Les détenteurs de la violence légale

La définition d’un État est la détention de la violence légale sur une population dans un espace donné. Cette violence peut être physique (armée, police) ou cérébrale (justice, impôts). C’est cette violence qui donne apparemment raison à celui qui a le pouvoir de l’actionner et tout naturellement le fossé se creuse entre le philosophe qui cherche la vérité en doutant par définition, et le politique qui se contente de chercher à détenir la violence légale pour avoir raison en se dispensant de douter.

Ceux qui détiennent actuellement le pouvoir d’actionner cette violence sont de plus en plus régulièrement remplacés vu leur inefficacité sans que l’on s’oriente pour autant vers une réflexion philosophique calme sur les raisons de cette inefficacité. Il est plus reposant de les dénigrer et de tout attendre de ceux qui les remplaceront et qui sont auréolés de toutes les vertus avant d’être affligés de tous les vices.

Ne faut-il pas revenir au vieux principe de juger un arbre à ses fruits et regarder les fruits du siècle que l’on affirme être celui des Lumières ? Il a rompu un équilibre multi-millénaire entre le spirituel et le temporel en généralisant ce que le roi d’Angleterre Henri VIII avait initié et qui est la base de l’organisation mentale actuelle anglo-saxonne, la soumission du spirituel au temporel.

Les Lumières nous ont apporté le fascisme pour ceux qui voulaient être reconnus comme les plus beaux, les plus forts et les plus intelligents; le fascisme est mort du mépris des autres. Elles nous ont apporté le communisme pour ceux qui rêvaient par la violence à une absence de violence légale; le communisme est mort par effondrement d’une construction incohérente. Les Lumières nous ont apporté le capitalisme pour ceux qui confondaient le contentement et la richesse et qui pensaient s’enrichir sans appauvrir quiconque en étant contents d’un échange; le capitalisme n’est pas encore mort et c ‘est son agonie et les soins palliatifs mis en place par ses défenseurs qui heurtent tant le bon sens populaire.

La violence légale s’est aujourd’hui mise exclusivement au service du capitalisme. Côté violence physique, les armées veillent à ce qu’aucune autre forme d’organisation sociale ne naisse nulle part sur la Terre pendant que la police contient les interrogations populaires. Mais c’est du côté de la violence cérébrale que le capitalisme désormais sans concurrence fait très fort.

Par un principe de précaution généralisé, fait d’interdictions et d’obligations, et verrouillé par les lois mémorielles, il instaure une violence légale officiellement protectrice et réellement infantilisante qui permet, dans une fausse démocratie, d’acheter moins cher l’affect d’une population à qui l’on affirme donner tout le pouvoir tout en veillant à ce qu’elle ne puisse être informée totalement. Toujours par l’argent, l’information, de plus en plus sous-traitée à la finance, se réduit à un éclairage ostensible, non pas de l’ensemble de la scène mais exclusivement de ce qui doit marquer les esprits, le tri étant fait en amont par l’Agence France Presse.

Cela fabrique tout naturellement une représentation populaire détentrice de la violence légale mais qui ne ressemble en rien au peuple qu’elle est supposée représenter. Le muselage de l’internet par la violence légale est en cours puisque la dissolution de la goutte d’eau dans l’océan ne semble même plus suffire.

Mais le capitalisme fait encore plus fort pour durer par une prise en ciseau des esprits. D’un côté on formate à grand frais les êtres et de l’autre on crée une division totalement artificielle entre ceux qui résisteraient encore au formatage.l

Le formatage se fait pendant de très longues années dans une éducation dite nationale où l’on diffuse que la nation n’existe plus et que la Terre rebaptisée LA planète est le seul espace cohérent d’un capitalisme universel. On fait croire que la dépense, baptisée produit par le PIB, est une création de richesse à se partager et on fabrique de la monnaie pour pouvoir dépenser sans jamais expliquer que la monnaie n’est plus le constat d’une richesse déjà existante mais celui d’un espoir que l’on sait irréalisable mais qu’on implante dans les esprits.

On détourne d’ailleurs l’attention de ce seul problème fondamental en faisant vivre artificiellement les contradictions secondaires. La démocratie dit que la majorité a raison donc on va valoriser toutes les minorités quelles qu’elles soient en les portant toutes au pinacle avec l’aide de la violence légale. On constate une fonte bien réelle des glaciers et on va totalement artificiellement dire que l’homme en est responsable par le CO2. Là, la contradiction est plus subtile car elle est induite sans jamais être formulée. On ne dit jamais que le principal gaz à effet de serre est la vapeur d’eau sous forme de nuages qui garde la nuit la chaleur solaire comme chacun le constate. On ne dit jamais que la Terre a été glaciale et torride bien avant que l’homme n’apparaisse et qu’il est essentiel de comprendre pourquoi avant de chercher ce que l’homme a pu réellement modifier. Il est ridicule de se prendre pour Dieu et vouloir changer le climat quand on n’a encore absolument rien compris au déplacement des anticyclones et que l’on surexploite l’animal, le végétal et le minéral, voire même l’humain que l’on réduit à un consommateur-électeur-spectateur.

Mais pour tous ceux qui résisteraient au formatage et dont on martèle le mépris en les appelants extrêmes ou populistes, le capitalisme et sa violence légale ont réussi le tour de force de les diviser en deux pour qu’ils dépensent l’essentiel de leur énergie à se haïr. On a oublié que les trois moteurs de l’homme sont son cerveau avec sa raison, son cœur avec ses sentiments et son ventre avec ses besoins. La seule différence entre la droite et la gauche est que la droite privilégie la raison et donc l’harmonie alors que la gauche privilégie les sentiments et donc le mouvement. Les deux sont pourtant essentiels et la droite comme la gauche ne sont que deux parties de nous-mêmes qui se dissocient en deux simplismes quand nous sommes fatigués. La force du capitalisme et de sa violence légale est de flatter les besoins pour ne pas laisser se marier la raison et les sentiments. Se crée un fossé totalement artificiel entre Michel Onfray et Eric Zemmour qui disent pourtant grosso modo la même chose avec des mots différents.

L’avenir est entre les mains de la jeunesse dont la fragilité est peu respectée. Pour qui voudrait constater une facette de cette fragilité je propose de lire l’article de Contrepoints Éloge de la mondialisation signé par un jeune étudiant très bien formaté.

8 réflexions sur « Les détenteurs de la violence légale »

  1. Merci encore Marc pour ce flagrant constat qui commence à se structurer dans de plus en plus d’esprits. Si jusque-là pour beaucoup d’entre eux se croyaient être fou, parano ou mytho, ils constatent la cohérence de leur intuition ! Quand une large majorité partage le même diagnostic, alors les solutions sont partagées et deviennent évidentes. Nous nous rapprochons de l’inéluctable mutation du mode de fonctionnement de nos sociétés et la France est en tête de cordée…
    Juste une demande de précision ; si la justice peut être « cérébrale » par ses lourdes procédures et on peut être condamné à 1€ de dommage et intérêt, d’accord, mais, pour ma part, les impôts sont matériels ! On ne les paye pas en allant réciter un poème à l’accueil du Trésor Public…

  2. J’imagine le tollé que va susciter chez nombre de nos contemporains ces quelques vérités à propos des Lumières.
    Cela procure un plaisir très intellectuel comme le reste de l’article pour lequel, bien que vous puissiez en avoir, je suis dans l’incapacité d’apporter une critique, fût-elle constructive. Merci.

  3. Les américains ont le 2e amendement exactement pour cette raison. Les citoyens ont le droit de se révolter contre un état qui ne respecterait plus le bon sens.

  4. Marc, ton article est remarquable (même si, hélas, il ne sera sans doute pas remarqué)
    Cela étant, comment lutter contre le capitalisme triomphant, dernier avatar des Lumières, après le nazisme et le communisme, alors que les « Lumières » sont présentées comme le Nec Plus Ultra de la pensée occidentale, et même humaine, tant qu’à faire!

    • En redonnant au spirituel sa place difficile et souvent conflictuelle avec le temporel, sans se soumettre ni dominer.

      La soumission anglo-saxonne du spirituel au temporel qui inonde tout actuellement est l’ennemie à combattre. Cela devrait être d’autant plus facile que le temporel est complètement perdu.

      Mais le spirituel chrétien qui a confondu laxisme et pardon, n’est plus attractif et c’est l’islam radical qui n’est pas laxiste et qui fait des adeptes.

  5. « Mais le spirituel chrétien qui a confondu laxisme et pardon, n’est plus attractif et c’est l’islam radical qui n’est pas laxiste et qui fait des adeptes. »

    Cette islam radical comme vous dites est a ranger du coté de la violence capitaliste néo libérale ! c’est le 0.00001 %. Et comme tout radicalisme son objectif est bien d’imposer par la force et la violence. J’irais même jusqu’à penser que ce radicalisme religieux est au service du capitalisme néo-libéral. C’est une violence qui hante les esprits des 99.99999 % un poison subtil de peur qui les maintient dans la soumission. Un syndrome de Stockholm. Une zombification de masse en quelque sorte.

    • C’est le lot de toutes les religions de se voir accusées d’être « un poison subtil de peur qui maintient (les peuples) dans la soumission ».
      Mais elles sont toutes aussi vecteurs de spiritualité.

      Je suis en tant que voyageur très respectueux de l’islam en terre d’islam mais la France est une terre chrétienne qui doit respecter ses minorités sans s’en laisser déborder.

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