L’homme, la richesse et l’argent

Toute civilisation est fondée sur une approche personnelle du beau, du bien et du vrai. Il en découle sa notion de la justice, combinaison du bien et du vrai, sa notion de la clarté, réunion du vrai et du beau, et sa notion de la richesse, alliance du beau et du bien. Toutes les civilisations cherchent à harmoniser ces trois notions, a rendre vraie la richesse, à rendre belle la justice et à rendre bonne la clarté. Elles appellent toutes cela la prospérité du mot prosper qui veut dire en latin heureux.

Tout groupe, famille association oïkos, se fonde sur le donner-recevoir-rendre qui est, comme le disait Mauss, un « fait social total » juridique, économique, culturel, symbolique et religieux. Ce fait social est au service du groupe et le nourrit. L’échange se fait naturellement, la vérification ne se faisant que par la mémoire et la bonne volonté de tous. La mémoire permet de maîtriser la réalité de l’échange dans le temps et la bonne volonté garantit l’action de chacun.

Lorsque le groupe devient trop important, la mémoire devient inefficace et la bonne volonté incertaine. Le groupe devient société et invente la monnaie qui remplace le donner-recevoir-rendre en étant à son tour le « fait social total » de Marcel Mauss, juridique, économique, culturel, symbolique et religieux.

La monnaie (venant de moneo forme causative de la racine men de la mémoire) a l’immense avantage d’être un titre de créance sur le groupe, titre transmissible et reconnu par tous les membres du groupe mais elle a un immense inconvénient : étant un titre de créance elle doit avoir une raison d’être et cette raison d’être est laissée à l’appréciation des fabricants de la monnaie.

Quand ils sont honnêtes intellectuellement ils ne créent de la monnaie qu’après que des membres du groupe soient devenus créanciers du groupe par leur travail. Quand ils le sont moins ils créent la monnaie avant que quiconque ait travaillé pour le groupe et en soit créancier. Dans ce cas ils ne créent pas de la monnaie pour reconnaître une dette déjà existante mais ils inscrivent une nouvelle créance de même montant à récupérer plus tard.

Dans une société cohérente le groupe, par l’intermédiaire de l’État, introduit la monnaie en distribuant à chacun une même quantité de monnaie en reconnaissance de ce que chacun a déjà apporté au groupe. Ensuite il crée de la monnaie chaque fois qu’il reconnait qu’un individu lui a apporté quelque chose. Il crée donc de la monnaie pour payer ses fonctionnaires comme ses fournisseurs. S’il a trop de fonctionnaires ou s’il dépense trop, il crée trop de monnaie qui ne correspond plus à un vrai travail effectué. La monnaie se dévalorise et le groupe entier en pâtit. Si en revanche l’État limite ses fonctionnaires et ses dépenses au strict minimum et à la réalité de l’apport réel au groupe, la masse monétaire n’augmente que très progressivement et la monnaie peut même se revaloriser au bénéfice de tous. L’État est responsable devant son peuple de sa gestion.

Dans une société incohérente la monnaie n’est plus créée pour reconnaître une dette pour un travail utile déjà effectué mais elle est un prêt, donc accompagnée d’une créance de même montant sur celui à qui le groupe a fait ce prêt. On va inventer, pour justifier cette création monétaire non causée par un travail utile déjà effectué, l’idée de travail utile à effectuer. La création monétaire n’a plus de frein naturel puisqu’elle n’est plus qu’un prêt. On la justifie par les notions fumeuses de création de richesses et d’investissement et dans la réalité elle ne fait que dévaloriser la monnaie et entraîner une hausse permanente des prix. L’État se désengage de sa gestion, laisse aux banques la création de la monnaie et aux entreprises l’exclusivité de l’utilisation des énergies individuelles. Il ne sert plus à rien si ce n’est à faire le beau et à utiliser à mauvais escient la violence légitime qui lui a été confiée. Ainsi naissent les révolutions.

Dans l’attente de cette révolution et l’incohérence régnant, l’État va nier les races, les différentes civilisations, les différences entre l’homme et la femme avec leur complémentarité. Il va faire de la morale pour exister et se donner une raison d’être puisqu’il a abandonné la sienne. Il va à l’extérieur essayer de faire payer sa propre incurie aux autres civilisations en inventant et en sacralisant le commerce international et les causeries entre soi. Il va à l’intérieur tel Don Quichotte attaquer le tabac, l’alcool, la vitesse, la fessée et toutes les formes de violence sauf la sienne. Il va survaloriser les entreprises pour que, par leurs productions elles fassent circuler l’argent en distribuant l’argent de leurs clients à leurs fournisseurs, à leurs salariés, à leurs actionnaires et à l’État, tout en les accusant de laisser des gens au chômage comme si leurs rôles étaient celui de l’État de veiller à ce que chacun soit utile au groupe. Il va faire croire que dépenser de l’argent créé par les banques, c’est créer des richesses. Bref il va tout faire pour engendrer cette révolution qu’il redoute et qui naît de sa propre incohérence.

A propos sommes-nous plutôt dans une société cohérente ou incohérente ?

13 réflexions sur « L’homme, la richesse et l’argent »

  1. La phrase clef de tout le processus de pensée de Marc repose que cette phrase:
    « Toute civilisation est fondée sur une approche personnelle du beau, du bien et du vrai. »
    C’est peut être le cas, mais le drame est que dès qu’un groupe dépasse quelques centaines de personnes, les notions de beau, de bien et même de vrai, hélas ne sont plus les mêmes d’un individu à un autre, du moins s’il n’y a pas une sagesse (soit spirituelle soit plus concrète) qui impose sa propre définition.

    La révolte des GiletsJaunes le démontre de façon évidente

    • C’est tout à fait vrai et c’est pourquoi il n’y a pas de société cohérente sans une spiritualité dominante.

      La laïcité n’est pas une spiritualité alors que, comme l’a très bien vu Mauss, la vraie monnaie remplaçant le donner-recevoir-rendre, outre ses dimensions juridique, économique, culturelle et symbolique, a une dimension religieuse complètement oubliée et pourtant essentielle.

  2. Oui la société marche complètement sur la tête . Il n’y a plus aucun repères du moindre bon sens et toutes les valeurs nécessaires à un équilibre harmonieux sont piétinées par ceux qui devraient en être les garants . L’inversion de cette situation va être une rude tâche car l’effet pervers de cette fausse monnaie maintient un contrôle social via l’endettement de plus en plus important

    • Les Gilets jaunes posent le problème à leur manière mais correctement, ce qui déboussole complètement l’énarchie qui ne peut répondre que bêtement et violemment.

      Nous allons malheureusement l’observer. L’énarchie a déjà mis un second couteau sans aucune morale au ministère de l’intérieur pour qu’il fasse le sale boulot. Elle le sacrifiera le moment venu.

  3. « Toute civilisation est fondée sur une approche originale du beau, du bien et du vrai. Il en découle la justice, combinaison du bien et du vrai, le discernement, réunion du vrai et du beau et la richesse, alliance du beau et du bien. Toutes les civilisations cherchent à rendre vraie la richesse, à rendre belle la justice et à rendre bon le discernement. »

    Malheureusement il n’y a plus aucun discernement, ce qui implique une justice brinquebalante qui produit une richesse idiote, injuste et fausse.

    • …ainsi qu’une clarté inexistante dans un brouillard où il est difficile de se repérer.

      Le monde occidental qui confie ses échanges aux médias et au commerce international en ne les filtrant plus, cherche à imposer à la Terre entière ses notions perdues du beau, du bien et du vrai.

  4. « Tout groupe, famille association oïkos, se fonde sur le cycle donner-recevoir-rendre et redonner … »

    « La mémoire permet de maîtriser la réalité de l’échange dans le temps et la bonne volonté et le contrôle collectif garantit l’action de chacun. »

    • Je pense que pour Marcel Mauss redonner qui est en effet essentiel était compris dans rendre mais il est bon de le souligner.

      De même, pour moi, le contrôle collectif indispensable ne peut exister que si la mémoire peut encore s’exercer et donc, si le groupe reste pas trop nombreux.

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