Cela fait deux siècles que l’on s’affronte sur cette question par des affirmations de part et d’autre péremptoires et évidemment opposées. D’un côté le luddisme, les canuts de Lyon, la CGT de la grande époque et le constat que le chômage progresse en même temps que la mécanisation, voire même de la robotisation. De l’autre les chantres du progrès et de l’innovation qui affirment que l’histoire a toujours montré que de nouveaux emplois plus nombreux ont toujours remplacé les anciens tombés en désuétude.
On ne peut se faire une idée cohérente et non dogmatique sur cette question qu’en revenant d’abord aux fondamentaux pour savoir avec quels critères se faire une opinion. La vie économique est un échange d’énergie humaine et la monnaie est ce qui substitue l’énergie humaine lorsque l’échange doit devenir simultané pour contrer les profiteurs. Oublier cela permet tous les rêves et prépare des réveils brutaux.
La machine demande de la recherche, de la conception, de la fabrication, de l’argent et tout cela est une somme de dépenses d’énergie humaine qui n’a pas été utile à autre chose qu’à la réalisation de cette machine
La première approche est de vérifier si le résultat est bien de libérer l’homme pour qu’il puisse se dépenser utilement mais autrement. Dans ce cas la machine est évidemment un progrès remarquable ce qui a été le cas de la roue, de la machine à vapeur et de tant d’autres automatismes qui ont permis à l’homme de dépenser son énergie autrement, dans l’intérêt bien compris de son groupe, de lui-même et de leur sacré.
A l’inverse si le résultat est de rendre inactifs des individus que le groupe va payer à ne rien faire, on aura la dépense d’énergie humaine qu’est la machine, à la charge de son propriétaire, plus la dépense d’énergie humaine qu’est le paiement par le groupe des individus qui ne dépensent plus leur énergie. Dans ce cas le propriétaire de la machine lève un impôt privé comme les banques qui prêtent de l’argent qu’elles créent sans savoir qu’on ne crée pas de l’énergie humaine d’un claquement de doigts.
On voit tout de suite que la machine est très intéressante si elle libère l’homme pour qu’il puisse agir et être utile au groupe là où il n’avait pas le temps de s’y consacrer.
Mais comme on a oublié que l’économie est échange d’énergie, on a poussé par démagogie les individus à dépenser leur énergie non plus pour les autres mais pour eux-mêmes. Des sports d’hiver au jogging en passant par le bricolage et les randonnées jusqu’au ridicule absolu des salles de sport si à la mode, l’énergie humaine ne s’échange plus, elle se dépense depuis que la notion même de groupe s’affadit par manque de vision commune.
Nous sommes en train de séparer les hommes dont l’énergie est essentielle à l’économie, d’un « système » qui tournerait sans énergie humaine grâce à la monnaie dont on a complètement oublié qu’elle n’est qu’énergie humaine stockée mais dont on se sert pour faire tourner un système impossible. On dépense pour que les machines et les robots produisent, on dépense en publicité et en commercial pour que leur production continue soit reconnue comme richesses, on dépense pour acheter toutes ces merveilles et on dépense pour que les hommes qui n’ont rien à faire ne meurent pas de faim et puissent même offrir des cadeaux et aller aux sports d’hiver.
Mais qui paye ?
Tout le monde connait la réponse mais elle est tellement désagréable que tels des ados qui ne veulent pas se lever et qui se retournent dans leurs lits en maugréant, nous nous refusons à l’affronter tellement nous aimons notre eldorado impossible. C’est l’énergie humaine passée qui paye et on la récupère par l’impôt; c’est l’énergie humaine future qui paye et on la récupère par la dette. On essaie bien de faire payer les autres par l’export mais si les Allemands y arrivent, les Français n’y arrivent pas et payent en plus pour les autres. Ce faux eldorado attire évidemment la Terre entière car, comme disait un chauffeur de taxi parisien et tunisien : « Chez nous si on ne travaille pas on ne mange pas; ici, même si on ne travaille pas, on mange. Alors on vient tous ici ».
Commençons par refuser de payer pour les autres en ne leur demandant plus de payer pour nous. Revenons au bon sens de la Charte de La Havane où tout le monde était d’accord pour coopérer sans concurrence en n’important pas plus que ce que l’on exporte. A part le rêve imbécile de la croissance qui propose de dépenser toujours plus, fabriquer nous-mêmes notre déficit commercial est la seule et unique façon de redonner du travail aux Français et qu’ils soient à nouveau fiers de dépenser utilement leur énergie.
Ce jour-là, quand les salles de sport auront fermé, quand nous manquerons d’énergie humaine, nous apprécierons à nouveau les machines qui nous libéreront.