Thomas Jefferson

Combien de Français connaissent-ils Thomas Jefferson, troisième président des Etats-Unis, dont la tête est sculptée  avec celles de George Washington, d’Abraham Lincoln et de Théodore Roosevelt au Mont Rushmore dans le Dakota du sud, lieu où Hitchcock tourna la séquence finale de North by Northwest (La Mort aux trousses) ? Son portrait figure sur les billets de 2 dollars et les pièces de 5 cents. Rédacteur principal de la déclaration d’indépendance on le surnommait « Le Sage de Monticello », nom de sa propriété en Virginie ou l’intraduisible « Man of the People ».

Il a écrit sur la liberté : « Le prix de la liberté c’est la vigilance éternelle » et, sans connaitre les limitations de vitesse, il disait déjà : « Si tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te sentir en sécurité, tu ne mérites ni l’une ni l’autre ».

Il gardait un esprit rebelle qui remettait avec bon sens les choses à leurs places : « Une petite rébellion de temps en temps, c’est comme un orage qui purifie l’atmosphère » mais il faisait la part des choses : « Pour les questions de style, nage avec le courant mais sur les questions de principe, sois solide comme le roc » ou « Se révolter contre la tyrannie c’est obéir à Dieu ».

Il ne craignait pas de dire ce qu’il pensait des médias : « Un homme qui ne lit jamais est plus cultivé qu’un homme qui ne lit que les journaux ».

Il avait sur le système bancaire et sur l’emprunt un regard acéré. Il a écrit en 1816 :

« Je crois sincèrement que les institutions bancaires sont plus dangereuses que des armées entières prêtes au combat; et que le principe de dépenser de l’argent remboursable par la postérité, connu sous le nom de financement n’est rien d’autre qu’une escroquerie de l’avenir à grande échelle ».

Ce grand humaniste écrivait : « Il y a une aristocratie naturelle, fondée sur le talent et la vertu, qui semble destinée au gouvernement des sociétés, et de toutes les formes politiques, la meilleure est celle qui pourvoit le plus efficacement à la pureté du triage de ces aristocrates naturels et à leur introduction dans le gouvernement ». Trouverait-il dans notre « un homme, une voix » tellement à la mode, une bonne application de son excellent principe ?

Et cerise sur le gâteau, il a dit : « Chaque homme de culture à deux patries : la sienne et la France ».

Qu’avons-nous fait de sa seconde patrie ? Et ne devons-nous pas réagir en travaillant une autre de ses phrases : « Le peuple est le seul sur lequel nous puissions compter pour préserver notre liberté » ?

 

La barque de Delphes

Petit à petit, les unes après les autres, toutes les planches de la barque ont été remplacées pour cause d’usure et, un jour, plus aucun élément d’origine ne subsiste. L’oracle de Delphes demandait au propriétaire de la barque si c’était toujours la même. Et bien sûr il répondait que oui.

Ainsi vont les peuples. Si le groupe n’est qu’un amas d’individus, il meurt à la mort des individus. Mais si le peuple s’appuie sur son histoire pour vivre au quotidien son économie, son éducation et sa politique avec un but qui le motive à le faire, alors il se prépare un futur.

Le « no future » tellement ravageur aujourd’hui ne viendrait-il pas d’un simple oubli de notre part ? N’aurions-nous pas oublié l’utilité de la barque ?

Madame Taubira et les foires moyenâgeuses

Le XIIIème siècle voit dans toute l’Europe l’apogée des foires médiévales. Dans les foires de Champagne on échange les draps des manufactures du Nord contre des produits méditerranéens. L’INSEE n’existait pas mais on pouvait déjà calculer le PIB de la foire par les trois modes de calcul que l’INSEE affirme mais n’explique jamais. On pouvait additionner la valeur de tout ce que les marchands apportaient et vendaient (le PIB par la valeur ajoutée). On pouvait additionner tout l’argent que les acheteurs venaient dépenser (le PIB par la distribution). Et on pouvait bien sûr additionner toutes les transactions (le PIB par la dépense).

Il est intéressant de remarquer que le PIB de la foire donnait une impression assez exacte de la prospérité de la province. Quand la foire tournait bien, l’économie tournait bien. Ils avaient compris que la croissance (l’augmentation du PIB) donnait de l’emploi, de l’argent et de la prospérité.

Un petit détail semble pourtant échapper à nos économistes actuels qui continuent à attendre de la croissance, la solution de nos problèmes. A l’époque le PIB par la distribution, l’argent que les acheteurs possédaient, avait été gagné par le travail. Le PIB par la valeur ajoutée, les marchandises proposées, avaient été fabriquées par le travail. C’est le travail de la province qui générait aussi bien les marchandises à vendre que l’argent pour les acheter. Et si tout tournait bien au moment de la foire, c’est que tout le monde travaillait dur le reste du temps.

Aujourd’hui pour flatter le peuple et pour qu’il vote bien, l’argent est de plus en plus emprunté et les marchandises de plus en plus importées. C’est l’esclavage dans le temps, base réelle de l’emprunt, et l’esclavage dans l’espace, base réelle du libre-échange, qui cherchent à alimenter la croissance pour faire décoller le PIB.

Emprunter pour payer ce que l’on importe et jouir sans produire ne peut marcher que si le travail est sous-traité aux esclaves, à ceux qui sont loin grâce au libre-échange et à ceux que nous serons demain grâce à l’emprunt.

Qui aurait la gentillesse d’aller l’expliquer à Madame Taubira ? Je me suis laissé dire qu’elle n’approuvait pas l’esclavage.

La société de l’apparence

Ce qui se passe actuellement est tellement simple, les innombrables façons de le cacher tellement compliquées et pour des raisons tellement peu avouables qu’il faut vraiment prendre le temps de s’interroger sur la façon de faire comprendre l’essentiel pour sortir de la crise.

L’économie d’un groupe c’est son action. Dans tout groupe on consomme des biens et des services et l’on produit des biens et des services. Si le groupe est sans contact avec d’autres groupes, les membres du groupe consomment ce qui est produit et produisent ce qui est consommé. Pour cela les membres du groupe travaillent et produisent les biens et les services dont les autres ont besoin. Chacun en vendant sa production se fournit de quoi acheter ce dont il a lui-même besoin. Les prix s’établissent par le regard commun qu’acheteur et vendeur portent sur la transaction. Le prix doit permettre à l’acheteur comme au vendeur d’équilibrer son budget.

Mais depuis deux siècles et surtout depuis 40 ans, nous avons profité de découvertes extraordinaires comme la machine à vapeur, l’électricité, la sidérurgie, le cinéma, le téléphone fixe puis portable, la voiture, l’avion, le nucléaire, la télévision, les fusées, l’informatique et internet pour oublier la base de l’économie et croire que nous pouvions consommer sans produire nous-mêmes, jouir sans travailler vraiment.

Pour ce faire nous avons fabriqué la société de l’apparence : nous avons emprunté ce qu’il fallait pour acheter et nous avons importé ce qu’il fallait pour vendre. Cela a donné du mouvement que nous avons appelé PIB et qui est devenu la référence de l’intelligence économique. Il suffisait d’y penser !

Notre société s’est donc organisée sur trois pieds :

L’esclavage dans l’espace pour importer au moins cher, l’esclavage dans le temps pour permettre l’emprunt et le plus difficile, la manipulation des esprits pour faire croire que l’impossible était non seulement possible mais souhaitable et bon.

L’esclavage dans l’espace a été confié aux multinationales qui, par le libre-échange, arrivent à faire fortune avec les pays émergents comme les négriers faisaient fortune avec le nouveau monde.

L’esclavage dans le temps a été confié au monde de la finance qui a changé le sens des mots pour passer inaperçu. L’inflation n’est plus l’augmentation de la masse monétaire mais sa conséquence qu’est la hausse des prix. L’usure n’est plus le prêt à intérêt condamné par toutes les sagesses et toutes les religions mais simplement son excès. Le mal n’a plus de mots pour qu’on puisse l’exprimer.

La manipulation des esprits a été confiée à la classe politico-médiatique qui a reconstitué par l’extérieur le lien premier entre la production et la consommation et qui a fait entériner par les peuples que l’impossible était possible.

Pour reconstituer le lien entre la production et la consommation on a abandonné le concret qui tient compte des économies d’échelle dans un quotidien à taille humaine pour un abstrait incompréhensible et planétaire confié à une classe politico-médiatique internationale qui lie les deux esclavages à l’ONU, à l’UNESCO, au FMI, à l’OCDE, à l’OMS, à la banque mondiale, à l’OMC, à Bruxelles, à Luxembourg, à Strasbourg ou à Francfort tout en saupoudrant la Terre de journées contre l’esclavage évidemment réduit à la traite négrière.

Pour faire entériner par les peuples que l’impossible était possible, on a séparé l’éducation du concret tout en jurant qu’au contraire on l’en rapprochait, et les classes politico-médiatiques nationales ont sollicité les deux esclavagistes. Au premier on a demandé de faire croire aux peuples que les autres peuples paieraient pour eux en achetant leur intelligence et qu’ils auraient donc le travail à vie d’être admiré et payé du don de leur savoir. Au second on a demandé l’énorme masse d’argent nécessaire pour que les peuples viennent dire dans l’urne le jour prévu que tout cela est d’une intelligence remarquable.

Un indice de la réalité de ce constat est que c’est dans ces trois pieds, dans les multinationales, dans la finance et dans le monde qui parle dans les médias, et uniquement dans ces trois pieds que l’on s’enrichit facilement.

Pour retarder l’écroulement ou l’explosion de cette usine à gaz impossible, on a fabriqué une science économique qui oublie les deux bases de la vraie économie : l’argent est de l’énergie humaine stockée et ce qui est vrai à 100, ne l’est pas forcément à un million et encore moins à un milliard.

Le résultat en est évidemment une crise car la réalité se rebiffe, le rêve ne peut être éternel. Nous vivons un temps bizarre. La science économique, pour rassurer, parle de cycle. La classe politique annonce la sortie de la crise au fur et à mesure que nous nous y enfonçons davantage. La classe médiatique nous vend de l’évasion et de la bonne humeur en faisant parler ceux qui ne savent pas et en empêchant de parler ceux qui savent. Ceux qui parlent expliquent doctement ce qu’ils n’avaient pas prévu et passent le relais à ceux qui amusent. Et les peuples ont peur.

Qui remarquera que la guerre, quels que soient les adversaires, résout d’un coup tous les problèmes ? Et guerre et paix ne seraient-ils pas un cycle suffisamment connu de l’humanité pour que nous cherchions moins à vendre notre intelligence aux pays émergents qu’à l’utiliser chez nous pour le bien de la paix ? Ne faut-il pas commencer par nous interroger sur l’environnement cohérent et sacré dans lequel nous pourrions être solidaires ?

Sur quel bateau sommes-nous ?

Nous ne savons plus trop à quel saint nous vouer en sentant, anesthésiés, que notre bateau est en train de sombrer.

La définition du bateau et surtout son contour posent déjà problème. C’est un espace de solidarité, cohérent et sacré, que l’on nommait Patrie, la terre des pères, chez les partisans du droit du sang et Nation, la terre où l’on est né, chez les adeptes du droit du sol avant de tout mélanger.

Quel est aujourd’hui cet espace : la Terre, l’Europe, la France, la province, la région, la ville, le village, la famille ? Nous ne savons plus car la solidarité, la cohérence et le sacré se sont disloqués et leur rassemblement qu’est la fraternité a disparu pour des recherches disparates, ici de la solidarité, là de la cohérence, ailleurs encore du sacré. Comme si l’on pouvait les dissocier ! Seuls semblent l’avoir compris le judaïsme en Israël et l’islam partout où il est vivant. En Asie le bouddhisme, le confucianisme et le taoïsme, tous trois nés au 6ème siècle avant JC et admirablement complémentaires, ont pourtant du mal à s’enrichir mutuellement et seul le bouddhisme a percé en occident car il est équilibrage personnel de notre individualisme triomphant. Quant au christianisme, habillage européen de la sagesse universelle, il décline inexorablement comme les corps qu’il habille en ne défendant plus qu’une solidarité assez hypocrite. Le christianisme recule en ne comprenant pas que, si l’on peut être solidaire d’un bloc de béton, on ne peut lui être fraternel car il manque les deux liens de la cohérence et du sacré.

La solidarité tellement à la mode aujourd’hui et l’éternelle repentance sont les mortifications que nous nous imposons pour nous cacher ou pour oublier notre incapacité à nous réveiller et notre plaisir à rêver. Nous nous rejouons la scène 2 de l’acte II de Tartuffe en disant à qui veut l’entendre avec des mots plus modernes « serrez ma haire avec ma discipline ». La mortification est souvent le rempart sécurisant contre la honte de vivre l’inverse de ce que nous prônons. L’humanitaire libéral mondialiste ne va retrouver le concret que dans la limite de sa famille survalorisée et le théoricien des erreurs du système ne va survivre qu’en utilisant le système qu’il exècre.

 Commençons, avant d’aborder nos contradictions, à nous demander avec qui le faire. Sur quel espace voulons-nous construire ? Savoir que c’est l’espace sur lequel nous serons capables de combiner la cohérence, la solidarité et le sacré pourrait nous être utile.

Le « gouvernement » Dupont-Aignan

Libération du 11 mai 2013 rapporte que Nicolas Dupont-Aignan aurait appelé de ses vœux un gouvernement d’union nationale rassemblant « Henri Guaino, Jean-Pierre Chevènement, Arnaud Montebourg, et pourquoi pas M. [Florian] Philippot [FN, ndlr] et [François] Delapierre [Parti de gauche] », gouvernement qui travaillerait sur une ligne « de salut public pour […] relocaliser, sortir de l’euro, contrôler nos frontières, mettre en place un vrai plan de redressement de nos finances ».

Deux jours plus tard Yves Calvi écoutait avec tristesse dans Mots Croisés le débat médiocre entre Jean-Louis Borloo et Michel Sapin dont il remarquait en fin d’émission la troublante proximité. Borloo revenait comme toujours avec verve sur les dépenses à faire d’urgence pour les services à la personne, la construction et l’environnement pour faire la croissance que tout le monde attend pendant que Sapin n’osait pas demander où trouver l’argent et se réfugiait comme toujours sur l’état lamentable où il avait trouvé la France.

Il est temps de différencier les trois étapes de notre éventuel redressement. Il faut d’abord poser le problème, ensuite le comprendre, en chercher enfin la solution.

La première étape est terminée. Le problème est le chômage de masse qui augmente et va continuer à augmenter. Il y a unanimité sur ce point.

Sur la deuxième étape, comprendre le problème, tous les participants sans exception au gouvernement imaginaire de Nicolas Dupont-Aignan commencent à réaliser qu’il faut limiter géographiquement le groupe à l’intérieur duquel il peut y avoir solidarité. Cette limite existe, n’en déplaise aux mondialistes et il est peu probable que ce soit celle de l’Europe tellement on observe actuellement comment 27 égoïsmes veulent faire payer les 26 autres. La France est un territoire clairement limité et compréhensible.

Certes, sur la troisième étape, les membres du gouvernement Dupont-Aignan ne sont absolument pas d’accord et il est clair que des choix difficiles seront à faire car ils seront forcément douloureux. Personne ne détient une vérité de principe mais si tous ces gens savaient se retrouver pour analyser le problème en sortant des ornières imposées par les faux intellectuels du moment, une immense avancée serait faite. Travail difficile car chacun croit comprendre et chacun détient une pièce du puzzle que nous allons devoir reconstituer ensemble.

Premiers travaux essentiels pour remettre les idées en place :

– L’origine de la monnaie.
– Le PIB, chiffrage d’une activité commerciale, qui ne se soucie ni de l’origine de ce qui est proposé, ni de ce avec quoi on l’achète, ne peut donc servir de référence à rien, si ce n’est à l’apparence et à l’illusion. Le présenter comme une création de richesse est honteux et devrait être délictueux.
– La croissance, augmentation du PIB, chiffrée par la somme de toutes les dépenses, n’est en aucun cas une ressource.

Il sera toujours temps, une fois les données économiques de base nettoyées,  de comprendre comment l’éducation et la politique sont à la fois sources et conséquences de notre aveuglement collectif.

C’est par le travail en profondeur du « gouvernement Dupont-Aignan » que le problème sera suffisamment compris pour que des solutions diverses puissent être proposées si tant est qu’il y en ait plusieurs.

Travailler pour fabriquer

C’est un vrai plaisir de voir la classe dirigeante respecter enfin le « droit au travail » du préambule de la Constitution et mettre unanimement l’emploi en priorité absolue. Mais personne n’envisage d’autres moyens que le retour de la croissance et leur seule activité est de se disputer pour savoir s’il faut la faire revenir par l’offre ou par la demande.

Comme personne ne comprend et qu’évidemment ni l’une ni l’autre ne fonctionne, le débat commence à être haineux.

Commençons par comprendre ce qu’ils voudraient dire. Rappelons pour la forme que le PIB est une mesure d’activité d’un espace donné pendant un temps donné et qu’il peut se calculer de trois façons comme cela est écrit sur le site de l’INSEE et comme cela a déjà été écrit pour un marché forain.

Le PIB du marché peut être calculé par les marchandises apportées le matin par les forains et les maraichers moins celles remportées à la fin, le tout chiffré à leur prix de marché. C’est le PIB INSEE par la valeur ajoutée si chère à nos économistes qui expliquent par là le terme de Produit.

Le PIB du marché peut être aussi calculé en additionnant l’argent qui est dans les poches de tous les gens rentrant sur le marché et en en soustrayant ce qu’ils ont encore en partant. C’est le PIB INSEE par la distribution.

Le PIB du marché peut être enfin calculé en additionnant toutes les transactions. C’est le PIB INSEE par la dépense, évidemment le plus simple à calculer mais le plus difficile à faire passer pour un produit.

Le PIB est donc clairement, non un produit mais une activité qui peut facilement se réduire à une simple agitation.

Que disent nos dirigeants ? Ils affirment à très juste titre que si le marché croît et recouvre tout le quartier, cette croissance créera des emplois de vendeurs chez les maraichers, chez les forains et dans tous les commerces adjacents.

Mais au lieu de regarder le problème du déclin du marché dans sa complexité et surtout dans sa vérité dérangeante, ils se séparent en deux simplismes opposés et évidemment tout aussi inefficaces l’un que l’autre.

Le premier est de faire de la relance par l’offre et de faire venir plus de maraichers, plus de forains. S’il n’y a pas les acheteurs cela ne marche évidemment pas. C’est pourtant la solution des gens qui se disent de droite. Le second est de faire de la relance par la demande, par l’augmentation de la consommation en remplissant les poches de tous les gens qui entrent sur le marché. S’il n’y a rien à vendre cela ne peut pas marcher non plus. C’était la solution des gens qui se croient de gauche et qui, devant l’échec évident de leur simplisme, sont en train de tourner casaque pour enfourcher le cheval de la relance par l’offre qui ne peut pas plus marcher que la relance par la demande.

Les somptueux économistes que nous avons, ont expliqué aux partisans de la relance par la demande qui se demandaient comment trouver des marchandises à vendre, qu’il n’y avait qu’à importer ce qui permettrait de faire de la croissance par la consommation. Personne n’a jamais expliqué d’où viendrait l’argent qui permettrait à la fois d’être mis dans la poche des consommateurs et d’acheter de quoi leur vendre.

D’autres économistes tout aussi distingués ont tout expliqué aux partisans de plus en plus nombreux dans leur apparente sagesse de la relance par l’offre et qui se demandaient qui viendrait acheter les marchandises à vendre. Ils leur ont dit qu’il n’y avait qu’à vendre à tous les étrangers et faire de l’exportation grâce à l’Europe et à la mondialisation. Personne n’a jamais expliqué comment les mêmes marchandises pouvaient être en même temps sur le marché et exportées pour avoir l’argent nécessaire à leur achat sur le marché.

Faut-il en rire ou faut-il en pleurer ? C’est du même niveau que la querelle entre vouloir dépenser plus pour dépenser moins, c’est-à-dire faire de la croissance pour rembourser la dette, ou vouloir dépenser moins pour dépenser plus, c’est-à-dire accepter l’austérité pour atteindre la prospérité.

Pourquoi des gens intelligents se complaisent-ils dans de telles fadaises enrubannées de médias, en les faisant proférer par une dizaine de satrapes repus qu’on a laissés déguiser leur incompétence en expertise ?

La réponse est malheureusement très simple. Pour relancer le marché, il faut à la fois fabriquer ce qui sera à vendre et à la fois travailler pour avoir l’argent pour l’acheter. Il faut travailler pour fabriquer. Les foires montraient la prospérité d’une région car jusqu’au XXème siècle on y travaillait pour fabriquer.

Mais aujourd’hui vouloir mettre de l’argent dans les poches des gens pour leur faire acheter des produits importés ne mène pas loin. Pas plus que se gargariser en pensant que notre système éducatif fabrique une telle intelligence que la Terre entière va venir nous l’acheter en nous évitant le travail. La vanité fait rire, elle ne nourrit pas.

Travailler plus pour produire réellement nous-mêmes et acheter moins facilement car supprimer l’esclavage nous coutera très cher, est évidemment la seule sortie de crise possible. Mais il n’y a que deux voies pour cela : le protectionnisme et la guerre qui seuls nous mettront en face de nous-mêmes.

Les Politiques n’aiment pas le protectionnisme car mettre les Français en face d’eux-mêmes n’est pas électoral. Comme le disait un spécialiste du monde politique à un candidat qui voulait dire la vérité : « Tu veux dire la vérité ou être élu ? ».

Les élus ont tous choisis d’être élus. Ils ne sont pas pourris, ils sont cohérents. Ils ne peuvent choisir le protectionnisme sans affronter leurs électeurs, ce qu’ils ne peuvent envisager. Ils laissent la guerre nous mettre en face de nous-mêmes. Ils clament que le protectionnisme mène à la guerre mais ce sont eux qui,  consciemment ou inconsciemment, ont choisi la guerre. Le côté haineux du débat actuel commence déjà à fabriquer les boucs émissaires possibles.

Louis XV disait déjà : « Après moi le déluge ! ». Serions-nous tous des Louis XV ? Allons-nous attendre qu’ils nous disent tous comme Mac Mahon : « Que d’eau ! Que d’eau !  » ?

Qu’est-ce que la sagesse ?

Dans ce monde si perdu que chacun propose sa solution sans y croire, il y a un mot reconnu par tous comme utile au lendemain, c’est le mot sagesse. L’aimer c’est en grec faire de la philosophie. La difficulté est de savoir ce que l’on y met.

Ne serait-ce pas l’harmonie entre trois voies complémentaires que nous avons du mal à emprunter et à concilier ?

– Une voie personnelle que l’on peut appeler la voie initiatique. Elle est renaître de soi-même après s’être nettoyé de ce qui n’est pas soi. Mahomet dit dans un hadith célèbre « Mourez avant de mourir »; le Talmud dit qu’un converti est comme un nouveau-né ; Jésus dit à Nicodème que pour être heureux, pour vivre hors le temps, pour avoir « la vie éternelle » comme dit Jean, il faut qu’il naisse de nouveau. Toutes les initiations font mourir pour renaître. Le faire n’est pas facile et le calvaire du Christ est pour cela exemplaire. Louis-Vincent Thomas nous rappelait dans La mort africaine qu’ « il y a 3 moments importants dans la vie : la naissance, l’initiation et la mort. Des trois le plus important est sans conteste le second qui donne sens au premier et enlève tout pouvoir destructeur au troisième ».

– Une voie horizontale qui est la voie politique, celle du rapport aux autres et à la cité. C’est probablement la voie la plus négligée actuellement même si elle est la plus courtisée. Tous les groupes se lézardent, les référents s’estompent et les quotidiens s’en ressentent en partant dans tous les sens pour aboutir souvent à l’autodestruction. La peur du lendemain se traduit en mensonges et la tentation de se satisfaire de l’apparence est omniprésente. La difficulté est de ne pas se contenter de superposer l’absence de groupe, l’individualisme, et le groupe général, l’humanité pour laquelle on ne nous propose guère que de nous nourrir, de trier nos poubelles et de faire du vélo. L’honneur de la voie politique est de se souvenir que polis, la cité, avait sa limite, que cette limite était aussi essentielle que difficile à cerner. La facilité de refuser les limites ou de vouloir les abolir se retourne toujours contre ceux qui préfèrent le rêve à la réalité.

– Une voie verticale que l’on peut appeler la voie hermétique qui regroupe d’une façon très composite les gnoses, les mystiques, les religions et le logos d’Héraclite. Elle est l’intelligence et le mystère, la quête éternelle de la bonne gestion de nos contradictions. Elle commence par l’humilité, l’accueil du fait que l’humus, fruit de morts et source de vies, a la même racine que l’homme ; l’humilité de sortir du « yes we can » pour admettre le « we cannot » en reconnaissant que nous ne sommes pas des dieux. Elle se poursuit par le travail du socratique « Connais-toi toi-même et tu connaitras l’univers et les dieux ». Elle s’épanouit dans la tradition qui est la transmission par le dire. La voie verticale renaît après un siècle d’essoufflement.

Il suffit d’approcher la sagesse par cette harmonie pour prendre conscience de la distance qui nous en sépare. Mais si nous voulons nous en rapprocher, il est nécessaire, là comme ailleurs, de bien poser le problème pour envisager sa solution.

Renouer avec la prospérité

Un « journaliste économique  » d’Europe 1 expliquait récemment que pour renouer avec la prospérité il fallait accepter la rigueur.

Le discours politico-médiatique est en crise car il vit mal son écartèlement.

Une fois que l’on a compris d’abord que la croissance n’est que la dépense, ensuite que l’argent n’a plus rien à voir avec de l’énergie humaine stockée et enfin que l’oligarchie au pouvoir, toutes fausses nuances confondues, a besoin de beaucoup d’argent pour acheter notre affect et déguiser finement la ploutocratie en démocratie pour garder le pouvoir, nous ne pouvons que constater l’impossibilité dans laquelle le discours politico-médiatique est obligé de s’enfermer et les contradictions qui s’affichent de plus en plus au grand jour.

D’un côté on attend la croissance. Notre président va même en Côte d’Or pour tenter de redorer sa cote. Il faut dépenser !  Peu importe que la dépense soit intelligente ou stupide, peu importe que ce soit avec de l’argent laborieusement gagné ou avec de l’argent volé, emprunté ou fictif, peu importe que ce que l’on paye soit utile ou nocif, il faut dépenser pour faire de la croissance. « Importons et consommons » disent ceux qui se croient de gauche tout en disant que nous, méchants occidentaux, nous consommons trop. « Investissons et exportons » disent ceux qui se croient de droite et qui n’arrêtent pas de déprécier les actifs qu’ils ont acheté beaucoup trop cher. Tout le système repose sur la croyance en une valorisation d’actifs qui permet l’emprunt pour dépenser mais qui ne tient que si le système continue. L’INSEE additionne « en volume » le PIB et les importations et additionne en monnaie le PIB et les exportations !

De l’autre côté l’idéologie du mondialisme nous oblige à approuver les instances supranationales (la Commission de Bruxelles, la Banque Centrale Européenne, rue du Kaiser à Francfort, le FMI, l’OCDE, l’OMC) qui toutes nous disent de dépenser moins en coûtant elles-mêmes très cher.

Augmenter la dépense publique pour faire de la croissance. Diminuer la dépense publique pour plaire au marché et continuer à pouvoir emprunter un argent qui n’existe pas mais qui rapporte gros aux fabricants de rêves. Il faut faire les deux il faut augmenter et diminuer à la fois.

Cela donne le jeu sympathique parlementaire entre ceux qui disent qu’il faut dépenser plus (accepter le déficit budgétaire) pour pouvoir enfin dépenser moins ( freiner l’augmentation de la dette !!!!! ) et ceux qui disent qu’il faut dépenser moins (accepter la rigueur) pour pouvoir enfin dépenser plus ( renouer avec la prospérité ).

Se moquent-ils de nous ou d’eux-mêmes ? C’est la seule question qui nous sépare encore d’une prise de conscience intelligente ou du désastre.

Sémantique et homosexualité

Dans l’étude des mots la sémantique est le signifié quand la syntaxe est le signifiant.

Dans le débat actuel très envahissant sur l’homosexualité, Daniel Godard, professeur de lettres classiques, nous rappelle ce que signifie le mot couple et le mot paire.

Le mot couple nécessite une différence car sans elle, il s’agit d’une paire. Nous ne disons pas un couple de ciseaux ou un couple de lunettes mais une paire de ciseaux et une paire de lunettes. C’était une paire de bœufs ou de chevaux qui tirait l’attelage. Deux jumeaux forment une paire de jumeaux.

Dans un jeu de cartes personne ne songe à parler de couple de dix ou de couple d’as. Ce sont des paires comme les paires de rois, de dames ou de valets.

Contrairement à la paire, le couple est productif.

Le même verbe marier signifiera demain suivant les cas accoupler ou apparier.

Laissons aux politiques le soin de savoir si cela pose ou non un problème.