ils en tirent souvent un écartèlement entre être fier de soi et être reconnu, entre être soi et être accepté. Personne ne leur a dit que l’université c’était au contraire poser des questions et se servir des réponses pour se construire, se trouver soi-même et édifier la société de demain.

Ils peuvent pourtant être très utiles car ils sont demain et ils seraient écoutés s’ils se rassemblaient pour parler. Non pas parler pour faire comme leurs ainés et tenter de faire croire à des fausses solutions de problèmes mal posés mais parler pour bien poser les problèmes et refuser les réponses ineptes ou démagogues. Parler pour mettre d’abord sous forme de questions, les difficultés profondes qu’ils voient dans notre société. Ce parler-là pourrait être l’apport efficace des vingtenaires.

Serait-il fou d’imaginer que des vingtenaires se regroupent pour faire le double effort de comprendre et d’interroger ? Comprendre les impasses économiques, politiques et éducatives dans lesquelles nous sommes et mettre sous forme de questions dérangeantes la compréhension de ces impasses. Ne serait-ce pas le choc dont notre société a besoin ?

Voyons quelques premiers exemples de questions qui pourraient être travaillées et auxquelles les adultes répondent habituellement mal quelle que soit leur position sociale et leurs orientations politiques. Les réponses entendues sont souvent bateau et témoignent fréquemment de l’ornière dans laquelle leurs ainés se sont volontairement ou lâchement enfoncés. Dans ces exemples qui ne sont là que pour ouvrir des pistes, chaque question est divisée en une partie A fondamentale et apparemment simple et une partie B plus concrète mais qui montre que la partie A n’était pas si facile.

En économie :

  • A – Qu’est-ce que la richesse ?
  • B – Pourquoi l’INSEE a-t-il 3 façons différentes de calculer le PIB ?
  • A – Quelle est l’origine de la monnaie ?
  • B – Si au début était le troc, pourquoi cela ne s’applique-t-il pas à la famille ou à une association nouvelle ?

En éducation :

  • A – Que veut dire éduquer ?
  • B – Une éducation uniquement fondée sur l’instruction ne court-elle pas le risque de propager des idées fausses par manque de filtrage par le concret de l’expérience et par le recul du discernement ?

En politique :

  • A – Qui doit gouverner ?
  • B – Thomas Jefferson, 3ème président des Etats-Unis, avait-il tort en donnant sa définition de la meilleure forme politique : « Il y a une aristocratie naturelle, fondée sur le talent et la vertu, qui semble destinée au gouvernement des sociétés, et de toutes les formes politiques, la meilleure est celle qui pourvoit le plus efficacement à la pureté du triage de ces aristocrates naturels et à leur introduction dans le gouvernement » ?
  • B – Jean Bodin était-il insensé en écrivant dans son livre « Les Six Livres de la République », au 16ème siècle,  que la monarchie, l’aristocratie et la démocratie étaient des formes diverses de la république ?
  • B – La démocratie ne nécessite-t-elle pas la responsabilité des votants c’est-à-dire leur liberté, leur compétence et leur engagement ? « Un homme, une voix » répond-il à cette nécessité ?
  • B – Pour conduire il faut un permis de conduire, pour chasser il faut un permis de chasser, pour pêcher il faut un permis de pêcher, pour voter ce n‘est pas la peine. Est-ce moins important ?
  • B – L’avis majoritaire de la foule mène-t-il plus souvent à la sérénité ou au lynchage ?
  • B – Un peuple et une foule ne sont-ils que deux facettes d’une même réalité ? Que manque-t-il à une foule pour faire un peuple ?
  • A – Y a-t-il une taille optimale à ce qui est gouvernable ?
  • B – Ne faut-il pas que ce soit suffisamment grand pour avoir une monnaie et suffisamment petit pour que le discernement puisse encore contrôler ?

En philosophie :

  • A – Qu’est-ce que le sacré ?
  • B – Quelle différence y a-t-il entre un lieu sacré et un sacré lieu, un temps sacré et un sacré temps ?
  • A – Quelle est l’origine de l’énergie ?
  • B – Si l’univers a été créé par le Big Bang, d’où est venue l’énergie qui a permis le Bang ?
  • B – Et si l’origine est différente qu’est-ce qui l’a déclenchée ?
  • A – Qu’est-ce que la fraternité ?
  • B – La cohérence, la solidarité et le sacré, ne seraient-ils pas les trois composants de la fraternité ?

Thomas Jefferson

Combien de Français connaissent-ils Thomas Jefferson, troisième président des Etats-Unis, dont la tête est sculptée  avec celles de George Washington, d’Abraham Lincoln et de Théodore Roosevelt au Mont Rushmore dans le Dakota du sud, lieu où Hitchcock tourna la séquence finale de North by Northwest (La Mort aux trousses) ? Son portrait figure sur les billets de 2 dollars et les pièces de 5 cents. Rédacteur principal de la déclaration d’indépendance on le surnommait « Le Sage de Monticello », nom de sa propriété en Virginie ou l’intraduisible « Man of the People ».

Il a écrit sur la liberté : « Le prix de la liberté c’est la vigilance éternelle » et, sans connaitre les limitations de vitesse, il disait déjà : « Si tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te sentir en sécurité, tu ne mérites ni l’une ni l’autre ».

Il gardait un esprit rebelle qui remettait avec bon sens les choses à leurs places : « Une petite rébellion de temps en temps, c’est comme un orage qui purifie l’atmosphère » mais il faisait la part des choses : « Pour les questions de style, nage avec le courant mais sur les questions de principe, sois solide comme le roc » ou « Se révolter contre la tyrannie c’est obéir à Dieu ».

Il ne craignait pas de dire ce qu’il pensait des médias : « Un homme qui ne lit jamais est plus cultivé qu’un homme qui ne lit que les journaux ».

Il avait sur le système bancaire et sur l’emprunt un regard acéré. Il a écrit en 1816 :

« Je crois sincèrement que les institutions bancaires sont plus dangereuses que des armées entières prêtes au combat; et que le principe de dépenser de l’argent remboursable par la postérité, connu sous le nom de financement n’est rien d’autre qu’une escroquerie de l’avenir à grande échelle ».

Ce grand humaniste écrivait : « Il y a une aristocratie naturelle, fondée sur le talent et la vertu, qui semble destinée au gouvernement des sociétés, et de toutes les formes politiques, la meilleure est celle qui pourvoit le plus efficacement à la pureté du triage de ces aristocrates naturels et à leur introduction dans le gouvernement ». Trouverait-il dans notre « un homme, une voix » tellement à la mode, une bonne application de son excellent principe ?

Et cerise sur le gâteau, il a dit : « Chaque homme de culture à deux patries : la sienne et la France ».

Qu’avons-nous fait de sa seconde patrie ? Et ne devons-nous pas réagir en travaillant une autre de ses phrases : « Le peuple est le seul sur lequel nous puissions compter pour préserver notre liberté » ?

 

La barque de Delphes

Petit à petit, les unes après les autres, toutes les planches de la barque ont été remplacées pour cause d’usure et, un jour, plus aucun élément d’origine ne subsiste. L’oracle de Delphes demandait au propriétaire de la barque si c’était toujours la même. Et bien sûr il répondait que oui.

Ainsi vont les peuples. Si le groupe n’est qu’un amas d’individus, il meurt à la mort des individus. Mais si le peuple s’appuie sur son histoire pour vivre au quotidien son économie, son éducation et sa politique avec un but qui le motive à le faire, alors il se prépare un futur.

Le « no future » tellement ravageur aujourd’hui ne viendrait-il pas d’un simple oubli de notre part ? N’aurions-nous pas oublié l’utilité de la barque ?

Le « gouvernement » Dupont-Aignan

Libération du 11 mai 2013 rapporte que Nicolas Dupont-Aignan aurait appelé de ses vœux un gouvernement d’union nationale rassemblant « Henri Guaino, Jean-Pierre Chevènement, Arnaud Montebourg, et pourquoi pas M. [Florian] Philippot [FN, ndlr] et [François] Delapierre [Parti de gauche] », gouvernement qui travaillerait sur une ligne « de salut public pour […] relocaliser, sortir de l’euro, contrôler nos frontières, mettre en place un vrai plan de redressement de nos finances ».

Deux jours plus tard Yves Calvi écoutait avec tristesse dans Mots Croisés le débat médiocre entre Jean-Louis Borloo et Michel Sapin dont il remarquait en fin d’émission la troublante proximité. Borloo revenait comme toujours avec verve sur les dépenses à faire d’urgence pour les services à la personne, la construction et l’environnement pour faire la croissance que tout le monde attend pendant que Sapin n’osait pas demander où trouver l’argent et se réfugiait comme toujours sur l’état lamentable où il avait trouvé la France.

Il est temps de différencier les trois étapes de notre éventuel redressement. Il faut d’abord poser le problème, ensuite le comprendre, en chercher enfin la solution.

La première étape est terminée. Le problème est le chômage de masse qui augmente et va continuer à augmenter. Il y a unanimité sur ce point.

Sur la deuxième étape, comprendre le problème, tous les participants sans exception au gouvernement imaginaire de Nicolas Dupont-Aignan commencent à réaliser qu’il faut limiter géographiquement le groupe à l’intérieur duquel il peut y avoir solidarité. Cette limite existe, n’en déplaise aux mondialistes et il est peu probable que ce soit celle de l’Europe tellement on observe actuellement comment 27 égoïsmes veulent faire payer les 26 autres. La France est un territoire clairement limité et compréhensible.

Certes, sur la troisième étape, les membres du gouvernement Dupont-Aignan ne sont absolument pas d’accord et il est clair que des choix difficiles seront à faire car ils seront forcément douloureux. Personne ne détient une vérité de principe mais si tous ces gens savaient se retrouver pour analyser le problème en sortant des ornières imposées par les faux intellectuels du moment, une immense avancée serait faite. Travail difficile car chacun croit comprendre et chacun détient une pièce du puzzle que nous allons devoir reconstituer ensemble.

Premiers travaux essentiels pour remettre les idées en place :

– L’origine de la monnaie.
– Le PIB, chiffrage d’une activité commerciale, qui ne se soucie ni de l’origine de ce qui est proposé, ni de ce avec quoi on l’achète, ne peut donc servir de référence à rien, si ce n’est à l’apparence et à l’illusion. Le présenter comme une création de richesse est honteux et devrait être délictueux.
– La croissance, augmentation du PIB, chiffrée par la somme de toutes les dépenses, n’est en aucun cas une ressource.

Il sera toujours temps, une fois les données économiques de base nettoyées,  de comprendre comment l’éducation et la politique sont à la fois sources et conséquences de notre aveuglement collectif.

C’est par le travail en profondeur du « gouvernement Dupont-Aignan » que le problème sera suffisamment compris pour que des solutions diverses puissent être proposées si tant est qu’il y en ait plusieurs.

Qu’est-ce que la sagesse ?

Dans ce monde si perdu que chacun propose sa solution sans y croire, il y a un mot reconnu par tous comme utile au lendemain, c’est le mot sagesse. L’aimer c’est en grec faire de la philosophie. La difficulté est de savoir ce que l’on y met.

Ne serait-ce pas l’harmonie entre trois voies complémentaires que nous avons du mal à emprunter et à concilier ?

– Une voie personnelle que l’on peut appeler la voie initiatique. Elle est renaître de soi-même après s’être nettoyé de ce qui n’est pas soi. Mahomet dit dans un hadith célèbre « Mourez avant de mourir »; le Talmud dit qu’un converti est comme un nouveau-né ; Jésus dit à Nicodème que pour être heureux, pour vivre hors le temps, pour avoir « la vie éternelle » comme dit Jean, il faut qu’il naisse de nouveau. Toutes les initiations font mourir pour renaître. Le faire n’est pas facile et le calvaire du Christ est pour cela exemplaire. Louis-Vincent Thomas nous rappelait dans La mort africaine qu’ « il y a 3 moments importants dans la vie : la naissance, l’initiation et la mort. Des trois le plus important est sans conteste le second qui donne sens au premier et enlève tout pouvoir destructeur au troisième ».

– Une voie horizontale qui est la voie politique, celle du rapport aux autres et à la cité. C’est probablement la voie la plus négligée actuellement même si elle est la plus courtisée. Tous les groupes se lézardent, les référents s’estompent et les quotidiens s’en ressentent en partant dans tous les sens pour aboutir souvent à l’autodestruction. La peur du lendemain se traduit en mensonges et la tentation de se satisfaire de l’apparence est omniprésente. La difficulté est de ne pas se contenter de superposer l’absence de groupe, l’individualisme, et le groupe général, l’humanité pour laquelle on ne nous propose guère que de nous nourrir, de trier nos poubelles et de faire du vélo. L’honneur de la voie politique est de se souvenir que polis, la cité, avait sa limite, que cette limite était aussi essentielle que difficile à cerner. La facilité de refuser les limites ou de vouloir les abolir se retourne toujours contre ceux qui préfèrent le rêve à la réalité.

– Une voie verticale que l’on peut appeler la voie hermétique qui regroupe d’une façon très composite les gnoses, les mystiques, les religions et le logos d’Héraclite. Elle est l’intelligence et le mystère, la quête éternelle de la bonne gestion de nos contradictions. Elle commence par l’humilité, l’accueil du fait que l’humus, fruit de morts et source de vies, a la même racine que l’homme ; l’humilité de sortir du « yes we can » pour admettre le « we cannot » en reconnaissant que nous ne sommes pas des dieux. Elle se poursuit par le travail du socratique « Connais-toi toi-même et tu connaitras l’univers et les dieux ». Elle s’épanouit dans la tradition qui est la transmission par le dire. La voie verticale renaît après un siècle d’essoufflement.

Il suffit d’approcher la sagesse par cette harmonie pour prendre conscience de la distance qui nous en sépare. Mais si nous voulons nous en rapprocher, il est nécessaire, là comme ailleurs, de bien poser le problème pour envisager sa solution.

Au royaume des aveugles les borgnes sont rois

La complicité objective des peuples et de leurs dirigeants, cachée sous le beau mot de démocratie, est en Occident le frein essentiel à toute solution douce de ce que le monde médiatico-politique appelle la crise. Faut-il pour autant condamner les aveugles ou reprocher aux borgnes d’être des cyclopes ? Non mais tenter de leur ouvrir les yeux n’est pas défendu.

D’un côté, les peuples occidentaux sont ravis de croire que le progrès et la croissance leur font vivre un confort que très peu de leurs aînés connaissaient. Ils n’en profitaient d’ailleurs que par héritage ou par un travail efficace, rude et acharné. Aujourd’hui les peuples occidentaux sont prêts à envisager des pauses dans l’augmentation permanente de leur confort mais font semblant de croire qu’un retour à la dureté réelle de la vie est impossible. Un chauffeur de taxi tunisien disait avec grand bon sens : « Chez nous si on ne travaille pas, on ne mange pas. Ici qu’on travaille ou qu’on travaille pas, on mange. Alors on vient tous ici ». Mais cette croyance n’est que superficielle et chacun sait bien que tout cela est provisoire et fait peur. Cette peur se transforme en haine de soi ce qui fait la fortune des psys, ou/et en haine des autres ce qui fait monter la violence lentement mais sûrement.

De l’autre côté, les classes dirigeantes se servent du côté assez inique du confort par héritage pour faire croire qu’elles vont l’offrir à tous sans que la pénibilité du travail soit une nécessité. Pour cela, avec l’appui intéressé de la fausse science économique, elles utilisent l’énergie sociale qu’est l’argent pour assouvir les désirs du peuple. Plaire ou conduire, il faut choisir, et les Politiques ont choisi. Ils cherchent à plaire en berçant le peuple par la survie assurée et le plaisir anesthésiant, « Panem et circences » comme l’écrivait le trop méconnu Juvénal qui décrivait la société romaine décadente et si proche de la nôtre.

Certains Politiques sont de bonne foi et croient réellement qu’en changeant le temps avec la recherche et l’innovation, qu’en changeant l’espace avec l’Europe et le mondialisme, qu’en changeant les hommes avec la formation, Dieu nous récompensera en nous envoyant la Croissance qui nous donnera enfin l’argent que nous empruntons en attendant Godot. Ils réalisent mal que toutes les idéologies (fascisme, communisme, capitalisme) sont expansionnistes et se veulent universelles comme maheureusement certaines religions comme le catholicisme, certain protestantisme et l’islam. Les idéologies restent les spécialistes du faire-croire et au bout du compte elles échouent systématiquement, et à convaincre, et à imposer.

D’autres Politiques sont cyniques et savent très bien que cela ne mène nulle part mais hésitent entre le « Je suis leur chef, il faut bien que je les suive » du maréchal de Saxe et le « Après moi le déluge » de Louis XV. Ils se recentrent sur leur cœur de métier qui est l’élection. Ils sont attentifs à toujours dire ce qui plait à leur électorat.

Tous, honnêtes hommes de fond ou de forme, utilisent la boite de Pandore ouverte en août 71 qui a déconnecté les monnaies de toute valeur objective et a rendu surpuissants tous ceux qui traînaient dans leurs circuits. Plus personne ne sort de la phrase imbécile « au début était le troc et un jour c’est devenu trop compliqué et on a inventé la monnaie » et ils créent sans arrêt par des moyens de plus en plus sophistiqués l’argent dont ils ont besoin pour acheter leur peuple.

La crise est la confrontation entre leur rêve impossible et la réalité. Nous sommes dans la période difficile où tous les efforts sont demandés aux peuples pour faire durer encore un peu le faire-croire.

Les axes de réflexion pour minimiser les risques de guerre sont tous rejetés par le peuple qui sans le savoir prépare sa propre tombe. Il faut tout de même que ceux que la vraie politique intéresse les regardent en face.

Il faut :

1) Donner une définition compréhensible de l’entité géographique et humaine à laquelle nous appartenons en se souvenant de « La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf ». Du village à l’Europe quelle est l’entité primordiale ? Ne serait-ce pas la France ?

2) Reconnaître des définitions communes du Beau, du Bien et du Vrai comme constitutives d’un groupe. L’approche commune de leurs trois mariages deux à deux, le Riche, le Juste et le Pur, est le lien social d’un groupe vivant. L’harmonisation fiscale et sociale en est naturellement l’une des conséquences et si elle n’existe pas, n’est-ce pas la preuve de la fictivité du groupe ?

3) Protéger cette entité pour que ses membres aient tous le travail auquel ils ont droit mais soient mis en face d’eux-mêmes et qu’ils puissent affronter puis résoudre leurs contradictions que révèlera la hausse des prix inhérente au protectionnisme.

4) Renoncer à la fausse démocratie du « un homme, une voix » qui ne donne le pouvoir qu’à l’argent pour travailler les deux axes possibles de la vraie démocratie à inventer : le permis de voter et le tirage au sort.

5) Renoncer au laminage intellectuel de la prétendue Education Nationale qui limite l’éducation à l’accumulation de connaissances en se faisant concurrencer par internet, pour ajouter à nouveau les compléments indispensables de l’expérience et de l’apprentissage du discernement.

Il reste pour éviter la guerre à répondre à la question : faut-il convaincre le peuple pour convaincre ses dirigeants ou faut-il convaincre les dirigeants pour convaincre le peuple ? Et qu’en pensent les médias ?

Chez les policiers et chez les politiques y aurait-il des mal polis?

Polis en grec, c’est la cité, c’est le groupe. La politique, c’est la bonne marche du groupe. Le politique l’imagine, le policier la met en pratique et veille à son application. Le citoyen poli s’y soumet, l’impoli et le malpoli s’y refusent et la police les polira. Le polisson s’y soustraira.

Mais tout part du politique qui imagine la bonne marche du groupe et qui a donc une vision de l’avenir du groupe et de la façon d’y arriver. Mais lorsque l’on regarde les politiques occidentaux, on cherche vainement leurs visions. Nous les entendons plus parler des difficultés à mettre les chaloupes à la mer que de la destination de notre paquebot. Il se battent pour être sur la passerelle mais ils passent leur temps à réparer les avaries et l’on peut légitimement se demander s’ils n’ont pas perdu leurs cartes maritimes. On leur a appris qu’ils étaient les meilleurs, la nouvelle aristocratie au sens étymologique du terme. Et si « On » s’était trompé ? Et si cette fausse aristocratie ne s’intéressait qu’à son propre avenir en se moquant éperdument de l’avenir de leurs peuples qui ne serviraient qu’à les maintenir au pouvoir ?

Ne devrions nous pas exiger de chaque politique qu’il dévoile sa vision de l’avenir, son apocalypse puisque apocalypse en grec veut dire « soulever le voile » ?

Depuis qu’il devient difficile de trouver un politique sans sa journaliste, ne devrions-nous pas aussi demander aux médias qu’ils cessent de nous distribuer ce subtil mélange de bonne humeur et de préparation au désastre qu’ils savent si bien cuisiner ? Ils pourraient demander aux politiques, non pas comment ils comptent nous plaire mais où ils pensent nous emmener.

Et accessoirement nous dire qui nous sommes, quel est notre groupe à l’intérieur duquel nous devons nous polir pour former une cité, une Polis.

Nous pourrons entamer alors le triple effort de nous reconnaitre, de nous protéger, et enfin de nous meuler les uns aux autres.

Vaste programme !