Raisonnements justes sur une base fausse

C’est au début du collège que l’on apprend que « plus par moins donne moins » mais on oublie vite que des raisonnements justes sur une base fausse donnent des résultats erronés. C’est ce que nous vivons aujourd’hui en économie où une multiplicité de raisonnements pour la plupart justes, se fracassent sur le fait trop mal perçu qu’ils s’appuient tous sur une base imaginaire, inexistante et donc irréaliste, fausse et pourtant partagée dans un malheureux consensus assez inexplicable.

Cette base erronée est la création collective de richesse quasiment unanimement admise, chiffrée par le PIB et donc accueillie comme une donnée solide par l’immense majorité d’entre nous.

Déjà l’idée même de chiffrer la richesse est curieuse puisque la richesse, comme la justice ou la pureté, sont des notions qualitatives et non quantitatives, ces trois notions n’étant que les assemblages, deux à deux, des trois notions qualitatives de base que sont le beau, le vrai et le bien. Le beau et le vrai donnent le pur ; le vrai et le bien donne le juste ; le bien et le beau donnent le riche.

Cherchant à faire partager nos propres regards par le plus grand nombre, nous avons mis en place des échelles de 0 à 100 pour tenter de comparer quantitativement les degrés de pureté, de richesse ou de justice. Leur accoler un pourcentage de réussite donne en effet une apparence d’objectivité au regard que nous portons sur ces notions totalement subjectives. Mais nous n’avons tout de même jamais osé faire croire que nous créions de la pureté ou de la justice, nous nous sommes toujours contentés de constater une pureté ou une justice plus ou moins réussie, plus ou moins aboutie.

Comment en sommes-nous arrivés à croire à une prétendue création de richesse, et même à nous croire capable d’utiliser cette nouvelle richesse imaginaire pour le bien commun qui se dit commonwealth en anglais et république en français ?

En français les trois regards qualitatifs de base sur le beau, le bien et le vrai se sont longtemps mélangés en tous domaines et ont donné des expressions les confondant presque : « C’est bel et bien lui », « au beau milieu du gué » ou « une bonne grippe » expriment par exemple toutes le vrai. Quant aux trois regards tout aussi qualitatifs du riche, du juste et du pur, ils se sont presque spécialisés, chacun dans son domaine de prédilection. Le riche a nourri le matériel, le juste a ensemencé le social et le pur a étoffé le spirituel. Chacun exprime à sa manière l’élément qui lui manque : la justice à qui il manque le beau, se rend dans des palais ; la pureté à qui il manque le bien peut reconnaître de purs salauds. Quant à la richesse, c’est le vrai qui est sa faiblesse et qu’elle revendique pourtant. La recherche de la réalité de la richesse motive l’homme depuis toujours car il aime posséder ce qui lui parait beau et bon.

L’étymologie du mot richesse est éclairante car, comme le mot allemand reich, il vient du mot franc riki qui veut dire pouvoir. C’est l’argent qui dirige le monde et, même s’il se déguise en démocratie, chacun peut constater qu’au niveau d’une nation, n’est élu que celui qui peut dépenser ce qu’il faut pour l’être. Les idées comptent beaucoup moins que l’épaisseur du portefeuille qui seul donne accès à toutes les formes de communication.

C’est la communication sur la richesse qui est actuellement une insulte à l’intelligence en laissant croire que ce qui est faux est simplement trop compliqué pour être compris par le commun des mortels. Pour affirmer que le faux est vrai, il suffit de le chiffrer et de veiller à ce que toutes les portes de la compréhension du chiffrage soient bien fermées. C’est merveilleusement réussi avec le PIB qui chiffre cette prétendue création de richesse. Il est donc indispensable d’ouvrir les portes de la compréhension du chiffrage pour en montrer la stupidité, pourtant faite (sur ordre ?) par les polytechniciens de l’Insee.

Le PIB chiffre simplement les achats et les ventes, tous les échanges faits entre d’un côté un bien ou un service et de l’autre de l’argent. L’Insee le calcule de trois manières : en chiffrant ce qui est vendu au prix des dernières ventes, en comptant ce qui a été dépensé pour acheter et enfin en détaillant l’origine de l’argent dépensé. Cette troisième façon de calculer qui ne rajoute absolument rien est une première application du fameux théorème probablement apocryphe de Charles Pasqua « Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien ». On a visiblement appris à Polytechnique à appliquer ce théorème.

A force d’avoir tout fait pour que personne ne comprenne plus rien à rien en incluant par exemple le commerce extérieur dans la deuxième façon de calculer le PIB mais pas dans les deux autres tout en prétendant trouver le même résultat, l’Insee a réussi à ce que la plupart des observateurs se contentent du premier calcul en l’appelant très finement « valeur ajoutée » avec son odeur de création de richesse. Ce mode de calcul additionne toutes les ventes des entreprises et en enlève  ce qu’elles ont payé en amont pour ne pas le compter deux fois. C’est en effet une valeur ajoutée par et pour l’entreprise mais comme elle est réalisée, avec toutes les valeurs ajoutées en amont, par ce que dépensent ses clients, la valeur ajoutée globale est toujours strictement égale à zéro en économie nationale.

Le PIB est et n’est que le chiffrage des productions nationales en nature transformables en monnaie. La façon la plus simple de le calculer est la seconde façon de l’Insee à savoir l’addition de toutes les dépenses sans distinguer si elles sont intelligentes ou stupides. Les investissements catastrophiques d’Anne Lauvergeon chez Areva ont fait du PIB comme les augmentations de fonctionnaires en nombre ou en rémunération, ou encore la prostitution et la consommation de drogues illicites. Le PIB chiffre aussi heureusement mais en les mélangeant avec les stupides, les dépenses intelligentes de nourriture, d’investissement utile ou simplement raisonnables.

L’Insee détaille la répartition des dépenses (présentée bien sûr comme la répartition du PIB) entre les dépenses faites par les ménages, les administrations publiques (APU) et les sociétés financières et non financières.

Source : Insee, comptes nationaux

Mais c’est la confusion entre dépense et création de richesse qui fausse absolument tout et que peu de gens acceptent de regarder en face tellement cela bouleverse tout. La dépense était une preuve de prospérité lorsque la monnaie était une richesse reconnue comme l’or ou liée à une richesse reconnue. Mais aujourd’hui où 90 % de la monnaie en circulation est une monnaie scripturale créée par les banques commerciales sous le principe « les crédits font les dépôts », les dépenses ne sont plus du tout des preuves de prospérité comme aux temps maintenant lointains où les dépôts faisaient les crédits. Aujourd’hui on crée de l’argent à partir de rien et, en le dépensant nous fabriquons mathématiquement du PIB que les médias, les politiques et les universitaires s’acharnent avec une bonne foi à vérifier, à nous présenter comme des créations de richesses. Pour les administrations publiques, ce qu’elles coûtent nous est présenté comme « une production non marchande » comme la sueur ou l’urine. Plus elles coûtent, plus elles produisent, nous affirme-t-on. Pour les ménages, admirons le contorsionnisme de ChatGPT qui reprend l’explication officielle en quoi nos dépenses sont des créations de richesses : « la consommation des ménages contribue au PIB en stimulant la demande de biens et de services dans une économie, ce qui encourage la production et la création de valeur ajoutée, et donc la croissance économique ». On se raccroche aux branches de la « valeur ajoutée » des entreprises qui est nulle en macroéconomie puisqu’uniquement créée par la valeur retranchée aux portefeuilles des clients. Pour revenir au « camembert » du PIB fait par l’Insee, les 60 % de PIB fait par les sociétés non financières, sont en réalité principalement des dépenses des ménages mais le saut permanent entre ce qui est en nature et ce qui est en monnaie dans les échanges entre les deux, seuls constitutifs du PIB, permet toutes les embrouilles.

Mais il est tellement agréable de croire qu’une nouvelle manne divine nous est donnée, surtout si nous ne croyons pas en Dieu, que tous ceux qui ont besoin du peuple pour survivre, continueront à prétendre que le PIB chiffre notre création annuelle de richesse et que leur énergie est bien utilisée à toujours mieux la répartir. Ils sont tellement nombreux à tourner en rond et à créer des normes pour tout compliquer et se croire utiles, que ceux qui sont vraiment utiles, les paysans, les ouvriers, les artisans et ceux qui sont à leur service comme les médecins, les vétérinaires, les architectes, les comptables ou les instituteurs, devront disparaître comme on le constate déjà, pour que la montée sans fin de la dette les fassent tenir un peu plus longtemps, croient-ils !

L’absurdité des raisonnements économiques

Les yeux bandés personne ne voit rien et personne ne s’en étonne. En économie personne ne comprend, y compris ceux qui l’enseignent ou qui l’apprennent et tout le monde feint de savoir ou de s’en étonner ou de jouer à la fausse humilité.

La raison en est pourtant très simple : on a changé le sens du PIB, le produit intérieur brut, en laissant croire que c’est encore un produit alors qu’au départ ce n’est qu’un échange dont un des termes est la monnaie. C’est un achat pour l’acheteur, une vente pour le vendeur. L’achat peut être désiré comme c’est habituellement le cas. Il peut aussi être imposé comme l’assurance de sa voiture ou les frais du compte bancaire obligatoire. Il peut enfin être subi comme les soins ou les réparations après un accident. Dans tous les cas il est comptabilisé dans le PIB que l’INSEE calcule de trois façons différentes : la somme de tout l’argent qui a été dépensé, la somme de tous les biens et services qui ont été vendus en les calculant au mieux, et la somme de toutes les transactions, les trois modes de calculs donnant évidemment la même chose si on ne s’est pas trompé.

Cela avait un sens tant que l’argent dépensé était le fruit d’un travail déjà effectué car si le PIB a toujours été la somme de toutes les dépenses publiques et privées, il était aussi au départ, lorsqu’il a été imaginé après la deuxième guerre mondiale, la somme de tout ce qu’un peuple était capable de produire d’intéressant. L’intérêt était prouvé par une dépense d’argent préalablement gagné.

Cela est resté vrai tant que les prêts étaient des prêts sur gage, réservés à ceux qui avaient obtenu préalablement le gage qu’ils apportaient en garantie.

Mais tout a explosé quand les banques se sont mises par la double écriture (créance  à l’actif identique à la dette au passif) à prêter de l’argent qu’elles n’avaient pas. Ne leur coûtant rien, elles se sont mises à prêter non plus sur gage préexistant mais sur richesse future à créer. La fabrication de fausse monnaie légale  était enclenchée et s’est emballée à partir du 15 août 1971, lorsque Nixon a déconnecté le dollar de l’or alors que les accords de Bretton Woods liaient toutes les monnaies au dollar.

On a continué à calculer le PIB de la même manière sans rien différencier et le PIB est bien évidemment resté la somme de toutes les dépenses publiques et privées. Mais il a cessé d’être la somme des productions utiles. Par le biais de l’argent emprunté on a additionné aux productions utiles, les productions futures que l’on a toutes supposées utiles. On a additionné la réalité et l’imaginaire pour en faire une fausse réalité. Ce décrochage de la dépense et de la production utile n’a jamais été pris en compte par l’économie. Si la réalité et le calcul du PIB sont bien restés la somme de toutes les dépenses publiques et privées, financées de plus en plus majoritairement par l’emprunt, le discours économique, politique et médiatique a continué à considérer le PIB comme un produit et comme une création de richesse.

Le grand écart entre la réalité du PIB, somme de toutes les dépenses, et son interprétation par les économistes comme une création de richesse a sapé à la base l’Union européenne en 1992 avec le traité de Maastricht qui impose un déficit public inférieur à 3% du PIB et une dette publique inférieure à 60% du PIB. Cela avait un sens quand le PIB était une création annuelle de richesse reconnue. Cela n’en a plus aucun depuis que le PIB n’est plus que la somme de toutes nos dépenses. Il suffit de dépenser plus en empruntant pour avoir le droit de dépenser encore plus et d’emprunter encore davantage. Qui osera éclater de rire d’abord et se scandaliser ensuite ?

On a atteint des sommets en appelant croissance économique et carrément croissance tout court, l’augmentation du PIB, c’est à dire l’augmentation des dépenses. Pas un politique ne nous épargne le rabâchage que seule la croissance nous fera sortir du tunnel. Faut-il être énarque pour comprendre que si l’on règle apparemment en effet beaucoup de problèmes en dépensant de l’argent que l’on n’a pas, cela ne fait que reporter les problèmes en les aggravant. Mais si l’on dit que la dépense est création de richesse, tout devient possible, il n’y a qu’à emprunter. C’est ce que nous faisons sur toute la Terre. Les gouvernements par prudence augmentent tout de même tous (sauf le nôtre) leur budget militaire car l’issue est connue de tous même s’il faut endormir les peuples.

A titre d’exemple intéressons-nous à Jean-Claude Trichet pour ne pas avoir à ressusciter ce pauvre Michel Camdessus.

Jean-Claude Trichet est sans doute actuellement l’expert des experts. Énarque bien sûr, socialiste à 20 ans comme eux tous, conseiller de Giscard à l’Elysée, directeur de cabinet de Balladur au ministère des Finances, directeur du Trésor, gouverneur de la Banque de France, président de la Banque centrale européenne, il a écrit fin 2018 un article étonnant : Un succès historique : l’euro dans lequel il affirme entre autres « La zone euro est un succès en termes de croissance d’ensemble de l’économie réelle, mesurée depuis sa création jusqu’à aujourd’hui ». Il y expose son raisonnement :

Pour que la comparaison entre les États-Unis et la zone euro soit aussi sûre que possible, je m’en tiendrai aux chiffres du Fonds monétaire international. Selon le FMI, le produit intérieur brut par tête de la zone euro était, en 1999, de 22 310 dollars comparé à 34 600 dollars aux États-Unis. Selon les prévisions actuelles, les produits intérieurs bruts par tête en 2018 devraient être respectivement de 42 070 dollars et 62 150 dollars. Les dollars sont les dollars courants sur la période. Ces calculs du FMI suggèrent une multiplication du PIB par tête en dollars courants de 1,89 dans la zone euro et de 1,80 aux États-Unis. La différence, à l’avantage de la zone euro, est modeste et ne suggère pas un avantage significatif, mais cette différence ne confirme évidemment pas l’échec économique souvent mis en avant.

Comme tous les partisans de l’euro, il parle en dollars mais que quelqu’un de réputé intelligent se réjouisse qu’un Européen augmente plus rapidement ses dépenses qu’un Américain laisse pantois et ne s’explique que par la religion imbécile du PIB qui serait encore création de richesses alors qu’il n’est fabriqué que par la montées des emprunts tant publics que privés. Et en effet les Européens tirent encore plus sur la corde que les Américains. J.C. Trichet a-t-il raison de s’en réjouir ?

Il est aussi cocasse d’entendre les économistes libéraux s’offusquer de voir l’État dépenser 47 % de la richesse produite alors qu’il ne fait que dépenser 47% de la dépense globale, les autres 53% étant dépensé par le privé, toutes les dépenses étant de plus en plus financées par l’emprunt qui monte, qui monte, qui monte…

Comprendre que le PIB n’est plus un produit en dépit de son nom et que la croissance n’est que l’augmentation des dépenses financée par la dette, devient le premier devoir de ceux qui s’intéressent au sauvetage de notre civilisation car tout le reste en découle.

Renvoyer dos à dos libéraux et socialistes

Depuis deux siècles, libéraux et socialistes s’affrontent pour le résultat que nous connaissons. Ils ne manquent d’intelligence et de subtilité ni d’un côté ni de l’autre et pourtant, ils n’arrêtent pas de se refiler la patate chaude après avoir vérifié douloureusement qu’ils n’arrivaient pas à appliquer leurs théories. Les libéraux l’expliquent par un manque de libéralisme pendant que les socialistes l’expliquent par un manque de socialisme. Ne serait-il pas temps de comprendre pourquoi leurs théories sont fausses toutes les deux ?

Comme Emmanuel Macron l’a fort bien expliqué à son parterre de jardin d’enfants, les libéraux sont vigilants sur la liberté et les socialistes sont les messagers de l’égalité. Comment ne pas les approuver tous les deux dans une Europe de racine chrétienne où vigilants et messagers sont les caractéristiques des anges. Ne serait-ce pas manquer de fraternité que de reprocher aux uns de vanter la liberté et aux autres de promouvoir l’égalité ? Ils ont sur ce point tous absolument raison et leur querelle est byzantine puisqu’ils ont raison tous les deux.

Mais la difficulté c’est qu’ils ont aussi tort tous les deux en stigmatisant ceux qui dilapident ou accaparent une richesse qui n’est produite que dans leurs têtes.

Chez les libéraux on va avoir des raisonnements débouchant sur l’obésité d’un État qui dilapide la richesse soi-disant produite.

Exemple de pensée libérale, ce twit reproduit sur Contrepoints :

Quand @briceculturier montre l’absurdité de l’intox que Polony répète en boucle sur notre soi-disant modèle « néo-libéral » en la confrontant à la réalité des faits: « on ne peut pas être libéral quand l’Etat dépense 57% de la richesse produite dans un pays ».

18:29 – 1 sept. 2018

Les libéraux construisent leurs raisonnements  sur leur illusion que de la richesse est créée. Ils en oublient que dans le beau mot de libre-échange il y a échange qui est antinomique avec la concurrence. Entre nations le libre-échange ne peut être que du troc. Et à l’intérieur de la nation le libre échange est le donner-recevoir-rendre que nous avons complètement perdu depuis que la monnaie l’a substitué  Le résultat de cet aveuglement ne peut être que boiteux. Les libéraux transforment un fait (l’État dépense 57 % de la dépense générale) en  une ânerie (l’État dépense 57% de la richesse produite). Leur démarche, intéressante dans sa logique très bien exprimée par Bastiat, ne débouche que sur de la  logorrhée par absence de fondations.

Chez les socialistes on va avoir un discours moralisateur se scandalisant de la richesse possédée. Cet extrait du discours de Bastien Lachaud à l’Assemblée Nationale pour la France Insoumise est révélateur.

Et c’est le bon jour pour parler des riches ! Le magazine Challenges publie aujourd’hui même son classement annuel des fortunes. Le patrimoine des 500 premières fortunes françaises s’approche de 650 milliards d’euros, soit 30 % du PIB de la France, un pognon de dingue comme diraient certains. Depuis 2008, la fortune des plus riches a triplé et augmenté bien plus que la production nationale, qui n’a crû que de 12 %.

Les socialistes appuient leurs raisonnements généreux sur leur illusion que la richesse existe objectivement alors que ce n’est qu’un regard. Entendre Mélenchon dire que la France n’a jamais été aussi riche fait évidemment craindre toutes les conséquences aberrantes qu’il peut tirer de cette erreur de jugement. La logorrhée socialiste larmoyante qui en découle peut être illustrée par le « sociologue et philosophe » Geoffroy de Lagasnerie, bel exemple du jeune universitaire contemporain qui « réinvente la culture » d’après le magazine Les Inrockuptibles. Il a donné une interview écrite au Nouveau Magazine Littéraire le 3 octobre 2018 en différenciant inconsciemment autant les noirs et les Noirs que les femmes et les handicapés et en mettant les gays au premier rang :

Si vous construisez un mouvement politique en invoquant le concept de « citoyen », vous attirez toujours ceux qui se pensent comme universels – la classe moyenne blanche. Les gays, les femmes, les noirs, les musulmans, les Noirs, les juifs, les handicapés, etc. se subjectivent dans leur singularité, en regard des oppressions qu’ils subissent et la gauche doit s’articuler à cette multiplicité. Mais cela demande en effet de casser tout fantasme d’une cohérence… 

Les discours fumeux qui fleurissent de toutes part ne sont rendus possibles que par le rêve d’une corne d’abondance déversant en continu de la richesse. C’est comme cela que la plupart des gens voient le PIB comme une production alors qu’il faut qu’elle soit vendue pour que la production contribue au PIB. Trop peu de gens acceptent de voir le PIB comme la dépense globale annuelle d’un groupe donné sur un espace donné. Il est présenté selon l’humeur du moment comme une richesse produite, fantasme des libéraux qui peuvent tout construire sur la concurrence et l’innovation ou comme une richesse possédée, fantasme des socialistes qui peuvent tout construire sur une morale réprobatrice de non redistribution. Les médias qui se veulent de plus en plus socialistes depuis qu’ils appartiennent tous à des libéraux, en remettent des couches comme entendu sur Europe 1 :

Selon le nouveau mode de calcul de l’Insee, la dette publique de la France a dépassé le total de la richesse nationale au deuxième trimestre 2017, atteignant 100,9% du produit intérieur brut (PIB), avant de commencer à décroître à 99,8% au 3trimestre 2017, puis à 98,5% au 4e.

Ou lu comme titre dans le Figaro du 29 septembre :

La dette française frôle les 100% de la richesse nationale

Et Désintox fait de l’intox ;

27 janvier 2018 dans #Desintox

Un nouveau rapport de l’ONG Oxfam « Partager la richesse avec celles et ceux qui la créent », pointe le niveau délirant et néfaste atteint par les inégalités dans le monde. 2017 fut une fois de plus l’année de tous les records. Le 1% des plus riches au niveau mondial se sont accaparés 82% des richesses produites. Les 2043 milliardaires ont vu leur fortune s’accroître de 762 milliards de dollars. Soit 7 fois le montant nécessaire à l’élimination de l’extrême pauvreté dans le monde.

Comme personne ne comprend, cela a au moins l’avantage de dissimuler la vérité dans tous les cas. Cette dissimulation vient-elle d’une incompétence ou d’une manipulation ? La question reste ouverte.

Tout est fondé partout et tout le temps sur le sort de la richesse produite alors que l’on ne parle que de la dépense effectuée. On martèle les esprits pour leur faire croire que la croissance économique est une augmentation de richesse alors que ce n’est que l’augmentation des dépenses qui serait  en effet preuve de prospérité si ce n’était pas avec de la fausse monnaie créée par la machine bancaire qu’il faut rembourser.

La réalité est bien plus grave que ce que disent les socialistes. Les fortunes que se constituent le clergé du système, libéraux et socialistes confondus, se constituent de deux parties : une partie complètement farfelue qui est le regard qu’ils portent eux-mêmes sur la valeur de leurs actions en bourse et qui explose les plafonds. Cette partie relève du plaisir solitaire mais crée à tort des envieux. Les bourses sont comme l’immobilier et les œuvres d’art, des éponges à monnaie qui enrichissent tous ceux qui font monter les cours en faisant tout perdre a celui qui a le mistigri en sa possession le jour du krach. Mais il y a malheureusement une autre partie qui est un enrichissement bien réel payé par l’appauvrissement du peuple au travers de la montée des prix venant de la dépréciation énergétique de la monnaie étant donnée la masse de fausse monnaie avec laquelle on la mélange.

La réalité est aussi bien plus grave que ce que disent les libéraux. Si l’État dépense en effet à tout va pour que personne ne prenne conscience de l’impasse dans laquelle nous sommes, il ne peut le faire qu’en augmentant systématiquement ses deux seules sources d’argent, l’impôt qui appauvrit directement le peuple et l’emprunt de fausse monnaie aux banques qui dévalorise la monnaie et fait payer indirectement le peuple par la hausse des prix.

Le fantasme de la transformation de la dépense effectuée en richesse produite ou possédée, aussi bien chez les libéraux que chez les socialistes, fait que les discussions économiques ne sont quasiment toujours que pugilats ou logorrhées et que les braves gens pensent souvent qu’ils ne sont pas assez intelligents pour comprendre. Qu’ils se rassurent en lisant Molière qui a déjà étudié chez les médecins de son époque, la dérive psychiatrique collective qui affecte aujourd’hui les économistes de notre époque. « Et voilà pourquoi votre fille est muette » est devenu « Et voilà pourquoi il faut faire des réformes ».

C’est soit la faute de l’État pour les libéraux qui ne rechignent pourtant jamais à être ses représentants, soit la faute des riches pour les socialistes qui n’ont aucun scrupule à le devenir eux-mêmes discrètement. Personne n’envisage que la production de richesse soit un mythe soigneusement entretenu par la fausse monnaie créée par les banques. Accuser quelqu’un de la disparition de quelque chose qui n’existe pas, relève d’une malhonnêteté intellectuelle qui peut même être inconsciente. Et quand la malhonnêteté intellectuelle est inconsciente, cela s’appelle de la bêtise.

Cette inconscience est d’autant plus l’apanage des Politiques qu’elle est très largement partagée dans la population qui n’a pas très envie d’accueillir la vérité, à savoir que pour s’enrichir il faut en appauvrir d’autres. Ce serait tellement agréable si l’on pouvait juste avoir une part de ce gâteau que l’on ne veut pas voir imaginaire et qui se fabriquerait, nous dit-on, tout seul sous nos yeux.

Et pourtant !

Combien de fois faudra-t-il répéter qu’une production ne devient richesse que si un acheteur vient s’appauvrir en monnaie pour l’acquérir. On peut stocker la production en espérant qu’un acheteur viendra la transformer en richesse. On peut jeter l’éponge en reconnaissant que l’on n’a fabriqué que des déchets comme le boulanger le fait de son pain invendu en le donnant aux oiseaux ou à la poubelle. Il n’y a pas de cas de figure où le producteur produit une richesse sans qu’un acheteur ne se soit appauvri en monnaie de la valeur de cette richesse.

Certains objecteront qu’un individu qui se construit une cabane, une maison, un igloo ou un sifflet, crée une richesse. C’est vrai. C’est aussi vrai que l’enfant qui se fait un dessin se crée une richesse. Mais ces richesses ne sont que les leurs et elles ne deviendront des richesses reconnues par le groupe et ne rentreront dans l’économie que si quelqu’un s’appauvrit en les achetant. Sans cela la maison deviendra ruine et le dessin comme le sifflet sera délaissé puis abandonné. La richesse aura fait long feu.

La vraie richesse reconnue par le groupe est celle échangée avec de la monnaie. Si elle n’est qu’échangeable, elle n’est qu’espoir de richesse comme l’est le matin, le pain du boulanger. Le soir sa production aura été richesse si échangée contre de l’argent, ou elle sera déchet. Le bon boulanger prévoit ses ventes, ne fait pas plus de pains qu’il ne sait pouvoir en vendre et à une certaine heure, il n’en a plus. Mais le bon boulanger n’a pas une machine qui sort en continu des pains qu’il va falloir vendre par n’importe quel moyen pour pouvoir rembourser à la banque la fausse monnaie qu’elle a avancé pour acheter la machine et qu’elle doit détruire. Smith et Ricardo n’avait jamais imaginé que nous tomberions si bas.

Combien de fois faudra-t-il en effet répéter que la monnaie est un véhicule d’énergie humaine et que les seuls capables de créer de la bonne monnaie, sont les chômeurs si la collectivité sait les rendre utiles, reconnaître et payer leur utilité en créant la monnaie nécessaire. Mais pour cela il faut que les banques arrêtent de produire de la fausse monnaie et que l’État ne plombe pas par des charges sociales ahurissantes le démarrage d’une économie saine où chacun apporte ce qu’il est capable d’apporter. Il faut aussi que chacun reconnaisse que le pays de Cocagne où l’on se régale sans travailler n’existe pas et que nous devons tous retrouver un équilibre perdu entre travail et satisfaction de nos désirs. Retrouver la cohérence est le but et reconnaître l’incohérence actuelle, le passage obligé.

Mais une fois de plus se vérifie la phrase de Schopenhauer : « Toute vérité franchit trois étapes. D’abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant été une évidence. »

Nous en sommes à la première étape et, pour pouvoir ridiculiser la vérité en ne la regardant surtout pas, le monde politico-médiatique s’invente de fausses querelles qui occupent l’espace et le temps. Après avoir quasiment épuisé la querelle droite-gauche, après avoir tenté de distraire le peuple avec la querelle socialistes-libéraux, il crée une nouvelle fausse querelle sur le choix du ring, de l’arène, de l’espace de combat. On se cherche et on se positionne entre souverainistes, régionalistes, européanistes et mondialistes sans jamais s’interroger sur le problème à résoudre quel qu’en soit le lieu. Il vaut mieux se dire en marche que de chercher qui a été appauvri, au bout d’une longue chaîne, des millions d’euros reçus par un énarque à la banque Rothschild. Ne serait-il pas temps de s’occuper du seul vrai problème : une production n’est richesse que si on l’échange contre du bon argent. Et l’argent n’est bon que si son énergie provient réellement de l’énergie humaine. Créer une fausse monnaie pour faire croire que toute production est richesse ne marche dans aucun espace. C’est pourtant ce que fait actuellement, en se suicidant, la Terre entière par la montée de l’emprunt d’une monnaie créée sans aucun fondement par les banques. Le réveil est inéluctable. Se fera-t-il par l’émergence d’une intelligence collective ou par la violence ? L’avenir nous le dira et il nous appartient. Et c’est l’espace du « nous » qu’il faut définir. La nation semble être l’espace qu’il sera sans doute le moins difficile à rendre à nouveau cohérent. Et quand elle aura retrouvé sa cohérence, elle fera du troc avec la Terre entière dans un libre-échange qui méritera enfin son nom.