La double écriture

La création monétaire explose à tout va depuis la déconnection du dollar de l’or alors que les accords de Bretton Woods avaient lié les monnaies au dollar et le dollar à l’or. Si l’on a compris que la monnaie est de l’énergie humaine stockée, qu’elle ne peut pas être créée arbitrairement et qu’elle s’autodétruit dans ce cas par la dévaluation et la hausse des prix, on peut s’attendre à une explosion de l’impôt sur l’épargnant qu’est la dévaluation et de l’impôt sur le consommateur qu’est la hausse des prix.

Aujourd’hui tout le monde crée de l’argent alors qu’il y a 50 ans on lisait encore sur tous les billets de banque : L’article 139 du code pénal punit des travaux forcés à perpétuité ceux qui auront contrefait ou falsifié les billets de banque autorisés par la loi, ainsi que ceux qui auront fait usage de ces billets contrefaits ou falsifiés. Ceux qui les auront introduits en France seront punis de la même peine. C’était moins grave que la peine de mort  et la confiscation de tous les biens que le même article 139 prévoyait en 1810 mais il est plaisant de constater qu’aujourd’hui, avec le code pénal du premier empire, tout le monde serait condamné à mort car tout le monde crée de l’argent. Les individus créent de l’argent avec la carte de crédit à débit différé, les entreprises avec les délais de paiements, les Etats avec les budgets déficitaires mais ce sont les banques qui tiennent le pompon avec la double écriture. Il faut en comprendre le mécanisme simple.

La banque Tartempion prête un million d’euros à M. Dupont par le système de la double écriture. Elle inscrit à son actif que M. Dupont lui doit sur 15 ans un million d’euros plus les intérêts à 3% ce qui fait à peu près 1.250.000 € que M. Dupont s’est engagé contractuellement à payer. La banque inscrit en même temps à son passif qu’elle doit à M. Dupont la somme d’un million d’euros qu’elle tient à sa disposition. Elle le lui fait savoir en écrivant sur son compte qu’il possède un million d’euros.

M. Dupont achète un appartement et paye par chèque un million d’euros à M. Durand qui a son compte à la banque Trucmuche. M. Dupont n’a donc plus d’argent à la banque Tartempion mais M. Durand a un million d’euros sur son compte à la banque Trucmuche qui va avec le chèque récupérer ce million sur la banque Tartempion.

Le lendemain à 11 heures en chambre de compensation la banque Trucmuche présente le chèque à sa consœur pour percevoir le million d’euros de la banque Tartempion. MAIS…..

Mais La banque Trucmuche a en même temps fait la même opération avec M. Martin qui voulait, lui, acheter l’appartement de M. Gomez qui valait aussi un million et qui avait son compte ( la loi oblige à la possession d’un compte) à la banque Tartempion.

Et en chambre de compensation les deux banques ont simplement échangé leurs deux chèques en souriant finement.

Résultat de l’opération. Les deux banques ont gagné chacune par la double écriture 250.000 € en mettant en servitude volontaire, l’une M. Dupont, l’autre M. Martin en ayant, par les hypothèques, la garantie de leurs servitudes. Ces 500.000 € seront payés par le peuple sous forme de hausse des prix et de dévaluation lorsque les Politiques lâcheront le frein.

Certes la banque Trucmuche reconnait qu’elle doit un million non rémunéré à M. Durand et la banque Tartempion qu’elle en doit un autre pas plus rémunéré à M. Gomez mais cet argent n’a jamais existé et n’a servi qu’à créer les 500.000 € d’impôts privés que le peuple paiera aux banques.

Les devoirs de l’homme

Beaucoup se demandent pourquoi les droits de l’homme ne sont pas systématiquement accompagnés par les devoirs de l’homme. Certains en déduisent même un laxisme un peu démagogue et voudraient une déclaration des devoirs de l’homme.

Le vœu est pieu mais il ne peut se réaliser en l’état car si un droit est individuel, un devoir est toujours par rapport à un critère, à une norme, à une loi, donc émanant d’un groupe, d’un pays, d’un pouvoir. Il n’y a pas de devoir sans référence. L’affirmation « Tu dois ! » est péremptoire si l’on ne sait pas dire pourquoi. Or la raison d’un devoir réside toujours dans une forme de cohésion sociale. Le devoir n’existe que par rapport à un groupe et le groupe n’existe que par un but commun à tous ses membres, par une vision partagée. Encore faut-il que cette aspiration soit réaliste et ne soit pas qu’un rêve ! Pour que le groupe existe il faut qu’il soit à taille humaine ; suffisamment petit pour que chaque individu puisse se faire une opinion en filtrant les connaissances reçues par le concret de son expérience et par la prise de distance de son discernement, suffisamment grand pour avoir une monnaie, des infrastructures et des organes régaliens comme l’armée, la police et la justice. C’est tout l’intérêt des économies d’échelle qui rappellent que ce qui est vrai à 10 millions d’individus est souvent faux à 100.000 ou à un milliard. Mais il est plus facile de rêver que d’agir, plus facile de rêver à des solutions simplistes villageoises, européennes ou mondiales que de s’affronter concrètement à la complexité d’un pays. La nation que j’appelle volontiers patrie a la bonne taille. Pour moi c’est la France et elle n’est pas en de bonnes mains.

Le mot devoir vient du latin debere qui a donné deveir au XIème siècle. Il est intéressant de remarquer que debere vient de de habere qui signifie « avoir quelque chose en le tenant de quelqu’un ». Un devoir est donc toujours une forme de dette vis-à-vis de quelqu’un d’autre, vis-à-vis de l’autre en général, vis-à-vis du groupe.

Le devoir est concomitant au groupe. Aucun groupe ne peut exister sans lois sociales qui sont des devoirs pour les individus, mais aucun devoir n’a d’efficacité s’il n’est pas une obligation qui donne force au groupe.

Faire son devoir c’est faire un effort et le sens de cet effort c’est d’aller vers sa reconnaissance personnelle par le groupe. Dans certains groupes il faut voler, voire tuer, pour être admis. Dans d’autres il faut honorer père et mère. Dans d’autres il faut servir son Dieu, et protéger la veuve et l’orphelin. Mais aujourd’hui quel vingtenaire va défendre sans rire le groupe dans lequel il rentre en respectant son devoir de ne pas consommer de cannabis ?

Le XXIème siècle n’ayant plus aucun groupe cohérent autre que délictueux, a abandonné le moteur du devoir pour se contenter du moteur du plaisir. Certes le plaisir est un moteur qui s’affadit rapidement mais au moins il comble le vide créé par l’absence du devoir qui, lui, mènerait au bonheur. Autant l’oublier dans le plaisir !

Les seuls qui ont encore en eux le goût du devoir sont ceux qui l’ont appris dans des groupes préexistants et beaucoup de ces groupes se contentent aujourd’hui de petits devoirs dans l’immédiateté de leur petit groupe qui attend le désastre en serrant les fesses et en se laissant bercer par les medias. Notre monde se délite et les medias nous font croire que l’on ne sait pas pourquoi.

Seuls les devoirs mènent au bonheur mais nos dirigeants nous apprennent des devoirs à notre nouvelle taille, à leur taille à eux. Plus question de devoir partir en croisade, contentons-nous de trier nos poubelles et de respecter les limitations de vitesse sur nos routes, essayons d’en être fiers et oublions dans le plaisir que le bonheur n’est plus à notre portée. Nous avons renoncé à être heureux en ne nous intéressant même plus au groupe auquel nous appartenons. Existe-t-il encore d’ailleurs ? Seuls les individus qui le composeraient pourraient répondre.

Nous avons besoin de la monnaie du groupe, de ses routes, de son électricité et même de quelques-uns de ses fonctionnaires. Nous aimons traire la vache qu’est devenu le groupe car nous voulons son lait mais personne ne veut être le vétérinaire de cette vieille carne. Tout doit être fait mais personne ne veut faire.

Pourtant dans l’histoire des civilisations, la vie du groupe a toujours primé la vie des individus parce que toutes les civilisations savaient que l’individu n’existe pas sans le groupe, sans sa protection et sans ses exigences.

Aujourd’hui les medias et les politiques ont créé une société de l’apparence qu’ils gonflent comme une baudruche pour lui donner une illusion de prospérité. Mais ce qui est ressenti c’est l’insignifiance de cette société.

Tant que nous baignerons dans le ridicule de nous contenter des « Valeurs de la République » pour définir notre Vrai, notre Bien et notre Beau, c’est-à-dire ce que nous sommes, tant que notre éducation nationale commencera l’histoire de France à la révolution française en soumettant la vérité à leurs intérêts, tant que nous goberons tous, que le manque de croissance est la cause très provisoire de la crise, il n’y aura pas de groupe respectable et les devoirs n’intéresseront que ceux qui espèrent en un futur qui prendrait racines dans le passé. Le présent appartient aux politiques, aux médias, au CAC 40 et aux publicitaires pour qui le seul devoir est de les enrichir.

Parce que nous le voulons bien….

Parce que nous le valons bien….

Hors-la-loi

Quiconque s’intéresse aux anglo-saxons connait leur tradition des « outlaw », des hors la loi.

C’était le cas de Hereward qui a servi de modèle à Robin des Bois; cela a aussi été le cas de Butch Cassidy, de Billy the Kid, de Bonnie and Clyde, de Dillinger et de tant d’autres comme les Dalton au XIXème et au XXème siècle.

Le principe est simple. Si vous ne respectez pas la loi du groupe, la loi du groupe ne vous protège plus.

C’est tout le principe d’un rapport symétrique entre l’individu et la société qui est posé par le principe du hors-la-loi.

Dans une société harmonieuse ce rapport symétrique peut être connu et appliqué car il y a peu de lois et elles sont toutes des protections du groupe. Si quelqu’un les transgresse et assassine ou vole avec une arme, il n’est plus protégé par la loi qu’il a volontairement bafoué.

Dans notre société où la moindre émotion médiatique entraîne la création d’une loi, plus personne ne connait les lois sauf peut-être quelques rares professeurs de droit, et encore uniquement dans leur spécialité. Le groupe n’a plus de lois connues comme limites, n’a plus la monnaie comprise comme énergie sociale et il mélange allègrement la vraie égalité qu’est l’interdépendance dans le respect de l’autre, avec l’identité qui est mépris de tous par le « je ne veux voir qu’une tête » qui veut dire en réalité « je ne veux voir que de bons électeurs ». Le groupe n’ayant plus ni énergie reconnue, ni limites connues, ni harmonie, se délite et la loi ne protège plus que les rusés et l’argent devient de la fausse monnaie.

Un hors-la-loi qui braque une banque et s’enfuit avec son butin peut-être abattu avec félicitations du groupe. Est-ce bien ? Est-ce mal ? La question est posée. Pour y répondre il faudrait déjà savoir à quel groupe nous appartenons.

La richesse n’est qu’un regard

Il est temps de tordre le cou à la notion stupide de création de richesse tellement à la mode pour ceux qui veulent faire croire à des fins électorales que la croissance apporte naturellement des richesses à se partager.

Prenons l’exemple d’un boulanger. Il fait un pari. Celui de croire que les dépenses qu’il fait en location de la boulangerie, en patente quelle que soit son nom du moment, en achat de pétrisseuse et de four, en salaires et en charges de ses collaborateurs, en farine et levure, que toutes ces dépenses lui permettront de fabriquer des richesses, les différents pains qui lui seront achetés plus cher que ce qu’ils ne lui auront coûté.

Pour gagner son pari il faut que des clients rentrent et sortent contents d’avoir perdu de l’argent et gagné du pain. C’est la double impression d’enrichissement qui donne le bon prix. Le boulanger doit se sentir plus riche en gagnant de l’argent et en perdant son pain. Le client doit se sentir plus riche en ayant du pain et moins d’argent. La richesse n’est qu’un regard.

Pour se convaincre que la richesse n’est qu’un regard, il suffit d’imaginer qu’au sortir de la boulangerie avec son pain, le client voit s’arrêter une voiture dans laquelle un ami qu’il apprécie beaucoup l’invite à déjeuner. Son pain qui était richesse devient instantanément encombrement et sera déchet dès que le pain sera sec.

Mais revenons au pari du boulanger. Il peut aussi perdre son pari si aucun client ne vient ou si trop peu de clients ne se déplacent et lui laissent en fin de journée des pains qui deviennent aussi des encombrements puis des déchets.

Une économie saine est une économie où les clients ont à la fois l’envie d’acheter du pain et l’argent nécessaire fourni par leur travail. Il faut les deux plus le boulanger.

Une économie malsaine, la nôtre par exemple, va se réfugier dans des sommes d’équilibres instables en dépensant inutilement beaucoup d’argent permettant de reporter la prise de conscience du problème en le compliquant davantage.

On va payer très cher les banquiers pour qu’ils prêtent l’argent nécessaire aux achats que le consommateur ne gagne plus par manque d’emploi. On va payer très cher les publicitaires pour qu’ils créent l’envie chez le consommateur désargenté de jouir tout de suite de ce dont il rêve, d’aller emprunter tellement son désir de consommer ou de posséder a été boosté. Il va accepter de devenir l’esclave de son banquier par ses échéances mensuelles pour pouvoir jouir tout de suite. On va payer très cher les médias pour qu’ils diffusent une impression de joie et de fausse légèreté. On va enfin payer très cher les importateurs pour qu’ils importent ce qui a été fabriqué par de lointains esclaves puisque nos parieurs ont évidemment perdu leur pari et déposé le bilan.

Tout cela pour ne pas dire deux vérités anti-électorales, à savoir que la seule issue intelligente est de travailler plus pour payer plus cher des produits en concurrence libre et non faussée par des droits de douane freinant l’esclavage dans l’espace du libre-échange.  La seconde vérité anti-électorale est que le prêt à intérêt est un impôt privé générant un esclavage dans le temps, une servitude volontaire comme Etienne de la Boétie l’a si admirablement décrite.

Mais quel homme politique aura le courage de le dire ? Et quel peuple trouvera en lui-même le courage de l’entendre ?

L’inéluctable révolution

Les trois totalitarismes du XXème siècle, fascisme, communisme et capitalisme, avaient évidemment en commun leur volonté hégémonique de couvrir toute la Terre mais ce qui les rassemblait avant tout, c’était leur matérialisme qui sacralisait les idéologies avec chacune son bouc émissaire, qui la race inférieure, qui le petit bourgeois, qui le populiste. Les liaisons contre nature entre le siècle des Lumières et les penseurs du XIXème siècle nous ont donné le « Deutschland über alles », le « Yes we can » et « L’internationale sera le genre humain ».

Dans tout l’occident on a sacralisé la vanité et imposé un colonialisme intellectuel en mettant en place sur toute la Terre des hommes de pouvoir déformés chez nous.

Aujourd’hui seul reste le capitalisme qui se croit gagnant car il est enfin seul. Sa force est d’utiliser les avancées extraordinaires des moyens de  communication qui se sont mondialisés pour faire croire que la réflexion et l’action se sont aussi mondialisées de la même façon, ce qui est une duperie insigne.

Le capitalisme, sous sa forme présentable de libéralisme, considère comme acquis que sa morale est La Morale, que son intelligence est L’Intelligence, que sa vérité est La Vérité et qu’il sait où il va.

Il a réussi à faire croire que la croissance créait des richesses à se partager, que l’avis majoritaire de la foule était la bonne référence et que la bonne éducation était une accumulation de connaissances choisies par lui. Aucune de ces affirmations ne tient la route. Elles sont mensonges structurels de notre société et personne ne sait où ces âneries nous mènent.

Ce qui me sidère, c’est que j’ai cru ces fadaises parce que l’on m’avait inculqué le rejet des deux autres totalitarismes pourtant tout aussi attractifs au premier abord, et que le mantra « Elles sont intéressantes tes critiques mais qu’est-ce que tu proposes ? » m’avait cloué le bec pendant des décennies. Comme s’il fallait avoir une solution, si possible simple, pour prendre conscience d’un problème !

Aujourd’hui le problème sans solution simple est notre apathie devant les drames qui se préparent et que nous refusons de voir. Cette apathie qui est étymologiquement une absence de souffrance est entretenue par notre addiction au plaisir rendue provisoirement possible par les deux esclavages, bases du capitalisme : Le libre-échange fondement théorique de l’esclavage dans l’espace et le prêt à intérêt, base pratique de l’esclavage dans le temps.

Il ne suffit pas de faire une journée contre l’esclavage et de le réduire stupidement à la traite négrière pour cacher durablement ces deux esclavages  plus scandaleux parce qu’actuels et surtout parce qu’intenables.

Sors ce mois-ci en librairie la seconde édition de mon deuxième livre « L’inéluctable révolution » aux éditions Autres Temps.

Il ne s’agit pas de rêver d’un grand soir mais de faire la révolution, à la fois individuelle et collective, de bâtir nos vies sur le discernement, l’humilité et le courage qui nous manquent tant aujourd’hui. Le discernement, l’humilité et le courage sont la base de ce que les totalitarismes du XXème siècle nous ont fait oublier et qui peut se résumer en un mot : le sacré. Le sacré est ce qui nous dépasse individuellement et collectivement, en bien comme en mal.

C’est l’énergie du sacré, l’égrégore, cette armée disparate et mélangée d’anges de lumière et d’anges déchus, qui avec l’énergie individuelle du travail et celle collective de l’argent crée l’honneur qui s’est tellement affadi aujourd’hui.

La limite du sacré, l’interdit, est forcément entredit car si elle était dite avec des mots cela sombrerait immédiatement dans la limite individuelle qu’est le choix ou la limite collective qu’est la loi. La limite du sacré ne peut parler qu’en contes, qu’en légendes, qu’en paraboles, qu’en mythes. Les mots y disent des choses inventées et l’interdit, l’entredit, dit l’essentiel entre les mots. L’interdit rajouté à la limite individuelle qu’est le choix et à la limite collective qu’est la loi, donne le serment que nous oublions si facilement.

On a mobilisé des peuples par « La Patrie est en danger ». Mais aujourd’hui notre addiction au plaisir nous a fait oublier toute notion cohérente de groupe. Exit la patrie, terre de nos pères, exit la nation, terre où nous sommes nés. Bienvenue au mondialisme, au libéralisme, à l’universalisme qui nous permettent d’évoluer dans des groupes virtuels qui ne sont que des hologrammes avec leur religion de la confiance, de la croyance et de la croissance que nous attendons individuellement comme le Messie en sachant qu’elles ne nous mèneront nulle part. Un agrégat d’individus forme une foule, pas un peuple.

Notre apathie et notre addiction au plaisir sont les vrais dangers.

Créer des richesses

On raconte qu’avant la chute du rideau de fer, des journalistes occidentaux avaient été invités à visiter une usine dans un des pays satellites de l’URSS.

Ils avaient été impressionnés par l’activité parfaite de l’usine où comme dans une ruche, chacun était occupé avec des pauses adéquates très bien organisées. Il sortait de l’usine une production impeccable à un rythme soutenu et efficace. Il a fallu qu’un journaliste s’égare en perdant sans doute volontairement son guide pour qu’il se retrouve à quelques kilomètres de là devant un champ de plusieurs hectares où s’entassait sur plusieurs mètres la production qui rouillait.

On faisait croire que l’on produisait des richesses. On ne fabriquait que des encombrements et des déchets. Mais la machine tournait.

Le capitalisme réédite en plus fin ce que le communisme et le fascisme avaient déjà expérimenté : la société de l’apparence. Un journal électoral rappelait encore récemment que l’activité économique était une création de richesses à se partager. Quelle inconscience !

L’activité économique crée, c’est certain. Mais que crée-t-elle ? Un cafetier qui crée 10 litres de café par heure sans que des clients passent le boire, qu’a-t-il créé ? Le café ne terminera-t-il pas sa courte vie dans l’évier ? Le cafetier n’a pas créé de richesses mais des encombrements vite transformés en déchets.

La richesse n’est qu’un regard individuel et collectif à un instant donné et elle n’existe que si le désir d’acheter rencontre une capacité à le faire. C’est dire combien la richesse est subjective contrairement à tout ce qui nous est raconté en économie.

Aujourd’hui pour nous convaincre nous-mêmes que nous sommes riches, nous sous-traitons à grand frais aux services marketing le désir d’acheter, et nous dépensons beaucoup d’argent pour importer de quoi nous satisfaire et pour emprunter de quoi acheter en payant plus tard. C’est en important et en empruntant que l’on prouverait que nous sommes un pays riche puisque nous dépensons beaucoup. La vérité est que cela enrichit les agences de publicité, les banques et les importateurs, mais appauvrit les pays.

« Et le bon sens dans tout ça ? »  aurait pu dire Jacques Chancel. Il pourrait rajouter aujourd’hui : « Où cela mène-t-il ? ».

 

Achetez votre vie et vous serez plus riches

Un internaute me propose de rappeler deux pages de mon livre « Voter utile est inutile » paru en 2006 qui faisaient un lien entre la croissance et les heures. Les pages 27 et 28 peuvent éclairer sur l’inconsistance de la croissance, du PIB et du PNB puisqu’à l’époque on parlait encore de Produit National Brut à côté du Produit Intérieur Brut. Voici ces pages :

La croissance serait donc l’augmentation des richesses, l’augmentation du PNB, du PIB, de la Valeur Ajoutée, mais pour aborder ces notions et comprendre enfin leurs définitions, il faut sans doute prendre une autre mesure que l’argent dont la définition ne nous apparaît plus clairement, ou que la richesse qui n’est qu’un mode de regard.

Il faut une unité de mesure large, claire et simple : large pour couvrir l’ensemble de notre vie, claire car cette unité doit être une référence stable et identique pour chacun, simple car nous devons tous avoir un accès facile à cette unité.

L’heure correspond à ces exigences et permet probablement de mieux appréhender la croissance. De plus elle ne rentre pas dans les logiques habituelles et son utilisation force à réinventer les raisonnements.

Constatons d’abord l’évidence que nous respirons vingt quatre heures par jour. Nous consommons donc d’une façon totalement stable vingt quatre heures, chaque jour qui passe.

Mais comment ces vingt quatre heures nous parviennent-elles ? Une partie d’entre elles est produite par nous-mêmes, elle est « auto générée », et une autre partie est achetée. Lorsque je dors ou me promène en forêt, lorsque je chante ou répare ma maison, lorsque j’écris ou fabrique un objet, je produis moi-même mes heures, je les autoproduis. Lorsque je regarde la télévision ou prends ma voiture, lorsque je suis au restaurant ou au cinéma, lorsque je fume ou lis un magazine, j’achète mes heures.

Dans les faits, aucune heure n’est pure. Chacune a une partie achetée et une partie autogénérée. Lorsque je roule sur autoroute, j’autoproduis ma conduite et j’achète individuellement ma voiture et collectivement l’autoroute. Quand je lis j’autogénère la lecture et achète le livre… Mais pour clarifier, nous pouvons séparer qualitativement heures achetées et heures autogénérées, mettre d’un côté la partie de notre journée que nous produisons nous-mêmes, et d’un autre, celle que nous achetons.

C’est sans doute parce que nous ne pouvons absolument pas séparer quantitativement les heures achetées et les heures autogénérées que les comptes de la nation, le PNB, le PIB, la Valeur Ajoutée, ne sont fondés que sur les heures achetées. Que le Suisse ait 40.000 $ de PNB par an, le Français 25.000 $, l’Américain 30.000 $ et le Tchadien 230 $ veut simplement dire que si le Suisse achète en moyenne 12 heures par jour, le Français en achète 7, l’Américain 9 et le Tchadien n’achète que 3 minutes et donc, autoproduit 23 heures 57 minutes.

Un consensus quasi général nous voit devant et le Tchadien derrière. Suivant les affinités politiques, le Tchadien sera sous-développé, en voie de développement ou à vocation d’émergence, mais nous sommes tous d’accord pour dire que c’est à lui de nous imiter. Ce consensus peut laisser perplexe. Mais une approche de la croissance se dessine:

La croissance est l’augmentation des heures achetées dans une journée.

Moins nous produisons nous-mêmes d’heures dans notre journée, plus nous devons en acheter. Plus nous achetons nos heures, plus nous faisons de croissance. Les livres de Sagesse, la Bible, l’Evangile ou le Coran, nous disent tous de ne pas acheter notre vie mais de la construire. Faire de la croissance, c’est faire exactement l’inverse, c’est acheter sa vie. C’est le conseil que nous donnent nos dirigeants. C’est l’espoir qui nous fait vivre !

Nous allons acheter nos heures par l’investissement et la consommation, ces deux mots clés de nos choix économiques. Nous nous sommes laissés convaincre que ce sont deux excellentes choses. Ce qui est sûr c’est que ce sont deux dépenses.

S’il était suffisant d’acheter davantage notre journée, si la croissance était la panacée, le remède universel, les solutions seraient simples :

Pour faire de la croissance il suffit d’embaucher un chauffeur au lieu de conduire soi-même sa voiture, de créer un immense embouteillage, d’augmenter la criminalité pour construire des prisons et créer des emplois de police et de justice ; s’empêcher de dormir sans somnifères, augmenter la consommation d’héroïne et de cocaïne pour que le PIB bondisse. L’actrice Anémone s’étonnait dans le Nouvel Observateur que dans la comptabilité publique, les accidentés de la route soient dans la colonne « création de richesses ». On peut aussi casser toutes les vitres de la rue pour relancer les vitriers et les machines à fabriquer du verre ou du mastic. On admirera la séparation de France Télécom et de La Poste qui a fabriqué une belle croissance en faisant payer ses communications téléphoniques à La Poste pendant que France Telecom se mettait enfin à timbrer son courrier. Une femme au foyer et la femme d’un artisan qui donne un coup de main à son mari peuvent échanger leurs fonctions sociales : l’épouse de l’artisan se fera rémunérer pour garder les enfants, faire la cuisine et le ménage chez la femme au foyer qui elle, deviendra la salariée de l’artisan. Tout cela fait de la croissance.

Le produit national ou intérieur brut mesure tout mouvement chiffrable. On considère qu’une valeur a été créée puisqu’une dépense a été faite. Cette dépense peut être une dépense de consommation ou d’investissement ce qui permettra de prôner la relance par la consommation ou par l’investissement. Toute dépense étant considérée comme un enrichissement, permet à l’Etat de s’enrichir concrètement par prélèvement sur cette nouvelle valeur théorique. Vous jouez au ballon avec vos enfants, vous ne faites pas de croissance. Vous êtes bloqués dans un embouteillage, vous faites de la croissance. Vous dormez du sommeil du juste, vous ne faites pas de croissance. Vous avalez des pilules fort coûteuses pour dormir, vous faites de la croissance. Dans l’exemple des coups de main entre voisins, tant que la femme du médecin aide gratuitement son voisin le plombier dans ses papiers, pendant que la femme du plombier donne un coup de main gratuit au médecin pour ouvrir aux clients, ils ne font pas de croissance. C’est uniquement lorsque l’Etat furieux parle de travail au noir et impose le salariat à tout le monde pour prendre sa dîme que l’on fait de la croissance et que nous sommes enfin plus riches. Nous serons d’ailleurs beaucoup plus riches puisque une double amende viendra encore faire plus de croissance. Fin 1999 une croissance fantastique nous a été offerte par une double tempête et par un délicieux pétrolier appelé Erika qui est venu s’échouer sur nos côtes. La classe politique a été un peu gênée par la « cagnotte » que ces catastrophes ont procurée à l’Etat, mais on est vite passé à autre chose.

Mieux encore : vous construisez une maison, vous faites de la croissance, vous la démolissez vous faites de la croissance, vous la reconstruisez, vous faites toujours de la croissance, vous la démolissez une deuxième fois, quatrième contribution à la croissance. Faites cela dix fois et sur dix maisons vous aurez fait cent fois de la croissance. L’Etat aura gagné définitivement beaucoup d’argent, des emplois auront été créés mais le résultat sera par définition nul et stupide. Quelqu’un aura perdu de l’argent non seulement pour faire ces travaux contradictoires mais pour y rajouter la dîme étatique sur le mouvement. La plupart du temps cet appauvrissement est caché car, si le peuple en était conscient, il en serait scandalisé. L’appauvrissement est discrètement financé par l’emprunt et on laissera aux suivants le soin de payer par leur sueur ou leur sang, ce que les fruits de la croissance ne paieront évidemment jamais.

Faire-croire, gigantisme et immédiateté structurent notre aveuglement

Une des questions les plus intéressantes aujourd’hui est de comprendre comment toutes les intelligences mondiales qui ont accès aux médias en sont réduites à prier pour que la croissance revienne, « aller la chercher là où elle se trouve », « l’accueillir quand elle reviendra », « aller la chercher avec les dents » ou autres fadaises médiatiquement relayées avec l’éternelle ritournelle, droites et gauches confondues : « Sans croissance rien n’est possible ». Mais que fait donc Dieu ?

Je ne crois pas qu’il faille accuser les dirigeants de sottise ou de turpitude. Ils sont simplement coincés dans un système impossible dont personne ne peut sortir sans un bouleversement qui fait peur. Pour reporter l’inéluctable affrontement à la réalité, on fait croire avec la propagande efficace des medias que l’avis majoritaire de la foule est le discernement. On fait croire que l’accumulation des connaissances, et surtout leur spécialisation, donne accès à l’autonomie. Et on fait croire que les richesses à se partager n’arrêtent pas de s’accumuler par la croissance qui serait la montée normalement permanente d’un mystérieux PIB qui est une dépense à financer et non un produit à se partager.

Pour arriver à faire croire simultanément à toutes ces sornettes, nous avons fait sauter le bon sens des économies d’échelle par le gigantisme et nous faisons croire au concret de ces balivernes par l’immédiateté.

Le gigantisme a fait sauter les deux filtres de l’expérience et du discernement. Comme il n’est pas à taille humaine, personne n’en a l’expérience et l’histoire ne nous en apprend rien ; et comme nos sens sont limités dans l’espace nous n’en avons pas la perception personnelle qui nous permettrait d’utiliser notre discernement. La perception est sous traitée aux médias et le discernement aux experts, ces deux entités ne cherchant qu’à être reconnues. C’est la base du gigantisme de toutes les idéologies qui sans lui ne pourraient prospérer. Il est aussi le support discret de l’esclavagisme actuel dans l’espace qui nous permet de ne pas voir ce qui est loin quand les médias ne nous l’apportent pas dans notre salon. Le mondialisme et la globalisation sont le gigantisme actuel.

L’immédiateté est portée par la constatation indéniable que sur un plan matériel nous vivons mieux que nos grands-parents. La vie apparemment plus facile nous empêche de voir que le prix en est notre propre esclavage dans le temps que constitue le prêt à intérêt condamné par toutes les sagesses mais base du système financier actuel. Nous savons tous que tout se complique chaque jour davantage, que les mots de productivité et d’austérité sont les seules planches de salut dérisoires qu’ont trouvé nos dirigeants pour rester en place un peu plus longtemps mais il est tellement agréable de ne pas ouvrir les yeux et de rester pour l’instant bien au chaud dans un présent qui ne peut pas durer. Nous préférons tous attendre en rêvant que la tempête nous épargnera.

Là encore la guerre est le seul moyen efficace hors l’intelligence pour casser ces deux mauvais jouets. Quelle génération sera la première à vraiment préférer l’intelligence ?

De la complexité du problème

Il est triste de constater que par la qualité médiocre de nos dirigeants, toutes fausses querelles confondues, nous en sommes arrivés à une situation telle que les perspectives d’avenir se limitent à Dieu, à la guerre ou au chacun pour soi.

Nos dirigeants ont choisi Dieu qu’ils appellent la croissance pour ne pas paraitre trop obscurantistes. La réalité est que la guerre se prépare pour nous remettre les yeux en face des trous et il ne reste plus qu’à savoir entre qui et qui. Et en l’attendant nous sombrons tous dans le chacun pour soi, ne sachant même plus ce que recouvre en réalité le « nous ».

Sans aucune réflexion de fond, la folie collective, uniquement intéressée à la réélection des élus, nous rabâche qu’il faut de l’emploi et que seule la croissance en apporte. Les gesticulations et les simagrées pour faire arriver cette chimère sont dérisoires et ridicules même si elles sont articulées et diffusées par les puissants du royaume qui tiennent l’économie, la politique et les medias et qui en vivent très bien.

On essaie de nous faire croire que la croissance crée à la fois de l’emploi et de la richesse. La logorrhée politico-médiatique toujours chiffrée pour donner une impression de sérieux est assez bien décrite par cet article du Parisien de mai 2013 que l’on peut lire ou enjamber.

  • L’économie mondiale ne croît pas assez vite pour créer les emplois qu’attendent des dizaines de millions de chômeurs, mais elle se renforce progressivement, a estimé mercredi à New Delhi le directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI).
    La croissance mondiale devrait progresser de 3,3% en 2013 et de 4% l’an prochain, mais ces chiffres masquent des écarts géographiques, a souligné Naoyuki Shinohara lors d’une rencontre avec des diplomates et des hommes d’affaires.
    Le monde est engagé dans une reprise « à trois vitesses » sans « assez de croissance pour générer des emplois pour les millions (de personnes) qui sont au chômage depuis les cinq dernières années », a-t-il estimé.
    Créer des emplois doit être « une question globale » car elle touche au cœur de la crise économique mondiale qui « affecte les jeunes de façon disproportionnée », a-t-il poursuivi lors de son allocution le jour de la Fête du travail.
    En mars, le chômage a atteint un nouveau record absolu dans la zone euro à 12,1%. C’est dans trois des pays bénéficiant d’une assistance financière internationale, assortie de plans d’austérité drastiques, qu’il est le plus élevé: en Grèce (27,2% selon les dernières données disponibles datant de janvier), en Espagne (26,7%) et au Portugal (17,5%).
    « Les économies les plus performantes sont dans les pays émergents et en voie de développement, l’Asie devant enregistrer une croissance moyenne de 7,1% cette année et l’Afrique sub-saharienne une croissance de 5,6% », a indiqué M. Shinohara, ancien ministre des Finances japonais.
    Des pays tels que les Etats-Unis sont sur le chemin de la reprise, avec une croissance attendue de 2% en 2013. D’autres, comme les pays de la zone euro, devraient voir une réduction de leur croissance cette année, a-t-il ajouté.

En réalité si nous prenons le temps de la réflexion, nous prenons facilement conscience que ce qui est fabriqué ou proposé comme service n’est une richesse que si c’est désiré. Si ça ne l’est pas c’est un encombrement voire un déchet si c’est un objet, un agacement voire un harcèlement si c’est un service.

Une société harmonieuse travaille pour satisfaire les désirs de ses membres ou pour les aider à y renoncer. Dans une telle société on ne fabrique que ce qui est demandé et on ne propose que les services déjà attendus. Pour en vérifier l’harmonie et ne pas confondre caprices et besoins, chaque achat est payé à un prix qui permet à l’acheteur comme au vendeur d’avoir fait une bonne affaire. Ce prix est payé comptant car chacun gagne sa vie par un travail auquel il a droit et qui lui donne sa dignité. Ce paiement libère l’esprit des contraintes matérielles et ouvre une perspective de spiritualité réconfortante. L’Etat ne se soucie que de veiller à l’harmonie.

Mais ce n’est pas du tout le cas aujourd’hui. Pour faire tourner la machine qui ne peut pas s’arrêter puisqu’il faut en payer les échéances, on génère artificiellement chez tous, des désirs que seuls quelques-uns pourront satisfaire. Ces désirs honteusement créés par le génie imaginatif du marketing ne peuvent être évidemment que matériels, proches et immédiats puisque l’harmonie est volontairement oubliée.

La gestion des désirs est extrêmement complexe et nous vivons une époque totalement schizophrénique où pour flatter l’électeur, on achète la satisfaction de ses désirs par un double esclavage : l’esclavage dans l’espace par la mondialisation et son propre esclavage dans le temps par le prêt à intérêt. Tout cela dans un climat moralisateur qui justifie la mondialisation par la lutte contre la pauvreté, qui justifie le prêt à intérêt par les nécessités économiques (et la flatterie de l’électeur) et qui naturellement condamne fermement l’esclavage.

Cela ne mène évidemment qu’à une impasse que les adeptes de la croissance appellent la crise.

Pour sortir de cette impasse il faut sans doute travailler sur trois plans :

  • La gestion des désirs qui sont notre moteur vers le bien comme vers le mal. Les désirs sont de trois ordres : le désir animal, les besoins symbolisés par le ventre, le désir affectif, les sentiments symbolisés par le cœur, et le désir cérébral, la raison symbolisée par la tête. Certains désirs comme la sexualité sont cumulatifs. Leur gestion est composition de soi après décomposition de soi comme l’humus est fruit de mort et source de vie.
  • La gestion de la société en nous débarrassant du capitalisme comme nous sommes débarrassés du fascisme et du communisme. Nous avons besoin d’une société pour la monnaie, pour la justice, pour la défense, pour nos infrastructures mais la nôtre est en pleine décomposition. Nos dirigeants ont en effet renoncé à en préciser les limites, les objectifs et l’organisation et croient compenser leur absence de hauteur de vue par la multiplication des lois et des normes pour se donner l’impression d’exister. Sans aucune perspective, ils tentent de maîtriser par une administration qui devient policière et de séduire par des médias qui deviennent propagande. C’est un état prérévolutionnaire.
  • La gestion de notre rapport à ce qui nous dépasse individuellement et collectivement que j’appelle l’Illimité et que la Bible appelle dans la Genèse la Lumière, Lumière qui apparait au 1er jour alors que le soleil et la lune n’apparaissent qu’au quatrième. Cette verticale, ce rapport à ce qui nous et me dépasse, peut-il être multiple ou unique dans une société harmonieuse ? La question mérite réflexion et sera source de débats difficiles lorsque nous aurons renoncé à l’éluder.

Regard d’un encore sexagénaire sur des déjà vingtenaires

Ils sont sortis de l’adolescence et du simple refus d’être comme ceux d’avant. Ils veulent intégrer un monde où ils voient l’argent en première nécessité. Ils résument facilement cette intégration par « faire du cash ». Ils se veulent distants de l’argent mais sont incapables de s’en passer. L’argent les motive car il donne le plaisir de l’immédiateté, l’oubli du « no future » et une illusion d’assurance. Ils sont déjà blasés mais encore curieux. Ils ont compris la faiblesse de leurs ainés mais se sentent incapables de les conseiller.

Ils se cherchent individuellement, sentent la nécessité du groupe mais n’en imaginent plus un seul pour lequel ils seraient prêts à donner leur vie. On se sert du groupe, on ne le sert pas. C’est à d’autres de dire comment servir le groupe contre du cash.

Ils ont compris qu’ils devaient renoncer à une partie de leurs rêves mais ils ont souvent appris dans leurs études supérieures que pour être reconnu et avoir son diplôme il fallait savoir approuver le professeur sans lui poser de questions. Ils en tirent souvent un écartèlement entre être fier de soi et être reconnu, entre être soi et être accepté. Personne ne leur a dit que l’université c’était au contraire poser des questions et se servir des réponses pour se construire, se trouver soi-même et édifier la société de demain.

Ils peuvent pourtant être très utiles car ils sont demain et ils seraient écoutés s’ils se rassemblaient pour parler. Non pas parler pour faire comme leurs ainés et tenter de faire croire à des fausses solutions de problèmes mal posés mais parler pour bien poser les problèmes et refuser les réponses ineptes ou démagogues. Parler pour mettre d’abord sous forme de questions, les difficultés profondes qu’ils voient dans notre société. Ce parler-là pourrait être l’apport efficace des vingtenaires.

Serait-il fou d’imaginer que des vingtenaires se regroupent pour faire le double effort de comprendre et d’interroger ? Comprendre les impasses économiques, politiques et éducatives dans lesquelles nous sommes et mettre sous forme de questions dérangeantes la compréhension de ces impasses. Ne serait-ce pas le choc dont notre société a besoin ?

Voyons quelques premiers exemples de questions qui pourraient être travaillées et auxquelles les adultes répondent habituellement mal quelle que soit leur position sociale et leurs orientations politiques. Les réponses entendues sont souvent bateau et témoignent fréquemment de l’ornière dans laquelle leurs ainés se sont volontairement ou lâchement enfoncés. Dans ces exemples qui ne sont là que pour ouvrir des pistes, chaque question est divisée en une partie A fondamentale et apparemment simple et une partie B plus concrète mais qui montre que la partie A n’était pas si facile.

En économie :

  • A – Qu’est-ce que la richesse ?
  • B – Pourquoi l’INSEE a-t-il 3 façons différentes de calculer le PIB ?
  • A – Quelle est l’origine de la monnaie ?
  • B – Si au début était le troc, pourquoi cela ne s’applique-t-il pas à la famille ou à une association nouvelle ?

En éducation :

  • A – Que veut dire éduquer ?
  • B – Une éducation uniquement fondée sur l’instruction ne court-elle pas le risque de propager des idées fausses par manque de filtrage par le concret de l’expérience et par le recul du discernement ?

En politique :

  • A – Qui doit gouverner ?
  • B – Thomas Jefferson, 3ème président des Etats-Unis, avait-il tort en donnant sa définition de la meilleure forme politique : « Il y a une aristocratie naturelle, fondée sur le talent et la vertu, qui semble destinée au gouvernement des sociétés, et de toutes les formes politiques, la meilleure est celle qui pourvoit le plus efficacement à la pureté du triage de ces aristocrates naturels et à leur introduction dans le gouvernement » ?
  • B – Jean Bodin était-il insensé en écrivant dans son livre « Les Six Livres de la République », au 16ème siècle,  que la monarchie, l’aristocratie et la démocratie étaient des formes diverses de la république ?
  • B – La démocratie ne nécessite-t-elle pas la responsabilité des votants c’est-à-dire leur liberté, leur compétence et leur engagement ? « Un homme, une voix » répond-il à cette nécessité ?
  • B – Pour conduire il faut un permis de conduire, pour chasser il faut un permis de chasser, pour pêcher il faut un permis de pêcher, pour voter ce n‘est pas la peine. Est-ce moins important ?
  • B – L’avis majoritaire de la foule mène-t-il plus souvent à la sérénité ou au lynchage ?
  • B – Un peuple et une foule ne sont-ils que deux facettes d’une même réalité ? Que manque-t-il à une foule pour faire un peuple ?
  • A – Y a-t-il une taille optimale à ce qui est gouvernable ?
  • B – Ne faut-il pas que ce soit suffisamment grand pour avoir une monnaie et suffisamment petit pour que le discernement puisse encore contrôler ?

En philosophie :

  • A – Qu’est-ce que le sacré ?
  • B – Quelle différence y a-t-il entre un lieu sacré et un sacré lieu, un temps sacré et un sacré temps ?
  • A – Quelle est l’origine de l’énergie ?
  • B – Si l’univers a été créé par le Big Bang, d’où est venue l’énergie qui a permis le Bang ?
  • B – Et si l’origine est différente qu’est-ce qui l’a déclenchée ?
  • A – Qu’est-ce que la fraternité ?
  • B – La cohérence, la solidarité et le sacré, ne seraient-ils pas les trois composants de la fraternité ?