Vœux 2019

A l’aube de cette nouvelle année nappée d’incertitudes, de craintes voire de peurs, je voudrais émettre le vœu que nous réussissions ensemble à réconcilier le bon sens et l’intelligence.

La tâche n’est pas aisée car si le bon sens crée le lien social, l’intelligence le segmente tout en l’enrichissant. Pendant des millénaires, ce que l’intelligence inventait, le bon sens le comprenait et ce que le bon sens ne comprenait pas n’était pas reconnu comme intelligent. Ainsi de la roue à l’avion, en passant par la machine à vapeur, le moteur à explosion et l’électricité, le bon sens comprenait et admirait ce que l’intelligence lui apportait.

Mais au XXe siècle, d’Einstein à l’intelligence artificielle, du voyage vers la lune au transfert par des ondes, de sons puis d’images, l’intelligence a exigé du bon sens qu’il accueille sans comprendre, qu’il se reconnaisse accessoire et qu’il juge normal d’être méprisé.

Le bon sens avait toujours su que l’espace était réversible et que le temps ne l’était pas. L’intelligence a voulu lui imposer que ce n’était pas forcément vrai. Le bon sens avait toujours su que, s’il était imaginable que le hasard et la nécessité aient pu fabriquer ensemble une fois, la perfection d’un animal ou d’une plante, il était inimaginable qu’ils aient réellement fabriqué, simultanément et séparément, des milliards d’animaux et de plantes, tous plus harmonieux les uns que les autres. L’intelligence a voulu imposer au bon sens une création sans origine et une énergie sans source.

L’intelligence a voulu museler le bon sens qui s’est apparemment laissé faire tout en rongeant son frein.

L’intelligence s’est enfermée dans ses écoles, dans son monde d’un peu de réalité et de beaucoup d’apparence. Elle s’est tellement répétée à elle-même qu’elle était intelligente que ses éléments les plus excentrés lui ont même trouvé comme seul défaut d’être « trop intelligente ». Refusant le contact dégradant avec le bon sens d’humains de second ordre, elle a redécouvert la nature et a même décidé de la rendre intelligente en faisant suer le bon sens. Elle a renoncé au bonheur qu’elle n’a jamais su expliquer et a voulu que le bon sens se contente comme elle du plaisir et surtout, qu’il l’achète ! Elle a pris le pouvoir sans avouer qu’elle ne sait pas quoi en faire.

Mais le bon sens a mis des gilets pour faire savoir par leur couleur qu’il se sentait cocu. L’intelligence lui avait dit qu’elle créait des richesses. Le bon sens respectueux l’avait crue mais lui demande sa part qu’elle ne peut lui donner.

L’intelligence n’a pas le courage d’avouer qu’elle a été bête et le bon sens sait qu’il a manqué de discernement en se laissant faire.

Demandons à 2019 de les réconcilier. Cela va être extrêmement difficile mais à l’avenir rien d’impossible. Il faut que le bon sens se contente d’être le filtre de l’intelligence sans penser avoir réponse à tout. Il faut aussi que l’intelligence renonce à s’auto-admirer et accepte que le bon sens la canalise et l’épure. Il faut que nous redécouvrions avec lui et avec elle que pour être fécond, un couple doit reconnaître et sa différence et sa complémentarité.

Vaste programme !

« La vertu du regard éloigné » (Lévy-Strauss)

Il faut sans doute, une bonne fois pour toutes, comprendre la complicité objective qui lie les peuples et leurs dirigeants dans la fuite en avant drapée dans le mot démocratie qui n’est qu’un achat fort coûteux par les puissants de l’affect des peuples. Les peuples ne comprennent évidemment rien à la comédie générale qui leur est proposée, ils en pressentent la duperie mais jouissent pour la plupart en occident d’une vie facile à laquelle ils n’ont guère envie de renoncer.

Cette complicité empêche de voir la simplicité du problème et le coût abominable des multiples paravents que nous mettons nous-mêmes en place pour ne pas nous laisser pour l’instant déranger par la réalité. Car si la réalité du problème est simple, la réalité de la solution est vertigineuse et apeure tout le monde.

Les paravents sont éducatifs quand on fait croire que l’accumulation de connaissance génère le discernement. Ils sont politiques quand on arrive à faire croire que l’avis majoritaire de la foule définit l’intelligence. Ils sont économiques quand on prétend qu’il existe des cycles et que tout repart toujours, alors que seule la guerre est cyclique quand elle devient la seule capable de remettre les yeux en face des trous.

L’un des pires paravents économiques est la fausse croyance que nous créons des richesses à nous partager et que le PIB mesure une production alors qu’il ne mesure qu’une activité sans différencier l’activité saine de l’agitation malsaine. Les diatribes actuelles entre d’un côté les pays comme l’Angleterre ou l’Espagne qui mettent la prostitution et la drogue dans le PIB et qui sont soutenus en France par le sénateur Philippe Marini, président de la commission des finances, et de l’autre l’INSEE qui continue à vouloir faire croire que le PIB est une production et qu’on ne peut y intégrer « l’immoral », ces diatribes montrent bien l’étendue du faux débat. Tout le monde sait que le PIB et la croissance ne mesurent que l’activité et qu’ils ne se soucient ni de l’origine de ce qui est vendu, ni de l’origine des fonds qui ont permis l’achat. La prostitution comme la drogue, les accidents de voiture ou les marées noires font évidemment techniquement de la croissance. Ce qui est stupide ce n’est pas de faire le lien entre la croissance et l’emploi mais de faire croire que la croissance enrichit et permet l’emploi alors qu’elle se paye et que l’unanimité est totale pour ne pas se demander qui paye.

Nous ne pouvons consommer que ce que notre travail nous rapporte s’il est reconnu utile par le groupe. Ce que nous produisons n’est richesse que si c’est acheté par quelqu’un qui en a envie et qui a de quoi l’acheter. Si personne n’en a envie ou si le client potentiel n’a pas de quoi payer, la production n’est plus richesse mais encombrement ou déchet. Cette évidence simple est très dérangeante car elle limite notre consommation et nous force à nous bousculer. Elle est totalement anti électorale car elle évalue notre consommation à l’aune de notre utilité réelle. Et comment évaluer notre utilité réelle dans un groupe dont nous ne savons plus ni la taille, ni le lien, ni même s’il existe encore ?

Alors pour ne surtout pas regarder la réalité en face et continuer à flatter l’électeur qui ne peut payer sa consommation, on tente de faire payer les autres et de faire payer le futur.

Faire payer les autres, c’est la balance commerciale excédentaire. Chacun la veut dans ce mondialisme qui vante la liberté des renards dans les poulaillers. Chacun se croit renard et beaucoup se retrouvent poules. C’est notre cas où à force de vouloir faire payer les autres, nous payons en plus pour les autres. Nous devons retrouver le bon sens que la dernière guerre nous avait réintroduit par le Conseil National de la Résistance et par la charte de La Havane que l’ONU avait préparée mais que les USA n’ont pas ratifiée après l’avoir pourtant signée. La Charte de La Havane confirmait qu’on ne fait pas payer les autres et que les balances commerciales ne peuvent être ni excédentaires ni déficitaires.

Faire payer le futur c’est l’emprunt. Il est pourtant par définition irremboursable puisqu’il n’y a création de richesse que si elle est consommée et qu’elle ne peut donc servir une deuxième fois à rembourser un emprunt. La démonstration mathématique que la somme de toutes les valeurs ajoutées de toutes les entreprises n’est égale qu’à la somme de toutes les consommations, est prudemment mise sous le boisseau pour ne pas déranger. Un emprunt remboursé est forcément un appauvrissement créé quelque part. Si l’on n’arrive pas à faire provisoirement payer les autres comme le fait l’Allemagne, l’appauvrissement s’accumule dans les entreprises avec les conséquences que l’on constate et que les puissants appellent la crise.

La guerre remet les yeux en face des trous et quand elle se termine, le bon sens reprend provisoirement le dessus. Ne pourrions-nous pas, pour remettre les yeux en face des trous, donner sa chance à notre intelligence et éviter les drames de la guerre ?