La mondialisation de l’aveuglement

Quand un problème est mal posé, il n’y a pas de solutions. Cette vérité simple voit la gauche s’entredéchirer.

Il y a ceux qui rejoigne le MEDEF et la mondialisation avec Macron, Hollande, Vals et El Khomri pour rappeler sans le dire que l’humanité est passée de 1 milliard en 1800 à 7 milliards aujourd’hui et qu’un homme ne vaut donc plus rien ou plutôt ne vaut que le prix d’un Chinois qui parait déjà trop cher puisqu’on a trouvé encore moins cher d’abord au Vietnam et maintenant en Ethiopie. C’est le camp des « réalistes » qui gouvernent la France sans discontinuité depuis que Mitterrand a remplacé Mauroy par Fabius en 1984. Ce camp inclut la droite et le centre qui n’ont que les querelles de personnes pour se faire remarquer. L’ineffable Dominique Reynié des Républicains a d’ailleurs mis sur le net une pétition en faveur de la loi El Khomri qui a été immédiatement signée par le président du MEDEF, Pierre Gattaz et par son prédécesseur Laurence Parisot. Les réalistes ont fait oublier l’O.I.C. et la coopération entre Etats pour créer l’O.M.C. et la compétition entre Etats, tout en priant partout pour que la manne divine qu’ils appellent croissance retombe enfin pour donner la prospérité qu’ils continuent sans vergogne à promettre pour être élus. En attendant ils accompagnent la baisse générale du niveau de vie par des moyens aussi divers que sophistiqués que chacun peut observer. Le résultat est depuis 1984 la montée du chômage, de la dette et du déficit du commerce extérieur, la montée de la dette tentant de remplacer l’esclavage dans l’espace qu’est la mondialisation par l’esclavage dans le temps qu’est la dette et que les Français commencent à entrapercevoir. ,Il n’est pas sûr qu’ils l’acceptent.

Il y a ceux qui ont bien compris que les « réalistes » entraînaient la France vers un nivellement mondial par le bas réduisant les civilisations à des amusettes pour touristes mais ceux-là se convainquent eux-mêmes que, comme le dit Mélenchon « La France n’a jamais été aussi riche » et peut donc distribuer sa richesse au peuple tout en se protégeant. Ceux-là se contentent d’être souverainistes  et sont rejoints par Dupont-Aignan et Florian Philippot

Il y a encore ceux qui comme Martine Aubry, Daniel Cohn-Bendit ou Axel Kahn veulent la mondialisation et trouvent dans l’idéologie la force d’améliorer la vie de tous les habitants de la Terre. Ils ont signé une tribune dans Le Monde du 23 février 2016 :

 » La gauche doit porter en la matière de grandes réformes sources de compétitivité pour les entreprises et de progrès social pour les salariés, telles que la sécurité sociale professionnelle, qui permettent à chacun au XXIe siècle de rebondir en cas de difficultés, sans passer par la case chômage, et de progresser tout au long de sa vie professionnelle ».

Avec eux le problème est résolu par la gauche idéologique qui combine sans vergogne la compétitivité avec le Bengla Desh et le progrès social pour tous. Qui paye ?

Le drame est que tous les dirigeants de la Terre ont été déformés dans les universités françaises, américaines ou anglaises et qu’ils attendent tous la croissance comme le messie. Ils l’appellent tous développement économique alors qu’elle n’est qu’augmentation des dépenses. A titre d’exemple Sri Mulyani Indrawati, venant d’Indonésie, a été formatée dans l’université américaine de l’Illinois puis a travaillé à Atlanta en Georgie à l’US Agency for International Development (USAID) avant de devenir ministre des finances d’Indonésie et enfin directrice générale de la Banque mondiale. Dans une interview au Figaro du 27 février 2016 elle dit :

« Plus que jamais l’objectif prioritaire doit être la réduction de la pauvreté et l’amélioration des conditions de vie dans des pays touchés par les conflits ou dans des pays fragiles. L’objectif doit être de redonner de l’espoir aux populations. Beaucoup s’enfuient de chez eux parce qu’ils ne voient pas d’autre option. La croissance économique doit par conséquent aussi être inclusive et se soucier d’abord des 40% de la population la plus pauvre. La lutte contre les inégalités devrait être partout une priorité. Plus que jamais les questions de gouvernance, de réforme des institutions et de lutte contre la corruption doivent être traitées pour créer des sociétés justes qui permettent aux populations de réaliser leur potentiel ».

Comment peut on voir ce qu’il faut faire si l’on croit partout que la dette peut remplacer le travail, que la croissance paiera la dette et que les populations pourront réaliser leur potentiel c’est-à-dire vivre au pays de Cocagne ? De qui les politiques de toute la Terre se moquent-ils ? Ne sont-ils pas en train de tuer notre civilisation ?

Et si l’on s’intéressait à l’emploi ?

Le problème est difficile car nous vivons au-dessus de nos moyens grâce à deux esclavages, l’un dans l’espace déguisé en libre échange et l’autre dans le temps que nous appelons l’emprunt ou la dette. Nous avons une journée contre l’esclavage qui nous rassure mais nous ne vivons dans une opulence factice que grâce aux deux esclavages qui nous ont donné les avantages acquis et la protection sociale auxquels nous tenons tant. Comme aucun des deux esclavages n’est assumé, l’esclavage dans le temps fait monter la dette et l’esclavage dans l’espace creuse le déficit du commerce extérieur.

Au lieu d’analyser les raisons profondes de la montée de la dette comme de celle du déficit commercial, nous rêvons à l’inversion de leurs courbes par deux rêves très médiatisés: la création future de richesses pour rembourser les dettes et la compétitivité pour mieux vendre. Nous oublions que la richesse n’étant qu’un regard, elle ne peut pas être créée et que par ailleurs, pour être heureux, c’est sur l’axe de la coopération et non de la compétition qu’il faut avancer. Bien sûr, comme on ne touche pas aux causes et comme un rêve n’a jamais changé la réalité, les effets restent. La dette continue de monter et le déficit du commerce extérieur continue de se creuser. La parenthèse actuelle de diminution du déficit ne vient que de l’effondrement des prix du pétrole et n’est malheureusement en aucun cas une inversion de tendance.

Comment s’étonner alors que pour payer deux fois ce que nous consommons, une fois pour payer les esclavagistes dans le temps, les milliardaires de la finance, et une fois pour payer les esclavagistes dans l’espace, les milliardaires asiatiques, nous nous sommes vite aperçus qu’il fallait investir dans des usines délocalisées ou dans des machines sur notre territoire car les machines, elles, n’ont ni avantages acquis ni protection sociale. Les deux, bien évidemment, font monter le chômage. Une baisse de la consommation s’ensuit donc et les politiques peuvent enfin se croire utile en s’écharpant pour savoir s’il faut relancer l’économie par la consommation ou par l’investissement, par la demande ou par l’offre.

Et si l’on se réveillait ?

Le chômage montera avec la dette et le déficit tant que les Français accepteront de vivre au-dessus de leurs moyens grâce aux deux esclavages comme nous le faisons depuis 50 ans.

Il y a plusieurs moyens d’arrêter cette triple et sinistre ascension.

Le premier moyen est un leurre après lequel courent nos dirigeants comme leur opposition. Il s’agit de faire semblant et de faire croire comme le font admirablement les médias que la croissance arrive et qu’elle apportera l’emploi tant attendu. Faut-il encore répéter que la croissance n’est que l’augmentation des dépenses et non la manne divine à laquelle ils font semblant de croire. Ce premier moyen a et aura l’inefficacité que l’on connait puisque personne ne se demande jamais qui paye la croissance. Certains voudraient même faire croire que ce serait elle qui se paierait elle-même.

Le second moyen, efficace, radical et immédiat, c’est la guerre qui arrête d’un coup les emprunts comme les transports. Elle met les peuples en face d’eux-mêmes et les contraint à l’humilité, au courage et au discernement. Elle s’installe d’elle-même sous n’importe quel prétexte quand elle devient indispensable pour pallier la difficulté des peuples à se remettre en question et le manque d’humilité, de courage et de discernement de leurs dirigeants. La guerre a rempli sa tâche deux fois au XXème siècle et à chaque fois, en mourant, la guerre a ouvert une fenêtre au bon sens que nous avons unanimement saisie puis très vite lâchée pour nous complaire à nouveau dans nos égoïsmes et nos querelles.

Le troisième moyen est évidemment le plus délicat mais le seul à être efficace hors la violence. Il commence par se fonder sur le bon sens que les lucarnes post guerrières de 1945 à 1948 nous avaient permis d’entrevoir et qu’unanimement nous avions accueilli pour prôner la coopération et non la concurrence et la compétition, le respect de l’autre et non sa simple apparence en voulant lui imposer notre vision du beau, du bien et du vrai, fondement d’une civilisation mais pas de l’humanité entière. « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà » et « Quel est cette vertu qu’un trajet de rivière fait crime » disait déjà Montaigne.

Sur un plan extérieur c’est la Charte de La Havane qui refusait l’esclavage dans l’espace et qui imposait d’un commun accord à tous l’équilibre de la balance des paiements pour qu’aucun pays ne paye pour les autres. L’application actuelle de son esprit, refusant d’importer plus que ce que nous exportons, est la seule façon réaliste, hors la guerre, de redonner du travail aux Français qui devront fabriquer les dizaines de milliards d’euros du déficit commercial actuel. Mais ce n’est pas pour autant la panacée.

Son application navrera les milliardaires asiatiques mais les milliardaires financiers, les tenants de l’esclavage dans le temps, chercheront par tous moyens à nous y faire renoncer comme ils nous ont formatés à oublier l’OIC pour ne penser qu’OMC qui prône la compétition. Ils nous diront que les prix vont exploser et que nous vivrons collectivement et matériellement beaucoup moins bien et ils auront raison puisque l’un des deux esclavages sera clos et que nous devrons travailler nous-mêmes.

Se posera alors un problème beaucoup plus difficile à résoudre. La dette ne payant plus la consommation et le travail l’ayant à nouveau remplacée, les Français devront en tirer deux conséquences. Il nous faudra d’abord être créatifs pour fabriquer à nouveau tout ce que nous nous interdirons d’importer et que nous ne savons plus produire; la créativité de notre peuple y pourvoira. Mais il nous faudra aussi faire des choix pour savoir à quoi renoncer dans tout ce qui structure le faux Eldorado dans lequel on nous a fait croire que nous pouvions vivre. Les milliardaires de la finance avec leurs médias et leurs communicants, aidés par certains politiques et certains intellectuels, feront tout pour que nous continuions à rêver.

La question sera alors de savoir si nous préférerons continuer à bien vivre en étant par lâcheté les complices objectifs de la guerre qui s’installera sous le premier prétexte venu. Ne laissons pas la guerre faucher nos enfants parce que nous aurions préféré regarder ailleurs.

Concrètement mais autrement

Le but d’un blog est de faire circuler des idées. Il m’a été proposé mon article « Concrètement… » réécrit avec un autre style. Je le mets sur le blog en espérant des commentaires sur l’une ou l’autre forme, sur l’une et l’autre forme. Le voici :

Lors de l’interview d’un politique ou d’un économiste, tout bon journaliste aura cette phrase magique : « concrètement dîtes-moi » , « Concrètement qu’est-ce que ça veut dire ? »

Les média veulent du buzz, les hommes politiques veulent être reconnus et soi-disant de l’efficacité.

Ils se retrouvent et se contentent de l’apparence en ne se jaugeant qu’à l’aune de l’audimat pour les uns, des sondages pour les autres. Tout est dans la réaction immédiate. Il faut plaire donc mentir.

Dans mes précédents écrits j’ai utilisé l’image de l’arbre malade à partir de ses racines, son tronc est gâté de l’intérieur, ses branches sont malsaines, mais des « prestidigitateurs » s’activent avec des pulvérisateurs de vert et de brillant pour faire croire que les feuilles sont vertes, brillantes, donc l’arbre est en bonne santé.

Revenons à cette image et superposons-la à notre société. A mon avis elle est aussi malade de trois racines.

La première racine malade est la notion de richesse, qui est ce que les citoyens jugent beau et bon. Mais confondre production et richesse, concrètement est-ce que toute production est forcement belle et bonne ?

La seconde racine malade est la monnaie qui n’est que l’étalon reconnu de la richesse par l’ensemble. Alors concrètement est-ce qu’elle est belle et bonne ?

La troisième racine malade est la confusion problème/solution. Les normes sont-elles un problème ou une solution ? L’immigration est-elle un problème ou une solution ? La mécanisation est-elle un problème ou une solution ? Alors concrètement, la dette est-elle un problème ou une solution ?

Ces trois racines malades pourrissent le tronc gâté. On remplace le travail par la machine ou par la dette et on fait croire aux populations que le système est possible.

Les populations de l’ensemble de la terre regardent avec envie ce « pays de Cocagne » où il n’est pas nécessaire de travailler pour manger, se loger, être soigné.

Personne ne se pose la question : qui paye ?

Les machines et la dette cachent la vérité et montent vers des sommets toujours dépassés

Et les branches me direz-vous ?

La branche économique est la plus touchée par le venin. Les entreprises fabriquent avec des machines et de la dette, on dépense de l’argent en publicité et commerciaux et on fait croire que la production est belle et bonne.

La population est de moins en moins utile à la fabrication des richesses, mais on a besoin d’elle pour consommer, alors on se sert de la dette pour que les productions soient reconnues comme richesse.

Concrètement , on donne des week-ends des vacances, des RTT, des 35 heures que les machines, ni la dette ne réclament.

Mais les banques qui ont prêté de l’argent qu’elles n’avaient pas veulent le récupérer, or personne ne peut rembourser puisque les Etats, les entreprises, les ménages sont SURENDETTES.

Alors concrètement les richesses futures se heurtent à la réalité de la montée du chacun pour soi.

Quant à la branche éducation elle n’est pas mieux lotie puisque le travail sera fait par les machines et la dette, concrètement le seul travail admis est celui de la mémoire (et la grande tarte à la crème) qu’est la numérisation dont on ne perçoit pas encore si elle sera créatrice ou destructrice d’emplois.

La connaissance et la mémoire donnent de merveilleux diplômés inaptes à être utiles.

Ne serait-il pas plus utile de laisser le matin à l’éducation nationale et l’après-midi à une formation de la vie encadrée.

Je ne parle pas aujourd’hui de la branche politique où bon nombre de politiques, fonctionnaires, n’ont jamais été confrontés à la vie et ne pensent qu’à l’affect du peuple plutôt que de tout simplifier.

Concrètement, quand commencerons-nous à soigner les racines du mal ? 

Concrètement….

« Concrètement » est le mantra de tout bon journaliste lors d’une interview d’un politique ou d’un économiste. « Oui mais concrètement que proposez-vous ? », « Oui mais concrètement qu’est-ce que cela veut dire ? », « Concrètement que faudrait-il faire ? ». Les médias veulent du concret comme les politiques veulent de l’efficacité. Ils se retrouvent pour se contenter de l’apparence en ne se jugeant qu’à l’aune de l’audimat pour les uns, des sondages pour les autres. L’impression, le sentiment, l’affect du peuple est ce qu’ils travaillent et ce qui les fait vivre. Tout est dans la réaction immédiate qui est supposée plaire. Il faut plaire et donc faire croire.

L’image de l’arbre a déjà été prise ici mais elle revient sans cesse à l’esprit. Les voir tous s’agiter avec leurs pulvérisateurs de peinture verte et de brillance artificielle pour faire croire que les feuilles sont vertes et l’arbre en bonne santé, est dérisoire devant la réalité des faits. Les meilleurs renoncent même à espérer comme Michel Onfray qui dit « Le bateau coule, restez élégant. Mourez debout… » ou comme Charles Sannat dont je vous conseille la lecture sur www.insolentiae.com et qui écrit « Préparez-vous, il est déjà trop tard ». Personne n’analyse réellement la maladie de l’arbre à partir de ses racines malades qui donne son tronc gâté et ses branches malsaines voire pourries.

Concrètement trois racines sont malades dans notre société :

La première racine malade est la notion de richesse qui n’est plus simplement ce que le groupe juge beau et bon mais un avoir qui fait confondre la production et la richesse comme si toute production était forcément belle et bonne.

La seconde racine malade est la monnaie qui reste chez beaucoup le substitut du troc alors qu’elle n’est que l’étalon de la richesse, unanimement reconnu comme tel par le groupe parce qu’elle est stockage d’énergie humaine vécue comme belle et bonne par le groupe qui l’a émise.

La troisième racine malade est notre facilité à confondre problème et solution. Les normes sont-elles un problème ou une solution ? L’immigration est-elle un problème ou une solution ? La mécanisation est-elle un problème ou une solution ? La dette est-elle un problème ou une solution ? L’Europe est-elle un problème ou une solution ? La croissance est-elle un problème ou une solution ?

Concrètement ces trois racines malades alimentent conjointement et pourrissent ensemble un tronc complètement gâté qui remplace systématiquement le travail par la machine ou par la dette au plus grand plaisir des populations à qui l’on fait croire que le système est possible. Les populations au pluriel car la population autochtone n’est pas la seule éblouie et l’ensemble de la Terre regarde avec envie ce pays de Cocagne où il n’est pas nécessaire de travailler pour manger, être logé et être soigné. Personne ne se pose plus la question « Qui paye ? » puisque les machines et la dette cachent la réalité et montent inexorablement toutes les deux vers des sommets toujours dépassés

Concrètement la branche économique est évidemment la plus touchée par la sève qui n’est que du venin. Les entreprises fabriquent des productions avec les machines et la dette et l’on dépense beaucoup d’argent en publicité et en commerciaux pour faire croire que la production est belle et bonne et qu’il faut être un imbécile pour ne pas en avoir envie, pour ne pas voir cette beauté et cette utilité, pour ne pas voir une richesse dans cette production. La population est de moins en moins utile à la fabrication des prétendues richesses et on peut lui donner des week-ends, des vacances, des RTT, des 35 heures, des arrêts-maladie que ni les machines ni la dette ne demandent. On a même inventé un temps sans rougir le ministère du temps libre qui ne nous a même pas fait pleurer. Mais on a besoin de la population pour consommer et on se sert à nouveau de la dette pour que les productions soient toutes reconnues comme richesses en étant achetées grâce à l’emprunt. Ainsi va l’immobilier des particuliers et la mécanisation des entreprises. Mais les banques qui ont prêté de l’argent qu’elles n’avaient pas, veulent récupérer leur argent « pour détruire cette fausse monnaie » comme elles disent. Or personne ne peut rembourser puisque les Etats, les entreprises et les ménages sont tous surendettés. Le rêve de la création de richesses futures se heurte à la réalité de la montée du chacun pour soi où les particuliers imitent par la fraude les entreprises et les Etats qui veulent les ponctionner par la ruse. Mario Draghi a beau tenter de sauver les banques par son « no limit » à la planche à billet, chacun sait que le système va exploser et que les peuples devront payer la note.

Concrètement la branche éducation n’est pas mieux lotie car le seul travail qui y est admis est celui de la mémoire. Tout le reste doit être fait par les machines et par la dette avec entre autres la nouvelle coqueluche qu’est la numérisation. Non filtrée par l’expérience qui ne s’apprend pas dans les livres, la connaissance triée par le ministère donne des jeunes gens merveilleusement diplômés et totalement inaptes à être utiles. Les classes pilotes qui regroupaient les meilleurs élèves et les meilleurs professeurs pour faire l’ensemble du programme le matin et faire l’expérience de la vie l’après-midi, ont été supprimées pour élitisme. Et si on ne laissait que le matin à l’éducation nationale en la faisant récupérer son vrai nom d’instruction publique à l’école et à l’université pour donner l’après-midi au grand air à l’armée qui pourrait confronter les adolescents à des réalités simples ?

Je ne parle pas de la branche politique où des fonctionnaires qui n’ont jamais été confrontés à la vie, ne pensent concrètement qu’à plaire à l’immédiateté de l’affect du peuple en compliquant tout au lieu de tout apurer.

Concrètement ne serait-il pas plus judicieux de commencer par soigner les racines malades ? Mais là on leur en demande peut-être un peu trop.

Vœux 2016

Depuis que nous avons oublié que le vœu est une promesse faite aux dieux, les vœux sont devenus de simples souhaits de bonheur, de richesse et de santé dont les seules originalités à interpréter restent l’ordre dans lequel le votant ordonne ou élude ces trois souhaits. Ces « Je pense à vous, pensez à moi !  » ne sont-ils pas bien souvent que l’expression d’une douleur dans la constatation que les groupes se dissolvent ou, au moins, s’affadissent par absence de vrais desseins communs.

Les politiques ajoutent dans leur vœux des mots choisis, formant un message caché, travaillé et subliminal qui doit formater celui qui le reçoit. Mais plus personne ne semble savoir où nous allons si ce n’est vers un prétendu nouveau monde qu’il va falloir construire, on ne sait pas comment. Cette succession multicolore de « Bravo ! Merci ! En avant ! » cache mal le vide de la pensée d’une classe dirigeante complètement perdue et maintenant affolée donc potentiellement dangereuse.

Est-il si difficile de reconnaître que si la mondialisation de la communication  est un fait indiscutable par le téléphone, la télévision et internet, la mondialisation de la pensée comme celle de l’action n’existent pas ? La mondialisation devient une agression dès que nous parlons de valeurs universelles. Nos valeurs universelles ne le sont que dans notre univers et pas plus loin.

Est-il si difficile de comprendre qu’imposer notre pensée, bien fragile actuellement, à l’ensemble de l’humanité sous prétexte que la mondialisation serait un fait et que notre morale devrait donc être universelle, ne peut qu’entraîner des réactions violentes ? Nous avons éliminé Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi par notre morale à chemise ouverte blanche et nous récoltons Daech. Nous savions pourtant que « Qui sème le vent récolte la tempête ».

Est-il si difficile d’observer qu’une action mondialisée ne pourrait être que commerciale pour tenter, toujours davantage, de faire payer aux autres la fragilité incroyable de notre système ? La classe dirigeante, sédimentarisée dans ses erreurs qu’elle reproduit dans ses universités et maintenant dans ses grandes écoles, combat sans argument et uniquement par le mépris un soi-disant « repli sur soi » et une pseudo « volonté d’autarcie » qui n’est que respect des autres. Vouloir appliquer la Charte de La Havane unanimement signée en 1948 par l’OIC dans le cadre de l’ONU et s’obliger à avoir une balance commerciale équilibrée, c’est d’abord abandonner l’idée vaniteuse de faire payer aux autres nos propres erreurs, ce qui nous a toujours amené, dans les faits, à payer les erreurs des autres en plus des nôtres et à être systématiquement les arroseurs arrosés. C’est ensuite et surtout, la seule façon de redonner du travail aux Français en s’obligeant à fabriquer en France les 70 milliards d’euros de déficit commercial.

Certes cela montrerait aux Français que le pays de Cocagne n’existe pas, qu’il faut payer plus cher ou accepter l’esclavage quand il est suffisamment loin pour ne pas le voir. Il faudrait aussi après avoir donné du travail à chacun par l’application de la Charte de La Havane, revoir simultanément les avantages acquis et les dettes pour repartir sur des bases saines.

Mais tout cela ne peut se faire que dans la loyauté et il faut d’abord la retrouver dans notre pays. Il fut un temps où la loyauté était liée au travail, où une parole engageait et était aussi forte qu’un écrit car le risque était de se faire exclure du groupe. Le bannissement était alors pire que la mort. Le groupe se constituait à partir d’un but commun et ne supportait pas la déloyauté. Le but commun était un dessein commun, une foi commune en quelque chose, une confiance dans son vrai sens car le groupe était aussi important que l’individu et même plus important que l’individu si l’individu ne partageait pas ou plus, le but du groupe. Mais aujourd’hui nos dirigeants ont cru les faux prophètes qui fondaient tout sur des mots vides de sens, les valeurs de la république, le marché et la création de richesses futures. Ils se sont empêtrés dans des problèmes inextricables. Comme la création de richesses futures est un mythe puisqu’on ne crée pas un regard, c’est la dette qui fait encore tenir un moment le système. Mais la dette doit être remboursée et personne ne le peut. Ni l’Etat, ni les entreprises, ni les particuliers. Chacun essaie pour survivre de faire payer les autres. Il n’y a plus d’harmonie entre l’Etat, les entreprises et les particuliers. La déloyauté et la ruse se sont installées partout et l’on paye très cher la publicité pour tenter de faire croire le contraire, ce qui ne trompe personne.

Le groupe n’est plus fondé sur la raison, il est fondé sur l’émotion et un groupe fondé sur l’émotion donne le lynchage, le pogrom, Nicolas Sarkozy ou François Hollande. Il sait surtout qu’il n’a pas d’avenir, qu’il n’existe plus. Il se replie alors sur l’individualisme et le bannissement devient l’espoir de la jeunesse. Bannissement à Londres, en Syrie ou dans la mort selon les cas.

Je forme un vœu pour 2016, c’est que nous arrêtions de chercher des solutions impossibles mais que nous posions enfin le problème correctement. La force de notre peuple a toujours été de trouver des solutions aux problèmes bien posés. Sa faiblesse a toujours été de laisser la guerre bien poser les problèmes.

Noël

Dans l’armée mexicaine des rédacteurs en chef du journal Les Echos, Daniel Fortin est rédacteur en chef « Idées et Enquêtes ».

Sur Europe1, ce jour de Noël, à la question de Pierre De Vilno « Il n’y a pas un vrai retour de la croissance. Pourquoi notre économie n’arrive-t-elle pas à décoller ? »  Daniel Fortin a eu la réponse lumineuse : « Ça, c’est le grand mystère ».

Pour ce spécialiste des idées et des enquêtes, l’économie aurait dû repartir avec « la chute des cours du pétrole, la baisse de l’euro ou encore le niveau incroyablement bas des taux d’intérêts », ce qu’il appelle même « l’alignement des planètes ». Avec en cerise sur le gâteau, les effets du pacte de responsabilité, l’économie devait repartir.

Le malheureux doit avouer qu’au lieu de favoriser la reprise « ça profite davantage aux importations qu’à nos propres producteurs ». Il se lance alors en bon journaliste dans l’explication du mystère et va chercher pour comprendre, le pape de l’économie française, Patrick Artus, X, ENSAE, Science-po, professeur partout, conseiller ailleurs, membre de conseils d’administration divers dont Total et farouche partisan de l’immigration et de la productivité présentées par lui comme les deux mamelles de la croissance. Daniel Fortin explique : « Plusieurs économistes dont Patrick Artus estiment que l’offre française n’est plus suffisamment adaptée à la demande moderne. Elles ont un problème de gamme. On parle aussi du vieillissement de nos usines qui seraient beaucoup moins robotisées que celles de l’Allemagne ou de l’Italie ». En bon serviteur du système Daniel Fortin conclut par la touche d’espoir indispensable, tempérée par un conditionnel prudent : « Le problème serait structurel donc plus long à traiter, ce qui explique le retard à l’allumage de la croissance ».

Comme Noël est le jour des cadeaux, j’ai décidé de lever le mystère pour qu’il puisse enquêter en 2016 les yeux ouverts. Je lui annonce sans vouloir l’attrister que le Père Noël n’existe pas et que si les parents ne travaillent pas pour gagner de l’argent, les enfants n’ont pas de cadeaux. C’est peut-être douloureux mais c’est l’explication de son mystère.

Comme tous ses congénères et comme l’armée politicienne qu’il sert, il s’est convaincu que le PIB est une création annuelle de richesses à se partager, alors qu’il n’est que la somme de toutes nos dépenses avec un argent que nous gagnons de moins en moins et que nous empruntons de plus en plus à des banques qui n’en ont pas et qui, faute de récupérer l’argent créé par elles, commencent déjà à déposer le bilan comme en Italie ou au Portugal en dépit du rachat par la BCE de toutes leurs créances douteuses sur des Etats qui ne peuvent rembourser qu’en empruntant davantage.

Mais de même que les enfants n’aiment pas apprendre que le Père Noël n’existe pas, les Français n’ont pas du tout envie d’entendre que la croissance n’a jamais été l’augmentation des richesses produites mais qu’elle n’est que l’augmentation des dépenses quelles qu’elles soient. Il est tellement agréable de croire vivre dans un pays riche, de se croire capable d’être généreux sans se restreindre, de penser à 20 ans qu’on sera riche à 40 ans parce qu’il est normal d’avoir sa part de la croissance.

Je sais qu’il y a dans mes lecteurs des gens honnêtes qui ont du mal à croire que le PIB n’est que la somme des dépenses tellement cela remet tout en cause. Qu’ils lancent le débat ici, je répondrai à tous et qui sait ? Je me mettrai peut-être à croire au Père Noël s’ils sont convaincants.

Je cherche la personnalité politique qui arriverait à dire aux Français que le Père Noël et le pays de Cocagne n’existent pas. Dans le système électoral actuel ce serait évidemment suicidaire. Allez tenter un scrutin  majoritaire sur l’existence du Père Noël chez des enfants de 6 ans et vous aurez le même résultat qu’avec des adultes français consultés sur le PIB qui est forcément une production et forcément une création de richesses.

Qui a encore envie de réfléchir et de s’intéresser vraiment aux générations suivantes ? A mes yeux sûrement pas Patrick Artus et Daniel Fortin.

Avec quoi rembourser la dette ?

En ce jour des morts, le lendemain de celui de tous les saints, il est bon de regarder le site http://www.economist.com/content/global_debt_clock pour suivre en direct la montée inexorable de la dette publique mondiale. Elle est de 57.300 milliards de dollars et augmente de près de 7 milliards d’euros par jour.

Dans ce monde où l’on a tellement peur de la mort qu’on ne veut pas voir qu’elle fait partie de la vie, dans ce monde où les puissants ne prônent plus que l’individualisme après avoir fait sortir du collectif tout ce qui ressemblait à du bon sens, dans ce monde où les jeunes diplômés rêvent pour se rassurer d’embarquer sur des Titanic alors qu’en l’état, seuls les bouchons résisteront à la tempête, dans ce monde où l’apparence a détrôné la réalité et où la dépense devient richesse, dans ce monde où la vanité des puissants essaie de faire croire qu’un petit réchauffement de l’atmosphère terrestre est l’œuvre de l’homme alors que les mêmes sont incapables d’expliquer pourquoi, avant l’apparition de l’homme, la terre a eu des époques glaciaires et des époques très chaudes qui ont vu jaillir les Pyrénées et les Alpes, dans ce monde du grossissement médiatique des petits maîtres, au pouvoir ou dans son antichambre, comment ne pas prendre le temps de s’asseoir pour penser à tous ceux qui nous ont précédé en espérant pour leur descendance une vie riche, pure et juste ?

La prétention absurde des Attali Minc ou BHL de résoudre les problèmes de la même façon sur toute la Terre au mépris du respect de toutes les civilisations autres que la leur, a contaminé tous les suiveurs que la réflexion n’intéresse pas. Cette prétention largement diffusée par les médias nous entraîne dans une fuite en avant grotesque où l’uniformisation de tout, casse toute émergence de solution réaliste. La Bible nous apprenait pourtant déjà que lorsque les hommes ont voulu construire tous ensemble la tour de Babel pour « transpercer le ciel » Dieu les a dispersés en civilisations diverses ne se comprenant plus. Avons-nous oublié de nous nourrir de nos propres mythes ?

La dette ne sera jamais remboursée. Tout le monde le sait mais aujourd’hui personne n’ose le dire car le système ne tient que si l’on continue à emprunter. Tsipras s’est couché car il devait continuer à emprunter des euros puisqu’il avait peur de retourner à la drachme. S’il ne se couchait pas, on ne lui prêtait plus ce qu’il continuait à croire indispensable pour son pays. Il s’est couché et rien n’est résolu puisque les Grecs continuent à dépenser plus que ce qu’ils gagnent. Chacun sait que cela va exploser à nouveau.

Nous devons retrouver la capacité de ne pas dépenser plus que ce que nous gagnons. Les critères imbéciles de Maastricht de ne pas dépenser annuellement  plus de 103% de ce que nous dépensons annuellement et de ne pas emprunter plus de 60% de ce que nous dépensons chaque année, laissent assez pantois et permettent aux ignares de rêver. Dépensons plus et nous pourrons emprunter plus et dépenser encore davantage ! Tant qu’il y aura des « économistes » à défendre ces inepties nous ne pourrons faire aux créanciers le bras d’honneur que la vie imposera. Une fois encore et comme d’habitude, ce que l’intelligence ne fera pas, la guerre le fera.

L’irréalisme ambiant

Comme il est triste de voir les Politiques de tous pays s’échiner à résoudre un problème qu’ils ne peuvent résoudre puisqu’ils se lamentent de la montée en pression de la marmite qu’ils dirigent, tout en activant le feu qui fait monter cette pression ! Ils se haranguent les uns les autres et haro sur le baudet qui est au pouvoir en oubliant qu’ils étaient et seront d’autres baudets impuissants puisque personne n’a jamais su gérer un rêve.

L’Occident s’est servi d’une multitude de trouvailles techniques comme l’électricité, l’usage du carbone fossile, le téléphone, l’automobile, le train, l’aéronautique, la télévision, l’informatique, le nucléaire et internet pour diffuser en l’enveloppant, l’idée fausse que, pour la première fois dans toute l’histoire de l’humanité, un peuple pouvait s’enrichir sans en appauvrir un autre et qu’à l’intérieur d’un peuple la faculté existait d’amasser sans dépouiller quiconque. On a dansé sur la sottise du gagnant-gagnant. On a confondu le regard émerveillé sur tant de nouveautés avec des richesses à se partager

Jusque-là on ne s’enrichissait qu’en appauvrissant quelqu’un d’autre, ce qui posait toujours quelques problèmes moraux. L’appauvrissement pouvait être volontaire pour remercier d’un apport matériel ou spirituel mais il était la plupart du temps imposé par les mises à sac, les razzias ou par l’esclavage présent sur tous les continents à l’exception de l’Australie aborigène. Le XXème siècle a tenté de faire croire à l’enrichissement naturel du peuple sans contrepartie. Pour réussir cette gageure, il a fallu cumuler plusieurs erreurs et surtout les instiller comme vérités dans les têtes.

Une fausse analyse de la monnaie d’où découlent toutes les autres erreurs. La monnaie étant au départ un stockage d’énergie humaine, nous avons oublié que toute création de monnaie sans augmentation d’activité humaine efficace équivalente dans le groupe, produit mécaniquement une dévaluation.

Une fausse analyse de la richesse que nous avons confondue avec la production en oubliant que la production pouvait produire des embarras et des déchets. Nous payons à crédit avec les richesses futures en oubliant qu’elles ne seront richesses que si l’argent pour les acheter existe déjà sans faire appel au crédit ou à l’emprunt.

Une fausse analyse de la mécanisation qui, si elle permet une production importante à prix diminués, continue à produire une fois les besoins rassasiés, et devient alors hors de prix par les coûts exorbitants de la publicité pour créer une ambiance de désir, du commercial pour exciter le désir et des banques pour rendre le désir accessible.

Une fausse analyse de la circulation des biens et des services avec l’invention fabuleuse et grotesque du PIB qui, de simple photo des échanges monétarisés, est devenue corne d’abondance qui justifie tout. On a inventé la création annuelle de richesses. Plus on dépense, plus on est riche, demain paiera.

Il faut une complicité quasi générale pour réussir une telle catastrophe. Faisons la liste des agents du désastre :

– Les banques avec le passage du prêt sur gage au prêt sur richesses futures et avec la création de fausse monnaie.

– Les publicitaires qui transforment à grand frais les rebuts en richesses.

– Les politiques avec l’oubli du service au profit du panache, de l’utile au profit de l’agréable et du concret au profit de la fuite en avant. Plaire ou conduire il faut choisir. Ils ont tous choisi de plaire, électoralisme oblige !

– Les philosophes qui aiment trop la sagesse pour la partager.

– Les médias qui rassurent, anesthésient et divertissent au lieu d’informer et de convertir.

– Les universitaires qui s’admirent dans leurs bulles en décérébrant leurs étudiants qui n’ont leurs diplômes que s’ils répètent les erreurs de leurs maîtres et qui sortent des universités, formatés et sûrs de tout sauf d’eux-mêmes.

– Le peuple trop content de pouvoir s’enrichir et qui n’a pas du tout envie de se demander qui va payer puisqu’on lui dit que ce sont les richesses futures. Il s’est laissé très volontiers convaincre que la dépense était une richesse et qu’il était possible de passer 25 ans à l’école, 20 ans en retraite avec au milieu quelques 35 années hyper protégées. Il a gobé que son « travail » entre les vacances, les week-ends, les arrêts-maladie et les RTT, pouvait le rendre propriétaire dans ce monde de l’avoir. Qui ne croirait pas au pays de Cocagne quand on lui fait croire qu’il existe. Toute la Terre va d’ailleurs vouloir venir vérifier sur place son inexistence.

– Les religions qui ne sont plus en occident les rassembleurs des questions sans réponses sur ce qui nous dépasse. Elles ont oublié leur utilité première qui est de faire passer des réponses, rassurantes mais approximatives et ambigües, par l’unanimité de ceux qui les entendent et qui s’y retrouvent en fraternité. Elles se contentent aujourd’hui de l’horizontalité de la solidarité en oubliant que l’on peut être solidaire d’un bloc de béton mais pas lui être fraternel par manque de verticale commune.

Mais si nous vivons depuis un siècle sur le rêve du « plus on dépense plus on est riche, demain paiera » et si nous continuons inlassablement à compliquer le problème en consommant et en investissant en comptant sur demain, la réalité reprend la main en nous renvoyant déjà aujourd’hui en boomerang la question « Et aujourd’hui qui va payer hier ? ».
Tout le monde est endetté, l’Etat, les entreprises et les particuliers et personne ne peut payer. Et les rares qui le pourraient encore car ils ont appauvri tous les autres, ne pensent qu’à dissimuler leur magot.

Le résultat est ce que nous constatons tous : un individualisme forcené des personnes physiques comme des personnes morales, qu’elles soient publiques ou privées. Chacun se bat pour faire payer tous les autres avec une intelligence et une créativité qui font rêver quand on imagine ce qu’elles pourraient apporter à la solution du problème si on acceptait de le poser correctement.

Mais poser le problème correctement n’intéresse personne. Nous préférons réinventer l’esclavage très loin ou chez nos paysans quand ils n’ont pas trahi leur monde en rentrant dans un système intensif et pervers que demain devra payer. Nous préférons bloquer définitivement le mal dans l’Allemagne nazie ou la Russie soviétique plutôt que de le voir à l’œuvre aujourd’hui. Nous préférons bloquer le mal chez Daesh plutôt que de le voir chez nous. Nous préférons rêver en sachant que nous rêvons plutôt que de nous réveiller, ce qui nous pousserait à nous lever. Nous préférons nous évader plutôt que d’affronter en laissant malheureusement à la vie le choix des moments des affrontements non préparés.

Dans un entretien très intéressant paru dans le Figaro du 25 mars 2015 Michel Onfray et François-Xavier Bellamy, tous deux agrégés de philosophie, répondaient in fine à la question : Que dire à un jeune de 20 ans ?

Michel Onfray – Le bateau coule, restez élégant. Mourez debout…

François-Xavier Bellamy – Nous sommes vivants. Quelles que soient les circonstances, l’histoire n’est jamais écrite d’avance : le propre de la liberté humaine, c’est de rendre possible ce qui, en apparence, ne l’était pas…

Permettez-moi d’apporter ma propre réponse – Ne vous contentez pas de mourir en dandy élégant, ne vous satisfaites pas d’espérer réaliser ce que vous n’imaginez même pas. Posez le problème que les générations qui vous ont précédés n’ont jamais osé regarder en face tellement il est monstrueux et complexe. Ne cherchez pas à le résoudre, vous vous y casseriez les dents. Faites confiance à la diversité des intelligences françaises pour le résoudre une fois qu’il sera bien posé. Ne fuyez ni dans l’espace ni dans le temps et si vous vous entraînez avec bonheur à exister dans des mini espaces-temps, n’oubliez jamais que votre pays a besoin de vous et que vos deux concurrents ne vous feront aucun cadeau. D’un côté la croissance portée par tous les politiques radoteurs cherchera toujours à vous endormir et à vous réduire à des ventres et à vos besoins. De l’autre la violence portée par toutes les fausses solutions d’un problème mal posé cherchera toujours à vous faire trouver des boucs émissaires et à vous réduire à votre cœur et à vos sentiments. Laissez votre cerveau être votre maître, l’humilité, le courage et le discernement éclaireront votre chemin. Ils vous montreront d’abord que vous n’êtes pas seuls et que, pour avoir un avenir, un peuple doit avoir un dessein.

Concurrence ou coopération ?

Concourir c’est courir ensemble comme coopérer c’est agir ensemble. Ces deux beaux mots se sont progressivement éloignés car si coopérer n’a comme seule interprétation négative qu’un but condamnable, concourir véhicule aussi la possibilité de faire chuter le concurrent.

Or les économistes, formatés et perdus, ne savent plus à quel saint se vouer. Ils refusent obstinément de regarder la réalité en face et ont convaincu les Politiques de continuer à attendre la croissance en s’invectivant mutuellement pour ne pas savoir la faire venir. On ne peut que respecter le malheur des économistes car, comme pour les communistes, il est difficile de leur demander l’effort presque surhumain d’accepter de s’être trompé pendant toute leur vie.

La croissance n’arrivant évidemment pas puisqu’elle n’est qu’augmentation des dépenses alors que chacun dit vouloir les réduire, toute notre économie est rentrée d’un seul pas dans la voie suicidaire de la concurrence sous toutes ses formes. Pas une entreprise qui ne cherche de nouvelles parts de marchés, c’est-à-dire à en enlever aux autres. Il faut être compétitif, acheter au moins cher n’importe où, payer le moins possible les salariés et vendre le plus vite possible à grand frais de publicité

La concurrence  a un immense intérêt aux yeux de nos élites actuelles :  elle permet de ne pas voir que c’est le but de la course qui est insensé et de dépenser toute notre énergie à ce que ce soit les autres qui meurent les premiers. Au lieu d’accepter que le PIB n’a jamais créé aucune richesse avec toutes les remises en question que cela entraînerait, nos élites se sont convaincues elles même que la compétitivité résoudrait les problèmes au moins le temps pour elles d’atteindre leurs retraites.

En réalité il faut revenir au bon sens et c’est souvent dans l’unanimité qu’on le trouve. Et cette unanimité c’est souvent à la suite d’effroyables difficultés qu’elle se forme au moins provisoirement. Ce fut le cas à la fin de la deuxième guerre mondiale où la coopération a été choisie par deux fois à l’unanimité mais pendant si peu de temps !

En interne cela a été le programme du Conseil National de la Résistance (CNR) signé par tous ses membres, des gaullistes aux communistes en passant par les socialistes, les chrétiens démocrates et les radicaux. Il a malheureusement été vite abandonné au profit des petites querelles d’appareils et de places à prendre.

En externe cela a été l’Organisation Internationale du Commerce (OIC) créée unanimement par la charte de La Havane sous l’égide de l’ONU après avoir travaillé de novembre 1947 à mars 1948. L’OIC fondé sur la coopération entre les nations prônait des échanges équilibrés entre nations pour renoncer à faire payer les autres. Moins de 50 ans après en 1995 on créait à Genève l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) fondée sur la concurrence et sur la liberté du renard dans le poulailler. L’OMC, fleuron du capitalisme est fondamentalement opposé à l’OIC dont on a veillé à ce qu’elle soit gommée des esprits comme la charte de La Havane. Le GATT qui avait été créé en attente de la ratification de la charte de La Havane a servi avec ses différents rounds de passerelle entre la coopération de l’OIC et la concurrence de l’OMC dont nous récoltons les fruits amers.

Tout changera le jour où l’on reviendra à la coopération en abandonnant concurrence, compétitivité et autre stratégie du croc-en-jambe. Comment va-t-il falloir le dire ?

La richesse

La richesse est avec le progrès un des mots les plus ambigus de la langue française. Non qu’il n’ait pas un sens précis mais le capitalisme s’en est servi pour faire de ses victimes ses complices.

Le mot riche vient du mot franc riki qui veut dire puissance, pouvoir et qui a aussi donné en allemand, le reich.

Tout groupe a dans son lien social et dans ses lois écrites ou coutumières, sa notion du beau, du bien et du vrai comme celle de leurs mélanges deux à deux, le juste qui joint le bien au vrai, le pur qui rassemble le beau et le vrai (il peut y avoir de purs salauds) et le riche qui cumule le beau et le bien ( une riche idée est à la fois une bonne idée et une belle idée). Ces six notions, le beau, le bien, le vrai, le pur, le juste et le riche sont toutes totalement abstraites. Elles ne se chiffrent pas, elles s’apprécient en pourcentage de la perfection vue subjectivement par des regards généralement communs aux membres du groupe. Les regards ne sont d’ailleurs pas toujours communs et les ferrailleurs, les brocanteurs et les antiquaires gagnent leur vie sur des différences de regards. Ce qui est déchet ou embarras pour les uns, peut être richesse pour d’autres. Ces notions varient d’ailleurs de groupe en groupe et Montaigne écrivait : « Quelle est cette vertu qu’un trajet de rivière fait crime ? » et « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà ». Elles se chevauchent aussi. « C’est bel et bien lui » veut dire « c’est vraiment lui ». « Une bonne grippe » et « au beau milieu du discours » ne sont ni dans le beau ni dans le bon mais dans le vrai.

Le pouvoir, quand il a besoin de l’approbation du peuple, utilise volontiers ce qui plait, le beau et le bon, en laissant souvent de côté le vrai qu’il faut affronter et qui est donc nettement moins plaisant. On retrouve donc plus souvent le pouvoir du côté de la richesse que du côté de la justice ou de la pureté. C’est la nature humaine qui sépare si souvent le pouvoir de la vérité. On le comprend mieux si l’on est conscient que la puissance est le sens premier de la richesse. Le pouvoir a toujours du mal à ne voir la richesse que comme un regard et voudrait tout chiffrer. Le peuple en revanche était beaucoup plus sage par ses maximes comme « Le riche est celui qui se contente de ce qu’il a ». Diogène dans son tonneau était riche de son soleil quand il a dit à Alexandre le Grand : « Ôte-toi de mon soleil ».

Pour créer une richesse, il faut simplement changer de regard. Je me souviens étant enfant avoir passé un été sur le plateau d’Emparis que l’on n’atteignait alors qu’à dos de mulet et ou les bergers faisaient sécher les bouses en les retournant au bout de trois jours et en les laissant reposer un an à l’abri pour s’en servir de combustible à cette altitude où il n’y a plus d’arbres. Ils avaient créé des richesses qu’ils utilisaient eux-mêmes mais ces bouses séchées restaient des encombrements et des déchets pour l’enfant que j’étais et qui savait que je ne reviendrais plus.

La création de richesses par les entreprises, qu’elles soient de production ou de service, est particulière car elle se fait en deux temps. Dans un premier temps l’entreprise, qu’elle soit unipersonnelle ou multinationale, fabrique un bien ou propose un service sans avoir généralement la certitude que sa production sera achetée. Elle crée ce qu’elle espère être une richesse en dépensant de l’énergie humaine stockée qu’est l’argent et de l’énergie humaine vive qu’est le travail. Mais sa création n’est qu’une richesse potentielle et peut être un encombrement qu’il faudra mettre en stock ou même un déchet si aucun acheteur ne vient s’appauvrir pour l’acheter. Cette richesse aléatoire ne deviendra vraiment richesse que lorsqu’un acheteur viendra jeter sur elle un regard d’envie et qu’il le concrétisera en s’appauvrissant pour le payer.

L’argent dont le client s’est appauvri pour acheter, servira à payer les fournisseurs, les salariés, les actionnaires et la collectivité sous forme de taxes, d’impôts ou de cotisations, mais surtout cet argent aura transformé une richesse potentielle en une richesse réelle. C’est cet argent et lui seul qui a prouvé que l’on pouvait regarder la production de l’entreprise comme une richesse. Il n’est donc pas possible de dire que l’entreprise crée des richesses sans regarder de près l’origine de l’argent du client qui a réellement créé la richesse en abandonnant son argent. Dans une économie normale l’abandon par l’acheteur de son argent est une vraie preuve que la production de l’entreprise est une richesse à ses yeux car l’argent durement gagné se dépense difficilement.

Mais la mécanisation a amené une production continue qui a souvent dépassé les besoins et créé des produits qui n’étaient plus des richesses mais des encombrements, voire des déchets. C’est là où le capitalisme intervient à grand frais en créant à la fois le désir par la publicité (le sport et les médias ne vivent que par elle) et la possibilité par le prêt bancaire que l’on présente comme indolore puisque remboursé par la création de richesses futures. Non seulement la publicité et l’emprunt coûtent intrinsèquement très cher mais les richesses futures n’étant qu’un mythe, il va falloir, nous dit-on, sauver les banques en prenant au sérieux leurs actifs donc en remboursant les prêts sans création de richesses nouvelles.

Nous sommes donc aujourd’hui dans une arène où les états endettés, les entreprises endettées et les particuliers endettés se mènent un combat à armes de moins en moins mouchetées pour savoir qui va s’appauvrir pour sauver les banques. Il ne faut pas longtemps pour comprendre que les entreprises paieront avec l’argent de leurs clients, les états avec l’argent de leurs contribuables, bref qu’au bout du compte c’est le peuple qui, s’il l’accepte, s’appauvrira pour sauver les banques.

La bataille sur la réalité de la création de richesses futures ne fait que commencer car le capitalisme mourra le jour où il y aura prise de conscience générale que la création de richesse est un leurre. Inutile de dire que la bataille sera rude. Le formatage des esprits est profond pour nous faire croire que nous sommes un pays riche alors que nous ne sommes qu’endettés pour des biens que nous surévaluons,

Le bon sens  triomphera-t-il ?