Renouer avec la prospérité

Un « journaliste économique  » d’Europe 1 expliquait récemment que pour renouer avec la prospérité il fallait accepter la rigueur.

Le discours politico-médiatique est en crise car il vit mal son écartèlement.

Une fois que l’on a compris d’abord que la croissance n’est que la dépense, ensuite que l’argent n’a plus rien à voir avec de l’énergie humaine stockée et enfin que l’oligarchie au pouvoir, toutes fausses nuances confondues, a besoin de beaucoup d’argent pour acheter notre affect et déguiser finement la ploutocratie en démocratie pour garder le pouvoir, nous ne pouvons que constater l’impossibilité dans laquelle le discours politico-médiatique est obligé de s’enfermer et les contradictions qui s’affichent de plus en plus au grand jour.

D’un côté on attend la croissance. Notre président va même en Côte d’Or pour tenter de redorer sa cote. Il faut dépenser !  Peu importe que la dépense soit intelligente ou stupide, peu importe que ce soit avec de l’argent laborieusement gagné ou avec de l’argent volé, emprunté ou fictif, peu importe que ce que l’on paye soit utile ou nocif, il faut dépenser pour faire de la croissance. « Importons et consommons » disent ceux qui se croient de gauche tout en disant que nous, méchants occidentaux, nous consommons trop. « Investissons et exportons » disent ceux qui se croient de droite et qui n’arrêtent pas de déprécier les actifs qu’ils ont acheté beaucoup trop cher. Tout le système repose sur la croyance en une valorisation d’actifs qui permet l’emprunt pour dépenser mais qui ne tient que si le système continue. L’INSEE additionne « en volume » le PIB et les importations et additionne en monnaie le PIB et les exportations !

De l’autre côté l’idéologie du mondialisme nous oblige à approuver les instances supranationales (la Commission de Bruxelles, la Banque Centrale Européenne, rue du Kaiser à Francfort, le FMI, l’OCDE, l’OMC) qui toutes nous disent de dépenser moins en coûtant elles-mêmes très cher.

Augmenter la dépense publique pour faire de la croissance. Diminuer la dépense publique pour plaire au marché et continuer à pouvoir emprunter un argent qui n’existe pas mais qui rapporte gros aux fabricants de rêves. Il faut faire les deux il faut augmenter et diminuer à la fois.

Cela donne le jeu sympathique parlementaire entre ceux qui disent qu’il faut dépenser plus (accepter le déficit budgétaire) pour pouvoir enfin dépenser moins ( freiner l’augmentation de la dette !!!!! ) et ceux qui disent qu’il faut dépenser moins (accepter la rigueur) pour pouvoir enfin dépenser plus ( renouer avec la prospérité ).

Se moquent-ils de nous ou d’eux-mêmes ? C’est la seule question qui nous sépare encore d’une prise de conscience intelligente ou du désastre.

Au royaume des aveugles les borgnes sont rois

La complicité objective des peuples et de leurs dirigeants, cachée sous le beau mot de démocratie, est en Occident le frein essentiel à toute solution douce de ce que le monde médiatico-politique appelle la crise. Faut-il pour autant condamner les aveugles ou reprocher aux borgnes d’être des cyclopes ? Non mais tenter de leur ouvrir les yeux n’est pas défendu.

D’un côté, les peuples occidentaux sont ravis de croire que le progrès et la croissance leur font vivre un confort que très peu de leurs aînés connaissaient. Ils n’en profitaient d’ailleurs que par héritage ou par un travail efficace, rude et acharné. Aujourd’hui les peuples occidentaux sont prêts à envisager des pauses dans l’augmentation permanente de leur confort mais font semblant de croire qu’un retour à la dureté réelle de la vie est impossible. Un chauffeur de taxi tunisien disait avec grand bon sens : « Chez nous si on ne travaille pas, on ne mange pas. Ici qu’on travaille ou qu’on travaille pas, on mange. Alors on vient tous ici ». Mais cette croyance n’est que superficielle et chacun sait bien que tout cela est provisoire et fait peur. Cette peur se transforme en haine de soi ce qui fait la fortune des psys, ou/et en haine des autres ce qui fait monter la violence lentement mais sûrement.

De l’autre côté, les classes dirigeantes se servent du côté assez inique du confort par héritage pour faire croire qu’elles vont l’offrir à tous sans que la pénibilité du travail soit une nécessité. Pour cela, avec l’appui intéressé de la fausse science économique, elles utilisent l’énergie sociale qu’est l’argent pour assouvir les désirs du peuple. Plaire ou conduire, il faut choisir, et les Politiques ont choisi. Ils cherchent à plaire en berçant le peuple par la survie assurée et le plaisir anesthésiant, « Panem et circences » comme l’écrivait le trop méconnu Juvénal qui décrivait la société romaine décadente et si proche de la nôtre.

Certains Politiques sont de bonne foi et croient réellement qu’en changeant le temps avec la recherche et l’innovation, qu’en changeant l’espace avec l’Europe et le mondialisme, qu’en changeant les hommes avec la formation, Dieu nous récompensera en nous envoyant la Croissance qui nous donnera enfin l’argent que nous empruntons en attendant Godot. Ils réalisent mal que toutes les idéologies (fascisme, communisme, capitalisme) sont expansionnistes et se veulent universelles comme maheureusement certaines religions comme le catholicisme, certain protestantisme et l’islam. Les idéologies restent les spécialistes du faire-croire et au bout du compte elles échouent systématiquement, et à convaincre, et à imposer.

D’autres Politiques sont cyniques et savent très bien que cela ne mène nulle part mais hésitent entre le « Je suis leur chef, il faut bien que je les suive » du maréchal de Saxe et le « Après moi le déluge » de Louis XV. Ils se recentrent sur leur cœur de métier qui est l’élection. Ils sont attentifs à toujours dire ce qui plait à leur électorat.

Tous, honnêtes hommes de fond ou de forme, utilisent la boite de Pandore ouverte en août 71 qui a déconnecté les monnaies de toute valeur objective et a rendu surpuissants tous ceux qui traînaient dans leurs circuits. Plus personne ne sort de la phrase imbécile « au début était le troc et un jour c’est devenu trop compliqué et on a inventé la monnaie » et ils créent sans arrêt par des moyens de plus en plus sophistiqués l’argent dont ils ont besoin pour acheter leur peuple.

La crise est la confrontation entre leur rêve impossible et la réalité. Nous sommes dans la période difficile où tous les efforts sont demandés aux peuples pour faire durer encore un peu le faire-croire.

Les axes de réflexion pour minimiser les risques de guerre sont tous rejetés par le peuple qui sans le savoir prépare sa propre tombe. Il faut tout de même que ceux que la vraie politique intéresse les regardent en face.

Il faut :

1) Donner une définition compréhensible de l’entité géographique et humaine à laquelle nous appartenons en se souvenant de « La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf ». Du village à l’Europe quelle est l’entité primordiale ? Ne serait-ce pas la France ?

2) Reconnaître des définitions communes du Beau, du Bien et du Vrai comme constitutives d’un groupe. L’approche commune de leurs trois mariages deux à deux, le Riche, le Juste et le Pur, est le lien social d’un groupe vivant. L’harmonisation fiscale et sociale en est naturellement l’une des conséquences et si elle n’existe pas, n’est-ce pas la preuve de la fictivité du groupe ?

3) Protéger cette entité pour que ses membres aient tous le travail auquel ils ont droit mais soient mis en face d’eux-mêmes et qu’ils puissent affronter puis résoudre leurs contradictions que révèlera la hausse des prix inhérente au protectionnisme.

4) Renoncer à la fausse démocratie du « un homme, une voix » qui ne donne le pouvoir qu’à l’argent pour travailler les deux axes possibles de la vraie démocratie à inventer : le permis de voter et le tirage au sort.

5) Renoncer au laminage intellectuel de la prétendue Education Nationale qui limite l’éducation à l’accumulation de connaissances en se faisant concurrencer par internet, pour ajouter à nouveau les compléments indispensables de l’expérience et de l’apprentissage du discernement.

Il reste pour éviter la guerre à répondre à la question : faut-il convaincre le peuple pour convaincre ses dirigeants ou faut-il convaincre les dirigeants pour convaincre le peuple ? Et qu’en pensent les médias ?

Une pensée maîtresse du monde

Le 17 mars dernier au Sénat se tenait un colloque organisé par l’association Démocraties au cours duquel j’ai dit ces quelques mots :

Il m’a été proposé de travailler « L’argent et l’économie sont la création d’une pensée devenue maîtresse du monde ». Je ne peux que le constater et le déplorer. Je vais essayer de vous en proposer une explication.

L’oïkos, la maison en grec, a donné le préfixe éco à l’économie, l’action dans la maison, et à l’écologie, l’étude de la maison. Malheureusement l’expérience tirée de l’économie et la connaissance tirée de l’écologie n’ont pas réussi à s’associer au discernement pour faire vivre l’écosophie, la sagesse de la maison, dont le but est d’exprimer les problèmes et d’en explorer les réponses possibles.

Le siècle des Lumières a éveillé en Occident le « Yes we can » qui a fait florès depuis, et l’homme occidental s’est décrété encyclopédique. Il a cru avoir atteint la Vérité avec un grand V, l’etumos grec alors qu’il n’était, comme les autres, que dans l’aletheia, la vérité contingente, celle du groupe, celle qui devient erreur en franchissant les Pyrénées comme le disaient Montaigne et Pascal. Mais ce souffle de confiance en soi, marié au savoir universel Hégélien et à la puissance Nietzschéenne a donné corps à tous les rêves adolescents. Du premier rêve adolescent « Je suis le plus fort et le plus beau », nous avons fabriqué le fascisme. Du deuxième rêve adolescent « Personne ne me donne d’ordre », nous avons fabriqué le communisme car la dictature du prolétariat n’a jamais été qu’une étape vers l’absence d’Etat. Du troisième rêve adolescent « La vie est facile et tout m’appartient », nous avons fabriqué le capitalisme. Ces trois idéologies fondées sur la prétendue capacité de l’homme a tout résoudre, se sont voulues modernes, c’est-à-dire « à la mode », vecteur de progrès sans dire vers où, et universelles puisque ne supportant pas plus la contradiction qu’un rouleau compresseur. Toutes ces idéologies ont voulu faire croire qu’elles venaient du peuple alors qu’elles étaient venues de l’esprit d’intellectuels, certes brillants, pendant que le peuple était, lui, déjà condamné au concret. Elles ont développé au siècle dernier deux courroies de transmission, les médias pour séduire et l’administration pour maitriser. Dans les trois cas les médias ont glissé vers la propagande, et l’administration est devenue policière, ce qui a séparé encore davantage le peuple de ses élites qui ont eu du mal à réaliser que séduction et contrôle rendaient de plus en plus difficiles leur réconciliation avec le peuple.

Aujourd’hui l’Occident est divisé entre ses peuples et ses classes dirigeantes. Les peuples tentent de survivre et transforment leur peur de l’avenir en haine de soi (chacun doit avoir son psy) ou en haine des autres avec la montée de la violence. Les classes dirigeantes, malades de leur vanité font corps avec le capitalisme. Or le capitalisme, fort de la mort de ses deux concurrents, pense avoir réalisé leur rêve et avoir enfin réussi à construire cette tour de Babel qui transperce le ciel. Le capitalisme est convaincu d’avoir transformé sa médiocre vérité contingente en vérité universelle et mondialisée. La pensée occidentale se réduit jour après jour à une gestion des contradictions du capitalisme, à un « faire croire » sans y croire et à une immédiateté qui a peur d’un lendemain que personne ne voit plus. Comme tout ce qui est faible, la pensée occidentale se protège par des affirmations péremptoires. Nos élites sortent d’écoles où on leur a fait croire qu’elles étaient les meilleures et d’universités où, pour avoir leur diplôme, elles ont répété sans comprendre ce qu’elles ont entendu. La pensée occidentale a fortement décliné en discernement, en courage et même dans la perception de la réalité.

Les applications de ce constat difficile sont nombreuses. Les décisions fondées sur les fausses certitudes s’opposent à la vérité des faits comme des plaques tectoniques qui, s’avançant l’une vers l’autre, conduisent toujours aux séismes. La classe dirigeante appelle ces séismes « La crise » car cela lui donne l’impression que cela s’arrêtera de soi-même et surtout qu’elle n’en est pas responsable. Notre élite est perdue et n’arrive même plus à se l’avouer tellement il lui faudrait accueillir le fait de s’être trompée pendant des décennies. Les communistes ont fait ce deuil, avec difficultés, mais les capitalistes n’arrivent pas encore à réaliser que leur voie aussi est sans issue. Notre élite se repose unanimement sur un quadrige de fées qui doit tout résoudre. La fée innovation pour changer le temps, la fée Europe pour changer l’espace, la fée formation pour changer les hommes et la fée croissance qui doit fabriquer dès son retour prochain les richesses qui régleront tous nos problèmes.

Nous connaissons tous le conte d’Andersen « Les habits neuf de l’empereur » dans lequel des escrocs convainquent l’empereur, de la beauté d’un tissu que les imbéciles ne peuvent pas voir. Tout le monde, y compris l’empereur, admire la beauté du costume fabriqué par les escrocs avec ce merveilleux tissu jusqu’à ce qu’un enfant dise « Mais il est tout nu ! ». En 1971 le très sérieux New England Journal of Medecine publia un article intitulé « Syndrome des habits de l’empereur » dans lequel il expliquait qu’un diagnostic erroné peut être confirmé par plusieurs médecins par « contamination du diagnostic précédent ».

C’est ce qui se passe avec la science économique, tissu d’analyses erronées et terriblement contaminantes. Molière fait dire à Sganarelle à l’attention de ce benêt de Géronte : « Et voici pourquoi votre fille est muette » après un salmigondis incompréhensible. Les économistes et les politiques ne font pas mieux quand ils assènent à la méthode Coué qu’il faut aller chercher La croissance car elle seule nous sortira de La crise. Personne ne comprend mais personne n’a le courage de le dire. Faut-il qu’un enfant vienne réveiller les adultes ?

Parmi les analyses défectueuses de la science économique, la plus criante est probablement celle de la monnaie et, si l’on comprend les angles de vues réduits d’Adam Smith et de Karl Marx, on comprend plus difficilement qu’ils n’aient jamais été remis en cause. A en croire la science économique « au début était le troc et un jour c’est devenu trop compliqué et on a inventé la monnaie ». Si elle avait raison dans sa vue matérialiste et si le troc était au début de tout groupe et avait précédé la monnaie, maman ne ferait l’amour que contre le chèque des courses et papa n’emmènerait les enfants à l’école que s’ils avaient débarrassé la table et fait leurs lits. C’est évidemment faux et pourtant chacun se soumet. Dans la réalité un groupe se constitue pour une raison d’être ensemble. Les individus se rassemblent pour survivre, pour se défendre, pour attaquer, pour se reproduire, pour grandir ou pour voyager. Ce qui réunit les membres du groupe c’est leur vision commune de leur lendemain commun, c’est leur lien social. A l’intérieur de ce lien social on va tout naturellement constater à la fois l’émergence d’une direction, d’une tête, individuelle ou collégiale, ainsi qu’une répartition du travail à faire où chacun fera naturellement ce qu’il sait faire le mieux. Chacun, mu par sa conscience ou par son désir, donnera le meilleur de lui-même et accueillera les autres comme ils sont. L’organisation du groupe se fera autour de la répartition du travail, ce qu’Adam Smith et Karl Marx étudiaient comme la division du travail. Ils le voyaient comme un échange des biens et des services alors qu’il est beaucoup plus fondamentalement un échange des êtres, un don de soi à la collectivité et un accueil de tous les autres. Tout naturellement le groupe s’organisera pour que les besoins divers des uns soient satisfaits par le travail des autres et réciproquement. Chacun contribuera sans rien chiffrer à la réalisation du lien social, à l’harmonie du groupe. Si telle fonction essentielle n’est pas remplie spontanément, la direction utilisera son autorité pour qu’elle ne manque plus. Le groupe ne sera pas dans le troc, il ne sera pas dans l’échange des avoirs mais dans l’échange des êtres, dans le don de soi et dans l’accueil des autres. Il sera dans l’efficacité d’être ensemble, efficacité complexe dont l’échange des biens et des services n’est qu’un regard superficiel. On observe encore aujourd’hui cette sorte de constitution dans toutes les nouvelles associations loi de 1901.

Chacun apportera à la collectivité sa personne, ce qu’il saura faire, ce que son travail passé lui aura appris et ce que son travail présent lui fera réaliser. Il recevra pour cela la part de l’œuvre collective à laquelle il aura droit sur le chemin commun de la réalisation du lien social, du but commun. S’il se relâche plus que de raison, la direction du groupe le rappellera à l’ordre.

Ce don de soi, le don de son énergie individuelle, de son travail, manuel et intellectuel, crée un échange d’énergie entre les membres. Cet échange d’énergie renforce le lien social et soude encore davantage le groupe. Limiter l’échange d’énergie à l’échange des biens et des services est dangereusement réducteur. C’est en réalité beaucoup plus complexe que cela puisqu’il s’agit d’un échange d’énergie humaine.

Les énergies individuelles sont comptabilisées dans la mémoire du groupe et la stabilité sociale exige que l’énergie produite par chaque membre soit équilibrée par rapport aux autres et bien répartie entre chacun. A titre d’exemple, dans une famille on dira à un enfant : « Dis donc, tu pourrais aider ! Tu ne fais rien, tu laisses tout faire aux autres, mets la table et range ta chambre ». L’harmonie du groupe se maintient parce que le pouvoir veille à ce que chacun se dépense. Le pouvoir a la mémoire du travail de chacun.
Mais quand le groupe devient important en nombre, la mémoire du pouvoir perd de son efficacité et la réalité du travail de chacun est de plus en plus difficilement contrôlable. Alors le pouvoir, laxiste ou débordé, se sentant incapable de surveiller la réalité de l’apport de chacun, invente la monnaie La monnaie sera en effet la mémoire du travail passé des membres du groupe. La racine du mot monnaie tout comme le mot monument vient du grec mnêmosunê, « dont on se souvient ». Martin Litchfield West, professeur émérite au All Souls College d’Oxford, nous en explique même la forme causative dans son livre Indo-european poetry and myth paru en 2007 à l’University Press d’Oxford.

« Moneta désigne, nous dit-il, la déesse qui monet, c’est à dire qui fait se souvenir, moneo étant une forme causative de la racine *men-. »

Moneo étant une forme causative, la cause du monument comme de la monnaie est de se souvenir.
Pour ce faire le pouvoir a choisi des matière recherchées, pérennes, rares, divisibles et transportables comme de petits coquillages peu communs, du sel ou plus tard, du bronze, du cuivre, de l’argent ou de l’or. La monnaie sera également la preuve du travail présent car la monnaie force à chiffrer les biens et les services et contraint chacun à gagner son argent. La monnaie devient l’énergie commune, l’énergie sociale.

Cette énergie sociale n’existe que par la reconnaissance par le groupe que la monnaie est accumulation collective des énergies individuelles, cumul du travail des membres du groupe. Chacun sait que l’énergie est toujours très difficilement stockable mais l’homme a réussi à stocker son énergie personnelle dans la monnaie. La monnaie est énergie sociale, substitut de l’énergie humaine. Mais comme ce substitut n’est au départ reconnu que par les membres du groupe, la monnaie est aussi le symbole du lien social dont le pouvoir est garant, ce qui donne à ce dernier le droit de battre monnaie.

Mais battre monnaie ne peut se faire que si parallèlement il y a davantage d’énergie humaine à stocker. Le pouvoir doit vérifier que l’énergie humaine du groupe a véritablement augmenté par le travail ou la procréation. Si ce n’est pas le cas cette fausse monnaie sera automatiquement annulée par deux impôts que le peuple paye : la dévaluation pour ceux qui gardent leur argent et la hausse des prix pour ceux qui le dépensent. M. Asselain, professeur d’économie à Bordeaux IV a donné au ministère des finances le 4 février 2002 une conférence où il rappelait que le franc Poincaré de 1910 n’avait rien perdu pendant plus d’un siècle sur le franc Germinal de 1802 alors que lors du passage à l’euro le franc avait perdu 99,95 % de sa valeur Poincaré. Le XXème siècle a été le siècle de la fausse monnaie occidentale.

Le système capitaliste réussit alors un coup fabuleusement pervers : il fait de ses victimes ses complices. L’épargnant, pour ne pas voir ses économies dévaluées va les placer à intérêt et fabriquer à son tour de la fausse monnaie qui créera une nouvelle dévaluation et une nouvelle hausse des prix. Le consommateur, voyant les prix monter et sachant que son épargne sera dévaluée, va tout dépenser pour le plus grand bonheur du système et qui le félicitera de faire la croissance tant attendue pour enrichir l’Etat et donner de l’emploi.

Le capitalisme n’a jamais accepté l’évidence qu’une énergie ne se multiplie pas d’elle-même. Il est aussi impossible de fabriquer de l’électricité avec de l’électricité que de faire de l’argent avec de l’argent. Toutes les sagesses nous le disent depuis des siècles. Aristote écrivait dans la Chrématistique : « J’ai vainement cherché sur une pièce de monnaie ses organes reproducteurs ». L’Islam condamne la riba, l’intérêt du prêt, l’usure, comme le christianisme et le judaïsme. Luther écrit dans son grand sermon sur l’usure : « Il y a usure dès que l’on demande plus qu’on a prêté ». Les papes Benoit XIV et Grégoire XVI ont mis dans une encyclique : « Si une personne a reçu plus qu’elle n’a donné, elle est tenue à restituer le trop perçu ». Nous, nous avons préféré changer le sens du mot usure et laisser un monde financier lever un impôt privé. Nous commençons à payer notre erreur.

Le bon sens serait de marier l’énergie humaine stockée qu’est la monnaie avec l’énergie humaine vive qu’est le travail pour créer des richesses aux yeux du groupe. L’Etat, pouvant lever l’impôt, pourrait même financer par des prêts à intérêt les activités utiles au groupe. Ce serait moins grandiose que le rêve capitaliste mais tellement plus réaliste.

L’incompréhension de ce qu’est la monnaie entraîne bien d’autres non-sens comme le PIB présenté comme un produit alors qu’il n’est qu’une addition de toutes les dépenses qu’elles soient utiles ou inutiles. On nous fait croire qu’un pays à fort PIB est un pays riche. Ce n’est qu’un pays dont les habitants dépensent beaucoup. Et quand c’est avec de l’argent emprunté à des banques qui le créent, cela fait un pays plus stupide que riche.

Voila pour l’économie mais les contradictions de la pensée occidentale ne se limitent pas à l’économie et la plaque tectonique de notre vanité s’oppose en tous domaines à celle de la réalité.
Pour la gouvernance des peuples « Un homme une voix », base théorique de la démocratie, s’oppose à l’observation que c’est la façon la plus efficace de donner définitivement le pouvoir à l’argent sans possibilité de retour en arrière.
Concernant l’éducation, on l’a limitée à l’instruction alors qu’une accumulation de connaissances savamment sélectionnées n’a jamais généré le discernement qui manque cruellement et qui n’intéresse pas les tenants du système prétendument éducatif.

Ce qui est surprenant c’est que la plupart des dirigeants de la Terre, déformés dans les universités occidentales, se coupent de leurs peuples et de leurs cultures en tentant de suivre notre chemin sans issue parce qu’on les achète avec notre fausse monnaie qu’ils viennent d’ailleurs dépenser chez nous.

Partout les révolutions couvent car les peuples ne peuvent suivre les idéologies mondialistes. Les peuples savent inconsciemment que si nous voulons tous le même pétrole et la même viande nous nous entretuerons pour les posséder dès que le faux argent aura fait long feu. Chaque culture devrait chercher en elle-même comment sauver son peuple de la bêtise capitaliste et de ses valeurs prétendument universelles. Quant à nous la vraie difficulté va être de reconnaître que nous sommes dans un paradigme impossible et que nous avons emprunté une voie sans issue depuis plus d’un siècle. La fuite en avant de notre fausse élite et le bon sens populaire que le concret conserve, vont s’affronter comme on commence à le voir en Grèce. Pour éviter que cela ne se termine en fleuve de sang, nous devons convaincre nos contemporains qu’il est grand temps de se réveiller.

Il m’intéresserait d’avoir des commentaires afin de comprendre pourquoi rien ne bouge.

Nauséabond

Les journalistes adorent ce mot ! Il permet en effet de classer n’importe quoi dans le camp du mal sans avoir à s’expliquer sur le pourquoi. C’est la liberté d’expression du journaliste qui cherche à imposer une idée de rejet sans dire le moindre mot sur les raisons de sa hargne personnelle.

La période électorale lamentable que nous venons de vivre a étalé sur la place publique tous ces mots porteurs de morale dans un monde qui n’en a plus. La classe dirigeante a compris que personne n’est élu sur la raison et que ce sont les sentiments et les besoins qui font l’élection. A partir de là les mots vides de sens que l’on va charger positivement ou négativement, seront les véhicules de la non pensée et de l’affect besogneux.

Nauséabond va généralement avec un rappel plus ou moins discret au nazisme : « Cela nous rappelle les heures les plus nauséabondes de notre Histoire », « en entonnant le refrain nauséabond du « elle n’est pas d’ici » ». Le militant de base recevra 5 sur 5 et dessinera sur les affiches une mèche et une moustache pour exprimer sa compréhension du message. On n’a rien eu à lui dire. Le mot creux a suffi à réveiller son cœur.

Un mot creux peut-être aussi par définition positif et j’ai eu l’occasion sur ce blog de reprendre les explications de Jean Bodin qui au XVIème siècle écrivait que la monarchie, l’aristocratie et la démocratie étaient les trois formes fondamentales de la république, de la chose publique. Mais aujourd’hui nos archontes ont habillé République en y mettant une majuscule et en ont fait la gouvernance non définie mais parfaite puisqu’ils en tiennent les rênes. Si quelqu’un a l’audace de dire que la monarchie est une forme de république, on ne dira pas de lui qu’il est nauséabond car il est difficile de faire un lien avec ce pauvre Adolf, mais on veillera à ce qu’il ne soit pas entendu.

Le mot peut aussi ne pas être creux mais éclairer sans discussion possible la même idée avec une notion de bien ou une notion de mal. Une différence sera distinction si on l’approuve, discrimination si on la désapprouve. Aucun besoin de prendre le risque d’expliquer pourquoi. La seule utilisation du mot permet d’atteindre le sentiment en écartant la raison.

Le pompon est atteint avec les mots « droite » et « gauche » qui ont l’immense avantage de parler au peuple sans rien dire, de créer des guéguerres bien commodes pour occuper le terrain électoral sans prendre le risque d’affronter la réalité. Si nous savons tous que « vita in motu », que la vie est dans le mouvement, nous savons tous aussi que l’harmonie est nécessaire et qu’un équilibre instable comme un château de cartes durera moins qu’un équilibre stable comme un étendage. La raison nous dit que le mouvement et l’harmonie sont à la fois indispensables et inséparables mais il est tellement facile d’aguicher nos rêves et nos peurs et ne voyant l’harmonie que sous la forme de la mort en l’appelant la droite, ou en ne voyant le mouvement que sous forme de désordre en l’appelant la gauche. La mort et le désordre réveillent l’affect et permettent d’inventer des clans avec des fantassins appelés militants qui vont se battre sans savoir qu’ils ne le font que pour le plus grand bonheur de leurs maîtres qui se repassent les postes, « une fois toi, une fois moi ». Et ils ont l’audace d’appeler cela la démocratie ! On comprend pourquoi démagogue n’a plus le même sens que pédagogue.

Et ça, cela donne vraiment la nausée et cela explique que la violence monte et que la classe dirigeante en porte la responsabilité pour une lourde part. Mais je vais être traité de « populiste ». Personne ne m’expliquera pourquoi « populaire » est bien alors que « populiste » est mal, mais on nous aura prévenu : le premier qui dit la vérité doit être exécuté.

République et Démocratie

Les mots de république et de démocratie sont aujourd’hui les « Sésame ouvre-toi »  de la vie publique.

La définition de la démocratie par Abraham Lincoln, reprise comme principe par les constitutions de la République Française de 1946 et de 1958, « gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple », est belle, elle sonne bien mais que recouvre-t-elle ?

La démocratie était à Athènes le vote sur une colline des citoyens regroupés en ecclésia. Les affaires de la cité étaient décidées à la majorité des gens intéressés s’ils étaient des hommes, s’ils étaient libres, s’ils n’étaient pas étrangers à Athènes et s’ils possédaient du blé, du vin ou de l’huile. Sur environ 250.000 Athéniens, il n’y avait guère que 40.000 citoyens dont à peine 6.000 se retrouvaient sur la colline de la Pnyx.

Le mot démocratie, disparaît pendant 20 siècles et réapparaît en 1576 quand Jean Bodin, qui disait avec un immense discernement qu’ « il n’y a de richesse que d’hommes », publie « Les six livres de la République ». Il la définit  comme «  un droit gouvernement de plusieurs ménages, et de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine ». Il voit trois formes de Républiques : la Monarchie où la souveraineté est à un seul prince, la Démocratie dans lequel tout le peuple a part à la souveraineté et l’Aristocratie si « une moindre partie du peuple » y a accès. Bodin ramène toutes les autres formes de républiques à ces trois là. Il prend la république dans son sens latin littéral de res publica, de chose publique, mais qui comprendra aujourd’hui que l’on présente l’aristocratie, la démocratie et la monarchie comme trois formes de république ? C’est pourtant une évidence même si elle est soigneusement cachée.

Le mot démocratie resurgit des deux côtés de l’Atlantique à la fin du XVIIIème siècle, chez des extrémistes violemment combattus par les Républicains américains et les Révolutionnaires français au pouvoir. Que ce soit les Présidents américains ou les Révolutionnaires français, Robespierre ou Sieyès, aucun n’a de mots assez durs pour qualifier la démocratie. Mais un journal de Boston explique en 1850 que « le peuple aime tellement le mot démocratie qu’un parti qui ne l’utiliserait pas n’aurait aucune chance d’être élu ». En France la révolution de 1848 impose aussi le mot qui rentre dans le camp du bien avec une absence de précision qui arrangera tout le monde. Il rejoint sur l’Olympe le mot moderne qui a déjà oublié qu’il ne veut dire qu’« à la mode ».
Aujourd’hui la république est présentée vêtue des valeurs républicaines qui seraient la liberté l’égalité et la fraternité. Ces trois mots ont été petit à petit renforcés par la Déclaration des droits de l’Homme, par la laïcité et par le principe un homme une voix. Mais qui explique que la liberté n’est pas l’individualisme, que l’égalité n’est pas l’identité et que la fraternité n’a rien à voir avec la solidarité ? Qui démontre que la monarchie et l’aristocratie ne seraient plus des formes de République ? Sûrement pas De Gaulle qui disait lors de sa 10ème conférence de presse le 31 janvier 1964 : « Il est vrai que l’autorité indivisible de l’Etat est déléguée toute entière au président par le peuple qui l’a élu, et qu’il n’y en a aucune autre, ni ministérielle, ni civile, ni militaire, ni judiciaire, qui ne puisse être conférée ou maintenue autrement que par lui. ». Sommes nous dans la république de tous, dans la république de certains ou dans la république d’un seul ?

Sur le consensuel flou actuel peut-on construire autre chose qu’une campagne électorale ? Cet ectoplasme non défini pourrait-il vraiment être le roc sur lequel construire durablement ?

Historiquement la démocratie est née à Athènes et la République à Rome. Mais le mot grec et le mot latin ont été récupérés par le XXème siècle pour tisser ensemble une toile de mots, piège à électeurs, fondée sur la séduction et la peur.

Une des trois formes de république vues par Jean Bodin est pourtant particulièrement intéressante, c’est celle qu’il appelle l’Etat populaire et la Démocratie. Elle n’a jamais été véritablement inventée et est à la fois une utopie géniale et un outil méprisable que la classe politique utilise pour tromper le peuple.

Il serait fantastique d’inventer la démocratie, une vraie représentation du peuple qui prendrait les décisions.  Mais il n’y a malheureusement que deux axes de réflexion possibles pour avancer vers ce rêve : le tirage au sort et le permis de voter.  Les deux donneraient vraiment le pouvoir au peuple. C’est pour cela qu’ils ne sont même pas étudiés.