Sur quel bateau sommes-nous ?

Nous ne savons plus trop à quel saint nous vouer en sentant, anesthésiés, que notre bateau est en train de sombrer.

La définition du bateau et surtout son contour posent déjà problème. C’est un espace de solidarité, cohérent et sacré, que l’on nommait Patrie, la terre des pères, chez les partisans du droit du sang et Nation, la terre où l’on est né, chez les adeptes du droit du sol avant de tout mélanger.

Quel est aujourd’hui cet espace : la Terre, l’Europe, la France, la province, la région, la ville, le village, la famille ? Nous ne savons plus car la solidarité, la cohérence et le sacré se sont disloqués et leur rassemblement qu’est la fraternité a disparu pour des recherches disparates, ici de la solidarité, là de la cohérence, ailleurs encore du sacré. Comme si l’on pouvait les dissocier ! Seuls semblent l’avoir compris le judaïsme en Israël et l’islam partout où il est vivant. En Asie le bouddhisme, le confucianisme et le taoïsme, tous trois nés au 6ème siècle avant JC et admirablement complémentaires, ont pourtant du mal à s’enrichir mutuellement et seul le bouddhisme a percé en occident car il est équilibrage personnel de notre individualisme triomphant. Quant au christianisme, habillage européen de la sagesse universelle, il décline inexorablement comme les corps qu’il habille en ne défendant plus qu’une solidarité assez hypocrite. Le christianisme recule en ne comprenant pas que, si l’on peut être solidaire d’un bloc de béton, on ne peut lui être fraternel car il manque les deux liens de la cohérence et du sacré.

La solidarité tellement à la mode aujourd’hui et l’éternelle repentance sont les mortifications que nous nous imposons pour nous cacher ou pour oublier notre incapacité à nous réveiller et notre plaisir à rêver. Nous nous rejouons la scène 2 de l’acte II de Tartuffe en disant à qui veut l’entendre avec des mots plus modernes « serrez ma haire avec ma discipline ». La mortification est souvent le rempart sécurisant contre la honte de vivre l’inverse de ce que nous prônons. L’humanitaire libéral mondialiste ne va retrouver le concret que dans la limite de sa famille survalorisée et le théoricien des erreurs du système ne va survivre qu’en utilisant le système qu’il exècre.

 Commençons, avant d’aborder nos contradictions, à nous demander avec qui le faire. Sur quel espace voulons-nous construire ? Savoir que c’est l’espace sur lequel nous serons capables de combiner la cohérence, la solidarité et le sacré pourrait nous être utile.

Le « gouvernement » Dupont-Aignan

Libération du 11 mai 2013 rapporte que Nicolas Dupont-Aignan aurait appelé de ses vœux un gouvernement d’union nationale rassemblant « Henri Guaino, Jean-Pierre Chevènement, Arnaud Montebourg, et pourquoi pas M. [Florian] Philippot [FN, ndlr] et [François] Delapierre [Parti de gauche] », gouvernement qui travaillerait sur une ligne « de salut public pour […] relocaliser, sortir de l’euro, contrôler nos frontières, mettre en place un vrai plan de redressement de nos finances ».

Deux jours plus tard Yves Calvi écoutait avec tristesse dans Mots Croisés le débat médiocre entre Jean-Louis Borloo et Michel Sapin dont il remarquait en fin d’émission la troublante proximité. Borloo revenait comme toujours avec verve sur les dépenses à faire d’urgence pour les services à la personne, la construction et l’environnement pour faire la croissance que tout le monde attend pendant que Sapin n’osait pas demander où trouver l’argent et se réfugiait comme toujours sur l’état lamentable où il avait trouvé la France.

Il est temps de différencier les trois étapes de notre éventuel redressement. Il faut d’abord poser le problème, ensuite le comprendre, en chercher enfin la solution.

La première étape est terminée. Le problème est le chômage de masse qui augmente et va continuer à augmenter. Il y a unanimité sur ce point.

Sur la deuxième étape, comprendre le problème, tous les participants sans exception au gouvernement imaginaire de Nicolas Dupont-Aignan commencent à réaliser qu’il faut limiter géographiquement le groupe à l’intérieur duquel il peut y avoir solidarité. Cette limite existe, n’en déplaise aux mondialistes et il est peu probable que ce soit celle de l’Europe tellement on observe actuellement comment 27 égoïsmes veulent faire payer les 26 autres. La France est un territoire clairement limité et compréhensible.

Certes, sur la troisième étape, les membres du gouvernement Dupont-Aignan ne sont absolument pas d’accord et il est clair que des choix difficiles seront à faire car ils seront forcément douloureux. Personne ne détient une vérité de principe mais si tous ces gens savaient se retrouver pour analyser le problème en sortant des ornières imposées par les faux intellectuels du moment, une immense avancée serait faite. Travail difficile car chacun croit comprendre et chacun détient une pièce du puzzle que nous allons devoir reconstituer ensemble.

Premiers travaux essentiels pour remettre les idées en place :

– L’origine de la monnaie.
– Le PIB, chiffrage d’une activité commerciale, qui ne se soucie ni de l’origine de ce qui est proposé, ni de ce avec quoi on l’achète, ne peut donc servir de référence à rien, si ce n’est à l’apparence et à l’illusion. Le présenter comme une création de richesse est honteux et devrait être délictueux.
– La croissance, augmentation du PIB, chiffrée par la somme de toutes les dépenses, n’est en aucun cas une ressource.

Il sera toujours temps, une fois les données économiques de base nettoyées,  de comprendre comment l’éducation et la politique sont à la fois sources et conséquences de notre aveuglement collectif.

C’est par le travail en profondeur du « gouvernement Dupont-Aignan » que le problème sera suffisamment compris pour que des solutions diverses puissent être proposées si tant est qu’il y en ait plusieurs.

Travailler pour fabriquer

C’est un vrai plaisir de voir la classe dirigeante respecter enfin le « droit au travail » du préambule de la Constitution et mettre unanimement l’emploi en priorité absolue. Mais personne n’envisage d’autres moyens que le retour de la croissance et leur seule activité est de se disputer pour savoir s’il faut la faire revenir par l’offre ou par la demande.

Comme personne ne comprend et qu’évidemment ni l’une ni l’autre ne fonctionne, le débat commence à être haineux.

Commençons par comprendre ce qu’ils voudraient dire. Rappelons pour la forme que le PIB est une mesure d’activité d’un espace donné pendant un temps donné et qu’il peut se calculer de trois façons comme cela est écrit sur le site de l’INSEE et comme cela a déjà été écrit pour un marché forain.

Le PIB du marché peut être calculé par les marchandises apportées le matin par les forains et les maraichers moins celles remportées à la fin, le tout chiffré à leur prix de marché. C’est le PIB INSEE par la valeur ajoutée si chère à nos économistes qui expliquent par là le terme de Produit.

Le PIB du marché peut être aussi calculé en additionnant l’argent qui est dans les poches de tous les gens rentrant sur le marché et en en soustrayant ce qu’ils ont encore en partant. C’est le PIB INSEE par la distribution.

Le PIB du marché peut être enfin calculé en additionnant toutes les transactions. C’est le PIB INSEE par la dépense, évidemment le plus simple à calculer mais le plus difficile à faire passer pour un produit.

Le PIB est donc clairement, non un produit mais une activité qui peut facilement se réduire à une simple agitation.

Que disent nos dirigeants ? Ils affirment à très juste titre que si le marché croît et recouvre tout le quartier, cette croissance créera des emplois de vendeurs chez les maraichers, chez les forains et dans tous les commerces adjacents.

Mais au lieu de regarder le problème du déclin du marché dans sa complexité et surtout dans sa vérité dérangeante, ils se séparent en deux simplismes opposés et évidemment tout aussi inefficaces l’un que l’autre.

Le premier est de faire de la relance par l’offre et de faire venir plus de maraichers, plus de forains. S’il n’y a pas les acheteurs cela ne marche évidemment pas. C’est pourtant la solution des gens qui se disent de droite. Le second est de faire de la relance par la demande, par l’augmentation de la consommation en remplissant les poches de tous les gens qui entrent sur le marché. S’il n’y a rien à vendre cela ne peut pas marcher non plus. C’était la solution des gens qui se croient de gauche et qui, devant l’échec évident de leur simplisme, sont en train de tourner casaque pour enfourcher le cheval de la relance par l’offre qui ne peut pas plus marcher que la relance par la demande.

Les somptueux économistes que nous avons, ont expliqué aux partisans de la relance par la demande qui se demandaient comment trouver des marchandises à vendre, qu’il n’y avait qu’à importer ce qui permettrait de faire de la croissance par la consommation. Personne n’a jamais expliqué d’où viendrait l’argent qui permettrait à la fois d’être mis dans la poche des consommateurs et d’acheter de quoi leur vendre.

D’autres économistes tout aussi distingués ont tout expliqué aux partisans de plus en plus nombreux dans leur apparente sagesse de la relance par l’offre et qui se demandaient qui viendrait acheter les marchandises à vendre. Ils leur ont dit qu’il n’y avait qu’à vendre à tous les étrangers et faire de l’exportation grâce à l’Europe et à la mondialisation. Personne n’a jamais expliqué comment les mêmes marchandises pouvaient être en même temps sur le marché et exportées pour avoir l’argent nécessaire à leur achat sur le marché.

Faut-il en rire ou faut-il en pleurer ? C’est du même niveau que la querelle entre vouloir dépenser plus pour dépenser moins, c’est-à-dire faire de la croissance pour rembourser la dette, ou vouloir dépenser moins pour dépenser plus, c’est-à-dire accepter l’austérité pour atteindre la prospérité.

Pourquoi des gens intelligents se complaisent-ils dans de telles fadaises enrubannées de médias, en les faisant proférer par une dizaine de satrapes repus qu’on a laissés déguiser leur incompétence en expertise ?

La réponse est malheureusement très simple. Pour relancer le marché, il faut à la fois fabriquer ce qui sera à vendre et à la fois travailler pour avoir l’argent pour l’acheter. Il faut travailler pour fabriquer. Les foires montraient la prospérité d’une région car jusqu’au XXème siècle on y travaillait pour fabriquer.

Mais aujourd’hui vouloir mettre de l’argent dans les poches des gens pour leur faire acheter des produits importés ne mène pas loin. Pas plus que se gargariser en pensant que notre système éducatif fabrique une telle intelligence que la Terre entière va venir nous l’acheter en nous évitant le travail. La vanité fait rire, elle ne nourrit pas.

Travailler plus pour produire réellement nous-mêmes et acheter moins facilement car supprimer l’esclavage nous coutera très cher, est évidemment la seule sortie de crise possible. Mais il n’y a que deux voies pour cela : le protectionnisme et la guerre qui seuls nous mettront en face de nous-mêmes.

Les Politiques n’aiment pas le protectionnisme car mettre les Français en face d’eux-mêmes n’est pas électoral. Comme le disait un spécialiste du monde politique à un candidat qui voulait dire la vérité : « Tu veux dire la vérité ou être élu ? ».

Les élus ont tous choisis d’être élus. Ils ne sont pas pourris, ils sont cohérents. Ils ne peuvent choisir le protectionnisme sans affronter leurs électeurs, ce qu’ils ne peuvent envisager. Ils laissent la guerre nous mettre en face de nous-mêmes. Ils clament que le protectionnisme mène à la guerre mais ce sont eux qui,  consciemment ou inconsciemment, ont choisi la guerre. Le côté haineux du débat actuel commence déjà à fabriquer les boucs émissaires possibles.

Louis XV disait déjà : « Après moi le déluge ! ». Serions-nous tous des Louis XV ? Allons-nous attendre qu’ils nous disent tous comme Mac Mahon : « Que d’eau ! Que d’eau !  » ?

Qu’est-ce que la sagesse ?

Dans ce monde si perdu que chacun propose sa solution sans y croire, il y a un mot reconnu par tous comme utile au lendemain, c’est le mot sagesse. L’aimer c’est en grec faire de la philosophie. La difficulté est de savoir ce que l’on y met.

Ne serait-ce pas l’harmonie entre trois voies complémentaires que nous avons du mal à emprunter et à concilier ?

– Une voie personnelle que l’on peut appeler la voie initiatique. Elle est renaître de soi-même après s’être nettoyé de ce qui n’est pas soi. Mahomet dit dans un hadith célèbre « Mourez avant de mourir »; le Talmud dit qu’un converti est comme un nouveau-né ; Jésus dit à Nicodème que pour être heureux, pour vivre hors le temps, pour avoir « la vie éternelle » comme dit Jean, il faut qu’il naisse de nouveau. Toutes les initiations font mourir pour renaître. Le faire n’est pas facile et le calvaire du Christ est pour cela exemplaire. Louis-Vincent Thomas nous rappelait dans La mort africaine qu’ « il y a 3 moments importants dans la vie : la naissance, l’initiation et la mort. Des trois le plus important est sans conteste le second qui donne sens au premier et enlève tout pouvoir destructeur au troisième ».

– Une voie horizontale qui est la voie politique, celle du rapport aux autres et à la cité. C’est probablement la voie la plus négligée actuellement même si elle est la plus courtisée. Tous les groupes se lézardent, les référents s’estompent et les quotidiens s’en ressentent en partant dans tous les sens pour aboutir souvent à l’autodestruction. La peur du lendemain se traduit en mensonges et la tentation de se satisfaire de l’apparence est omniprésente. La difficulté est de ne pas se contenter de superposer l’absence de groupe, l’individualisme, et le groupe général, l’humanité pour laquelle on ne nous propose guère que de nous nourrir, de trier nos poubelles et de faire du vélo. L’honneur de la voie politique est de se souvenir que polis, la cité, avait sa limite, que cette limite était aussi essentielle que difficile à cerner. La facilité de refuser les limites ou de vouloir les abolir se retourne toujours contre ceux qui préfèrent le rêve à la réalité.

– Une voie verticale que l’on peut appeler la voie hermétique qui regroupe d’une façon très composite les gnoses, les mystiques, les religions et le logos d’Héraclite. Elle est l’intelligence et le mystère, la quête éternelle de la bonne gestion de nos contradictions. Elle commence par l’humilité, l’accueil du fait que l’humus, fruit de morts et source de vies, a la même racine que l’homme ; l’humilité de sortir du « yes we can » pour admettre le « we cannot » en reconnaissant que nous ne sommes pas des dieux. Elle se poursuit par le travail du socratique « Connais-toi toi-même et tu connaitras l’univers et les dieux ». Elle s’épanouit dans la tradition qui est la transmission par le dire. La voie verticale renaît après un siècle d’essoufflement.

Il suffit d’approcher la sagesse par cette harmonie pour prendre conscience de la distance qui nous en sépare. Mais si nous voulons nous en rapprocher, il est nécessaire, là comme ailleurs, de bien poser le problème pour envisager sa solution.

Renouer avec la prospérité

Un « journaliste économique  » d’Europe 1 expliquait récemment que pour renouer avec la prospérité il fallait accepter la rigueur.

Le discours politico-médiatique est en crise car il vit mal son écartèlement.

Une fois que l’on a compris d’abord que la croissance n’est que la dépense, ensuite que l’argent n’a plus rien à voir avec de l’énergie humaine stockée et enfin que l’oligarchie au pouvoir, toutes fausses nuances confondues, a besoin de beaucoup d’argent pour acheter notre affect et déguiser finement la ploutocratie en démocratie pour garder le pouvoir, nous ne pouvons que constater l’impossibilité dans laquelle le discours politico-médiatique est obligé de s’enfermer et les contradictions qui s’affichent de plus en plus au grand jour.

D’un côté on attend la croissance. Notre président va même en Côte d’Or pour tenter de redorer sa cote. Il faut dépenser !  Peu importe que la dépense soit intelligente ou stupide, peu importe que ce soit avec de l’argent laborieusement gagné ou avec de l’argent volé, emprunté ou fictif, peu importe que ce que l’on paye soit utile ou nocif, il faut dépenser pour faire de la croissance. « Importons et consommons » disent ceux qui se croient de gauche tout en disant que nous, méchants occidentaux, nous consommons trop. « Investissons et exportons » disent ceux qui se croient de droite et qui n’arrêtent pas de déprécier les actifs qu’ils ont acheté beaucoup trop cher. Tout le système repose sur la croyance en une valorisation d’actifs qui permet l’emprunt pour dépenser mais qui ne tient que si le système continue. L’INSEE additionne « en volume » le PIB et les importations et additionne en monnaie le PIB et les exportations !

De l’autre côté l’idéologie du mondialisme nous oblige à approuver les instances supranationales (la Commission de Bruxelles, la Banque Centrale Européenne, rue du Kaiser à Francfort, le FMI, l’OCDE, l’OMC) qui toutes nous disent de dépenser moins en coûtant elles-mêmes très cher.

Augmenter la dépense publique pour faire de la croissance. Diminuer la dépense publique pour plaire au marché et continuer à pouvoir emprunter un argent qui n’existe pas mais qui rapporte gros aux fabricants de rêves. Il faut faire les deux il faut augmenter et diminuer à la fois.

Cela donne le jeu sympathique parlementaire entre ceux qui disent qu’il faut dépenser plus (accepter le déficit budgétaire) pour pouvoir enfin dépenser moins ( freiner l’augmentation de la dette !!!!! ) et ceux qui disent qu’il faut dépenser moins (accepter la rigueur) pour pouvoir enfin dépenser plus ( renouer avec la prospérité ).

Se moquent-ils de nous ou d’eux-mêmes ? C’est la seule question qui nous sépare encore d’une prise de conscience intelligente ou du désastre.

Sémantique et homosexualité

Dans l’étude des mots la sémantique est le signifié quand la syntaxe est le signifiant.

Dans le débat actuel très envahissant sur l’homosexualité, Daniel Godard, professeur de lettres classiques, nous rappelle ce que signifie le mot couple et le mot paire.

Le mot couple nécessite une différence car sans elle, il s’agit d’une paire. Nous ne disons pas un couple de ciseaux ou un couple de lunettes mais une paire de ciseaux et une paire de lunettes. C’était une paire de bœufs ou de chevaux qui tirait l’attelage. Deux jumeaux forment une paire de jumeaux.

Dans un jeu de cartes personne ne songe à parler de couple de dix ou de couple d’as. Ce sont des paires comme les paires de rois, de dames ou de valets.

Contrairement à la paire, le couple est productif.

Le même verbe marier signifiera demain suivant les cas accoupler ou apparier.

Laissons aux politiques le soin de savoir si cela pose ou non un problème.

La spiritualité défaillante : le Logos absent

Cicéron précise dans « L’orateur » que « les règles de l’art oratoire peuvent se réduire à trois points : prouver la vérité de l’opinion qu’on veut faire prévaloir, se concilier la bienveillance des auditeurs, faire naître en eux les impressions qui conviennent à l’intérêt de la cause ». Il y reprend les trois notions du logos, de l’éthos et  du pathos. L’éthos est la qualité de l’orateur, le pathos la sensibilité du public, et le logos la raison la plus objective possible.

L’étymologie nous apprend par ailleurs que si la transmission veut envoyer au travers, la tradition fait la même chose par le dire, par la parole. La tradition, la trans-diction, c’est le dire qui transperce. Pour passer au travers, il a été nettoyé de l’éthos qui ne vient que de la qualité de l’émetteur et du pathos qui ne vient que de la réceptivité du public. Le dire devient le logos, la parole raisonnée.

S’il y a une quasi-unanimité à donner au logos la définition de parole raisonnée et raisonnable, il est moins simple de savoir ce qu’est cette parole.

L’approche la plus fréquente en est celle du Prologue de l’Evangile de Jean. Certains disent qu’il a été écrit en hébreu voire en araméen à cause de certaines tournures de phrase. Ce qui est sûr c’est que l’écrit le plus ancien que nous en avons, a été trouvé en Egypte, date de l’an 115 et est écrit en grec. C’est ce texte grec que nous devons comprendre :

ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος

En archè èn o logos, kai o logos èn pros ton théon, kai théos èn o logos

Il a été traduit en latin au début du Vème siècle par Saint Jérôme, Père de l’Eglise :

In principio erat Verbum et Verbum erat apud Deum et Deus erat Verbum.

Il fut traduit en français pour la première fois il y a moins de deux siècles en 1864 par un chanoine de la cathédrale d’Amiens qui a écrit :

Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu.

Il a ensuite été repris en 1910 par les protestants de Genève qui ont écrit :

Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.

Deux remarques paraissent essentielles dans le prologue de Jean :

Lorsque Jean dit « le Logos (ou le Verbe) était auprès de Dieu », il utilise pour Dieu le terme “ton théon” avec l’article masculin singulier ‘ton’ qui souligne l’unicité de Dieu, du seul qui dépasse notre entendement.

En revanche lorsqu’il dit, à la fin du verset, « et le Logos (ou le Verbe) était Dieu », alors il utilise le terme “théos” sans aucun article. Or chez les Grecs, on appelait théos tous les êtres parvenus au plus haut degré de spiritualité. Les “Vers d’Or” qui reprennent la pensée Pythagoricienne nous disent  que nous pouvons tous devenir des théos. « Applique ton jugement à tout ce qui peut servir à purifier et à libérer ton âme. Réfléchis sur chaque chose, en prenant pour cocher l’excellente Intelligence d’en haut. Et si tu y parviens, après avoir abandonné ton corps, dans le libre éther, tu seras dieu immortel, incorruptible, et à jamais affranchi de la mort.» Certaines traductions plus littérales disent même : « Si tu négliges ton corps pour t’envoler jusqu’aux hauteurs libres de l’éther, tu seras un dieu immortel, incorruptible et tu cesseras d’être exposé à la mort».

Jean le mentionne également dans son Evangile (10-33) lorsqu’il relate les paroles du Christ qui disait : «N’est-il pas écrit dans votre loi : vous êtes des dieux ? Votre loi répute dieux, ceux qui vivent de la parole de Dieu ». Déjà le roi David écrivait dans le psaume 82 : « Vous êtes des dieux, vous êtes tous les fils du Très-Haut ».

Il y a donc pour Jean 3 niveaux de déité différents: le Dieu suprême, ton théon, les hommes de haute spiritualité, ce que le bouddhisme appelle les éveillés, théos, et le logos, le Christ, un theos très particulier, l’intercesseur entre les hommes et leur créateur car il assume la contradiction suprême d’être totalement homme et totalement Dieu. Il assume cette contradiction en refusant dans le désert par trois fois de s’en départir à l’issue de son baptême dans le Jourdain. Il refuse par deux fois d’abandonner la faiblesse de son humanité et en final de renoncer à sa déité.  C’est ce qui le rapproche de nous car il est encore plus contradictoire que chacun d’entre nous et son exemple en devient par cela enrichissant et même éventuellement exemplaire.

Une seconde remarque qui est essentielle est l’observation du chiasme avec lequel est construit le prologue de Jean. Un chiasme est une figure de rhétorique où une discrète symétrie éclaire le centre qui est le sommet, un peu comme des pierres précieuses de moindre beauté sont symétriquement placée sur une bague pour exalter, au sens propre de faire ressortir pour l’élever, la pierre centrale de grande valeur. La symétrie entre la lecture normale du prologue et sa lecture en remontant à partir de la fin, est impressionnante et met en exergue son centre.

Voici le schéma de lecture avec les versets se correspondant deux à deux :

v. 1-2 Le Logos et Dieu              v. 18 Le fils et le Père

v.3 Tout fut par lui                       v. 17 La grâce et la vérité par lui

v. 4-5 La lumière refusée            v. 16 La plénitude reçue

v. 6-8 Jean, baptiste et témoin    v. 15 Jean, baptiste et témoin

v.9-11 Le logos vient                    v. 14 Le logos fait chair

.                             v. 12-13 À ceux qui l’ont reçu…

Ainsi, l’idée centrale ne serait pas « le logos s’est fait chair et a habité parmi nous », mais : « À tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux-là qui croient en son nom, qui ne sont nés ni du sang, ni du désir de la chair, ni du désir de l’homme, mais de Dieu. »

Les versets 12 et 13 sont donc l’apothéose dans son sens étymologique d’aboutissement vers Dieu, vers la lumière. A tous ceux qui ont reçu le logos, il a donné pouvoir de devenir enfants de lumière. A ceux-là qui croient au logos, qui ont dépassé la première naissance du sang, de la chair et du désir de l’homme pour être engendré de nouveau par la lumière qui est en eux. Quelle belle définition de toutes les initiations religieuses ou philosophiques !

Pour Jean il est clair que le logos était le messie et qu’il était Jésus. Mais n’y a-t-il pas d’autres interprétations possibles ?

Le premier livre du Pentateuque, la Genèse, ne dit-il pas la même chose ? Il commence par

בְּרֵאשִׁית, בָּרָא אֱלֹהִים, אֵת הַשָּׁמַיִם, וְאֵת הָאָרֶץ.

qui se lit de droite à gauche par

Béréchit bara élohim ‘èt hachamayim vé’èt ha’arets,

habituellement traduit par :

Au commencement Dieu créa le ciel et la Terre.

Mais est-ce aussi simple ?

Pourquoi Élohim, Dieu, est-il un pluriel, le pluriel d’Éloah ?

Pourquoi bara que l’on traduit par créa est à un temps passé et déjà accompli et devrait se traduire par avait créé ?

Pourquoi le ciel hachamayim est-il aussi un pluriel ?

Pourquoi par deux fois sur la même première ligne y a-t-il ce mot intraduisible de èt qui est même renforcé la deuxième fois par la lettre vav qui veut dire clou puisque chacune des lettres hébraïques est en même temps un mot ?

Commençons par èt. èt en hébreu, s’écrit avec deux lettres qui sont ‘aleph’ et ‘tav’ את, la première et la dernière lettre de l’alphabet hébraïque, le principe et la fin. C’est ce que l’on retrouve dans l’expression française de A à Z et dans l’alpha et l’oméga grec. L’apocalypse de Jean précise en grec « Je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin ». Que ce soit dans les 22 lettres hébraïques avec le ‘èt’, dans les 24 lettres grecques avec l’alpha et l’oméga  ou dans les 26 lettres françaises avec de A à Z, nous sommes dans la totalité, dans le un et le multiple, dans le commencement et la fin, dans le plus petit et le plus grand, dans le plus fort et le plus faible. Ce que èt relie, ce sont deux parties distinctes d’un même tout, qui n’existent pas l’une sans l’autre et à qui rien ne peut être étranger. Nous sommes dans le divin, « ce qui ne peut être contenu dans le plus grand et qui est pourtant totalement contenu dans le plus petit » comme l’écrivait le jésuite hongrois Gabor Hevenesi. èt, en s’affadissant, a donné le et latin et la conjonction française et. Il a même probablement donné le eti grec.

La première partie de la phrase Béréchit bara élohim peut se traduire par Avant tout la divinité avait créé d’abord parce que élohim est un pluriel et qu’en hébreu l’abstraction s’exprime par un pluriel, ensuite parce que bara est à un temps du passé déjà accompli, enfin parce que la création est tellement vaste qu’elle n’a pas besoin d’être réduite à un complément d’objet direct. Cette phrase est en soi complète et elle est liée à la seconde partie du verset par èt qui montre le lien absolu mais aussi la distinction entre les deux parties de la phrase.

La seconde partie hachamayim vé’èt ha’arets a aussi un èt qui fait un tout indissociable de la Terre et des Cieux, ce pluriel repris à l’hébreu pour son côté abstrait. Mais ce tout indissociable cloué par la lettre vav, du concret de la Terre à l’abstrait des Cieux n’est-il pas la verticale qui permet l’horizontale de la fraternité ? Et nous pourrions peut-être traduire le début de la Bible par :

Avant tout la divinité avait créé et la Verticale est.

Cette phrase est immédiatement suivie de « La terre était dans l’étonnement et dans la confusion et la ténèbre comme le souffle planaient à la surface … » qui peut s’entendre par l’horizontale était pauvrement statique en attente du Logos. Le texte se poursuit par « Dieu dit « Que la lumière soit » et la lumière fut ». Or il ne s’agit pas de la lumière du soleil ou de la lune qui n’apparaissent qu’au 4ème jour de la création dans la Genèse. Il s’agit de la lumière que tout homme cherche, celle qui arrive par la Verticale et qui ne s’apprend pas dans les livres.

Le logos serait donc cet intermédiaire entre la Lumière et nous, un intermédiaire que l’on peut appeler la Verticale, le Prophète, le Sacré, l’échelle de Jacob, le monde intermédiaire ou le Messie. C’est cette spiritualité  qui nous permet de trouver l’harmonie entre nos individualités et notre collectivité. Et c’est cette harmonie qui mène au bonheur, et le logos, quelle qu’en soit la forme, y est indispensable.

Le matérialisme du XXème siècle nous l’a fait oublier en remplaçant la fraternité par la solidarité sans voir que l’on peut être solidaire d’un bloc de béton mais pas lui être fraternel. Il y manque la verticale commune. Nous devons redécouvrir en nous et avec les autres cette spiritualité structurante.

Tout va très bien Madame la Marquise…

En cette fin d’année 2012 réjouissons-nous d’avoir des dirigeants, toutes tendances confondues qui « réforment pour redresser » en évitant soigneusement l’horreur absolue qu’est le protectionnisme qui nous ferait inéluctablement retourner « aux heures les plus sombres de notre Histoire ». Leur quasi-unanimité fait plaisir à voir et force à la réflexion. Et si le libre-échange était la solution ? Et si c’étaient eux les bons médecins ? Ils sont tous d’accord !

Tournons-nous vers la science médicale.

On peut ouvrir grand les fenêtres de la chambre d’un malade par grand froid pour vérifier que seuls les plus robustes s’en sortent. On peut aussi fermer les fenêtres et s’intéresser à la santé du malade en examinant l’air qu’il respire, la nourriture qu’il mange et tout ce qu’il boit, pour chercher ensuite à comprendre ce qui le rend malade et faire ce qu’il faut pour le guérir.

Ce qui est incompréhensible c’est d’ouvrir les fenêtres en faisant rentrer le vent glacial tout en se lamentant sur la dégradation de la santé de ce pauvre malade ! Pour arriver à cette contradiction aberrante il faut cumuler la faiblesse du malade qui se laisse faire, la crédulité de son entourage qui croit bien faire et la folie du praticien qui par bêtise, suffisance ou cynisme, fait croire que ce n’est pas contradictoire et que c’est même indispensable.

Quand le malade se sent de plus en plus faible et qu’il ne peut même plus se lever pour fermer la fenêtre, il se replie sur lui-même, remonte sa couverture, cherche à se convaincre que le praticien sait ce qu’il fait ou que l’été va arriver tout en se préparant à l’inéluctable. Il ne cherche même plus à convaincre son entourage de ne plus suivre aveuglément les conseils du praticien. Il n’a plus la force de les réveiller. Il a pourtant essayé mais on lui a envoyé les infirmiers. Sa peur se transforme en haine, haine de soi ou haine des autres, puis en désir de violence contre lui ou contre l’entourage. Il est en attente permanente de sa propre déflagration.

L’entourage lui, est inquiet. On lui a fait croire que fermer la fenêtre, c’était être agressif vis-à-vis des voisins, et que la vie en commun avec eux était bénéfique, moderne, inscrite à la fois dans le beau, le bien, le vrai, le juste, le pur et le riche. On lui a expliqué que la science ordonnait d’ouvrir les fenêtres et que les fermer s’appelait le protectionnisme et avait généré Adolf Hitler. Comme il comprend mal la logorrhée mais s’en laisse impressionner, l’entourage laisse faire le praticien tout en constatant que les voisins sont plus en train de creuser des tranchées que d’ouvrir les bras. Il se dit qu’il n’y connait rien alors que le praticien est compétent, choisi par la famille et assez crédible quand il explique l’accroissement du nombre de morts par une épidémie qu’on n’avait pas connu depuis 1929. Au fond de lui-même l’entourage n’y croit pas mais les medias le font tellement saliver sur les prochains combats entre les marrons et les gris, sur le sensationnel et le spectaculaire, qu’il fait semblant d’y croire en s’évadant dans le prochain tirage du loto et dans les vies intimes volées aux étoiles tombées du ciel. Et tant pis pour le malade. C’est vrai qu’avec une telle épidémie, on n’y pouvait pas grand-chose ! De profundis.

Mais tout cela ne pourrait exister sans le praticien, sans celui que l’on a caricaturé, un sac de riz sur l’épaule et qui a tout appris à l’Ecole Nationale d’Anesthésie. Il a appris à se faire aimer, à se faire admirer, à se faire choisir et à se faire retenir. On lui a dit qu’il avait été distingué parce qu’il savait déjà tout et qu’on allait donc simplement lui apprendre à le faire savoir. Bien sûr « plaire ou conduire, il faut choisir » mais comme il savait déjà naturellement conduire, il suffisait de lui apprendre à plaire. Il lui fallait rapidement séduire les medias pour avoir la fidélité des familles. La maladie devait être ce dont il devait parler mais en pensant clientèle. Il ne devait jamais oublier de se constituer sa clientèle familiale en se souvenant que pour les Latins famulus comme cliens voulaient dire serviteur et qu’une clientela était à Rome un ensemble de personnes soumises ou dépendantes. On lui a aussi appris que pour retenir durablement sa clientèle il fallait agir sur trois niveaux.

Le premier niveau est de fragiliser la clientèle en la séparant de sa raison pour ne la motiver que par ses besoins et ses sentiments. Tout pour le cœur et le ventre, rien pour le cerveau. Pour cela une instruction que l’on métamorphose discrètement en éducation tout en veillant à négliger toujours l’expérience et le discernement qui risqueraient d’harmoniser les patients. Faire croire qu’une accumulation de connaissances suffit à fabriquer des hommes debout est essentiel à la survie du système. Il faut retarder au maximum la confrontation au réel et garder le plus longtemps possible la future clientèle dans cette chrysalide du formatage. Il ne doit pas y avoir de service national et un accompagnement de flatteries pédolâtres est conseillé pour la réussite de cet amollissement obligatoire.

Le deuxième niveau est de se rendre indispensable par la création d’une science qui affirme qu’ouvrir les fenêtres des chambres de malades surtout quand il gèle, mène à la guérison toujours annoncée et jamais advenue. Tout le monde croit cette science car elle est fondée sur deux principes éternels : celui des médecins de Molière et celui des habits neufs de l’empereur d’Andersen. Le premier affirme :  « Ossanbabdus, nequer, potarinum, quipsa, milus. Voilà justement ce qui fait que votre fille est muette ». Le second rappelle que seuls les sots ne comprennent pas. Les deux principes, une fois aussi intimement liés qu’un politique et une journaliste, font que tout le monde croit cette science dite « économique » sans doute parce qu’elle permet d’économiser le discernement.

Le troisième niveau est la pérennisation du système par le développement de la séduction et de la maîtrise déjà initiées aux niveaux précédents.

Pour la maîtrise, le corps des infirmiers est là pour inverser ce que tout parent apprend dès leur plus jeune âge à ses enfants : « Dépêche-toi ! » et « Fais attention ! ». Les infirmiers sont recrutés pour que soient punis ceux qui s’obstinent à ne pas comprendre que la vitesse est un défaut. Ils sont là aussi pour rendre inutile l’attention et la vigilance puisque du matériel est scellé (garde-fous plots, chaînes) pour qu’il soit physiquement impossible de faire ce que les praticiens ont décrété dangereux. On ressort le lit à barreaux pour une clientèle adulte déjà inscrite comme futurs malades récalcitrants.

Pour la séduction il ne faut pas lésiner car il faut accepter de payer très cher ceux qui sont capables de faire croire que cela va aller mieux quand tout va de plus en plus mal et qui surtout, sont capables d’expliquer quand cela va encore plus mal, que nous voyons enfin le bout du tunnel. Ils savent convaincre que le PIB, la croissance et la valeur ajoutée sont des richesses quand ce ne sont en fait que des dépenses. Ces illusionnistes du bonheur sont irremplaçables car ils arrivent à faire croire à la clientèle que c’est elle qui décide par un jeu très amusant que les praticiens appellent la démocratie. Ce jeu consiste à dépenser ce qu’il faut pour convaincre la clientèle malade de plébisciter les praticiens entre 8 heures et 20 heures un jour précis, choisi plusieurs mois à l’avance, où la clientèle devra donner son avis. Peu importe les moyens à y mettre. La difficulté est de viser juste et que l’attirance sentimentale et la satisfaction des besoins dépassent très précisément ce jour-là le rejet que la raison imposerait si on la laissait se construire et s’exprimer. Il faut évidemment être très riche pour jouer à ce jeu qui est, de fait, toujours réservé aux mêmes praticiens et à ceux qu’ils cooptent. Il faut être très riche pour augmenter le nombre des infirmiers et augmenter les rémunérations des hommes de média. Or les praticiens se voient pauvres et ne peuvent sans déplaire demander trop directement beaucoup d’argent à leur clientèle. Les hommes de média ont donc expliqué à la clientèle qu’il était important pour elle que le niveau de vie des praticiens soit assuré et que la collectivité devait s’en charger. La collectivité paye donc les praticiens pour qu’ils paient les medias qui vont expliquer que les praticiens ont tout compris.

Mais ce n’est pas suffisant et le « faire croire » est hors de prix. Les praticiens ont donc décidé de protéger coûte que coûte le système financier créateur d’argent qui seul peut donner l’argent inexistant qui permettra de faire les dépenses de plus en plus importantes mais de plus en plus indispensables à la non explosion du système. On utilisera sans vergogne les trois niveaux pour que personne ne réalise que tout sera payé au bout du compte par la dévaluation et la hausse des prix c’est à dire par les épargnants et par les consommateurs. Les praticiens bénissent cet impôt privé qui leur assure leur avenir. Les seuls à ne pas y croire sont les hommes du système financier eux-mêmes qui savent que tout ne tient que par le double esclavage dans l’espace par le libre-échange et dans le temps par le prêt à intérêt et les échéances de fin de mois à perte de vue. Ils savent le pourcentage énorme d’actifs irrécupérables non provisionnés et ils ont tellement peur de la proximité de leur propre explosion qu’ils ne se prêtent même plus entre eux. Les praticiens ont compensé le double esclavage par une journée annuelle de condamnation sans appel de l’esclavage des gentils noirs par les vilains blancs. Ils retardent l’explosion des banques en offrant en garantie la fortune de leur clientèle. Mais personne n’y croit plus…sauf ceux que nous payons à nous y faire croire.

Tout va très bien, Madame la Marquise, tout va très bien, tout va très bien. Pourtant, il faut, il faut que l’on vous dise, on déplore un tout petit rien : un incident, une bêtise…

Pourquoi ne pas reprendre la religion civile de Rousseau ?

Si nous voulons éviter la guerre civile par l’affrontement de communautés toutes perdues, une solution pourrait être une religion civile dans laquelle se retrouveraient toutes les religions et qui ne serait que l’ossature commune de ce qu’elles sont toutes. Chacune appliquerait concrètement à sa manière ce qu’elle reconnaitrait être en effet son ossature en ajoutant bien sûr sa carnation personnelle indispensable au concret.

La France par sa devise « Liberté Egalité Fraternité » pourrait être à nouveau un lieu de lumière. Aucune religion ne repousse ces trois mots qu’elles n’arrêtent pas au contraire d’expliquer.

Devise merveilleuse d’abord parce que, à l’instar de tout ce qui est puissant et profond, elle peut être lue par inadvertance dans une extrême fadeur. On peut entendre la liberté comme faire ce que l’on veut, où l’on veut et quand on veut. On peut entendre l’égalité comme l’identité de tous et la fraternité comme un Bisounours général auquel personne ne croit mais où tout le monde fait semblant. Avec ces définitions, la devise est évidemment aussi plate qu’inintéressante.

Mais on peut aussi heureusement l’entendre dans ses sens plus profonds.

La liberté est l’harmonie de l’individu, celle qu’il peut discerner à partir de son énergie qui est son travail, et de ses limites qui sont ses choix. C’est à partir de cette énergie et de ces limites que l’individu, par l’un quelconque des multiples chemins initiatiques religieux ou philosophiques, découvre et construit sa liberté. Dans la Bible c’est Dieu qui initie Abram en lui disant « Va vers toi-même ». Il en deviendra Abraham, le « père des peuples », un homme libre. La fausse démocratie actuelle a tué la liberté par la ploutocratie finement introduite par « un homme, une voix ». L’argent permet de manipuler le peuple en l’enfermant dans son affect et en lui faisant faire au jour J des choix sentimentaux sur des sujets qu’il ne maîtrise pas. S’il les maîtrise comme la peine de mort ou le mariage homosexuel, on ne l’interrogera pas.

L’égalité est l’harmonie du groupe, celle qui est fondée sur l’énergie du groupe, sa monnaie quand elle n’est pas fausse comme actuellement et sur ses limites qui sont ses lois quand elles ne sont pas émotionnelles comme actuellement. L’égalité est très malade chez nous car nous avons désappris que toute vie en groupe est fondée sur le don de soi et l’accueil de l’autre. Ayant oublié que se donner et recevoir l’autre sont les deux bases de l’égalité, nous nous réfugions dans l’identité qui en est le triste ersatz heureusement irréalisable.

La fraternité est l’harmonie du sacré, celle qui est fondée sur l’énergie du sacré, l’égrégore, ce mot disparu des dictionnaires au début du XXème siècle et qui était au XIIème siècle la multitude des anges tant de lumière que déchus. Cette harmonie est aussi fondée sur les limites du sacré qui sont les interdits, les entredits comme l’on disait au XIIème siècle. Ses limites sont dites entre les mots pour ne pas tomber dans le choix ou dans la loi. Les interdits disent évidemment des choses inexactes comme le conte, le mythe, la parabole, le mirage ou la légende, mais ils disent l’essentiel entre les mots, en entredit, en interdit. Nous avons oublié que nous sommes par définition incapables de discerner le bien du mal dans le sacré et que l’homme doit réapprendre l’humilité. Virgile parlait de la détestable soif de l’or (auri sacra fames), Plaute définissait l’homme infâme par « homo sacerrimus » et l’étymologie d’exécrable (ex-sacer) nous rappelle que le sacré n’est pas uniquement le saint (sanctus participe passé de sancire) mais aussi le sacrifié (le « sacer facere » du condamné). Seul le langage commun continue à bien différencier le lieu sacré et le sacré lieu, le temps sacré et le sacré temps.

Si la patrie de nos pères et la nation où nous sommes nés nous intéressent encore, nous pourrions redonner vie à notre devise Liberté Egalité Fraternité. Elle pourrait même devenir cette religion civile qui nous apprendrait à aimer nos devoirs. En aurions-nous le courage ?

De la médiocrité coupable de la laïcité

Les dimanches 18 et 25 novembre l’émission Islam sur France 2  a présenté deux films développant le lien culturel entre la religion musulmane, la langue arabe et le nationalisme algérien, stigmatisant la conquête et « l’occupation » française et soulignant le rôle majeur des religieux musulmans dans l’opposition à l’administration « coloniale » pendant l’entre-deux-guerres.

L’échec de la conquête française est à rapprocher du succès de la conquête arabe par le Machrek (le levant) de la Berbérie chrétienne, l’Afrique du Nord du Maroc à l’Egypte, rebaptisée Maghreb (le couchant).

Cette conquête a été particulièrement bien étudiée par l’universitaire Gabriel Camps, décédé en 2002, dans un article passionnant sur l’islamisation et l’arabisation de l’Afrique intitulé « Comment la Berbérie est devenue le Maghreb arabe ».

www.mondeberbere.com/histoire/camps/arabisation/arabisation.htm

De cet article très détaillé sur l’effondrement de la Chrétienté empêtrée dans ses querelles dogmatiques, je ne retiendrai de cet article que sa phrase de conclusion sur l’époque contemporaine :

« Les pays du Maghreb ne cessent de voir la part de sang arabe, déjà infime, se réduire à mesure qu’ils s’arabisent culturellement et linguistiquement ».

Sans le dire explicitement beaucoup se demandent aujourd’hui si cette phrase ne va pas demain s’appliquer à la France, voire à l’Europe et il est de bon ton d’en refuser même l’idée en la qualifiant d’extrême droite pour ne pas s’en laisser déranger.

Pour se faire une idée personnelle nous pouvons déjà constater que l’islamisation relativement rapide en deux siècles (VIIème et VIIIème siècles) de l’Afrique du Nord a très largement précédé l’arabisation qui n’est toujours pas terminée. L’islamisation s’y est construite sur la faiblesse de la spiritualité chrétienne. C’est dans la faiblesse de la spiritualité du groupe que se préparent les effondrements culturels. On l’a vu en Berbérie, on l’a vu en Bretagne, et les Républicains socialistes francs-maçons expliquaient même sous le second empire, les échecs de la première et de la deuxième République par l’emprise morale de l’église catholique. Il fallait donc créer une religion laïque pour concurrencer l’église catholique dans le domaine de la morale.

Notre ministre actuel de l’éducation Vincent Peillon nous l’explique dans une interview qu’il a donnée au Monde des religions en 2010.

www.dailymotion.com/video/xp67av_vincent-peillon-vers-une-republique-spirituelle-le-monde-des-religions_news

Il nous apprend qu’il fallait dans la 3ème République naissante, « inventer une spiritualité voire une religion spécifique ». Ce qu’a découvert avec surprise en 2003 l’agrégé de philosophie Vincent Peillon c’est que la laïcité est au départ une religion qui veut concurrencer les autres et principalement le catholicisme. Parait de 1876 à 1879, le journal « La religion laïque » et Ferdinand Buisson invente le mot laïcité. Il présidera la commission parlementaire qui préparera la séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905.

Déjà sous le second empire des associations philosophiques préparaient discrètement l’opposition à l’Eglise catholique en regroupant des protestants, des juifs, des athées et des libres penseurs. Ce fut le cas de l’Alliance Religieuse Universelle « Organe philosophique des besoins de l’ordre moral dans la société moderne »

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55271809/f1.image

Encore avant, au siècle des Lumières, Jean-Jacques Rousseau avait introduit la « religion civile » au chapitre 8 du dernier Livre du Contrat Social paru en 1762. On y trouve la phrase clé : « Il importe bien à l’Etat que chaque Citoyen ait une Religion qui lui fasse aimer ses devoirs ».

Voilà ce qu’est une religion : une structure qui nous apprend à aimer nos devoirs. Il peut être difficile de faire son devoir mais chacun peut y arriver seul. En revanche seule une religion nous apprend à aimer nos devoirs, ce qui les rend moins durs.

On constate qu’en de très nombreux endroits comme en Algérie, la nation, la langue et la religion forment un ensemble culturel cohérent. C’est le cas en Israël, en Argentine, en Thaïlande dans la plupart des pays arabes et dans les pays d’Europe qui ont le catholicisme, le protestantisme ou l’orthodoxie comme religion officielle comme c’est le cas au Danemark, en Grèce, en Islande, en Angleterre, à Malte et à Monaco.

Tous ces pays croient comme le Dalaï Lama que « Nous pouvons dire que chaque religion possède une manière qui lui est propre d’engendrer des êtres humains bons ».

En France l’effondrement social du catholicisme a laissé vide la place de la religion telle que Rousseau la définit avec force au début du brouillon sur la religion civile :

Sitôt que les hommes vivent en société il leur faut une religion qui les y maintienne. Jamais peuple n’a subsisté ni ne subsistera sans religion et si on ne lui en donnait point, de lui-même il s’en ferait une ou serait bientôt détruit. Dans tout État qui peut exiger de ses membres le sacrifice de leur vie celui qui ne croit point de vie à venir est nécessairement un lâche ou un fou ; mais on ne sait que trop à quel point l’espoir de la vie à venir peut engager un fanatique à mépriser celle-ci. Otez ses visions à ce fanatique et donnez-lui ce même espoir pour prix de la vertu vous en ferez un vrai citoyen.

La laïcité a tenté de prendre la place mais sa médiocrité démagogue l’a entrainée à oublier sa mission d’apprendre à aimer ses devoirs. C’est tellement plus simple de se contenter de les rappeler et d’en regretter l’absence. Cela permet à l’Islam de croitre en France car il fait aimer les devoirs. Mais ceux qu’il fait aimer ne sont pas toujours les nôtres.

Faut-il bousculer la Chrétienté pour qu’elle arrête le Bisounours et retrouve le sens profond de toute religion ? Faut-il imaginer une laïcité qui soit cette religion civile que l’on n’a encore jamais inventé et qui apprendrait vraiment à aimer des devoirs qu’il faudrait définir sans démagogie ? Nous en sommes loin et notre choix actuel est de laisser l’Islam arabisant occuper notre faiblesse. Ce n’est pas lui faire injure que de se poser la question. C’est au contraire se demander si nous ne devrions pas l’imiter et faire comme lui là où il refuse d’être faible. Il maîtrise la place des autres.

La réponse est politique mais la question est civique car il n’est pas digne d’attendre partout que la violence fasse le travail.