Le doute, seul chemin vers la Vérité

Les Grecs avaient deux mots pour exprimer la vérité, etumos et aletheia.

Aletheia est la vérité nécessaire au fonctionnement du groupe et qui, avec le beau et le bien, forment les trois pieds d’un groupe. Le vrai, le beau et le bien qui se marient deux à deux dans le pur, le juste et le riche, structurent en effet le groupe mais ne sont références qu’à l’intérieur du groupe. Montaigne écrivait : « Quelle vérité que ces montagnes bornent, qui est mensonge au monde qui se tient au-delà ? ». Pascal enfonçait le clou un siècle plus tard en écrivant : « Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà ! ». Ils pointaient tous deux évidemment l’aletheia, indispensable au fonctionnement de la société mais que nous ne retrouvons plus malheureusement aujourd’hui que dans les communautarismes, le monde politico-médiatique devenant de plus en plus un communautarisme.

Etumos est la Vérité qui nous dépasse et que nous cherchons tous sans l’atteindre. Cette recherche s’appelle la spiritualité et commence par accueillir le postulat que si la Vérité nous dépasse, elle est aussi à l’intérieur de nous, mais bien cachée. Socrate l’exprimait en disant que l’âme est immortelle et qu’elle sait alors que l’esprit est mortel et qu’il cherche. Ce travail de l’esprit pour découvrir ce que l’âme sait de toute éternité, c’est ce que proposent toutes les sagesses et toutes les religions. La méditation du Mystique et du Bouddhiste et la prière du Chrétien ou du Musulman les entraînent sur ce chemin de recherche en soi. Pour Socrate il fallait faire accoucher l’âme de ce que l’esprit cherchait. Cette maïeutique, accouchement en grec, a été décortiquée par Socrate comme Platon le raconte dans le Ménon. Comme il ne vient jamais à l’idée de chercher ce que l’on croit déjà savoir, Socrate insiste sur la nécessité de fragiliser ses propres convictions avant de se lancer dans la recherche de la Vérité qui est en soi. Platon nous raconte que Socrate trace au sol un carré de côté deux et demande à un jeune esclave ce que devrait être le côté d’un carré dont la surface serait double du carré dessiné. Le garçon commence par se heurter à l’erreur de la réponse quatre comme à celle de la réponse trois, et c’est uniquement quand le désarroi de son ignorance ouvre l’esprit du garçon que Socrate peut discrètement dessiner la diagonale du carré et que le garçon trouve la réponse en lui-même en constatant que le carré construit en prenant la diagonale comme côté, a bien comme surface quatre fois la moitié de celle du premier carré.

Ce n’est qu’en nous rendant compte que nos convictions nous mènent souvent à une impasse, que nous pouvons travailler l’humilité de le reconnaître, le courage de l’affronter et le discernement d’écouter au fond de nous ce que nous savons déjà.

L’inéluctable révolution

Les trois totalitarismes du XXème siècle, fascisme, communisme et capitalisme, avaient évidemment en commun leur volonté hégémonique de couvrir toute la Terre mais ce qui les rassemblait avant tout, c’était leur matérialisme qui sacralisait les idéologies avec chacune son bouc émissaire, qui la race inférieure, qui le petit bourgeois, qui le populiste. Les liaisons contre nature entre le siècle des Lumières et les penseurs du XIXème siècle nous ont donné le « Deutschland über alles », le « Yes we can » et « L’internationale sera le genre humain ».

Dans tout l’occident on a sacralisé la vanité et imposé un colonialisme intellectuel en mettant en place sur toute la Terre des hommes de pouvoir déformés chez nous.

Aujourd’hui seul reste le capitalisme qui se croit gagnant car il est enfin seul. Sa force est d’utiliser les avancées extraordinaires des moyens de  communication qui se sont mondialisés pour faire croire que la réflexion et l’action se sont aussi mondialisées de la même façon, ce qui est une duperie insigne.

Le capitalisme, sous sa forme présentable de libéralisme, considère comme acquis que sa morale est La Morale, que son intelligence est L’Intelligence, que sa vérité est La Vérité et qu’il sait où il va.

Il a réussi à faire croire que la croissance créait des richesses à se partager, que l’avis majoritaire de la foule était la bonne référence et que la bonne éducation était une accumulation de connaissances choisies par lui. Aucune de ces affirmations ne tient la route. Elles sont mensonges structurels de notre société et personne ne sait où ces âneries nous mènent.

Ce qui me sidère, c’est que j’ai cru ces fadaises parce que l’on m’avait inculqué le rejet des deux autres totalitarismes pourtant tout aussi attractifs au premier abord, et que le mantra « Elles sont intéressantes tes critiques mais qu’est-ce que tu proposes ? » m’avait cloué le bec pendant des décennies. Comme s’il fallait avoir une solution, si possible simple, pour prendre conscience d’un problème !

Aujourd’hui le problème sans solution simple est notre apathie devant les drames qui se préparent et que nous refusons de voir. Cette apathie qui est étymologiquement une absence de souffrance est entretenue par notre addiction au plaisir rendue provisoirement possible par les deux esclavages, bases du capitalisme : Le libre-échange fondement théorique de l’esclavage dans l’espace et le prêt à intérêt, base pratique de l’esclavage dans le temps.

Il ne suffit pas de faire une journée contre l’esclavage et de le réduire stupidement à la traite négrière pour cacher durablement ces deux esclavages  plus scandaleux parce qu’actuels et surtout parce qu’intenables.

Sors ce mois-ci en librairie la seconde édition de mon deuxième livre « L’inéluctable révolution » aux éditions Autres Temps.

Il ne s’agit pas de rêver d’un grand soir mais de faire la révolution, à la fois individuelle et collective, de bâtir nos vies sur le discernement, l’humilité et le courage qui nous manquent tant aujourd’hui. Le discernement, l’humilité et le courage sont la base de ce que les totalitarismes du XXème siècle nous ont fait oublier et qui peut se résumer en un mot : le sacré. Le sacré est ce qui nous dépasse individuellement et collectivement, en bien comme en mal.

C’est l’énergie du sacré, l’égrégore, cette armée disparate et mélangée d’anges de lumière et d’anges déchus, qui avec l’énergie individuelle du travail et celle collective de l’argent crée l’honneur qui s’est tellement affadi aujourd’hui.

La limite du sacré, l’interdit, est forcément entredit car si elle était dite avec des mots cela sombrerait immédiatement dans la limite individuelle qu’est le choix ou la limite collective qu’est la loi. La limite du sacré ne peut parler qu’en contes, qu’en légendes, qu’en paraboles, qu’en mythes. Les mots y disent des choses inventées et l’interdit, l’entredit, dit l’essentiel entre les mots. L’interdit rajouté à la limite individuelle qu’est le choix et à la limite collective qu’est la loi, donne le serment que nous oublions si facilement.

On a mobilisé des peuples par « La Patrie est en danger ». Mais aujourd’hui notre addiction au plaisir nous a fait oublier toute notion cohérente de groupe. Exit la patrie, terre de nos pères, exit la nation, terre où nous sommes nés. Bienvenue au mondialisme, au libéralisme, à l’universalisme qui nous permettent d’évoluer dans des groupes virtuels qui ne sont que des hologrammes avec leur religion de la confiance, de la croyance et de la croissance que nous attendons individuellement comme le Messie en sachant qu’elles ne nous mèneront nulle part. Un agrégat d’individus forme une foule, pas un peuple.

Notre apathie et notre addiction au plaisir sont les vrais dangers.