L’étoile et le ver de terre

Dans un entretien au Monde.fr  le 10 mai 2012

( http://www.lemonde.fr/politique/article/2012/05/10/jouanno-tout-rapprochement-avec-le-fn-serait-la-mort-de-l-ump_1699618_823448.html ),

Chantal  Jouanno, sénatrice UMP de Paris,  ne croit pas au repli de la France sur elle-même. La formule est plaisante et l’image est parlante.

Madame Jouanno est en plus une personne intelligente et modérée dont les paroles sont écoutées. Ce qui est intriguant c’est le formatage qui a fait d’une jeune sportive normande, karateka internationalement reconnue, une personne enfermée dans les vérités de son clan. Le formatage est exemplaire : BTS de commerce international, EDF, Sorbonne, Sciences Po, ENA, administrateur civil, sous-préfète, rédactrice des discours puis directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, présidente de l’Ademe, ministre et enfin sénatrice. A 42 ans, elle réussit à rendre ridicule l’expression « train de sénateur » car entre toutes ses activités, elle a pris le temps de trouver Hervé, un mari parfait dont elle prend humblement le nom en abandonnant son nom de jeune fille et qui lui fait trois enfants aux prénoms recherchés de Sybille, Côme et Sixtine.

Comment défendre le rabougri que le repli de la France sur elle-même évoque, devant une telle addition de vitesse, de force, d’intelligence et de réussite. Bref comment la limace ose-t-elle regarder l’étoile ?

Je vais tout de même m’y risquer car, à regarder de près son parcours, on voit mal où madame Jouanno a glané le discernement. Je vais donc commettre le crime de lèse majesté en susurrant : « et si Chantal Jouanno se trompait ? ».

Un corps social puissant harmonise en son sein trois rapports :

–          Le rapport à lui-même de chacun de ses membres afin qu’il découvre la liberté par le combat contre lui-même et l’amour de ses devoirs.

–          Le rapport aux autres à l’intérieur du groupe qui fait découvrir à chacun que l’égalité n’a rien à voir avec l’identité, qu’elle est don de soi et accueil de l’autre, qu’elle est reconnaissance de l’apport de chacun et qu’elle est accueil du risque de dépendre des autres.

–          Le rapport à ce qui dépasse les êtres, individuellement et collectivement, le volcan, la tempête, la nature, ce que beaucoup appellent Dieu et qui génère un vecteur commun de l’effort sur soi. C’est ce qui fait aimer les devoirs, découvrir l’humilité et la fraternité par la reconnaissance de puissances supérieures à  l’humanité que l’Occident a tenté de nier depuis deux siècles. L’Occident a inventé les valeurs de la République, la laïcité, l’écologie et la solidarité pour pallier le manque de supports de l’effort sur soi. Mais on pourra toujours être solidaire  d’un bloc de béton, sans jamais pouvoir lui être fraternel.

Cette harmonisation essentielle ne peut se faire sur la terre entière car l’ensemble de l’humanité aurait alors la même notion du beau, du bien et du vrai. Les hommes auraient les mêmes désirs, voudraient  les mêmes choses que la Terre ne pourrait pas donner. Aller vers une uniformisation des désirs de l’humanité, c’est tenter ce que les totalitarismes précédents, fascisme et communisme, ont déjà tenté par ce mondialisme imbécile que tous les totalitarismes imposent pour se donner l’impression d’avoir raison par l’élimination de toutes les autres cultures. Ils ne gagneront heureusement jamais mais si par malheur le capitalisme réussissait ce que le nazisme et le communisme ont heureusement raté, ce serait une tuerie générale pour savoir quelle serait la minorité qui aurait le pétrole, l’uranium et la viande de bœuf.

Il faut revenir au respect des autres cultures et à la construction de la sienne.  Accepter le verbe « revenir » c’est accepter d’être faillible et d’avoir pu se tromper. Le mondialisme est une folie mais l’Europe aurait pu être le lieu de construction d’une culture commune si les 6 classes politiques des 6 pays de la CEE ne l’avaient pas tuée unanimement dans l’œuf au début des années 70 en refusant une constitution commune par peur d’affronter leurs 6 peuples. Elles ont préféré faire rentrer l’Angleterre et construire une fausse Europe qui ne peut tenir qu’en s’étalant et qui n’agrège qu’un nombre croissant d’égoïsmes. L’Europe actuelle n’est plus qu’une SPP (Société protectrice des politiques).

En revanche La France reste un espace cohérent dans lequel nous pouvons ensemble reconstruire une cohérence perdue. C’est l’inverse d’un recroquevillement.

Je me sens humainement beaucoup plus proche de Chantal Jouanno que de Marine Le Pen mais quand c’est Marine Le Pen qui a raison, faut-il la rejoindre ou demander à Chantal Jouanno de changer d’avis ?

Mon vote blanc est-il vraiment nul ?

Hier dimanche 6 mai 2012 j’ai découpé un bulletin blanc que j’ai mis dans l’enveloppe que j’ai glissé dans l’urne.

Puis j’ai vu le soir la joie et la tristesse de tous ceux qui croyaient à l’importance de ce vote. Ils avaient tous été préalablement « chauffés » à coup de dizaines de millions d’euros pour que l’affectif les amène au bon choix à un moment précis, le dimanche 6 mai 2012, ni avant, ni après.

Quinze jours plus tôt, nous avions éliminé tous les porteurs d’une bribe de vérité, les Mélenchon, les Dupont-Aignan, les Poutou, les Le Pen, les Cheminade, les Arthaud et autres Joly. Certes aucun d’entre eux ne prenait suffisamment de hauteur pour prendre le problème dans son ensemble mais au moins chacun disait à sa manière des bouts de vérité en les habillant d’affectif pour glaner le maximum de voix.

Les seuls qui étaient restés consciencieusement et exclusivement dans l’apparence et dans le faire croire, c’était les trois qui se voyaient une vraie chance de rentrer ou de rester à l’Elysée. En bons professionnels ils s’offraient à intervalles de plus en plus rapprochés, les sondages qui leur montraient l’efficacité de leurs investissements publicitaires fabuleux. Les investissements étaient systématiquement renouvelés là où les sondages montraient des faiblesses dans le « En dire le moins possible mais faire croire au plus possible ».

Leurs mentors grassement rémunérés leur rappelaient en permanence que nous, petits électeurs, avions tous, trois centres de décision que l’on peut symboliser par le cerveau, le cœur et le ventre qui représentent respectivement la raison, le sentiment et le besoin. Ils leur expliquaient que pour gagner une élection « un homme, une voix » il faut faire abstraction de la raison, et faire croire que les besoins seront satisfaits et les désirs comblés. Si nous savons tous que « plaire ou conduire, il faut choisir », la règle du jeu pour l’élection est de plaire. Chacun a donc fait faire la liste de tous nos besoins et de tous nos désirs pour pouvoir faire croire qu’ils seront assouvis. Cerise sur le gâteau, leurs conseillers en communication leur ont bien précisé que le faire croire devait être renforcé par une apparence de réalisme et de modestie. Il faut être « normal » et bien répéter qu’ « on ne peut pas tout faire ».

Le moins riche a été éliminé avec les porteurs de fragments de vérité puisque la règle qu’ils ont établie est qu’il ne doit en rester que deux pour le deuxième tour. Et comme il faut être économe et ne pas gaspiller son argent, il est inutile de dépenser plus que nécessaire. Dépasser juste un peu la barre des 50% est suffisant et il serait niais de dépenser des fortunes pour obtenir un 60% totalement inutile dès l’instant où l’on reste entre soi. Si par accident un Le Pen ou un Mélenchon arrive au deuxième tour, c’est une belle économie car il fait immédiatement gagner son adversaire qui n’a même plus besoin de dépenser tellement nous sommes formatés à croire que les porteurs d’illusions détiennent la vérité.

Sarkozy et Hollande avaient pourtant rigoureusement le même programme :

–          Diminuer la dette en empruntant davantage pour financer la croissance qui remboursera, parait-il, la dette.

–          Formater toujours davantage les individus en leur faisant croire qu’une accumulation de connaissances sanctionnée par des diplômes leur donnera un emploi qu’ils ne garantissent jamais en dépit du préambule de la constitution de 1958 qui reprend le préambule de la constitution de 1946 dont l’article 5 commence par « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ».

–          Faire croire que nous sommes dans un système de gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple et faire oublier que nous sommes dans une monarchie élective où chacun a sa chance s’il accepte de rentrer dans le moule politique qui est une oligarchie ploutocratique, une caste où le pouvoir est à l’argent.

Où est le discernement ? Où est la simple raison ? Faut-il éternellement se soumettre à l’affectif sans voir qu’il mène au lynchage et aux excès ? Le plus grave n’est même pas là. Le plus grave est que nous avons à la tête de l’Etat des professionnels de l’élection, pas de la politique à laquelle ils ne comprennent pas grand-chose et surtout, qui ne les intéresse pas vraiment. Ils ont même réduit le joli mot de politique, la « bonne marche de la cité » à un électoralisme ravageur et castrateur. Ils ont bâti par l’affect, une droite et une gauche afin qu’un bord récupère toujours ce que l’autre a perdu.

Quand s’intéresseront-ils au peuple autrement que pour obtenir ses suffrages au bon moment ?